AUDITION DE MME MICHELLE GOBERT,
AGRÉGÉE DES FACULTÉS DE DROIT,
PROFESSEUR ÉMÉRITE DE L'UNIVERSITÉ
PANTHÉON-ASSAS (PARIS II)

_____

A titre liminaire, Mme Michelle Gobert a indiqué avoir conservé son nom de jeune fille et ne pas approuver, à titre personnel, la proposition de loi relative au nom patronymique adoptée par l'Assemblée nationale.

Expliquant que les parents pourraient désormais choisir la dénomination de leur enfant entre le nom du père, celui de la mère ou les deux noms accolés, elle a relevé que ce choix ne s'exercerait que pour le premier enfant, compte tenu de l'obligation de l'unité des fratries. Tout en s'interrogeant sur l'opportunité de procéder à une réforme en ce domaine, elle a exposé que le contexte actuel de revendication d'une plus grande égalité entre les hommes et les femmes expliquait la remise en cause de la règle en vigueur de la transmission automatique du nom paternel à l'enfant.

Se déclarant favorable à l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les régimes matrimoniaux comme dans l'éducation des enfants mineurs, Mme Michelle Gobert a fait part de sa plus grande réserve quant à l'application d'un tel principe aux règles de dévolution du nom patronymique ou d'exercice de l'autorité parentale.

Evoquant l'utilisation restée très confidentielle du nom d'usage introduit par l'article 43 de la loi de décembre 1985, permettant d'accoler le nom du parent n'ayant pas été transmis à l'enfant, elle a estimé que la proposition de loi ne répondait pas à une véritable aspiration.

Elle a salué le travail législatif accompli à l'époque, précisant qu'il avait été considéré comme le moyen pour l'avenir d'effectuer un sondage en grandeur nature des attentes des Français et de départager les partisans et les opposants de la réforme du régime du nom patronymique.

Mme Michelle Gobert a mis en lumière le paradoxe selon lequel la majorité des femmes souhaiteraient transmettre leur propre nom, alors qu'elles portent celui de leur mari, relevant qu'une pratique contraire aurait accordé un plus grand crédit à une telle revendication.

Analysant les conséquences de la réforme proposée, elle s'est inquiétée des risques de désordre dans les familles résultant du choix par les parents du nom de l'enfant, alors qu'actuellement l'automaticité de la règle ne générait aucune discussion.

Mme Michelle Gobert a estimé que la transmission du double nom ne poserait pas de difficultés à la première génération, tout en estimant paradoxal que les mères ne transmettent alors que le nom de leur père. Elle a exposé les difficultés auxquelles seraient confrontées les générations suivantes, les parents portant un nom double devant alors abandonner un de leurs deux noms, démarche qui provoquerait de nouvelles tensions familiales. Elle s'est inquiétée de la multiplication des occasions de conflits liés au nom et des risques d'une surcharge de l'activité déjà élevée du contentieux en matière familiale.

Mme Michelle Gobert a en outre mentionné le coût non négligeable induit par cette réforme pour le traitement informatisé des doubles noms devenus plus nombreux, ainsi que le problème technique de l'allongement des saisies en matière informatique, compte tenu de la banalisation du double nom.

Tout en insistant sur le défaut de pertinence de cette réforme et la nécessité de maintenir le droit actuel de dévolution du nom patronymique, elle s'est néanmoins déclarée favorable à la possibilité d'autoriser chaque individu à substituer à son nom de naissance celui qui ne lui a pas été transmis, le principe de la liberté individuelle devant prévaloir sur une conception quelque peu primaire selon elle de l'égalité des sexes. Elle a également fait valoir l'opportunité d'une simplification de l'actuelle procédure administrative de changement de nom.

M. Jacques Larché, président, ayant relevé l'intérêt de cette solution alternative, Mme Michelle Gobert a précisé qu'à partir d'un certain âge laissé à la détermination du législateur, chaque personne pourrait substituer à son patronyme le nom de sa mère ou d'un aieul dont le degré serait à définir.

En réponse à l'observation de M. Jacques Larché, président, selon laquelle la réforme proposée risquait de fragiliser les lignées paternelles, Mme Michelle Gobert a confirmé qu'elle pourrait aboutir à l'impossibilité pour les petits-enfants de porter le nom de leur grand-père. Elle a mis l'accent sur l'intérêt du maintien d'un régime de dévolution du nom patronymique correspondant à une tradition et une pratique bien ancrées.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a à son tour marqué sa préférence pour un système dans lequel la possibilité de choix serait offerte à l'enfant et non aux parents, estimant que cette solution permettait d'assurer une plus grande égalité, chaque individu pouvant user librement de cette faculté.

Mme Michelle Gobert et M. Henri de Richemont, rapporteur, sont convenus que cette proposition de loi maintenait une inégalité de traitement entre les enfants naturels et les enfants légitimes, les enfants de parents non mariés pouvant se voir attribuer un nom en vertu soit des nouvelles règles de triple option soit de la règle automatique de préférence chronologique, selon laquelle l'enfant porte le nom du parent qui l'a reconnu en premier lieu, tandis que pour les enfants de parents mariés, ces derniers ne pourraient se soustraire au système du choix. Elle s'est inquiétée des conséquences de ce nouveau régime de dévolution qui risquerait de dissuader les couples de se marier pour se soustraire à la nécessité de choisir le nom de leur enfant.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page