III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Votre commission des Lois, fidèle à l'esprit des lois de 1985, a fait le choix du maintien de professions réglementées rigoureusement encadrées et du rejet d'une réforme ponctuelle du droit des procédures collectives .
Si votre commission des Lois approuve le renforcement du cadre légal applicable aux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises, elle rejette les excès de rigueur résultant de certaines dispositions du projet de loi initial mais surtout du texte adopté par l'Assemblée nationale qui conduiraient rapidement à la disparition de ces professions réglementées, contrairement au choix effectué dès 1955 et consacré par le législateur en 1985. Elle refuse, en conséquence, l'ouverture externe qui est proposée qui consacre une situation de concurrence déloyale et souhaite revenir sur un certain nombre de dispositions dont le caractère excessif jette le discrédit sur des professions pourtant chargées d'assumer des mandats de justice.
A. LE REFUS D'UNE OUVERTURE EXTERNE QUI CONDUIRAIT À LA DISPARITION DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale consacre une situation de concurrence déloyale. En effet, les sujétions auxquelles sont soumises les personnes non inscrites sont moins pesantes que celles qui s'imposent aux professionnels inscrits .
Il y a tout d'abord une incohérence à déclarer incompatibles les professions d'administrateur et de mandataire judiciaires avec toute autre profession et, parallèlement, d'ouvrir largement la possibilité d'exercer les fonctions d'administrateur et de mandataire judiciaire aux autres professions , la seule exclusion absolue imposée par l'Assemblée nationale concernant les avocats. En outre, les non inscrits échappent au dispositif renforçant les incompatibilités avec certaines fonctions ou activités, qu'il s'agisse des fonctions d'associé dans certaines sociétés, des fonctions de direction de sociétés ou encore l'exercice d'une activité de consultation ou d'un mandat amiable. Sur ce dernier point, la situation serait d'autant plus aberrante que les administrateurs et mandataires judiciaires sont des acteurs majeurs de la prévention des difficultés des entreprises et que faire du mandat ad hoc ou de la conciliation des activités seulement accessoires apparaît comme un non sens.
Par ailleurs, les professionnels inscrits sont soumis à des sujétions auxquelles échappent les personnes désignées hors liste : il s'agit en particulier des conditions de sélection auxquelles ils sont soumis (création d'un examen d'accès au stage, stage professionnel et examen d'aptitude, obligation de formation continue), de la limite d'âge qui leur serait désormais imposée et de la déclaration d'intérêts .
Ainsi, les garanties offertes avec des personnes choisies hors liste sont bien moindres qu'il s'agisse de la qualification professionnelle, des contrôles exercés puisqu'ils ne sont pas soumis à la surveillance du conseil national mais à de simples inspections occasionnelles, des risques de conflits d'intérêts puisque le respect par eux des obligations légales ne peut faire l'objet que d'une simple déclaration et n'est pas sanctionné par d'éventuelles poursuites disciplinaires, ou encore des garanties financières . Sur ce dernier point en effet, la solidarité financière imposée aux professionnels inscrits via la caisse de garantie susceptible d'appeler des compléments de cotisation en cas de sinistre important ne joue pas pour les personnes choisies hors liste. Le recours à ces personnes serait donc nettement moins sécurisé.
Ainsi, le dispositif proposé crée une véritable rupture d'égalité entre professionnels inscrits et personnes choisies hors liste qui remet en cause le caractère constitutionnel de l'ouverture proposée. Seule apparaît compatible avec les exigences constitutionnelles une ouverture limitée, conçue comme une souplesse dans l'esprit de 1985 10 ( * ) . Votre commission des Lois vous proposera donc d'en revenir à cette conception de l'ouverture, tout en conservant les critères et les garanties ajoutées par le projet de loi initial.
* 10 JO Débats Sénat du 10 octobre 1984, page 2565 : M. Robert Badinter, garde des sceaux, expliquait : « Nous avons voulu prévoir le cas, non pas d'un nombre insuffisant d'administrateurs judiciaires, mais d'une affaire exceptionnelle -il s'en présente dans l'activité économique- où il faut pouvoir, pour administrer une affaire d'importance dans laquelle la compétence requise est aussi exceptionnelle, sortir du cadre de la profession. Là réside la souplesse que nous cherchons. »