TITRE
II
-
QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ
-CHAPITRE
PREMIER
--
Compétence professionnelle
Art. 32
(art. L. 4113-14 nouveau du code de la santé
publique)
Suspension immédiate, en cas de danger grave pour les
patients, de l'activité d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou
d'une sage-femme par le représentant de l'Etat dans le
département
Objet : Cet article institue une procédure de suspension temporaire du droit d'exercer une profession médicale, à l'initiative du préfet, en cas d'urgence et de danger grave.
I - Le dispositif proposé
Cet article tend à insérer un nouvel article L. 4113-14 dans le code de la santé publique, au sein du chapitre relatif aux règles d'exercice des professions médicales.
Il introduit une nouvelle procédure d'urgence permettant une suspension temporaire du droit d'exercer des professions médicales en cas de danger grave pour le patient.
A l'heure actuelle, lorsque la poursuite de leur exercice expose les patients à un danger grave, les membres des professions médicales peuvent faire l'objet d'une suspension du droit d'exercer prononcée par les instances ordinales.
Il peut d'abord s'agir d'une mesure disciplinaire, l'interdiction ayant alors une portée temporaire ou définitive. Il peut également s'agir d'une mesure administrative, lorsque le danger est dû à une infirmité ou à un état pathologique du professionnel.
Toutefois, dans les deux cas, la procédure actuelle ne prend pas en considération l'urgence et la nécessité de garantir au plus vite la sécurité des patients. Les délais s'écoulant entre le déclenchement de la procédure et la suspension effective apparaissent en effet très longs. Ainsi, en matière disciplinaire, le délai de traitement moyen d'une affaire était de près de neuf mois en 2000.
La nouvelle procédure proposée par cet article cherche à mieux prendre en compte l'urgence pour renforcer la sécurité des patients.
Ainsi elle autorise le représentant de l'Etat dans le département à suspendre immédiatement, et de sa propre initiative, le droit d'exercer d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme à une double condition : l'urgence et le risque d'un danger grave pour les patients. La durée maximale de cette suspension est de cinq mois.
Le préfet doit alors saisir immédiatement les instances ordinales qui doivent statuer définitivement dans un délai de quatre mois.
La procédure est ici fonction de la nature du danger.
Si celui-ci est lié à une infirmité ou à un état pathologique du professionnel, le président du conseil régional ou interrégional, informé par le préfet, saisit ce même conseil qui a deux mois pour statuer. En l'absence de décision dans ce délai, l'affaire est portée devant le conseil national qui a, à son tour, deux mois pour statuer.
Si le danger est d'une autre origine, le président du conseil régional ou interrégional, informé par le préfet, saisit la chambre disciplinaire de première instance qui a deux mois pour statuer. A l'issue de ce délai, et en l'absence de décision, l'affaire est portée devant la chambre disciplinaire nationale qui a également deux mois pour statuer.
Dans les deux cas, le conseil départemental est informé.
Cette nouvelle procédure prévoit en outre quelques garanties pour les professionnels dont le droit d'exercer a été suspendu.
D'une part, le représentant de l'Etat dans le département doit entendre l'intéressé dans les trois jours suivant sa décision de suspension, suspension à laquelle il peut d'ailleurs mettre fin à tout moment.
D'autre part, si les instances nationales n'ont pas statué dans un délai global de quatre mois, la mesure de suspension est automatiquement levée.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a, sur proposition de sa commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, et en accord avec le Gouvernement, adopté deux amendements.
Le premier modifie les conditions de saisine des instances ordinales. Il supprime l'intervention du président du conseil régional et charge le président du conseil départemental, initialement simplement informé par le préfet, de saisir le conseil régional ou interrégional ou la chambre disciplinaire.
Le second prévoit, pour le préfet, une obligation d'information de la caisse primaire d'assurance maladie dont dépend le professionnel concerné par la décision de suspension.
III - La position de votre commission
Votre commission ne peut que s'associer à l'économie générale de cette nouvelle procédure. Elle considère en effet nécessaire de mieux prendre en compte les exigences de l'urgence pour garantir la sécurité des patients face à des professionnels pouvant les exposer à des dangers graves.
Pour autant, elle estime que la rédaction actuelle ne permet sans doute pas d'atteindre l'équilibre optimal entre les deux exigences qui sont ici à concilier : la sécurité des patients et les garanties accordées aux professionnels.
A l'inverse de M. Bernard Charles, rapporteur de l'Assemblée nationale, qui juge que cet article « propose une solution législative au problème dit des « médecins dangereux », protégeant les patients tout en préservant les professionnels concernés d'une procédure abusive » 11 ( * ) , votre commission considère que les garanties prévues par cet article contre les procédures abusives sont insuffisantes.
On peut craindre en effet que les préfets ne soient saisis d'un grand nombre de demandes de suspension et que, du fait de leur connaissance imparfaite des professions médicales et dans un souci d'application large du principe de précaution, ils ne soient tentés de recourir très largement à la suspension du droit d'exercer.
Or le préjudice est considérable pour les professionnels concernés qui ne peuvent exercer leur activité pendant une durée pouvant aller jusqu'à cinq mois et qui sont traduits devant les instances ordinales.
Il est d'autant plus important que l'Assemblée nationale, à l'article 10 du présent projet de loi, a introduit une nouvelle disposition prévoyant la suppression du caractère suspensif de l'appel des décisions des chambres disciplinaires dans le cadre de cette procédure d'urgence.
Certes, ceux-ci peuvent, en application du régime de droit commun applicable aux décisions administratives, saisir le juge administratif d'une demande en annulation de la décision préfectorale. Mais l'encombrement actuel des tribunaux administratifs réduit d'autant les garanties offertes par la procédure contentieuse de droit commun.
Ceux-ci peuvent également saisir le juge des référés pour suspendre la décision dans l'attente du jugement comme le prévoient les nouvelles dispositions du livre V du code de justice administrative.
Il reste que, dans le cas présent et en l'absence de toute précision, cette procédure de référé demeure juridiquement fragile. On ne sait en effet s'il s'agirait de la procédure de droit commun prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative qui ne fixe aucun délai pour que le juge se prononce en référé ou de celle visée à l'article L. 521-2 qui n'accorde que 48 heures au juge pour se prononcer lorsque la sauvegarde d'une liberté fondamentale est en cause. Or, on ne sait en effet pour l'instant avec certitude, en l'absence de toute jurisprudence, si la suspension du droit d'exercer sa profession serait considérée comme une atteinte à une liberté fondamentale.
Dans ces conditions et pour lever toute ambiguïté, votre commission vous propose un amendement autorisant expressément la possibilité de saisine du juge administratif en annulation de la décision préfectorale, le juge statuant alors en référé dans un délai maximal de quarante-huit heures.
Votre commission considère également nécessaire de préciser, par amendement , la procédure prévue en cas de suspension de la suspension.
Dans sa rédaction actuelle, le présent article prévoit que le préfet doit informer le conseil départemental ou régional de l'ordre des médecins lorsqu'il met fin à sa décision de suspension du droit d'exercer d'un médecin en cas de danger grave et d'urgence.
Cette rédaction n'est pas satisfaisante.
D'une part, l'information doit également viser les chambres disciplinaires compétentes et les organismes d'assurance maladie.
D'autre part, la rédaction proposée laisse suggérer que seule la procédure administrative (en cas d'infirmité ou de pathologie du professionnel) se poursuit et non la procédure disciplinaire, alors que la procédure doit logiquement se poursuivre devant toutes les instances ordinales qu'elles soient administratives ou disciplinaires, poursuite de la procédure qu'il n'est d'ailleurs pas nécessaire de préciser dans la loi.
Par ailleurs, votre commission juge souhaitable de mieux encadrer, par amendement , le champ du décret d'application du présent article.
Il est en effet prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les règles de procédures nécessaires à l'application de ce nouveau dispositif de suspension administrative du droit d'exercer d'un médecin.
Mais, s'agissant d'une procédure visant une liberté fondamentale, c'est à la loi de fixer ces règles de procédure. Elles sont d'ailleurs suffisamment précisées par le présent article et par les autres modifications que vous propose votre commission pour qu'il ne soit pas, sur ce point, nécessaire de recourir au décret.
En revanche, le décret pourrait préciser les autres modalités d'application de l'article.
Votre commission vous propose enfin d'adopter un amendement visant à préciser le champ des organismes d'assurance maladie informés par le préfet de sa décision de suspension. Cette information ne peut se limiter aux seules caisses primaires d'assurance maladie, mais doit logiquement concerner l'ensemble des organismes gestionnaires des régimes de base d'assurance maladie en relation avec le professionnel.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 33
(art. L. 4121-2 du code de la santé
publique)
Attribution aux ordres nationaux des médecins,
des
chirurgiens-dentistes et des sages-femmes
d'une mission de garantie des
compétences des professionnels
Objet : Cet article vise à confier aux ordres des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la nouvelle mission de veiller à la compétence des professionnels médicaux.
I - Le dispositif proposé
Cet article tend à compléter l'article L. 4121-2 du code de la santé publique qui définit les missions générales des ordres des professions médicales.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 4121-2 prévoit que les trois ordres « veillent au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire ou de la profession de sage-femme(...) ».
Le présent article adjoint à ces principes, au maintien desquels les ordres sont chargés de veiller, celui de compétence.
Il a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.
II - La position de votre commission
Votre commission observe que cette mission, pour les ordres, de veiller à la garantie des compétences, n'est pas nouvelle. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant, tant la compétence médicale apparaît être la première exigence de la morale professionnelle.
Ainsi, l'article 11 du code de déontologie des médecins dispose que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances », alors que l'article L. 4121-2 charge l'ordre de veiller à l'observation des règles édictées par le code de déontologie.
De fait, le présent article a principalement pour objet de donner une valeur législative à cette exigence d'entretien et de perfectionnement de la compétence professionnelle 12 ( * )
Une telle disposition apparaît néanmoins cohérente avec l'extension du rôle que serait amené à jouer l'ordre dans le nouveau dispositif de formation continue prévu à l'article 40 du présent projet de loi.
Votre commission constate également que le présent article confie à l'ordre la mission de veiller au maintien du « principe de compétence », et non celle de veiller au maintien de la compétence. Une telle distinction ne semble pourtant pas devoir impliquer de conséquences pratiques.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article additionnel après
l'article 33
(Article L. 4231-1 du code de la santé
publique)
Attribution à l'ordre national des pharmaciens
d'une
mission de garantie des compétences
Objet : Cet article additionnel vise à confier à l'ordre national des pharmaciens la nouvelle mission de veiller à la compétence des pharmaciens.
L'article 33 du présent projet de loi charge les ordres des professions médicales de veiller au maintien de la compétence de ses membres.
De la même manière, l'article 49 du présent projet de loi confie au nouvel office des professions paramédicales la tâche de veiller au maintien des connaissances professionnelles.
Dès lors, il apparaît pour le moins étonnant que, par cohérence, le projet de loi n'étende pas également expressément cette mission à l'ordre national des pharmaciens dont les missions générales sont définies à l'article L. 4231-1 du code de la santé publique.
Le présent article additionnel vise à corriger cet oubli.
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.
Art. 33 bis (nouveau)
(art. L. 4321-1 du code de la santé
publique)
Possibilité accordée aux
masseurs-kinésithérapeutes
de prescrire des dispositifs
médicaux
Objet : Cet article vise à autoriser les masseurs-kinésithérapeutes à prescrire des dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur profession.
I - Le dispositif proposé
Cet article additionnel, issu d'un amendement présenté par le Gouvernement, a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale. On observera à ce propos que M. Bernard Charles avait présenté, lors de l'examen du projet de loi par la commission des Affaires culturelles, un amendement similaire qui, bien qu'adopté par la commission, n'a pas été examiné en séance publique.
Il modifie l'article L. 4321-1 du code de la santé publique qui dispose, dans son dernier alinéa, que « lorsqu'ils agissent dans un but thérapeutique, les masseurs-kinésithérapeutes ne peuvent pratiquer leur art que sur ordonnance médicale ».
Le présent article ne revient pas sur l'exigence d'une ordonnance médicale pour les interventions à but thérapeutique. Il introduit simplement, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un droit de prescription, dans leur champ de compétence, des dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur profession.
Les dispositifs médicaux concernés seraient, selon les propos de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, « le matériel, les produits et les petits appareils requis pour les soins que dispense le professionnel paramédical en l'absence du médecin ». 13 ( * )
La liste de ces dispositifs sera fixée par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l'Académie nationale de médecine.
II - La position de votre commission
Jusqu'à présent, le droit de prescription reste une prérogative réservée aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes et, dans une moindre mesure, aux pédicures-podologues.
Il n'est pourtant pas illogique d'étendre ce droit aux masseurs-kinésithérapeutes pour les dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur profession.
C'est un moyen, pour les professionnels concernés, d'améliorer leur participation au fonctionnement du système de santé et de mieux voir reconnaître leur rôle et leurs compétences.
On peut ainsi légitimement penser que les masseurs-kinésithérapeutes sont souvent plus en mesure que les médecins de connaître les dispositifs nécessaires au rétablissement du patient.
C'est également, pour les patients, une mesure utile de simplification car ils n'auront pas à retourner chez le médecin pour se faire prescrire les dispositifs adaptés.
Votre commission observe d'ailleurs que cette disposition reprend une des propositions formulées dans le rapport de Mme Anne-Marie Brocas, en 1998, sur l'exercice libéral des professions paramédicales :
« Sauf indication expresse du médecin, le paramédical prescrit les matériels, produits et petits appareils requis par les soins qu'il dispense (tels sondes, pansements, appareils de contention, pommades...). Cette prescription, faite aujourd'hui par le médecin, n'est pas toujours à même de déterminer ce qui sera le mieux adapté aux soins que le paramédical effectue et au malade qui les reçoit ».
Votre commission ne peut donc qu'être favorable au dispositif proposé.
Pour autant, elle vous propose d'adopter un amendement de précision afin de mieux définir le champ de ce nouveau droit de prescription.
Certes, la liste des dispositifs sera fixée par arrêté, après avis de l'Académie nationale de médecine.
Il semble pourtant souhaitable, au-delà de cette délimitation très générale, d'introduire une possibilité de délimitation de ce droit pour chaque cas particulier en fonction des pathologies rencontrées et des particularités de chaque patient, sous le contrôle du médecin traitant.
Votre commission vous propose alors de n'ouvrir ce droit de prescription des masseurs-kinésithérapeutes qu'après avis du médecin qui serait justifié par la situation du patient.
M. Bernard Kouchner semble d'ailleurs partager cette analyse puisque, lors des débats à l'Assemblée nationale, il a indiqué que ce droit de prescription du masseur-kinésithérapeute est ouvert « sauf indication expresse du médecin » 14 ( * ) . Il vous est donc proposé d'introduire cette précision dans la loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 34
(art. L. 1414-1, L. 1414-2, L. 1413-3-1 et
L. 1414-3-2 nouveaux,
L. 1414-6, L. 1414-9 du code de la
santé publique)
Elargissement de la mission d'évaluation de
l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé (ANAES)
et modification de la composition de son conseil
d'administration
Objet : Cet article a un double objet. D'une part, il élargit les missions de l'ANAES. D'autre part il prévoit une représentation des usagers au conseil d'administration de l'agence.
I - Le dispositif proposé
A sa création en 1996, l'ANAES s'est vu confier deux missions principales :
- mettre en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements publics et privés de santé.
- favoriser le développement de l'évaluation des soins et des pratiques dans les secteurs hospitaliers et ambulatoires.
L'ANAES L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) a été créée par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée. Il s'agit d'un établissement public de l'Etat à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Le décret du 7 avril 1997 a précisé l'organisation, le fonctionnement, ainsi que le rôle de cette agence. L'ANAES reprend, en les élargissant, les missions de l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM). Les missions de l'ANAES Au titre de sa mission d'évaluation , qui concerne les domaines ambulatoire et hospitalier, elle est chargée d'élaborer ou de valider des recommandations de bonne pratique clinique et des références médicales ou professionnelles en matière de prévention, de diagnostic ou de thérapeutique, d'élaborer ou de valider des méthodes d'évaluation, de réaliser ou de valider des études d'évaluation technologique. Elle peut également être chargée de l'évaluation d'actions et de programmes de santé publique. L'agence donne un avis sur les actes, prestations, fournitures avant leur prise en charge ou leur remboursement par l'assurance maladie, à l'exception du médicament. Au titre de sa mission d'accréditation , elle est chargée de l'élaboration et de la validation des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles ainsi que de la mise en oeuvre de la procédure d'accréditation des établissements de santé publics et privés et des organismes mentionnés à l'article L. 710-5 du code de la santé publique (réseaux de soins et groupements de coopération sanitaire). L'organisation de l'ANAES L'agence est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général. Elle dispose d'un conseil scientifique et d'un collège de l'accréditation. Le conseil d'administration adopte le budget de l'Agence, approuve les comptes et le règlement intérieur, fixe le programme annuel et pluriannuel des travaux d'évaluation et d'accréditation et en suit l'exécution. Il est composé de 32 membres titulaires, dont notamment des personnels médicaux, paramédicaux, techniques et administratifs, des représentants de l'État et des organismes d'assurance maladie et des organismes mutualistes, ainsi que des personnalités qualifiées. Le conseil scientifique , instance d'expertise, de conseil et de proposition, veille à la cohérence de la politique scientifique de l'agence. Il fonctionne en assemblée plénière et en sections (Évaluation et Accréditation) qui comportent chacune 18 membres titulaires, choisis notamment pour leur compétence dans le domaine de la qualité des soins et des pratiques professionnelles, de l'évaluation et de la recherche médicale. Le collège de l'accréditation , composé de 11 membres titulaires, s'assure des conditions de mise en oeuvre du processus d'accréditation, valide les rapports d'accréditation à partir des rapports d'experts et des observations des établissements aux rapports d'experts. Il établit chaque année un rapport annuel d'activité dans lequel il réalise notamment un bilan de la qualité dans les établissements de santé. Source : ANAES |
Le présent article tient d'abord à préciser et à élargir les missions de l'ANAES.
Le paragraphe I, qui modifie l'article L. 1414-1 du code de la santé publique, remplace la référence à l'évaluation des « soins et pratiques professionnelles » par celle à l'évaluation des « « stratégies et les actes à visée préventive, diagnostique et thérapeutique ». Il s'agit ici d'étendre la mission d'évaluation de l'agence aux actions préventives et diagnostiques, au-delà des seules actions thérapeutiques.
Le paragraphe II, qui modifie le même article du même code, confie à l'Agence, au-delà de ses deux missions traditionnelles d'évaluation et d'accréditation, une nouvelle mission « d'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population par le système de santé et de contribuer à son développement ».
Il s'agit ici d'une mission très générale, dépassant de beaucoup l'actuelle mission d'évaluation des soins et des pratiques professionnelles, allant jusqu'à l'évaluation globale de la qualité du système de santé en général et non de certaines pratiques en particulier. En cela, ce paragraphe constitue une base légale à un élargissement considérable de la mission d'évaluation de l'agence.
Le paragraphe III, modifiant l'article L. 1414-2 du code de la santé publique, est de coordination avec le paragraphe I.
Le paragraphe IV , qui modifie également ce même article L. 1414-2, confie à l'ANAES la possibilité de donner un avis sur « les actes, procédés, techniques, méthodes et prescriptions ainsi que sur les règles qui leur sont applicables », cette formulation passablement floue répondant visiblement au souci affiché de permettre une extension de la mission d'évaluation de l'agence.
Le paragraphe V introduit deux nouveaux articles L. 1414-3-1 et L. 1414-3-2 dans le code de la santé publique.
Le nouvel article L. 1414-3-1 précise la nouvelle mission d'évaluation générale de l'agence prévue au paragraphe II du présent article.
A ce titre, elle sera chargée :
- de participer à la mise en oeuvre d'actions d'évaluation des pratiques professionnelles ;
- d'analyser les causes pouvant expliquer « la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé » ;
- d'évaluer, à la demande du ministre chargé de la santé, la qualité des programmes de prévention, de diagnostic ou de soins.
Le nouvel article L. 1414-3-2 a, lui, trait au fonctionnement de l'agence, en favorisant le travail en réseau avec les autres organismes ayant compétence en matière de santé comme l'AFSSAPS, l'AFFSA et l'Institut de veille sanitaire.
Mais le présent article tend également à modifier la composition des organes de l'ANAES afin d'y permettre notamment une représentation des usagers.
Le paragraphe VI , qui modifie l'article L. 1414-6 du code de la santé publique, prévoit la présence de représentants des usagers, membres d'associations agréées dans le cadre de l'article 12 du présent projet de loi au conseil d'administration de l'agence.
Le paragraphe VII , qui modifie l'article L. 1414-9 du code de la santé publique, tend à modifier la procédure de nomination des membres du collège de l'accréditation, en élargissant l'avis formulé par le conseil d'administration sur les propositions du conseil scientifique à l'ensemble des membres du conseil d'administration et non à une partie d'entre eux (représentants des professions de santé et personnalités qualifiées) comme c'est le cas aujourd'hui.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission et avec l'avis favorable du Gouvernement, deux amendements.
Le premier vise à rendre obligatoire la présence de représentants des usagers au sein du conseil scientifique de l'agence.
Le second, dont la rédaction est pour le moins ambiguë, semble vouloir introduire une représentation obligatoire des usagers au sein du collège de l'accréditation, les représentants des usagers étant nommés par arrêté du ministre chargé de la santé.
III - La position de votre commission
Votre commission ne peut que s'associer au souci de renforcer la mission d'évaluation de l'ANAES en matière de santé.
Elle souhaite cependant que le nécessaire développement de cette mission d'évaluation ne se traduise pas par un nouveau ralentissement des procédures d'accréditation des établissements de santé dont votre commission a déjà souligné la lenteur du démarrage. Il semble d'ailleurs que la montée en charge de l'accréditation reste bien lente, seuls quelque 250 établissements (sur un total de près de 4.000) ayant été visités en 2000.
Elle considère également que l'extension des missions de l'ANAES exige une nouvelle réflexion sur le financement de l'agence dont l'Etat se désengage depuis la loi de finances pour 2001 pour en faire porter la charge à l'assurance maladie. Or, en la matière, l'activité de l'agence relève avant tout de la santé publique et donc de la responsabilité financière de l'Etat. Pour autant, et alors même que l'extension des missions de l'ANAES était prévue, la loi de finances pour 2002 n'a prévu qu'une simple reconduction des crédits budgétaires au titre de la subvention à l'ANAES. Dans ces conditions, et en l'absence de moyens supplémentaires, il est à craindre que l'extension des missions de l'ANAES ne soit en définitive entravée en pratique par la contrainte financière.
A l'inverse, l'institution d'une représentation obligatoire des usagers dans les organes de l'ANAES ne peut qu'entraîner un certain scepticisme de votre commission.
Elle observe ainsi que des représentants des usagers siègent déjà, en tant que personnalités qualifiées, au conseil d'administration (un représentant de la Ligue contre le cancer et un représentant des usagers) et au conseil scientifique (un représentant de la Ligue contre le cancer et un représentant de l'Association des paralysés de France).
Le droit existant n'empêche donc aucunement les usagers d'être représentés dans ces organes. Faut-il alors rendre leur représentation obligatoire ?
Votre commission estime qu'une telle obligation doit avant tout s'apprécier au regard des fonctions des différents organes.
A ce titre, il n'est pas illégitime que les usagers soient représentés au conseil d'administration, organe directeur de l'agence, à la compétence générale.
En revanche, il semble moins opportun de rendre obligatoire la représentation des usagers dans le conseil scientifique et le collège de l'accréditation, ces organes ayant principalement une vocation scientifique et technique et exigeant en conséquence des compétences adaptées.
Dès lors, votre commission vous propose d'adopter deux amendements supprimant la présence obligatoire des représentants des usagers dans ces deux organes.
Votre commission s'interroge également sur l'opportunité de modifier les conditions de désignation des membres du collège de l'accréditation.
Derrière le souci de « simplification » avancé par le Gouvernement, existe également une transformation profonde de la procédure de nomination. Certes, les membres seront toujours nommés par le ministre chargé de la santé, sur proposition du conseil scientifique de l'agence. Mais l'avis formulé jusqu'à présent par les représentants des professionnels de santé au conseil d'administration est étendu à l'ensemble des membres de ce conseil d'administration.
Or, cette nouvelle procédure, outre qu'elle oblige curieusement les représentants de l'Etat au conseil à donner leur avis sur une décision du ministre, restreint le rôle des professionnels de santé et conduit, en définitive, à transformer quelque peu la nature du collège d'accréditation.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 35
Dispositions de codification
Objet : Cet article est un simple article de coordination.
Cet article vise à introduire, dans le livre III de la sixième partie du code de la santé publique, une nouvelle division dans laquelle seront insérées les dispositions relatives à la chirurgie esthétique.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 35 bis (nouveau)
(art. L. 5322-1 du code de la
santé publique)
Composition du conseil scientifique de l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de
santé (AFSSAPS)
Objet : Cet article vise à rendre obligatoire la représentation des médecins, des biologistes et des pharmaciens au conseil scientifique de l'AFSSAPS.
I - Le dispositif proposé
Cet article additionnel, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et avec l'accord du Gouvernement, a trait à la composition du conseil scientifique de l'AFSSAPS.
Il modifie l'article L. 5322-1 du code de la santé publique et prévoit que le conseil scientifique de l'agence « comprend au moins un médecin, un biologiste et un pharmacien des hôpitaux, praticiens hospitaliers et désignés par leur conseil professionnel ».
Le conseil scientifique de l'AFSAPPS Il veille à la cohérence de la politique scientifique de l'Agence. Il émet des avis sur la politique scientifique de l'établissement. Il comprend huit présidents de commissions scientifiques siégeant auprès de l'Agence, le président du conseil scientifique de l'Institut de veille sanitaire et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, un chercheur de l'Institut national de la santé et un chercheur du Centre national de la recherche scientifique, douze personnalités scientifiques reconnues pour leur compétence dans l'un des domaines d'activité de l'Agence. Le directeur général de la santé et le directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques au ministère chargé de la santé peuvent assister aux séances du conseil scientifique avec voix consultative. Le conseil scientifique a siégé cinq fois en 2000. Source : rapport d'activité 2000 de l'Agence |
II - La position de votre commission
Au-delà de sa place improbable dans le projet de loi (il est situé au sein de plusieurs articles relatifs à la chirurgie esthétique), cet article ne va pas sans susciter une certaine perplexité pour votre commission.
En effet, une disposition similaire avait été introduite à l'Assemblée nationale, lors de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale au printemps dernier à l'initiative de M. Bernard Charles.
Il prévoyait ainsi la présence d'un médecin, d'un biologiste et d'un pharmacien des hôpitaux au sein du conseil d'administration et du conseil scientifique de l'Agence.
A l'époque, le Sénat, à l'initiative de notre collègue Claude Huriet, rapporteur du volet sanitaire de ce texte, avait supprimé une telle disposition au motif qu'elle relevait du domaine réglementaire. Il est vrai que les règles de composition des deux conseils sont fixées par les articles R. 793-3 et R. 793-15 du code de la santé publique, tous deux issus d'un décret du 4 mars 1999.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale avait supprimé conforme une telle disposition, le rapporteur, M. Philippe Nauche, ayant retiré en séance un amendement ne visant plus que le conseil d'administration.
Bien que le présent article soit d'ampleur plus limitée puisqu'il ne concerne plus que le conseil scientifique de l'Agence, votre commission ne peut ici que réitérer la position qui était la sienne. Le présent article reste en effet du domaine réglementaire et apparaît en outre inutile car l'article R. 793-15 du code de la santé publique prévoit que le conseil scientifique est notamment composé de « 12 personnalités scientifiques reconnues pour leurs compétences dans l'un des domaines d'activité de l'Agence ».
A l'évidence, médecins, biologistes et pharmaciens ont alors vocation à faire partie de ces personnalités qualifiées.
Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art. 36
(art. L. 6322-1, L. 6322-2, L. 6322-3
nouveaux
du code de la santé publique)
Encadrement de l'exercice
de la chirurgie esthétique
Objet : Cet article institue une nouvelle procédure d'autorisation préalable des installations de chirurgie esthétique et pose une obligation d'information des patients.
I - Le dispositif proposé
Le paragraphe I de cet article tend à insérer dans le code de la santé publique un nouveau chapitre intitulé « Chirurgie esthétique » et composé de trois nouveaux articles.
Art. L. 6322-1 du code de la santé publique
Autorisation
des structures pratiquant la chirurgie esthétique
A l'heure actuelle, il n'existe aucune réglementation spécifique encadrant l'exercice de la chirurgie esthétique.
Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, « l'activité de chirurgie esthétique s'effectue aujourd'hui souvent sans aucune autorisation préalable. Les dispositions législatives actuelles ne permettent de surcroît ni de contrôler la présence ou l'agencement des moyens matériels nécessaires à la pratique de cette activité, ni la qualification des praticiens, conditions indispensables pour assurer la sécurité des personnes, notamment en matière d'anesthésie. »
Le nouvel article L. 6322-1 tend alors à instituer un nouveau régime d'autorisation des installations de chirurgie esthétique, y compris celles des établissements de santé publics et privés.
Ce nouveau régime repose sur une double obligation :
- l'exigence d'une accréditation des installations.
Cette procédure d'accréditation est celle réalisée par l'ANAES en application de l'article L. 6113-3 du code de la santé publique.
- la délivrance d'une autorisation.
La création de toute installation est soumise à une autorisation préalable de l'autorité administrative territorialement compétente (en pratique, sans doute l'agence régionale d'hospitalisation).
Cette autorisation, à laquelle est subordonnée la possibilité de fonctionner, est accordée pour une durée limitée renouvelable définie par décret (cette durée pourrait être de cinq ans selon les informations obtenues par votre rapporteur).
L'autorisation est accordée après une visite de conformité menée par des inspecteurs de l'autorité administrative.
Ce nouvel article L. 6322-1 prévoit également les cas dans lesquels l'autorisation devient caduque ou est retirée ou suspendue.
Elle est réputée caduque si l'installation n'a pas commencé à fonctionner dans un délai de trois mois ou si elle cesse de fonctionner pendant plus de six mois.
Elle est suspendue ou retirée dans les conditions prévues à l'article L. 6122-13 du code de la santé publique, à savoir en cas d'urgence tenant à la sécurité des malades ou lorsque les conditions techniques de fonctionnement ne sont pas respectées ou en cas d'infraction à la réglementation sur la santé publique.
Enfin, le présent article précise que les actes de chirurgie esthétique n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie.
Art. L. 6322-2 nouveau du code de la santé
publique
Information des personnes recourant à la chirurgie
esthétique
Cet article tend à renforcer les garanties offertes pour les personnes concernées.
D'une part, il instaure une obligation d'information préalable sur les conditions de l'intervention, sur les risques et les éventuelles complications, mais aussi sur les tarifs pratiqués par la remise d'un devis détaillé. On rappellera à ce propos que l'arrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique prévoit déjà la remise au patient d'un devis détaillé, dont le contenu est d'ailleurs précisé, pour toute prestation dont le montant est supérieur à 300 euros.
D'autre part, il introduit un « délai de réflexion » entre la remise du devis et l'intervention pendant lequel aucune contrepartie et aucun engagement ne peuvent être exigés.
Art. L. 6322-3 du code de la santé publique
Décrets
d'application
Cet article prévoit la fixation, par décret en Conseil d'Etat, des conditions d'autorisation des installations et, par décret simple, des conditions techniques de fonctionnement des installations et de la durée du « délai de réflexion ».
Le paragraphe II du présent article détermine les conditions dans lesquelles les installations existantes peuvent continuer à fonctionner.
Il prévoit que les responsables de ces installations bénéficient d'un délai de six mois à compter de la date de publication des décrets d'application pour déposer une demande d'autorisation et autorise ceux-ci à poursuivre leur activité jusqu'à ce qu'il soit statué sur leur demande.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur et avec l'accord du Gouvernement, a adopté un amendement au nouvel article L. 6322-1 afin d'introduire un nouveau cas de retrait de l'autorisation en cas de publicité directe ou indirecte.
III - La position de votre commission
Votre commission observe que le recours croissant à la chirurgie esthétique constaté ces dernières années ne s'est pas nécessairement accompagné d'un renforcement des conditions de sécurité dans lesquelles sont accomplies les interventions. De trop nombreux accidents sont là pour en témoigner. Il est donc légitime, dans un souci d'assurer au mieux la sécurité des patients, d'encadrer les conditions d'exercice de la chirurgie esthétique. Votre commission ne peut alors que souscrire à l'économie générale du présent dispositif.
Votre commission observe cependant que les garanties offertes par le présent dispositif sont parfois moins fortes qu'il n'y paraît, le présent article se contentant de donner force de loi à certaines dispositions pour l'instant réglementaires.
Ainsi, l'interdiction de toute publicité introduite à l'Assemblée nationale n'est pas une totale nouveauté. L'article 19 du code de déontologie médicale interdit en effet déjà la publicité pour les médecins. Il précise que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce » et que « sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité ».
De même, l'obligation de remise d'un devis détaillé était déjà prévue par l'arrêté du 17 octobre 1996.
Votre commission observe également que ce nouveau dispositif intervient peu après l'adoption par le Parlement d'une disposition du projet de loi de modernisation sociale ( art. 59 du texte définitif ) visant à encadrer certaines activités médicales à hauts risques.
Lors de l'examen de ce dernier texte, votre commission avait souhaité obtenir du Gouvernement des précisions quant aux actes et aux pratiques qui seraient susceptibles d'entrer dans le champ d'application de cette disposition 15 ( * ) . Il lui avait alors été répondu que la chirurgie esthétique faisait partie de ces activités.
Dès lors, le présent article ne fait en définitive que compléter les dispositions de l'article 59 de la loi de modernisation sociale. L'article 59 de la loi de modernisation sociale pose des règles relatives à la formation et à la qualification des professionnels, et aux conditions techniques de réalisation des actes mais aussi des règles de bonne pratique après avis de l'ANAES. Le présent article s'attache lui principalement à garantir la qualité et la sécurité des installations pour le seul cas de la chirurgie esthétique.
Dans ce contexte, le présent article apparaît à première vue parachever l'encadrement législatif de l'exercice de la chirurgie esthétique.
Mais, après analyse, le dispositif proposé n'en garde pas moins deux zones d'ombre.
La première concerne la définition de la chirurgie esthétique et donc le champ d'application du présent article.
Or, le présent article n'apporte sur ce point aucune précision. Certes, M. Bernard Charles s'essaie, dans son rapport précité, à une tentative d'énumération des interventions de chirurgie esthétique, précisant qu'« une liste des interventions les plus courantes (...) a été établie 16 ( * ) » sans pour autant indiquer qui a établi cette liste et sans que cette liste apparaisse exhaustive. La réglementation en vigueur, et notamment l'arrêté du 17 octobre 1996, n'évoque d'ailleurs que les actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique sans distinguer les uns des autres.
La seconde zone d'ombre concerne la place des « médecins esthétiques » dans le cadre de nouveau dispositif.
A l'heure actuelle, on estime que 3.500 médecins pratiquent des actes à visée esthétique (principalement les greffes de cheveux et les liposuccions), alors que moins de 500 chirurgiens sont qualifiés par le Conseil national de l'ordre des médecins en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.
Or, force est de reconnaître que le présent article reste sur ce point silencieux. Si on considère que des actes comme la greffe de cheveux ou la liposuccion (qui se font sous anesthésie locale le plus souvent) relèvent de la chirurgie, les médecins pratiquant ce type d'actes seraient alors dans l'impossibilité d'exercer, quand bien même leur compétence serait inattaquable et la sécurité des patients garantie.
Il faut se reporter à l'étude d'impact annexée au projet de loi 17 ( * ) pour trouver la seule référence à ces médecins. Elle indique, en effet que « l'obligation pour les médecins ayant une activité de chirurgie esthétique d'être qualifiés en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique découlera des conditions réglementaires prévues en application du projet de texte de loi ». On ne saurait être plus vague. Non seulement l'étude d'impact n'a aucune valeur juridique, mais le présent article ne prévoit pas un tel décret.
Dans ces conditions, votre commission estime qu'il est nécessaire de préciser au sein du présent article les conditions dans lesquelles les médecins ayant une activité de chirurgie esthétique pourront poursuivre leurs activités. Elle vous présentera donc un amendement en ce sens, renvoyant à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, le soin de déterminer ces conditions.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 37
Dispositions de codification
Objet : Cet article vise à refondre certaines divisions du code de la santé publique par coordination avec les dispositions du présent projet de loi.
Cet article tend à insérer, dans le nouveau titre II « Autres services de santé » du livre III de la sixième partie du code de la santé publique, un nouveau chapitre intitulé « Centres de santé ».
Ce chapitre comprend l'actuel article L. 6147-3 du même code, renuméroté en conséquence.
On rappellera que ce nouveau titre comporte trois chapitres :
- un chapitre Ier intitulé « Réseaux » en application de l'article 57 du présent projet de loi ;
- un chapitre II intitulé « Chirurgie esthétique » en application de l'article 36 du présent projet de loi ;
- un chapitre III créé par le présent article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 38
(art. L. 6324-1 et L. 6324-2 du code de la
santé publique)
Sanctions pénales des infractions aux
dispositions légales
relatives à la chirurgie
esthétique
Objet : Cet article fixe les pénalités encourues en cas d'infraction aux nouvelles dispositions relatives à la chirurgie esthétique.
I - Le dispositif proposé
Cet article insère dans le titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique un nouveau chapitre IV intitulé « Dispositions pénales » et comprenant deux nouveaux articles.
L'article L. 6324-1 nouveau habilite les médecins inspecteurs de la santé publique assermentés à constater les infractions aux dispositions du code de la santé publique relatives à la chirurgie esthétique, en disposant d'un pouvoir d'investigation sur pièce et sur place.
Il habilite également les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à constater les infractions aux seules nouvelles dispositions relatives à l'information des personnes et à la remise d'un devis détaillé.
L'article L. 6324-2 nouveau du même code détermine les sanctions pénales applicables aux infractions en la matière.
Le paragraphe I de cet article punit d'une amende de 150.000 euros le fait d'exercer la chirurgie esthétique sans l'autorisation prévue à l'article L. 6322-1 du code de la santé publique ou en cas de suspension ou de retraite de cette autorisation.
Le paragraphe II punit d'une amende de 30.000 euros le fait de ne pas remettre le devis détaillé, de ne pas respecter le « délai de réflexion » ou d'exiger une contrepartie pendant ce délai.
Le paragraphe III détermine les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales (c'est-à-dire des établissements) pour les infractions définies au présent article.
L'amende encourue par la personne morale est égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques.
En outre les personnes morales sont passibles d'une interdiction définitive ou temporaire d'exercer la chirurgie esthétique, d'une fermeture définitive ou temporaire de l'établissement, la confiscation des équipements et l'affichage de la décision prononcée.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
II - La position de votre commission
Votre commission, par cohérence avec sa position à l'article 36 du présent projet de loi, ne peut être que favorable aux dispositions du présent article qui ne constitue que la conséquence sur le plan pénal des dispositions de l'article 36.
Elle vous proposera cependant d'adopter deux amendements rédactionnels.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 39
(art. L. 5126-1 du code de la santé
publique)
Possibilité de création de pharmacies à usage
intérieur
dans les installations de chirurgie esthétique
Objet : Cet article autorise les installations de chirurgie esthétique à se doter de pharmacies à usage intérieur.
I - Le dispositif proposé
Cet article modifie l'article L. 5126-1 du code de la santé publique relatif aux pharmacies à usage intérieur.
Il prévoit d'abord d'étendre la liste des organismes autorisés à disposer d'une pharmacie à usage intérieur aux installations de chirurgie esthétique.
Il précise ensuite que l'activité des pharmacies à usage intérieur dans les installations de chirurgie esthétique se limite à l'usage particulier des malades.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
II - La position de votre commission
Votre commission ne peut qu'approuver une telle mesure qui va dans le sens de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des interventions de chirurgie esthétique. Il apparaît en effet nécessaire de permettre à ces installations de pouvoir notamment délivrer les médicaments anesthésiques, réservés à l'usage hospitalier, qui sont parfois nécessaires pour pratiquer certaines interventions à visée esthétique.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art.
39 bis (nouveau)
(art. L. 4221-14-1 nouveau du code de la santé
publique)
Conditions d'exercice de la pharmacie ee France par les
ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou
d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique
européen
Objet : Cet article vise à permettre à des pharmaciens d'un autre état-membre de l'Union européenne d'exercer en France, sous conditions, sans détenir les diplômes actuellement requis.
I - Le dispositif proposé
Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, et avec l'accord du Gouvernement. Il vise à autoriser, sous conditions, les ressortissants des Etats de l'Union européenne exerçant légalement la profession de pharmacien dans ces pays à exercer cette profession en France même s'ils ne disposent pas des diplômes requis dans notre pays.
A l'heure actuelle, les conditions d'autorisation d'exercice en France des pharmaciens ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne sont principalement déterminées par les articles L. 4221-4 et L. 4221-5 du code de la santé publique.
Seuls les ressortissants titulaires d'un diplôme français de docteur en pharmacie ou de pharmacien ou d'un diplôme délivré par un autre Etat membre de l'Union européenne répondant aux exigences de formation prévues par la directive du 16 septembre 1985 de reconnaissance sectorielle des diplômes de pharmaciens sont autorisés à exercer la profession de pharmacien en France.
Or, la Cour de justice des communautés européennes considère, dans sa jurisprudence, qu'un Etat de l'Union ne peut priver un migrant de tout droit à exercer librement sa profession sur le seul fondement de la non conformité de son diplôme aux exigences des directives de reconnaissance sectorielle sans apprécier plus avant ses qualifications professionnelles.
Dès lors, la législation française n'apparaît plus conforme à la jurisprudence européenne.
De fait, la commission européenne a engagé, le 21 octobre 1999, une procédure de mise en demeure contre le Gouvernement français afin que celui-ci modifie sa législation en la matière.
Le présent article, qui introduit un nouvel article L. 4221-14-1 dans le code de la santé publique, vise alors à remettre notre législation en conformité avec le droit européen.
Il prévoit d'abord que le ministre chargé de la santé peut autoriser un ressortissant de l'Union européenne à exercer légalement la pharmacie en France s'il n'est pas titulaire d'un diplôme actuellement exigé par le code de la santé publique, mais s'il exerce légalement la profession de pharmacien dans le pays qui lui a délivré le diplôme.
Il définit ensuite la procédure d'autorisation qui s'articule autour de trois exigences :
- une comparaison de la formation suivie et des exigences minimales de formation prévue par la directive de reconnaissance sectorielle ;
- un avis du Conseil supérieur de la pharmacie ;
- une exigence d'expérience professionnelle de six mois à cinq ans.
II - La position de votre commission
Votre commission observe qu'une telle disposition était rendue nécessaire par l'évolution de la jurisprudence européenne et qu'elle s'inspire des procédures dérogatoires d'autorisation d'exercer la profession de pharmacien déjà prévues par le code de la santé publique.
Elle considère à ce titre que la solution proposée répond aux exigences posées par la jurisprudence européenne. Ainsi, elle prévoit une obligation d'examen comparatif des qualifications et une possibilité de mise à niveau. En outre, sans que cela soit expressément prévu mais en conformité avec les principes généraux de notre droit public, elle répond aux obligations de motivation de la décision et d'organisation d'une voie de recours.
Elle vous propose donc d'adopter cet article sans modification.
Art. 39 ter (nouveau)
(article
44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985)
Liste des personnes
autorisées à faire usage du titre de psychologue
Objet : Cet article vise à définir les conditions dans lesquelles l'usage du titre de psychologue est autorisé.
I - Le dispositif proposé
Cet article a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Bernard Charles, rapporteur, avec l'accord du Gouvernement. Il est à noter que, bien que présenté par M. Bernard Charles en tant que rapporteur, cet article additionnel n'a pourtant pas été examiné par la commission des affaires culturelles, ni a fortiori été évoqué dans son rapport.
Il tend à compléter les dispositions législatives actuelles réglementant l'usage du titre de psychologue, en instituant un nouveau régime de déclaration.
Les règles régissant l'usage professionnel du titre de psychologue sont actuellement déterminées par l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et par deux décrets d'application du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes requis et définissant les conditions dans lesquelles certaines personnes peuvent être autorisées, à titre transitoire, à faire usage du titre.
Ainsi, en application du I de l'article 44 de cette loi, « l'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés ».
Le présent article tend à compléter ce I pour ajouter à cette exigence de diplôme une nouvelle obligation d'enregistrement de leur diplôme, auprès du représentant de l'Etat dans le département, dans le mois qui suit leur entrée en fonction. Cet enregistrement sert alors de base à la publication d'une liste des personnes exerçant la profession de psychologue dans le département chaque année.
II - La position de votre commission
Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Bernard Charles a justifié son initiative d'une double manière.
D'une part, elle permettrait d'aligner les conditions d'exercice de la profession de psychologue sur celle des professions de santé. Il est vrai que l'exercice de ces professions exige l'inscription préalable sur une liste départementale. Mais il reste que la profession de psychologue n'est pas considérée comme une profession de santé telle que définie par le code de la santé publique. Il importe donc d'éviter tout amalgame que pourrait alimenter le présent article sur ce point.
D'autre part, elle permettrait de prévenir les usurpations de titre. Déjà, le IV de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 punit de délit d'usurpation du titre de psychologue. Toutefois, ces pénalités restent difficiles à mettre en oeuvre dans la mesure où les contrôles sont délicats en l'absence de recensement des professionnels. Il n'est pourtant pas évident que l'enregistrement sur une liste départementale permette un meilleur contrôle à l'avenir.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 11 Rapport n°3263, titre II, page 11.
* 12 Le code de déontologie est édicté sous la forme d'un décret en Conseil d'Etat.
* 13 Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 4 octobre 2001, JO p. 5520.
* 14 Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 4 octobre 2001, JO p. 5520.
* 15 Voir à ce propos le rapport n° 275 - Tome I (2000-2001) de notre ancien collègue Claude Huriet, p. 132.
* 16 Rapport n° 3263, précité, p. 20.
* 17 Voir tome III (annexe) du présent rapport.