EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
Prorogation
des annexes VIII et X au règlement annexé
à la
convention du 1er janvier 1997 relative à
l'assurance-chômage
I. Texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article issu des conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale reprend les termes de la proposition de loi déposée le 21 novembre 2001 par MM. Jean-Marc Ayrault, Jean Le Garrec, Marcel Rogemont et les membres du groupe socialiste et apparentés.
On rappellera que la commission avait également examiné une proposition de loi déposée par MM. Robert Hue, Jean Dufour et Christian Cuvilliez relative à l'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel.
Cette dernière proposition de loi suggérait une solution différente pour conforter le droit à l'assurance chômage des intermittents. Elle tendait en effet à modifier l'article L. 351-8 du code du travail afin de consacrer dans la loi l'existence d'annexes à la convention générale et, en conséquence, de prévoir qu'à défaut d'accord sur ces annexes ou d'agrément de ces annexes, les règles du régime d'assurance chômage étaient fixées par décret.
Ce dispositif ne permettait pas de remédier à la difficulté résultant de l'absence d'accord sur les modalités d'assurance chômage des intermittents dans la mesure où il se bornait à mentionner l'existence d'annexes sans pour autant en préciser l'objet.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale apparaît plus prudente dans la mesure où elle ne modifie en rien les dispositions du code du travail relatives à l'indemnisation du chômage et ne remet donc pas en cause les compétences qu'elles accordent aux partenaires sociaux pour en déterminer les modalités d'application.
L'article unique a pour objet de proroger le régime conventionnel tel qu'il avait été négocié dans le cadre de la convention générale du 1 er janvier 1997. Il permet donc à la fois de remédier, pour le passé, aux conséquences de l'absence d'accord des partenaires sociaux sur les annexes VIII et X mais également de permettre pour l'avenir la négociation d'un accord.
En effet, la proposition de loi est rétroactive dans la mesure où les annexes VIII et X sont prorogées à compter du 1 er juillet 2001.
Ces annexes sont prorogées « telles qu'annexées au règlement annexé de la convention du 1 er janvier 1997 », soit dans la rédaction qui découle de l'accord du 20 janvier 1999 agréé par arrêté du 2 avril 1999. Cet accord qui constituait la première modification des annexes depuis 1992 n'avait toutefois qu'une portée limitée dans la mesure où les aménagements qu'il prévoyait ne portaient que sur une nouvelle définition des champs professionnels couverts par ces annexes issue de l'accord conclu le 12 octobre 1998, sur le recours au contrat de travail à durée déterminée d'usage et sur la substitution du salaire réel au salaire conventionnel pour le calcul des prestations.
La date du 1 er juillet 2001 s'imposait puisque les annexes n'ont plus d'existence juridique depuis cette date. En effet, l'article 10, alinéa 2, de la convention générale du 1 er janvier 2001 prévoyait la prorogation de l'ensemble des annexes de la convention du 1 er janvier 1997 jusqu'au 30 juin 2001, date à laquelle l'ensemble des annexes, à l'exception des annexes VIII et X, ont fait l'objet d'accords interprofessionnels.
Toutefois, depuis cette date, les ASSEDIC continuent à verser les prestations aux salariés privés d'emploi. Si, lors des débats à l'Assemblée nationale, les députés ont souligné la situation de vide juridique qui résulte de l'absence d'accord sur les annexes VIII et X, il convient d'en relativiser les risques comme les conséquences.
Compte tenu du caractère très avantageux des prestations versées comme des taux des cotisations « chômage » acquittées par les entreprises employant des salariés intermittents, on voit mal l'intérêt d'un recours fondé sur l'absence de fondement conventionnel, sauf à l'utiliser à des fins politiques.
Si la situation présente incontestablement des inconvénients, il est toutefois abusif de considérer pour autant qu'il y ait vide juridique ; en effet, le droit à indemnisation affirmé par l'article L. 351-1 du code du travail demeure assuré selon les modalités fixées par la convention générale du 1 er janvier 2001 et ses annexes, qui, à défaut de dispositions spécifiques les concernant, s'appliqueraient aux salariés intermittents. Il n'existe donc pas à proprement parler de vide conventionnel : l'article L. 762-1 qui crée une présomption de salariat au profit de ces professionnels 3 ( * ) assure aux intermittents un droit à indemnisation.
Votre rapporteur relèvera enfin que les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel avaient manifesté leur volonté de ne pas remettre en cause le régime des annexes VIII et X, au contraire.
En effet, le groupe national de suivi constitué au sein de l'UNEDIC, réuni le 21 juin dernier, avait décidé, dans l'attente des résultats de l'étude d'impact de l'accord professionnel du 1 er juin 2001, de maintenir les dispositions des annexes VIII et X dans leur rédaction en vigueur au 30 juin 2001.
Cette décision signée par les trois organisations patronales signataires de la convention générale, le MEDEF, la CGPME et l'UPA et par deux des organisations syndicales, la CFDT et la CFTC n'a pas été soumise à l'agrément du ministre chargé de l'emploi.
On ne pourra que regretter que compte tenu de cette décision, n'aient pu être engagées des négociations au niveau interprofessionnel sur les annexes VIII et X.
Quoiqu'il en soit, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale donne un fondement juridique à l'indemnisation versée aux intermittents depuis le 1 er juillet 2001, indemnisation qui s'effectue aujourd'hui selon des règles posées par une convention qui n'existe plus.
L'article unique permet, par ailleurs, de prolonger les annexes jusqu'à l'agrément d'aménagements à la convention du 1 er janvier 2001 prenant en compte les modalités particulières d'exercice des professions concernées.
Cette disposition proroge donc le régime actuel jusqu'à ce que les partenaires sociaux parviennent à un accord sur les annexes, ce qui suppose, d'une part, que cet accord soit conclu mais également agréé dans les conditions prévues à l'article L. 352-1 du code du travail. L'article L. 352-1 du code du travail dispose que « les accords conclus entre employeurs et travailleurs à l'effet de servir des allocations aux travailleurs sans emploi peuvent être rendus obligatoire en vertu de la procédure d'agrément prévue aux articles L. 352-2 et L. 352-2-1 ». Cet agrément qui est donné par le ministre chargé du travail après avis du comité supérieur de l'emploi a pour effet de rendre obligatoires les dispositions de l'accord pour tous les employeurs et travailleurs compris dans le champ d'application professionnel et territorial de l'accord et est donné pour la durée de validité de l'accord.
II. Position de votre commission
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale présente deux avantages.
En premier lieu, il supprime tout risque de contestation de la prolongation par l'UNEDIC de l'application des dispositions des annexes VIII et X, dont le terme est expiré.
A cet égard, la proposition de loi permet aux négociations entre les partenaires sociaux de se dérouler dans un cadre plus serein, la situation des intermittents étant préservée. En effet, en l'absence de disposition législative, l'instabilité juridique prévalant depuis le 1 er juillet dernier aurait pu être mise à profit par ceux qui contestent le régime spécifique dont bénéficient les intermittents.
En second lieu, la proposition de loi ne retire pas aux partenaires sociaux la délégation que leur accorde la loi pour déterminer les mesures d'application du droit à l'indemnisation qui bénéficie aux travailleurs involontairement privés d'emploi.
En effet, elle ne modifie en rien les règles d'indemnisation de ces salariés. Ces règles restent fixées par les annexes VIII et X annexées au règlement de la convention du 1 er janvier 1997, c'est-à-dire telles qu'elles ont été arrêtées par les partenaires sociaux.
La loi se contente d'en prolonger la validité, sans que cette prorogation modifie la nature du régime d'indemnisation chômage des intermittents, qui demeure conventionnelle.
On ne peut pas non plus considérer qu'en prorogeant le régime actuel jusqu'à l'agrément d'un accord des partenaires sociaux sur des aménagements à la convention générale du 1 er janvier 2001 prenant en compte « les modalités particulières d'exercice de ces professions », le législateur limite la liberté conventionnelle des partenaires sociaux, en imposant voire en consacrant dans la loi l'existence d'une ou plusieurs annexes spécifiques aux salariés entrant jusqu'à présent dans le champ des annexes VIII et X. En effet, compte tenu des spécificités propres à l'emploi de ces salariés, l'application, en l'état, des règles de la convention générale est purement et simplement impossible, sauf à accepter qu'ils ne puissent être indemnisés. En cela, l'article unique ne fait que reprendre l'article L. 351-14 du code du travail qui précise : « Lorsque du fait des modalités particulières d'exercice de la profession, les conditions d'activité antérieure pour l'admission aux allocations ne sont pas remplies, des aménagements peuvent être apportés à ces conditions d'activité ainsi qu'à la durée d'indemnisation et aux taux de l'allocation selon le cas par l'accord prévu à l'article L. 351-8 ou par décret en Conseil d'Etat ».
Si votre commission a accepté, pour ces raisons, le principe de la prorogation des annexes VIII et X, elle s'est interrogée sur ses modalités.
En effet, la proposition de loi s'applique à compter du 1 er juillet 2001 et la prorogation est prévue jusqu'à l'agrément des aménagements à la convention générale du 1 er janvier 2001. Or, ce délai est au mieux trop long et au pire indéterminé.
En effet, à défaut de ces aménagements ou d'agrément de ces aménagements, on peut se demander si le terme de la convention générale du 1 er janvier 2001 entraîne l'abrogation implicite de la proposition de loi. Votre rapporteur ne le croit pas.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale, dans son rapport relève que la « venue à échéance (de cette convention) sans négociation sur le régime des intermittents du spectacle imposerait l'abrogation explicite de la présente loi pour permettre l'application d'un éventuel accord sur les annexes postérieur à la venue à échéance de la convention ». Cela signifie bien qu'en l'absence d'abrogation explicite une fois la convention générale du 1 er janvier 2001 devenue caduque, on ne peut pas exclure que la proposition de loi ne continue à produire ses effets.
Que la durée de la prorogation soit illimitée ou qu'elle ne puisse excéder la durée d'application de la convention générale, les inconvénients sont les mêmes.
En effet, les représentants syndicaux comme les représentants des employeurs, dans une certaine mesure, ne seront guère incités à négocier, ni donc à faire des concessions puisqu'en l'absence d'accord, la situation demeurerait inchangée. La réforme du système, nécessaire de l'aveu de tous, implique forcément la remise en cause d'avantages acquis, comme le prouvent les réactions suscitées par l'accord professionnel du 1 er juin 2001, contesté par des organisations syndicales comme au demeurant par les organisations patronales qui estiment qu'il engendre un surcoût. Une réforme en profondeur ne sera guère facile à admettre si la loi offre la garantie qu'à défaut d'accord, rien ne changera et la situation la plus favorable sera maintenue.
Par ailleurs, si la loi peut remédier à l'absence d'accord entre les partenaires sociaux, il est souhaitable que ce soit pour le moins de temps possible. En effet, la loi n'a pas vocation à fixer le régime d'indemnisation du chômage pour les intermittents du spectacle mais à assurer la continuité de la délégation accordée aux partenaires sociaux pour y procéder. En l'absence d'accord, le régime serait déterminé par la loi. Il s'agirait là sans nul doute d'un précédent fâcheux.
Enfin, confier de fait au ministre chargé d'agréer l'accord conclu par les partenaires sociaux le pouvoir « sans aucune limite » d'abroger la loi constitue un motif d'inconstitutionnalité, comme cela a été rappelé plus haut.
Compte tenu de ces observations, votre rapporteur estime nécessaire de limiter dans le temps la prorogation de l'application des annexes. Il vous proposera ainsi de préciser que la loi s'appliquera jusqu'au 30 juin 2002 à défaut d'accord avant cette date des partenaires sociaux et d'agrément des aménagements ainsi négociés.
Une prorogation jusqu'au 30 juin 2002, qui correspond au demeurant à un souhait exprimé par certains partenaires sociaux, permet d'inciter à une reprise rapide des négociations.
Fixer un terme trop éloigné pourrait avoir pour effet, au contraire, de reporter une nouvelle fois la question de l'adaptation du régime prévu par les annexes VIII et X et de renvoyer la négociation sur cette question à un moment fort peu propice, à savoir l'ouverture des discussions sur la convention générale en 2003. Il convient à la fois d'éviter de repousser une nouvelle fois un débat nécessaire, de l'aveu de tous, et de reproduire le « psychodrame » vécu à l'occasion de la laborieuse renégociation de la convention générale du 1 er janvier 1997.
* 3 Cette présomption bénéficie aux artistes du spectacle, notamment aux artistes lyriques, aux artistes dramatiques, aux artistes chorégraphiques, aux artistes de variétés, aux musiciens, aux chansonniers, aux artistes de complément, aux chefs d'orchestre, aux arrangeurs-orchestrateurs et aux metteurs en scène, pour l'exécution matérielle de leur conception artistique.