EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 8 novembre 2001, sous la
présidence de
M. Alain Lambert, président, la commission a examiné les
crédits des
charges communes, sur le rapport de M. Yves
Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial
, procédant,
à l'aide d'une vidéo-projection, a indiqué que le budget
des charges communes s'établirait en 2002 à 117,02 milliards
d'euros, soit un montant net des dégrèvements et remboursements
d'impôts et des recettes d'ordre de 51,64 milliards d'euros, en
augmentation de 0,9 % par rapport à 2001. Ces crédits
représentent 19,4 % des dépenses du budget
général. Il a indiqué que le budget des charges communes
comportait pour l'essentiel des dépenses de constatation, en particulier
la charge budgétaire de la dette, les dépenses en
atténuation de recettes et des dépenses de personnel. Il s'est
toutefois interrogé sur les conséquences de la nouvelle loi
organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sur le budget
des charges communes, rappelant que cette loi prévoyait un compte de
commerce pour la charge budgétaire de la dette et pour le stock de
dettes lui-même, un compte d'affectation spéciale pour les charges
de retraites et une dotation pour dépenses imprévisibles. Par
ailleurs, le rapporteur spécial a souligné le manque de
cohérence que continuait de présenter le budget des charges
communes. Certaines de ses dotations pouvant être en
réalité inscrites sur d'autres budgets : il a cité
les crédits d'indemnisation consécutifs au naufrage de l'Erika,
qui pourraient être imputés sur le budget du tourisme, ceux
engagés pour l'indemnisation des transfusés, qui devraient
être inscrits au budget de la santé, ou encore ceux relatifs aux
travaux de sécurité dans les écoles, qui
relèveraient plutôt du budget de l'éducation nationale.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial
, a ensuite
abordé la charge budgétaire de la dette publique. Il a
indiqué qu'un effort de présentation avait été
réalisé grâce à l'élaboration
expérimentale, à titre pédagogique, d'un programme au sens
de la nouvelle loi organique du 1er août dernier, consacré
à la gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat. Il a
indiqué que les crédits de ce programme s'établissaient
à 39,56 milliards d'euros, soit une légère
progression de 0,5 % par rapport à 2001, mais a
précisé que l'appréhension de la réalité de
la charge de la dette nécessitait de recourir à la notion de
charge nette, cette dernière s'élevant en 2002 à
36,84 milliards d'euros, en hausse de 0,8 %, soit un niveau
comparable à celui des dépenses militaires. Le rapporteur
spécial a ensuite insisté sur le fait que l'augmentation du stock
de la dette était plus rapide que celle de la charge budgétaire
de celle-ci, dont l'encours s'établissait, au 31 août
dernier, à 637 milliards d'euros et qui devrait atteindre le niveau
de 686 milliards d'euros à la fin 2002. Il a toutefois
rappelé que les déficits des établissements publics, comme
Réseau français de France (RFF), et ceux d'autres fonds
nationaux, comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES),
n'apparaissaient ni dans le budget de l'Etat ni, pour cette dernière, en
loi de financement de la sécurité sociale, ce qui minorait
mécaniquement le poids de l'endettement public total.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial,
a ensuite
expliqué que la charge de la dette était freinée par la
baisse des taux d'intérêt. Toutefois, cette baisse a probablement
atteint un plancher, si bien que, de ce point de vue, il n'y aura plus
guère de marge de manoeuvre à escompter sur la charge de la
dette. Il a considéré que la zone euro, en ayant supprimé
le risque de change et par conséquent élargi les marchés
financiers, devrait permettre une gestion plus active de la dette en jouant sur
la courbe des taux. Il a considéré qu'il s'agissait d'un
changement de doctrine de la part du Trésor, français mais qui
n'était pas sans présenter de danger. Il a en effet
rappelé la politique pratiquée par le Trésor
américain, au début des années 1990, qui, afin de payer
une charge de la dette moins élevée, avait beaucoup
emprunté à taux court. Or, en 1992-1993, les taux courts sont
devenus supérieurs aux taux longs. Il a néanmoins estimé
que le contexte était totalement différent de cette époque
ce qui permet une gestion de la dette plus favorable.
M. Yves Fréville
, rapporteur spécial, a ,enfin,
présenté les dépenses en atténuation des recettes
qui s'établissent à 62,89 milliards d'euros en 2002, soit
une augmentation de 11,6 %. Elles sont essentiellement constituées
par les dégrèvements et les remboursements d'impôts, d'un
montant de 62,66 milliards d'euros, les remboursements et
dégrèvements sur impôts directs s'établissant
à 29,42 milliards d'euros et ceux sur produits indirects, qui
concernent presque exclusivement les remboursements de taxe sur la valeur
ajoutée (TVA), s'élevant à 33,24 milliards d'euros.
Axant son propos sur les dégrèvements d'impôts locaux, il a
constaté que leur part diminuait dans l'ensemble des compensations de
fiscalité directe. Il a également noté que la technique
des dégrèvements était, selon lui,
contre-péréquatrice : du point de vue de la taxe
professionnelle, le contribuable national finançant les zones les plus
riches, tandis qu'il aide les collectivités territoriales les plus
laxistes s'agissant de la taxe d'habitation.
M. Joseph Ostermann
a estimé que l'évolution des
compensations versées par le budget de l'Etat aux collectivités
territoriales allait geler la capacité d'investissements des
collectivités territoriales à moyen terme, car l'accès de
ces dernières à la fiscalité devenait trop réduit.
Puis il a voulu connaître l'utilisation, depuis le début de cette
année, des crédits pour dépenses accidentelles ainsi que
le taux de consommation des crédits inscrits au titre du plan d'urgence
en faveur des lycées.
M. Maurice Blin
s'est interrogé sur la possibilité
d'imputer au budget des charges communes les dépenses engagées au
titre des recapitalisations successives du Groupement des industries de
l'armement terrestre (GIAT).
M. Jacques Oudin
a considéré que la gestion de la dette,
aussi active soit-elle, ne permettait de réduire sa charge
budgétaire que de façon marginale. A cet égard, il s'est
interrogé sur les modalités de remboursement d'une dette qui ne
cessait de croître. Il a plaidé pour que soit menée une
réflexion tendant à parvenir à une présentation
exhaustive et sincère de l'ensemble de la dette, prenant en compte la
dette des établissements publics industriels et commerciaux, aujourd'hui
ignorée par le traité de Maastricht, comme celle de la
Société nationale des chemins de fer français (SNCF), qui
s'élève à plus de 38 milliards d'euros, et celle de
la Régie autonome des transports parisiens (RATP), qui s'établit
à près de 4,60 milliards d'euros.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial
, a estimé que
la baisse des taux ne pouvant plus à l'avenir être que marginale,
la charge budgétaire de la dette en viendrait très probablement
à croître sensiblement. Se prononçant en faveur d'une
présentation consolidée de l'ensemble de la dette publique, il a
exprimé son intention de demander au ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie les documents
retraçant l'ensemble de la dette des établissements publics qui
sont communiqués à Bruxelles. Il a indiqué qu'au cours du
premier semestre 2001, le ministère de la santé et de la
solidarité, pour un montant proche de 2 millions d'euros, avait
bénéficié de crédits au titre des dépenses
accidentelles, destinés au recrutement urgent de 20 agents de
catégorie A affectés à une expertise technique de haut
niveau en matière de santé publique. Le ministère de
l'environnement quant à lui, au titre de l'abondement du fonds POLMAR
pour la poursuite du nettoyage des côtes polluées suite au
naufrage du pétrolier Erika, a bénéficié de plus de
18,80 millions d'euros. Il a également précisé que la
mise en place du fonds d'urgence pour l'avenir des lycées avait
rencontré de nombreuses difficultés liées à des
contraintes comptables : ainsi, sur les 54,9 millions d'euros
disponibles en 2000 sur le chapitre concerné, seuls 5,18 millions
d'euros avaient été délégués aux
préfets de régions, le montant des crédits effectivement
décaissés s'élevant à 3,45 millions d'euros,
soit seulement 6,3 % de la dotation initiale. Puis il a estimé que
les dépenses engagées au titre d'éventuelles
recapitalisations du GIAT devaient plutôt être inscrites au compte
spécial du Trésor n° 902-24.
La commission, suivant la proposition de son rapporteur spécial, a
décidé de
proposer au Sénat de rejeter les
crédits du budget des charges communes pour 2002.