V. LES RESSOURCES CONSACRÉES À LA PÉRÉQUATION
A. L'EFFORT GLOBAL EN FAVEUR DE LA PÉRÉQUATION
L'effort
global de l'Etat en faveur de la péréquation s'est
élevé en 2001 à 3,8 milliards d'euros (environ 25
milliards de francs). Cela représente 14,3 % des dotations de
l'Etat aux collectivités locales versées en 2001.
La DGF des structures intercommunales (qui ne représente que 8,5 %
de la DGF totale) constitue à elle seule 96 ù de l'effort
financier en faveur de la péréquation. Par conséquent, le
développement de l'intercommunalité constitue également un
développement de la péréquation.
La DGF des départements (dotation de fonctionnement minimale comprise)
représente près de 40 % du total.
La DSU et la DSR ne comptent que pour le quart.
Effort financier de l'Etat en faveur de la péréquation en 2001
(en millions d'euros)
Dotation de solidarité urbaine |
575,24 |
Dotation de solidarité rurale |
376,94 |
Dotation de fonctionnement minimale |
949,70 |
Part « potentiel fiscal » de la dotation de péréquation de la DGF des départements |
565,92 |
Fonds national de péréquation |
603,56 |
DGF des structures intercommunales |
1.375,84 |
Dispositif de modulation/compensation des pertes de DCTP |
188,05 |
Total |
3.830,26 |
B. LA SITUATION TENDUE DES FONDS NATIONAUX DE PÉRÉQUATION
Les deux
fonds nationaux de péréquation, le fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et le fonds
national de péréquation (FNP) sont régis par des
mécanismes très complexes retracés aux articles 1648 A
bis, 1648 B et 1648 B bis du code général des impôts.
Les ressources du FNP sont étroitement liées à celles du
FNPTP puisqu'elles sont principalement constituées du
« solde » de celui-ci, c'est-à-dire des
crédits disponibles après que le FNPTP a financé toutes
ses missions.
Le tableau ci-dessous tente de remédier à l'opacité des
deux fonds en recourant à une présentation
« consolidée » des deux ressources et des
dépenses du FNPTP et du FNP :
Les ressources et les dépenses du FNPTP et du FNP en 2001
(en millions de francs)
Il
convient de noter que, au sein des dépenses des deux fonds seul le
versement d'attributions aux communes dont le potentiel fiscal est faible ou
l'effort fiscal élevé constitue véritablement une
dépense en faveur de la péréquation
8(
*
)
. Or, ces crédits
représentent 55,6 % du total des dépenses en 1999,
52,5 % en 2000 et 52,4 % en 2001. Leur part dans le total,
déjà faible, décroît.
Cette décroissance s'explique :
- par le fait qu'environ la moitié du produit de la cotisation de
péréquation alimente le budget général et non le
FNPTP. En 2000, sur produit total de 809 millions d'euros,
411 millions d'euros ont été affectés au FNPTP. En
1990, 216 millions d'euros sur 345 millions d'euros allaient au
Fonds, soit les deux tiers. En 1997, cette part était encore de
60 %.
- par la multiplication des charges nouvelles imposées aux deux fonds,
sans qu'elles s'accompagnent de crédits supplémentaires. Il en
résulte donc un manque à gagner pour le FNP.
La principale cause de ce manque à gagner est la compensation par le
FNPTP, depuis 1999, des pertes de DCTP enregistrées par les communes
éligibles à une dotation de solidarité, et aux structures
intercommunales auxquelles elles appartiennent. En 2001, le manque à
gagner s'élevait à 1.233 millions de francs.
Il convient également de signaler que, en 2000 et en 2001, la majoration
de 150 millions de francs dont a bénéficié la dotation de
solidarité rurale a été financée par un
prélèvement à due concurrence sur les ressources du FNP.
La situation financière des deux fonds, et surtout du FNP, est
particulièrement tendue comme en témoigne le poids
décroissant des dépenses de péréquation dans le
total des crédits. En 2001, l'augmentation totale des ressources
disponibles a permis malgré tout aux dépenses de
péréquation de progresser correctement par rapport à
l'année précédente (+ 3,8 %), ce qui n'avait pas
été le cas l'année précédente (- 0,2 %
malgré une augmentation totale des crédits disponibles de
5,7 %).
A l'avenir, la situation sera aggravée par la diminution des ressources
provenant du produit de la fiscalité locale de France
Télécom, provoquée par la filialisation de cette
entreprise. Les conséquences négatives de cette diminution
seront, dans une très faible mesure, limitées par le fait que le
FNPTP ne prend en charge les compensations d'exonérations en zone
franche urbaine que lorsque la fraction du produit de la fiscalité
locale de France Télécom qui alimente le fonds augmente. Dans le
cas inverse, la compensation est assurée directement par l'Etat.
C. LA PÉRÉQUATION, COROLLAIRE INDISPENSABLE DE L'AUTONOMIE FISCALE
Les
nombreux travaux réalisés depuis deux ans ont permis de
dégager un consensus sur les objectifs de la réforme des finances
locales. Il s'agit en premier lieu de réformer la fiscalité
locale et en deuxième lieu d'accroître la
péréquation. Ces deux objectifs sont d'ailleurs indissociables.
La réforme de la fiscalité locale est un chantier d'une telle
ampleur que toutes les pistes méritent d'être
étudiées. Aucun clivage tranché n'est apparu à ce
jour.
Si elle constitue un objectif en soi, la réforme de la fiscalité
locale est également un élément essentiel de la politique
en matière de péréquation. Les critères permettant
de mesurer la richesse des collectivités locales, utilisés pour
déterminer l'éligibilité à une dotation
péréquatrice ou le montant des attributions au titre de cette
dotation, sont élaborés à partir de bases d'impositions
obsolètes, ce qui interdit de véritablement
« cibler » les collectivités les plus
défavorisées.
En outre, les évolutions récentes de la fiscalité locale,
et notamment la suppression progressive de la part
« salaires » de l'assiette de la taxe professionnelle,
contribuent à dégrader la fiabilité des indicateurs, et en
particulier du potentiel fiscal. Les conséquences de celle-ci sur ce
dernier sont corrigées au coup par coup par le biais de divers textes
législatifs, si bien qu'il existe aujourd'hui dans le code
général des collectivités territoriales quatre
définitions du potentiel fiscal.
S'agissant de la péréquation proprement dite, son
développement passe :
- par une meilleure modulation de la participation de l'Etat au financement des
contrats de plan Etat-région en fonction de la richesse des
régions ;
- par une réforme de la DGF des communes.
Aujourd'hui, 85 % de celle-ci est consacrée à la dotation
forfaitaire, qui n'est non seulement pas péréquatrice, mais
contre-péréquatrice, puisqu'elle fige des
inégalités issues du gel des attributions de DGF auquel a
procédé la réforme de 1993. La dotation forfaitaire
constitue le principal facteur explicatif des inégalités de
ressources entre communes au titre de la DGF.
La dotation d'aménagement de la DGF est péréquatrice
puisqu'elle comprend la DSU, la DSR, et la dotation d'intercommunalité,
dont 85 % des crédits sont répartis en fonction du potentiel
fiscal.
Il serait envisageable de mettre fin au jeu de « vases
communiquants » entre, d'une part, la dotation
d'intercommunalité et, d'autre part, la DSU et la DSR non pas en
créant une troisième enveloppe au sein de la DGF, qui aurait pour
effet de supprimer le caractère d'enveloppe fermée de la DGF et
donc d'être source de dérapage budgétaire, mais en
remplaçant le lien entre dotation d'intercommunalité/DSU-DSR par
un lien dotation d'intercommunalité/dotation forfaitaire.
Ce lien est logique puisque ces deux dotations servent à financer les
mêmes compétences.
En matière de péréquation, la question la plus
controversée est celle de la péréquation dite
« horizontale », entre collectivités locales. En
cette matière, il convient d'arbitrer entre la volonté de
corriger les écarts de richesse en bases fiscales et le principe de
libre administration des collectivités locales, qui ne serait pas
compatible avec une « nationalisation » de la
fiscalité locale au sein de ce qui pourrait s'apparenter à un
vaste fonds de péréquation.
Une péréquation horizontale totale serait d'ailleurs peu
compatible avec l'attachement du Sénat au principe d'autonomie fiscale
des collectivités locales, qui permet la responsabilisation des
élus locaux et repose sur la possibilité pour les
collectivités locales de s'administrer librement à partir de
ressources fiscales dont elles votent le taux et dont, par leur action, elles
orientent l'évolution des bases. Il convient de rappeler les
réserves émises par le Conseil Constitutionnel lors de la
création du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France
(FSRIF). Celui-ci avait admis le principe d'un prélèvement sur
les ressources fiscales des collectivités à condition que cela ne
remette pas en cause leur capacité à s'administrer librement.