C. LE COÛT ET L'ÉVALUATION DU SYSTÈME EDUCATIF

1. La dépense intérieure d'éducation

a) La notion de dépense intérieure d'éducation

La dépense intérieure d'éducation représente toutes les dépenses effectuées par l'ensemble des agents économiques, administrations centrales ou locales, entreprises et ménages, pour les activités d'éducation en métropole. Elle est évaluée à partir des comptes de l'éducation 2000, les derniers disponibles.

La notion de dépense d'éducation

La notion de dépense d'éducation recouvre :


les activités d'éducation de type scolaire de tous niveaux (préélémentaire, élémentaire, second degré, supérieur, enseignement artistique, enseignement spécial) effectuées dans les établissements publics ou privés ;


les dépenses pour les formations de type extra-scolaire (enseignement à distance, formation professionnelle y compris la formation interne aux entreprises et aux administrations, cours du soir,...) ;


les dépenses pour les activités visant à organiser le système d'enseignement (administration générale, orientation, recherche sur l'éducation, documentation pédagogique et rémunérations des personnels d'éducation en formation) ;


les dépenses pour les activités visant à favoriser ou accompagner la fréquentation scolaire (cantines et internats, médecine scolaire et transports scolaires) ;


les dépenses liées à la fréquentation des établissements scolaires (achats de livres et de fournitures scolaires, d'habillement demandées par les institutions).

Les dépenses de l'Etat comprennent la totalité des charges sociales employeur, y compris celles intégrées au budget des charges communes.

La dépense d'éducation, au sens du compte de l'éducation, ne comprend pas la rémunération des élèves ou des stagiaires de la formation continue, sauf pour le personnel d'éducation en formation.

b) L'évolution de la dépense intérieure d'éducation

En l'an 2000, la dépense intérieure d'éducation (DIE) a atteint 644,5 milliards de francs (98,2 milliards d'euros), ce qui correspond à 7,1 % de la richesse nationale (PIB). Pour l'éducation, la collectivité nationale, tous financeurs confondus, a ainsi réalisé ainsi un effort financier à hauteur de 10 900 francs par habitant, ou 40 000 francs par élève ou étudiant.

Evolution de la dépense intérieure d'éducation sur la période 1975-2000

Dépense d'éducation

1975

1985

1995

1999

2000

Dépense globale d'éducation en milliards de francs courants

100,1

333,7

585,7

653,8

672,9

Dépense Intérieure d'Education :

 
 
 
 
 

- aux prix courants (en milliards de francs)

95,9

319,3

560,2

625,7

644,5

- aux prix 2000 (en milliards de francs)

337,7

441,5

587,5

632,2

644,5

DIE/PIB en %

6,5

6,8

7,3

7,2

7,1

DIE/habitant aux prix 2000 (en francs)

6 400

8 000

10 100

10 700

10 900

Dépense moyenne par élève :

 
 
 
 
 

- aux prix courants (en francs)

6 200

20 400

33 800

38 700

40 000

- aux prix 2000 (en francs )

22 000

28 300

35 400

39 100

40 000

Source : ministère de l'Education nationale.

Sur la période 1974-2000, on a d'ailleurs assisté à une progression significative de la dépense intérieure d'éducation (+ 2,7 % par an en volume), supérieure à celle de la richesse nationale (+ 2,2 % par an).

On peut distinguer cinq périodes dans cette évolution :

- de 1975 à 1985, la part de la DIE dans le PIB croît et passe de 6,5 % en 1975 à 6,8 % en 1982, niveau auquel elle se maintient jusqu'en 1985 ;

- de 1986 à 1989, l'on assiste au retournement de cette tendance. La politique générale de maîtrise des finances publiques et particulièrement la politique de rigueur salariale ont pour conséquence une augmentation de la dépense d'éducation inférieure à celle du PIB. En 1989 la dépense d'éducation retrouve ainsi son niveau de 1979 dans la richesse nationale ;

- entre 1989 et 1994, sous les effets conjugués d'une politique volontariste et de la décélération de la croissance du PIB, la part de la dépense intérieure d'éducation s'élève jusqu'à 7,3 % en 1994 ;

- entre 1994 et 1997, la part de la dépense intérieure d'éducation dans le PIB se stabilise, malgré le ralentissement de la croissance, puis, en 1998, la croissance du PIB est deux fois supérieure à celle de la dépense intérieure d'éducation faisant passer la part de celle-ci dans la richesse nationale à 7,2 % ;

- dans un contexte de progression soutenue du PIB, la dépense intérieure d'éducation réaccélère en 1999 (+ 2,8% en volume), de sorte que sa part dans le PIB reste constante, puis ralentit en l'an 2000 (+1,9 % en volume), ce qui conduit alors à un repli de sa part dans le PIB.

c) L'évolution de la dépense intérieure d'éducation par niveau d'enseignement

Notons que la progression de la dépense intérieure d'éducation s'explique moins par l'augmentation du nombre d'élèves que par celle du coût de chaque élève.

En effet, la dépense annuelle moyenne par élève ou étudiant augmente sur la période 1975-2000 de 2,4 % par an en francs constants, en raison de la proportion croissante des enseignements du second degré et du supérieur (en moyenne mieux rémunérés que ceux du premier degré), de l'amélioration de l'encadrement dans le premier degré, et de la revalorisation du statut des enseignants.

A prix constants , la dépense moyenne par élève a toutefois connu des évolutions extrêmement différenciées selon les niveaux d'enseignement :

- + 91 % pour le premier degré ;

- + 72 % pour le second degré ;

- + 27 % seulement pour l'enseignement supérieur .

En effet, dans le supérieur, la progression de la dépense d'éducation, qui a plus que doublé depuis 1975, a été largement absorbée par l'augmentation des effectifs d'étudiants.

d) L'évolution du répartition de la dépense intérieure d'éducation par financeur

Sur longue période, on observe que la part de l'Etat dans le financement de la dépense intérieure d'éducation a tendance à se réduire :

Evolution de la structure du financement initial de la dépense d'éducation (en %)

Financeurs

1977

1983

1986

1989

1991

1995 (2)

1999

2000

Etat

69,6

69,0

66,5

64,3

63,3

64,9

64,5

64,5

Collectivités territoriales

Dont : communes

Départements

Régions

14,0

15,0

13,5

1,1

0,4

16,3

12,3

2,9

1,1

18,7

12,7

3,7

2,3

20,2

12,3

4,0

3,9

20,0

12,3

4,1

3,6

20,9

12,9

4,2

3,8

21,0

13,0

4,2

3,8

Autres (1)

16,4

16,0

17,2

17,0

16,5

15,1

14,6

14,5

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

(1) - Autres financeurs : entreprises, ménages, caisses d'allocations familiales...

(2) - A partir de 1995, la part de l'Etat augmente du fait notamment de transferts plus importants vers les ménages (réductions d'impôts).

Source : ministère de l'Education nationale

e) Les comparaisons internationales en matière de dépenses intérieures d'éducation

La source utilisée ici est l'indicateur de l'OCDE « dépense de l'éducation en pourcentage du PIB » extrait de la dernière édition de « Regards sur l'éducation. Les indicateurs de l'OCDE », parue en 2001. Il s'agit là des statistiques les plus récentes actuellement disponibles. Cependant, elles ne portent que sur l'année 1998. Les dépenses recensées par l'OCDE sont par ailleurs celles qui sont consacrées au seul financement des établissements.

En tenant compte des sources de financement publiques et privées, les pays de l'OCDE consacraient ainsi en moyenne 5,7 % de leur PIB aux établissements d'enseignement, tous niveaux confondus. Ce pourcentage variait de 4,6 % (Pays Bas) à 7,2 % (Danemark). La France (6,2 %) se situait au dessus de la moyenne . Elle précédait notamment l'Allemagne et l'Espagne (5,5 % et 5,3 %).

Les dépenses en faveur des établissements primaires et secondaires (y compris les dépenses privées et les subventions publiques en faveur des établissements d'enseignement du secteur privé) s'élevaient à 3,7 % du PIB pour l'ensemble des pays de l'OCDE, avec des niveaux s'étageant entre 3,0 % et 4,5% selon les pays. La France (4,4%) était l'un des pays qui dépensent le plus en faveur des établissements d'enseignement scolaire : elle était seulement précédée par la Suède (4,5%) mais elle devançait nettement les Etats-Unis (3,7%), l'Allemagne (3,7%), l'Italie (3,5%) et le Japon (3,0%), dont les performances sont pourtant souvent au moins égales aux nôtres.

C'est surtout dans l'enseignement secondaire que le coût moyen par élève était élevé (6.564 dollars par an en parité des pouvoirs d'achat en France en 1997contre 5.507 dollars pour la moyenne de l'OCDE).

Ce coût élevé est selon le ministère le résultat de plusieurs facteurs. En particulier ::

- le taux d'encadrement dans l'enseignement secondaire se situe en France à 12,8 élèves par enseignant alors que la moyenne des pays de l'OCDE est à 14,6 élèves par enseignant ;

- le salaire des enseignants en fin de carrière serait plus élevé en France dans le second degré que dans la plupart des pays de l'OCDE.

On pourra enfin noter qu'au sein de l'enseignement secondaire, c'était pour le premier cycle (le collège) que l'écart était le plus élevé : en 1997, le coût moyen par élève s'élevait à 6.087 dollars par an en parité des pouvoirs d'achat en France contre 4.175 dollars pour la moyenne de l'OCDE, soit un « surcoût » de 46 %, alors que ce surcoût n'était que de 24 % pour le lycée, et que le coût d'un élève était à l'inverse moins élevé de 6 % à l'école primaire.

Inversement, avec 1,8 % du PIB, la France consacrait proportionnellement moins de ressources que la moyenne (2,0 %) aux établissements d'enseignement supérieur, alors même qu'elle comportait proportionnellement davantage d'étudiants : en parité des pouvoirs d'achat, la France dépensait ainsi en 1997 près de 17 % de moins que la moyenne des pays de l'OCDE par étudiant de l'enseignement supérieur tertiaire.

Ces éléments soulignent s'il en était encore besoin, l'absence de lien mécanique entre les dépenses et les performances.

2. L'évaluation du système éducatif

a) Les comparaisons internationales des acquis des élèves

A la demande de votre commission, le ministère de l'Education nationale a établi une note relative aux comparaisons internationales des acquis des élèves, qui est reproduite dans l'encadré ci-après.

Les comparaisons internationales des acquis des élèves

« Les comparaisons internationales des résultats des élèves sont devenues un sujet de préoccupation majeur des responsables des systèmes éducatifs dans le monde entier. Paradoxalement, peu d'études internationales ont été menées à ce jour dans ce domaine pour fournir des chiffres permettant d'illustrer plus ou moins objectivement les disparités. Au cours de la décennie écoulée, trois études de ce type, d'inégale ampleur, ont été conduites.

La plus importante par sa dimension est l'étude TIMSS ( Third International Maths and Science Survey ), organisée par l'IEA ( International Association for the Evaluation of Educational Achievement ). Elle a porté de 1994 à 1996 sur les connaissances en mathématiques et en sciences des élèves de 45 pays au niveau de la classe de quatrième/cinquième et de 24 pays au niveau de la classe terminale.

On observe très globalement que les Français réussissent honorablement en mathématiques (voir très bien pour les sections scientifiques de terminale), mais sont nettement moins bien placés en sciences, surtout au niveau du collège, en raison pour partie de la différence des contenus des programmes entre les pays.

Des indicateurs globaux issus des données chiffrées de ces études, publiées dans un premier temps par l' IEA , ont été ensuite repris dans la publication de l'OCDE « Regards sur l'Education ».

Deux autres études, dont la France est à l'origine, de portée plus modeste, sont également à signaler.

La première porte sur une comparaison faite en 1994 des acquis en mathématiques des élèves des niveaux CE2 et 6ème en Ecosse et en France à partir des protocoles d'évaluation utilisés par chaque pays pour ses évaluations nationales. D'une manière générale l'étude a montré que, en CE2, et surtout en 6ème, les élèves français sont meilleurs que les Ecossais.

La seconde est une comparaison des acquis en anglais des élèves de 15/16 ans en France, en Espagne et en Suède faite en 1995/96 . Il en ressort que les niveaux des français et des espagnols sont très proches, alors que les suédois sont nettement meilleurs, notamment en expression écrite et en compréhension orale.

Le manque de données dans ce domaine crucial pour la construction européenne et la mobilité a conduit le Réseau européen des responsables des politiques d'évaluation des systèmes éducatifs , que pilote le ministère de l'éducation nationale français, à décider de reconduire cette étude en 2002 et à l'élargir aux autres Etats membres qui le souhaiteront.

Devant la demande internationale croissante, l'OCDE a mis en chantier de nouvelles enquêtes. Notamment, l'étude PISA ( Program for International Student Achievement ) de l'OCDE fournira sur la base de cycles de 3 ans, des données sur les compétences en lecture, en mathématiques et en sciences des élèves de 15 ans dans une trentaine de pays, dont la France. Le rapport international du premier cycle sera publié par l'OCDE en décembre 2001.

Il faut cependant souligner que la méthodologie d'évaluation en vigueur est loin d'être totalement fiable en raison notamment des biais linguistiques (induits par la traduction des protocoles d'évaluation) et culturels inhérents à ce type d'étude et à la diversité géographique des pays concernés. Une approche qui prenne davantage en compte ces facteurs, dans le cadre plus restreint de l'Union européenne, serait sans doute à développer.

Par ailleurs, il n'est pas exclu que la Commission européenne soit amenée, à moyen terme, à lancer des recueils de données nouvelles, notamment dans le domaine des acquis et compétences des élèves en langues vivantes. Il s'agirait de construire les indicateurs nécessaires au suivi de deux contributions : le rapport sur les objectifs concrets futurs des systèmes éducatifs, issu du Sommet de Lisbonne ; le mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie. Des groupes d'experts nationaux portent leurs réflexions, à partir de septembre 2001, sur les données disponibles et nécessaires et sur les indicateurs qui permettent d'apprécier les acquis des élèves et leurs compétences de base (lire et compter, capacité à apprendre à apprendre, apprentissage des langues et éducation à la citoyenneté).

A plus long terme, des indicateurs portant sur l'utilisation des TICE par les élèves seront sans doute nécessaires dans le cadre communautaire. Une étude sur ce sujet devrait être lancée par l' IEA en 2002, qui pourrait apporter les premières données indispensables ».

Source : ministère de l'Education nationale.

b) Le rapport du HCEE sur le dispositif d'évaluation

S'agissant plus généralement de l'évaluation du système éducatif, le Haut conseil de l'évaluation de l'école a publié en octobre 2001, sur le rapport de M. Claude Pair, un avis dont les principaux extraits sont reproduits dans l'encadré ci-après.

Les forces et les faiblesses de l'évaluation du système éducatif français selon le HCEE

« L'appréciation des forces et des faiblesses de l'évaluation du système éducatif français peut être considérée comme la tâche permanente du Haut Conseil de l'évaluation de l'école. C'est pourquoi, il lui a paru important, dès sa création, d'esquisser un premier tableau général de ces forces et faiblesses, tableau qui se précisera chaque fois qu'il abordera des thèmes nouveaux et qui devrait évoluer en fonction des échos que rencontreront ses recommandations.

Pour étayer son premier avis sur ce sujet d'ensemble, le Haut Conseil a demandé un rapport de synthèse à Claude Pair, rapport public qui peut être consulté sur le site du Haut Conseil : http://cisad.adc.education.fr/hcee à la rubrique « publications ».

En France, des pratiques diversifiées d'évaluation de l'école sont aujourd'hui largement développées.

Les deux formes principales d'évaluation que connaît traditionnellement le système éducatif sont la notation des élèves et l'évaluation individuelle des prestations professionnelles des personnels. Leur validité est certainement discutable et elles n'ont jamais fait l'objet, elles-mêmes, d'une véritable évaluation. Le système éducatif français a préféré, plutôt qu'améliorer ces deux formes traditionnelles, les compléter par des travaux et des outils nouveaux...

... Aujourd'hui, le système éducatif français présente, relativement à la plupart des systèmes éducatifs étrangers et par rapport aux autres services publics nationaux, une image favorable quant à la variété et à la qualité des évaluations qui y sont conduites...

... Ceci dit, l'évaluation du système éducatif français se présente sous la forme d'un foisonnement de travaux et de dispositifs variés qui se sont ajoutés les uns aux autres, sans constituer véritablement un ensemble organisé et cohérent qui permette de répondre, à la fois et à tous les niveaux, aux deux objectifs de l'évaluation : rendre compte aux citoyens et aux « usagers » de l'état du système éducatif, et donner aux responsables et aux acteurs les moyens d'une régulation et d'un pilotage.

La question majeure, aujourd'hui, est celle du très faible usage de ces évaluations.

La variété des dispositifs en place et la richesse de leurs résultats contrastent avec la faiblesse de leurs usages.

A part la notation des élèves qui intervient très fortement, en particulier dans la certification et l'orientation et qui mériterait d'être améliorée, les diverses évaluations sont en effet très peu utilisées. Deux exemples de dispositifs dont la nature et les promoteurs sont différents l'illustrent. L'évaluation des personnels, qui mobilise une part importante de la force de travail des corps d'inspection et qui n'est ni assez homogène ni fondée sur les résultats, ne sert guère qu'à la notation « statutaire » de ces personnels et débouche rarement sur des infléchissements de leurs pratiques. Les indicateurs de performance des lycées, régulièrement rendus publics depuis huit ans, n'ont pas encore été utilisés comme point d'appui pour développer un processus de régularisation du fonctionnement de ces établissements...

... Le dispositif d'évaluation lui-même a des points faibles qui constituent autant de marges de progrès à explorer.

Tout d'abord, dans le légitime souci de rendre compte, qui constitue l'un des objectifs de l'évaluation, le ministère de l'éducation nationale a engagé un effort important -et positif- pour apprécier et faire connaître les résultats du système éducatif et de ses composantes.

Le fait que ces travaux restent trop peu utilisés pour la régulation et le pilotage tient, pour une part, à ce qu'ils éclairent sur les résultats, mais pas encore -ou tout au moins pas encore assez- sur les processus qui conduisent à ces résultats, processus dont la connaissance et l'analyse sont indispensables pour réguler et agir. L'exemple de l'évaluation des lycées, déjà évoqué plus haut, illustre bien ce constat.

Au-delà de cette appréciation générale, et sans qu'il soit question ici de prétendre à l'exhaustivité, le Haut Conseil estime que parmi les marges à explorer figurent la question de l'évaluation des pratiques éducatives, pédagogiques ou non, ainsi que celle de l'évaluation des établissements scolaires qui est beaucoup moins abordée en France qu'à l'étranger...

... Il faut multiplier les travaux d'évaluation du système éducatif, accroître le nombre et la diversité des lieux où ils peuvent être réalisés.

Le Haut Conseil ne peut qu'approuver et soutenir la volonté ministérielle clairement affichée de confirmer et renforcer un puissant « pôle d'évaluation » au sein du ministère de l'éducation nationale. La proximité d'un tel pôle avec les lieux où se décide et se réalise à tous les niveaux l'action éducative est certainement un facteur qui doit favoriser le développement des usages effectifs des travaux réalisés et une bonne adéquation de ceux-ci aux questions que le système éducatif doit résoudre.

Encore faut-il que l'on veille à organiser et exploiter des synergies entre les différentes instances qui, d'une façon ou d'une autre, y contribuent : corps d'inspection, direction de la programmation et du développement, rectorats et organismes tels le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui...

... Mais il semble également au Haut Conseil qu'il serait souhaitable que d'autres « pôles », de toute nature -universitaires, administratifs ou privés- développent des travaux d'évaluation du système éducatif qui viendraient compléter et conforter ceux conduits au sein du ministère ou à sa périphérie. Ce sont la multiplication de tels travaux, leur confrontation et leur mise en perspective qui permettront, de façon relativement assurée, d'une part, un compte rendu du fonctionnement et des résultats du système éducatif aux « usagers » de l'école et à l'opinion, et, d'autre part, une régulation et une amélioration du fonctionnement de ce système.. ».

Source : avis n°3 du HCEE, octobre 2001

c) L'efficacité des préconisations de l'IGAENR

On peut toutefois s'interroger sur les suites qui seront données à cet avis. On peut en effet rappeler que le rapporteur, M. Claude Pair, avait déjà remis en 1998 au ministre de l'Education nationale un rapport demeuré sans suites.

Par ailleurs, l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) a réalisé en l'an 2000 une enquête sur les suites données à un échantillon des rapports réalisés sur la période 1995-1999, dont les résultats n'invitent guère à l'optimisme.

En effet, sur un échantillon de 28 rapports « généraux » (c'est à dire consacrés à un thème d'étude, à l'analyse d'une fonction ou à l'évaluation d'un établissement) :

- 6 seulement ont été réellement exploité, mais ce sont ceux qui « rencontraient une volonté [politique] marquée » ;

- 9 ont été « partiellement utilisés, à des degrés divers, par l'autorité destinataire » ;

- 12 ont rejoint « le fort bataillon des rapports sans suites ».

Par surcroît, les conditions d'élaboration de ce rapport illustrent de manière emblématique les réticences des directions du ministère devant les préconisations de l'IGAENR, qui a éprouvé les plus grandes difficultés à obtenir de la part des services à obtenir les éléments d'information qu'elle sollicitait.

On notera d'ailleurs que l'IGAENR évoquait, parmi les moyens susceptibles de favoriser la mise en oeuvre de ses recommandations, une plus large diffusion de ses rapports, dont seule une très faible partie sont mis en ligne sur le site du ministère.

Cette idée trouve un large écho dans le présent rapport, qui expose des constats et des recommandations sans suites de l'IGAENR.

Encore eut-il fallu que la liste des rapports de l'IGAENR lui ait été intégralement transmise.

On peut d'ailleurs rappeler  que les rapports des inspections générales sont sauf exceptions limitativement énumérées, des documents administratifs communicables à tous les citoyens en vertu de la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs, qui prévoit par surcroît que ces documents doivent être « signalés », c'est à dire que leur existence doit être portée à la connaissance du public.

Pour l'avenir, la nouvelle loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances devrait quoi qu'il en soit remédier à ces difficultés en explicitant en son article 57 le fait que « tous les documents [que demandent les rapporteurs spéciaux, y compris tout rapport établi par les organismes chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, et du respect de l'instruction et du secret médical, devront leur être fournis ».

S'agissant plus généralement des suites données aux rapports de l'IGAENR, on peut par ailleurs souligner que M. Jack Lang, ministre de l'Education nationale, a indiqué le 8 novembre 2001 lors de l'examen par l'Assemblée nationale du budget de l'enseignement scolaire pour 2002 qu'il « lisait attentivement » ces rapports et qu'il « essayait d'en tirer toutes les conséquences possibles ». Dès lors, on ne peut douter que l'ensemble des dysfonctionnements relevés par l'IGAENR seront bientôt traités...

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