IV. CERTAINS OUTILS D'INTERVENTION DOIVENT ÊTRE RÉAMÉNAGÉS

Il y a matière à s'étonner, tout particulièrement lors de l'examen du projet de loi de finances, du constat suivant : les crédits des différents fonds d'intervention qui ne figurent pas au budget de l'État et ne font donc l'objet d'aucun contrôle sont largement supérieurs aux crédits du secrétariat d'État aux PME. A lui seul, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) représentait en 2001, 67 millions d'euros, contre 59,6 pour le secrétariat d'État.

Votre rapporteur spécial souligne que l'action de ces fonds, et en premier lieu celle du FISAC, est d'une utilité certaine. Rien n'empêche cependant que ces fonds adoptent une présentation budgétaire plus adaptée et, le cas échéant, aménagent leurs actions pour que cessent certains financements croisés contraires à l'orthodoxie budgétaire. L'inscription des crédits alloués à un fonds d'intervention sur le budget général ne conduit évidemment pas nécessairement à la suppression dudit fond ou à la réduction de ses actions. Le Fonds d'aménagement des structures artisanales est ainsi inscrit au budget général sans que son existence soit remise en cause.

Les règles budgétaires et comptables paraissent de ce point de vue offrir suffisamment de souplesse pour que la spécificité de certains outils soit pris en compte.

La facilité avec laquelle le gouvernement puise dans les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat pour couvrir ses besoins budgétaires doit de toute façon conduire à imaginer des formules budgétaires permettant de sanctuariser les activités de certains fonds, et notamment du premier d'entre eux, le FISAC.

A. LA SUPPRESSION DES FONDS LOCAUX D'ADAPTATION DU COMMERCE RURAL

Les fonds locaux d'adaptation du commerce rural ont été mis en place par la loi du 31 décembre 1990 et devraient constituer un élément du dispositif de régulation des implantations des grandes surfaces. Ils sont financés par une fraction de la taxe professionnelle perçue sur les grandes surfaces autorisées à ouvrir ou à s'agrandir. La collecte est effectuée par un fonds régional qui répartit ensuite les sommes entre des fonds départementaux d'adaptation du commerce rural en raison inverse du potentiel fiscal par km².

Les produits recueillis ont été trop modestes pour permettre des interventions. Depuis 1992, seulement 7,4 millions d'euros ont été collectés par les fonds régionaux. La politique d'aide à la création ou au maintien d'une desserte de base en milieu rural a été prise en charge par le FISAC.

Votre rapporteur spécial ne remet pas en cause les objectifs des fonds départementaux et considère que leur création résulte d'une bonne intention. Il doit néanmoins constater que ces fonds restent, dix ans après leur création, inactifs et qu'un empilement d'outils trop modestes pour pouvoir fonctionner ne sert pas la cause du commerce de proximité.

Il propose donc la suppression de ces fonds.

B. L'INSCRIPTION DU FONDS NATIONAL DE PROMOTION ET DE COMMUNICATION DE L'ARTISANAT SUR LE BUDGET DU SECRÉTARIAT D'ÉTAT

Le Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat (FNPCA) est un établissement public créé par décret en 1997 qui a pour objet de contribuer au financement d'actions de promotion et de communication à caractère national. Il est financé par une majoration de 10% du montant du droit fixe payé par les ressortissants des Chambres des métiers, ce qui représente 9,6 euros par artisan en 2001. Les ressources annuelles du fonds sont de l'ordre de 7,62 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial porte un jugement très positif sur les campagnes de communication lancés par le FNPCA et tout particulièrement sur celle qui a contribué à asseoir et renforcer la notoriété du secteur de l'artisanat « l'artisanat, première entreprise de France ». Cette campagne a obtenu une très bonne visibilité parce qu'elle a été portée tant par les médias que par les artisans eux-mêmes, à travers une gamme de produits dérivés. Elle s'est déroulée en trois vagues, de 1999 à juillet 2001, pour un coût total de 7,28 millions d'euros.

Sur le strict plan budgétaire, votre rapporteur spécial appelle néanmoins à intégrer, sous forme de subvention, les dotations au FNPCA sur les lignes du secrétariat d'État aux PME. En effet, il constate que la campagne de communication générique sur l'artisanat a été cofinancée par l'État à hauteur de 50 %. Dans ces conditions, il paraît souhaitable, pour davantage de lisibilité et de cohérence, que les opérations de communication, qui participent assurément de la politique du gouvernement en direction des PME soient inscrites au budget.

Votre rapporteur spécial invite néanmoins le gouvernement à refuser la tentation de fondre ces lignes au sein d'une ligne plus générale et à bien individualiser les opérations de communication menées au profit de l'artisanat et du commerce.

C. LA SANCTUARISATION DU FISAC

Le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) constitue l'outil d'intervention majeur de l'État en direction du commerce et de l'artisanat. Ce fonds qui joue un rôle essentiel pour la revitalisation du commerce et de l'artisanat sur l'ensemble du territoire doit être sanctuarisé . Ceci signifie qu'il convient de mettre la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat à l'abri de la tentation des gouvernements , quels qu'ils soient, d'effectuer des prélèvements exceptionnels au gré de leurs besoins budgétaires plutôt que d'étendre les actions du FISAC. Ceci signifie aussi qu'il convient de trouver les mécanismes budgétaires lui évitant de disparaître au sein du budget de l'État .

Votre rapporteur spécial propose que la taxe d'aide au commerce et à l'arti sanat soit gérée au sein d'un compte d'affectation spéciale et que l'objet du FISAC soit remodelé pour préserver son étanchéité vis à vis du budget général.

1. Un fonds financé par les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat

La taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) a été créée en 1972, dans le contexte de la croissance forte du nombre de grandes surfaces et de la chute brutale de la valeur de certains fonds de commerce qui s'en est suivie. La taxe a été instituée pour établir une péréquation entre grande distribution et petit commerce, afin de fournir une aide aux commerçants auxquels la vente de leur fonds de commerce ne permettait plus de financer une retraite décente. Cette aide est versée sous la forme d'une indemnité de départ. La taxe est gérée sur un simple compte par l'ORGANIC (caisse de retraite de l'artisanat et du commerce) au profit de l'État.

Des excédents ont progressivement été constitués sur cette taxe. Le produit de la taxe payée par les grandes surfaces et l'emploi de cette taxe au titre de l'indemnité de départ ont connu en effet une évolution contraire. Le produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat connaît une croissance régulière, même si, en raison de la stagnation récente du nombre de grandes surfaces, son évolution est aujourd'hui moins dynamique. Le nombre de bénéficiaires de l'indemnité de départ a lui fortement décru. La population concernée par le dispositif mis en place en 1973 est aujourd'hui réduite.

Evolution de la TACA et de l'indemnité de départ depuis 2000

En millions d'euros

Produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat

Indemnité de départ des commerçants et artisans âgés

Prévision 2002

208,9

57,9

Estimation 2001

202,8

57,9

2000

197,8

51,8

Cet excédent a dès lors permis de financer d'autres actions en faveur du commerce et de l'artisanat. Il s'agit de :

- subventionner la CANCAVA et l'ORGANIC, caisses de retraite de l'artisanat et du commerce structurellement déficitaires, au titre du régime vieillesse. Cette subvention, décidée par arrêté ministériel, s'élève à 45,7 millions d'euros annuels,

- verser une dotation annuelle au comité professionnel de la distribution de carburants de 11,1 millions d'euros,

- et surtout d'abonder le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC). Ce fonds est doté en 2001 par arrêté ministériel à hauteur de 67 millions d'euros.

La gestion de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat

En millions d'euros

2000

2001

I) Produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat

197,8

202,8

Emplois

 
 

Indemnités de départ

51,8

57,9

Gestion administrative

1,8

2

Versement régime vieillesse

45,7

45,7

II) Total

99,3

105,6

III) Solde des opérations de la période (I-II)

98,5

97,2

Compte État

 
 

Au 1 er janvier de l'année

124,8

119,2

Dotation FISAC

-93

-67

Dotation Comité professionnel de la Distribution des carburants

-11,1

-11,1

III) Sous total

20,7

41,1

Solde au 31/12 (III+IV)

119,2

138,3

2. Un fonds qui joue un rôle essentiel en faveur du commerce et de l'artisanat

Le FISAC, de mieux en mieux doté, mène une action complémentaire de la politique d'aménagement du territoire des gouvernements. Il constitue un des instruments de développement local les plus importants.

Dépenses du FISAC 1994-2000 (en millions d'euros)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

27,4

28,7

50,7

41,8

59,4

61,5

110,2

a) Cinq catégories d'opérations

Depuis la circulaire du 21 juin 1999 relative aux nouvelles modalités de mise en oeuvre du FISAC, les opérations menées par ce dernier sont regroupées au sein de cinq grandes catégories au lieu de dix-sept précédemment :

-les opérations urbaines regroupant notamment les opérations « Centre 2000 » et « Coeur de pays »,

-les opérations urbaines recouvrant essentiellement l'ancienne catégorie des « 1.000 villages de France »,

-les opérations sectorielles ayant une portée nationale ou au moins interrégionale,

-les études,

-des actions spécifiques éventuelles.

b) Une action spécifique en cas de catastrophe naturelle

La souplesse de l'instrument justifie le recours systématique du gouvernement au FISAC en cas de catastrophe naturelle. La création d'un FISAC tempête, à l'issue des tempêtes de décembre 1999, doté de 30,5 millions d'euros en 2000, a été suivie de dotations complémentaires de 2,3 millions d'euros en 2001 au titre des inondations de Bretagne et de Loire-Atlantique et de la création d'un FISAC Sinistre-Toulouse doté également de 2,3 millions d'euros. Auparavant, le FISAC avait déjà été mobilisé lors des inondations de Vaison-la-Romaine en 1995.

c) Un outil d'intervention en milieu urbain et rural

Le FISAC intervient tant en milieu urbain que rural.

En milieu urbain, l'objectif est d'apporter une aide au montage de projets associant les collectivités locales, les associations de commerçants et les chambres consulaires, dans le cadre de projets intégrant l'ensemble des aspects de la politique urbaine (transports, habitat, infrastructure, stationnement, accessibilité au centre-ville, etc...). Ces opérations représentent 41,7 % du montant global des subventions avec plus de 152,45 millions d'euros depuis l'origine. Ce sont les villes de moins de 30.000 habitants qui bénéficient, en priorité, de ce dispositif. Le FISAC ne peut intervenir que marginalement dans le cadre des grands projets urbains conduits par des villes dépassant 50 000 habitants.

En milieu rural (communes de moins de 2.000 habitants), le FISAC intervient notamment en participant directement à la modernisation de l'outil de travail, dans le cadre d'opérations individuelles (avec une commune ou un particulier) ou collectives (avec un syndicat intercommunal, par exemple). Des aides directes, plafonnées à 9.146,90 euros peuvent être attribuées à des entrepreneurs individuels sous réserve de ne créer ni distorsion de concurrence, ni enrichissement sans cause. Globalement, les subventions en zone rurale représentent 19,6 % du total des aides distribuées.

d) Un outil de coopération avec les Chambres de Métiers et les Organisations professionnelles de l'Artisanat

Une fraction significative de la dotation FISAC (13,2 millions d'euros) est utilisée en partenariat avec les professionnels de l'artisanat, les Chambres de Métiers. et le secteur associatif. Elle vise à favoriser la poursuite et la pérennité des actions économiques de base menées en faveur des entreprises par les Chambres de Métiers et les organisations professionnelles du secteur de l'Artisanat et à encourager le montage de projets innovants.

3. La souplesse du FISAC : un inconvénient autant qu'un avantage

La souplesse de l'instrument extra-budgétaire que représente le FISAC est souligné notamment à l'occasion de catastrophe naturelle où le déblocage des fonds peut être très rapide. Cette souplesse sert avant tout une politique d'affichage. Ainsi, sur les 30,5 millions d'euros du FISAC tempête de 2000, seuls 5 millions d'euros ont été consommés, soit 17%.

Cette souplesse a néanmoins deux inconvénients majeurs. Le premier réside dans l'absence de possibilité de contrôle, essentiellement par le Parlement, des fonds tirés de la taxe d'aide au commerce et de l'artisanat. Le second résulte de la facilité avec laquelle le gouvernement puise dans les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat pour pallier la baisse de recettes fiscales résultant d'une conjoncture défavorable. Les montants de ces prélèvements sont très importants. Ils se sont élevés à :

- 152 millions d'euros en vertu de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier,

- 30 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 1993,

- 103 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 1995,

- 46 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 1996.

- 150 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002

Soit au total, en l'espace de dix ans, 481 millions d'euros (3,2 milliards de francs).

Ces prélèvements ne sont pas directement effectués sur le FISAC dont les ressources prévues pour 2002 devraient être préservées. Il n'en constituent pas moins un frein à son développement et à l'extension des ses activités. En remettant en cause la péréquation entre grande distribution et petit commerce, en effaçant la logique d'affectation au commerce et l'artisanat, ils manifestent une grande légèreté vis à vis de tout un secteur économique.

Votre rapporteur spécial appelle par conséquent à sanctuariser le FISAC.

4. Sanctuariser le FISAC par une formule budgétaire adaptée

Il n'est pas souhaitable de porter le FISAC au budget général. D'autres mécanismes budgétaires existent qui permettent de concilier les règles en matière de présentation de crédits et les procédures en matière de dépenses sans rompre avec la logique d'affectation à laquelle les commerçants et artisans sont légitimement attachés.

La réforme de la gestion financière de ce fonds doit ainsi garder à l'esprit :

- la nécessité d'un contrôle du Parlement,

- l'attachement des petites entreprises à une péréquation avec les grandes surfaces et à l'affectation de la contribution versée par celles-ci au soutien au commerce et à l'artisanat,

- la nécessité de faire bénéficier le commerce et l'artisanat des éventuels reports de crédits de fin d'année.

a) Ériger le compte de gestion de la TACA en compte d'affectation spéciale

La formule du compte d'affectation spéciale paraît particulièrement adaptée à la gestion de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. En effet, le compte d'affectation spéciale :

-autorise l'affectation d'une recette à une dépense dés lors qu'un lien existe entre l'une et l'autre,

-accepte de droit le report des crédits en fin d'année,

-respecte le principe du contrôle du Parlement sur les fonds publics.

Le compte d'affectation spéciale « Aide au commerce et à l'artisanat » aurait ainsi en recettes les produits de la TACA et en dépenses l'ensemble des actions qu'elle finance aujourd'hui ainsi que, le cas échéant, des subventions régulières à l'EPARECA.

b) Bien définir l'objet du FISAC

La Cour des Comptes dans ses rapports sur l'exécution des lois de finances dénonce régulièrement les financements croisés entre comptes spéciaux et budget général. Elle s'interroge fréquemment sur l'utilité de comptes spéciaux dont l'action n'est pas détachable de la politique générale du gouvernement. Elle met en cause le fonctionnement de comptes dont les actions pourrait tout aussi bien trouver leur place dans le budget général.

Ces critiques impliquent pour le FISAC une stricte définition de ces actions afin que celui-ci ne se trouve pas à terme réintégré dans le budget général. Il paraît ainsi légitime de réserver l'usage du FISAC aux action d'aménagement du territoire et de solidarité en faveur du commerce et de l'artisanat.

C'est au prix d'une gestion plus conforme à l'orthodoxie budgétaire et d'orientations bien définies, détachables de l'action du secrétariat d'État, que la pérennité du FISAC, ardemment souhaitée par votre rapporteur spécial et les acteurs du secteur, pourra être assurée.

D. L'ÉVALUATION DES ACTIONS DE L'EPARECA

L'Établissement public National d'Aménagement et de Restructuration des Espaces Commerciaux et Artisanaux (EPARECA), créé par la loi du 14 novembre 1996, est compétent tant en fonctionnement qu'en investissement, et intervient dans la restructuration et l'aménagement d'espaces commerciaux en difficultés implantés dans des zones sensibles. Il s'agit donc d'un outil de politique de la ville qui a fait l'objet d'une dotation initiale de 19,81 millions d'euros. L'établissement public a connu un démarrage très lent. Installé en septembre 1998, il n'a pas enregistré d'opérations avant l'année 2000.

Depuis mars 1999, l'EPARECA a été saisi de 127 demandes d'intervention. 56 dossiers seulement ont été traités. Un dossier a été réalisé (Créteil), 5 dossiers sont au stade de l'appel d'offres ou à celui des travaux (Argenteuil, Châlon-en-Champagne, Clichy-sous-Bois, Floirac et Hérouville-Saint-Clair), 2 opérations sont en cours d'acquisition (Bourges et Saint-Fons), 7 en phase opérationnelle (Bron, Cenon, Mulhouse, Pantin, Reims, Saint-Ouen l'Aumône et Roubaix).

Votre rapporteur spécial comprend la spécificité de l'EPARECA, sa raison d'être et les délais demandés par les opérations d'acquisition et de réhabilitation immobilière sur lesquelles s'adosse l'action de l'Établissement public. Il ne peut s'empêcher pour autant de comparer la modicité des actions entreprises depuis 1996 avec le bilan du FISAC. Il se demande si l'EPARECA n'aurait pas dû être soutenu par le FISAC, bénéficier de son expérience plutôt que se constituer dès l'origine en structure autonome avec les débuts difficiles que connaît toujours ce type de structure.

Votre rapporteur spécial souhaiterait voir se réaliser une étude sur l'évolution et les moyens de l'EPARECA afin que son avenir soit le cas échéant redéfini.

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