B. UNE FORTE DÉCÉLÉRATION DES PRESTATIONS FAMILIALES
La politique familiale française, incarnée par la CNAF, investit trois domaines d'actions :
- la compensation des charges de famille par le biais des prestations légales (72 % des fonds) ;
- l'aide à l'accession au logement (20 % des fonds) ;
- l'action sociale (8 % des fonds).
Si, au cours de cette législature, ces trois domaines ont connu des fortunes diverses, un constat global ne peut être éludé : les dépenses de la politique familiale, telles que retracées par les comptes de la CNAF sont en forte décélération. Cette dernière est essentiellement due à la faible revalorisation des prestations familiales légales, qui, par leur importance, freinent l'évolution de l'ensemble.
Évolution des principales variables 1998-2002 (en francs courants)
PIB |
+ 16,5% |
Recettes de la branche |
+18,5% |
Dont cotisations |
+19,6% |
Dont ITA (1) |
+14,9% (1) |
Dépenses de la branche |
+12,6 % |
Dont Prestations familiales |
+9,7 % |
Dont Aides au logement |
+19 % |
Dont Action sociale |
+27 % |
Source : Commission des Affaires sociales d'après Commission des comptes de la sécurité sociale.
(1) (avec le produit de la taxe de 2% sur les revenus du capital : 26%).
1. Les prestations familiales légales sont en recul
a) Une exigence constitutionnelle
Destinées à couvrir, au moins partiellement, la charge financière générée par l'éducation des enfants, les prestations familiales légales ont une existence constitutionnelle. En effet, les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946 disposent que :
« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ;
« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».
Énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, ces prestations sont les suivantes :
• les allocations familiales ;
• le complément familial ;
• l'allocation pour jeune enfant ;
• l'allocation de logement ;
• l'allocation d'éducation spéciale ;
• l'allocation de soutien familial
• l'allocation de rentrée scolaire ;
• l'allocation de parent isolé ;
• l'allocation parentale d'éducation ;
• l'allocation d'adoption ;
auxquelles, par cohérence, votre rapporteur ajoute l'AFEAMA et l'AGED.
b) Une évolution préoccupante
Le poids des prestations familiales dans le PIB est en recul :
Ce constat, déjà ancien, traduit une déplorable situation : l'effort consenti par les Français en faveur des familles se réduirait en réalité année après année.
L'évolution des prestations familiales est calée sur un coefficient, la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) revalorisée par décret, chaque année, en marge de la loi de financement de la sécurité sociale.
Premier indicateur de cette dégradation, sur la période 1997-2002, l'évolution de la BMAF témoigne peu ou prou d'une évolution des prestations familiales calée sur l'inflation.
Les facteurs d'évolution des prestations familiales légales L'évolution de ces prestations est sensible à de nombreux critères. Trois semblent néanmoins prépondérants sur la période : La hausse de la démographie a normalement un effet entraînant, engendrant des dépenses de frais de garde, mais peut être partiellement neutralisé par la diminution du nombre des familles nombreuses. La croissance économique joue dans un sens inverse car, disposant d'un revenu primaire s'élevant plus rapidement que les prix, des ménages perdent le bénéfice de certaines prestations sous condition de ressources. Les effets des décisions gouvernementales : en améliorant une prestation ou en pénalisant une autre, le Gouvernement peut influencer les flux. Ainsi, la pénalisation de l'AGED depuis 1997 contribue à expliquer le dynamisme de l'AFEAMA. |
Evolution BMAF/Inflation 1997-2002
Source : commission des Affaires sociales d'après CNAF
Or, l'accroissement des prestations au même rythme que l'inflation aboutit à priver leurs titulaires des fruits de la croissance. Ce constat est confirmé et conforté par la comparaison de l'évolution du PIB et de ces prestations.
Méthodologie Les chiffres présentés figurent dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, à ces aménagements méthodologiques près : Ce pôle « prestations familiales » ne comprend pas l'allocation de logement familiale, dont l'évolution est analysée avec les autres aides au logement. Il comprend l'allocation parent isolé (API) pourtant prise en charge par l'Etat depuis 1999, les prestations DOM-TOM, mais exclut l'allocation adulte handicapé (AAH), qui n'est pas une prestation familiale, et la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Rendus nécessaires par les multiples reclassements décidés par le Gouvernement, ces aménagements ont pour seul objet de neutraliser des transferts de charges qui ne traduisent pas, au cours de la période 1998-2002, une hausse nette des prestations en faveur des familles. Ainsi la MARS, précédemment financée sur le budget de l'Etat est maintenant prise en charge par la CNAF. L'API a effectué le chemin inverse. |
En 1998, le « pôle » des prestations familiales représentait 143 milliards de francs, soit 1,68 % du PIB.
En 2001, le même périmètre s'élevait à 151 milliards de francs soit 1,58 % du PIB, et en 2002 à 157 milliards soit 1,57% du PIB.
Part prestations familiales « légales » dans le PIB (en %)
Source : commission des Affaires sociales d'après commission des comptes de la sécurité sociale
Si les prestations avaient évolué au même rythme que la richesse intérieure, le montant financier distribué aux familles serait supérieurs en 2001 et en 2002 de plus de 10 milliards de francs. Depuis 1998, l'écart de revalorisation atteint 31 milliards de francs en cumulés.
Les prestations nouvelles : mesures emblématiques mais mesures symboliques Au cours de cette législature, deux prestations nouvelles auront été créées, l'allocation de présence parentale et le congé de paternité. L'allocation de présence parentale (APP), dont la version gouvernementale est moins généreuse que l'allocation de présence familiale souhaitée par la majorité sénatoriale permet néanmoins -et enfin- d'offrir un congé et un revenu de remplacement aux parents devant suspendre leur activité professionnelle pour accompagner leur enfant gravement malade. Figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, le congé de paternité étend le congé familial légal, des jeunes pères qui souhaiteraient demeurer auprès de leur enfant nouveau né, tout en rémunérant essentiellement cette extension. Emblématiques, ces prestations nouvelles répondent à de véritables besoins. Symboliques, ces prestations distribuent des montants d'aides très faibles. En juillet 2001, première année d'application, l'APP touchait 1.060 personnes. Il n'est pas certain que cette prestation coûte les 200 millions par an prévus, soit 0,0012 % des prestations familiales. Elle pourrait en effet coûter 5 fois moins 6 ( * ) . Le congé de paternité, en 2002, devrait coûter 700 millions de francs à la branche, sous des hypothèses optimistes quant au succès de cette prestation. Ensembles et surévaluées, ces mesures emblématiques représentent 0,0036 % des prestations familiales ! |
Selon le même principe de la différence entre évolution « neutre » et « effective » des prestations familiales, le graphique ci-dessous fait apparaître l'importance du glissement intervenu en cinq ans.
Calée sur les prix, l'importance des prestations
familiales légales
s'amenuise progressivement
(en
milliards de francs)
Source : commission des Affaires sociales d'après la commission des comptes
Les artifices de présentation : le cas de l'allocation adulte handicapé (AAH) L'allocation adulte handicapé, un minimum social destiné aux handicapés, est gérée par la CNAF pour le compte de l'Etat. Séparant cette allocation des prestations familiales légales, les comptes de la branche famille la retraçaient par le biais d'une ligne « prestation pour compte de tiers ». En mai 2001, les annexes retraçant les comptes de la CNAF dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale soustraient l'AAH de sa ligne « prestation pour compte de tiers » pour l'inscrire parmi les prestations familiales. Simultanément, l'ambiguïté est entretenue par le corps du rapport puisque l'AAH est bien séparée des autres prestations pour l'analyse de l'évolution des prestations familiales. Or, en septembre 2001, le rapport de cette même commission ne se contente plus de mêler l'AAH aux prestations familiales dans les annexes, mais multiplie les présentations traitant cette dernière en « prestation familiale sous conditions de ressources ». A titre d'exemple, on peut ainsi lire un graphique 7 ( * ) réalisé par la direction de la sécurité sociale retraçant la « structure des prestations familiales légales en 2000 », dans laquelle l'AAH pèserait pour 10 %. Cette erreur, qui n'est pas isolée, serait justifiée par le nouveau plan comptable de la sécurité sociale et contrairement à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale qui énumère les prestations familiales légales. Apparemment bien anodine, cette erreur aboutit néanmoins à présenter un compte de prestation gonflé du montant de l'AAH, soit 25 milliards de francs ! Une somme à rapprocher avec l'évolution générale des prestations familiales légales sous la présente législature... |
* 6 Cf. tome IV, exposé des articles, article 25 bis.
* 7 Rapport commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2001, p. 131.