TABLEAU COMPARATIF
RÉPONSES DE LA COUR DES COMPTES AUX QUESTIONS POSÉES PAR LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LE PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT DU BUDGET
DE 2000

__________

QUESTION 1

De façon générale, la prise en compte des engagements « hors bilan » de l'Etat est fragmentaire et insuffisante. Afin de remédier à cet état de fait, comment la Cour des Comptes estime-t-elle possible d'approfondir l'analyse des engagements de l'Etat au titre des pensions des fonctionnaires ?

Réponse

1 . Le cadre des engagements hors-bilan de l'Etat doit continuer à être précisé.

La Cour a consacré un chapitre de son dernier rapport sur l'exécution des lois de finances aux engagements hors-bilan de l'Etat et au traitement comptable des engagements au titre des retraites des fonctionnaires. Ses observations portaient tant sur le suivi comptable des garanties d'emprunt et des risques financiers associés aux garanties de nature très diverse accordées par l'Etat que sur les lacunes du rapport de présentation du compte général de l'administration des finances 23 ( * ) .

La direction du Trésor a informé la Cour des dispositions qui avaient été prises au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en vue de mettre en oeuvre les recommandations dudit rapport.

Ainsi, s'agissant de la dette garantie, la mission de conseil en gestion publique créée au sein du contrôle d'Etat va être chargée de réaliser un audit en organisation sur le suivi des garanties et de rédiger un guide des procédures. Un système de remontée et de centralisation systématique de l'information devrait permettre le recensement exhaustif des engagements accordés. Une réflexion méthodologique va être conduite sur la manière la plus appropriée de retracer dans les comptes de l'Etat les différents risques afférents à ces engagements.

A cet effet, des groupes de travail inter-directionnels vont être mis en place. Le projet de loi des finances pour 2002, dans son article 7, crée le comité des normes de comptabilité publique prévu à l'article 30 de la loi organique 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Pour sa part, la Cour poursuivra ses investigations sur les engagements hors-bilan de l'Etat dans le cadre de la préparation du prochain rapport sur l'exécution des lois de finances.

2 . L'analyse des engagements de l'Etat au titre des pensions des fonctionnaires doit être approfondie

Le problème des engagements de l'Etat au titre des pensions des fonctionnaires est plus délicat et l'analyse doit être approfondie.

Dans son dernier rapport sur l'exécution des lois de finances, la Cour a cité de larges extraits (pages 176 et 177) de la lettre, en date du 6 juin 2000, que le Premier Président a reçue de la secrétaire d'Etat au budget. Cette lettre souligne les difficultés méthodologiques d'un tel chiffrage et présente une fourchette d'évaluation comprise entre 3 900 MdF et 4 500 MdF, fondée sur un taux d'actualisation de 6% ou de 5% et sur la méthode des droits acquis, qui est l'une des méthodes recommandées aux entreprises par les normes comptables internationales.

Au-delà de cette première tentative de chiffrage dont il convient de souligner qu'elle n'est pas fondée sur la différence entre les cotisations actualisées et les prestations actualisées, puisqu'il n'existe pas de cotisation employeur sauf pour La Poste, France Telecom et les offices et établissements publics de l'Etat dotés de l'autonomie financière, mais sur les charges brutes de pensions des fonctionnaires actifs ou retraités et de leurs ayants droit, plusieurs points méritent d'être éclairés : la notion d'engagement, la finalité d'un chiffrage et le cadre comptable.

2.1 . La notion d'engagement de l'Etat

La notion d'engagement de l'Etat ne peut pas être inférée littéralement de la situation comptable des entreprises qui ont contracté des engagements de retraite complémentaires ou supplémentaires vis-à-vis de leurs salariés.

Au-delà des disciplines du traité sur la Communauté européenne qui encadrent plus strictement les déficits publics excessifs des Etats membres, le régime de retraite des fonctionnaires à la fois se rapproche des autres régimes obligatoires, de base ou complémentaires et en diffère. Il s'en rapproche en ce qu'il ne fait pas naître d'autres engagements vis-à-vis des assurés que ceux de garantir le paiement des pensions liquidées. Mais il en diffère profondément. En effet, la pension de retraite est un droit direct, inscrit au « Grand livre », sur l'Etat qui joue à la fois le rôle d'employeur et de caisse de retraite. En outre, le cotisant est en dernier ressort le contribuable.

L'estimation chiffrée d'un stock d'engagements de l'Etat en valeur actuelle selon la réglementation en vigueur ne saurait refléter exactement la réalité juridique particulière sous-jacente où les actifs n'ont pas de droit au maintien de la législation existante et où les retraités disposent d'un droit à pension sur l'Etat sans pour autant que le montant de la créance soit précisément fixé, l'évolution du montant de la pension relevant d'une décision largement discrétionnaire de l'Etat. Au lieu d'aider à clarifier les enjeux, cette approche risquerait de constituer un facteur de rigidité.

Il convient donc de bien préciser la notion d'engagement en matière de retraite en évitant de donner aux divers chiffrages une portée insuffisamment définie.

2.2. La finalité d'un chiffrage

La finalité d'un chiffrage en comptabilité générale est de rendre compte de la réalité économique et de fournir des informations significatives sur le niveau des engagements. Les comparaisons internationales montrent d'ailleurs que l'approche strictement comptable tendant à assimiler l'Etat à une entreprise est loin d'être dominante dans les pays de l'OCDE.

Le coût à long terme du régime des pensions civiles et militaires de retraite (PCMR) doit être calculé, porté à la connaissance du Parlement, commenté et utilisé dans les négociations sociales de la fonction publique. Il ne peut se réduire à un seul chiffre, mais doit être accompagné de variantes et bien faire ressortir les évolutions de long terme, tant rétrospectives que prospectives. A cet égard, il sera souhaitable de bien faire apparaître la très grande sensibilité des résultats aux hypothèses retenues dans le calcul des différentes variantes.

Cet effort de chiffrage économique et prospectif ne sera réellement utile que s'il permet de mieux appréhender le caractère soutenable des engagements de retraite pour les finances publiques, les marges de manoeuvre budgétaires et les interrelations entre le taux de croissance, l'emploi dans la fonction publique et l'évolution des traitements.

Dans ce contexte, la connaissance plus précise des données démographiques est essentielle. Elle doit porter à la fois sur les prévisions de départ à la retraite des fonctionnaires et sur l'établissement d'une table de mortalité spécifique.

S'agissant des données démographiques, la Cour n'a connaissance que des éléments d'analyse issus du rapport du commissariat général du Plan « Enjeux et stratégie pour le renouvellement », établi par un groupe de travail « Gestion de l'emploi public » présidé par M. Bernard Cieutat, conseiller maître (mars 2000).

Il en ressort notamment que pour les agents de l'Etat civils et militaires, la croissance des départs à la retraite s'accélère. Au creux de la bosse démographique, le nombre annuel des départs était d'environ 40 000 ; il dépassera 80 000 à partir de 2004, atteindra son maximum de 96 000 en 2009, puis se stabilisera à plus de 90 000 jusqu'en 2015.

Dans les administrations civiles de l'Etat, le nombre de départs supplémentaires à enregistrer d'ici 2012 par rapport au niveau atteint en 1999 sera de 286 000, et 1 018 000 personnes, soit environ 57% des agents en fonction en 1999, seront partis à la retraite.

Ces données doivent être affinées, car elles conditionnent à la fois la stratégie de recrutement dans la fonction publique et le rythme d'évolution en valeur actuelle des charges nettes de retraites des fonctionnaires.

Mais il est aussi urgent d'établir, comme la secrétaire d'Etat au budget en reconnaissait la nécessité dans sa lettre du 6 juin 2001, une table de mortalité spécifique aux fonctionnaires, mise à jour périodiquement, afin de prendre en compte une espérance de vie à soixante ans plus élevée que dans le secteur privé.

2.3 Le cadre comptable

La perspective de la certification des comptes de l'Etat rend la Cour particulièrement attentive à la définition de normes comptables précises d'autant qu'elles sont susceptibles d'être transposées aux organismes de sécurité sociale et d'être étendues aux mutuelles et aux organismes de retraite complémentaire, dans le prolongement du nouveau plan comptable applicable aux organismes de sécurité sociale.

A cet égard, deux questions se posent.

La première concerne la place des informations sur les engagements de retraite dans la comptabilité de l'Etat. Il appartiendra au comité des normes de comptabilité publique de trancher cette question. L'analyse qui précède conduirait à privilégier la solution d'une annexe, à l'instar des dispositions de l'article L 123-13 du nouveau code de commerce, plutôt qu'une comptabilisation en classe 8 qui impliquerait une notion d'engagement ferme et irrévocable sur un montant cerné avec précision, ce qui n'est pas le cas des engagements de retraites sauf pour les pensions liquidées.

La seconde concerne l'identification du compte du régime PCMR. Comme la Cour l'a souligné dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000 (p. 48), les explications données dans le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances sur les charges et les ressources du régime PCMR sont insuffisantes. Seule la création d'un compte d'affectation spéciale, prévue par l'article 21 de la loi organique 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances pour retracer « les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires » , permettra de définir avec précision les différents paramètres comptables du régime PCMR et de la charge nette pour le budget de l'Etat.

C'est à la lumière des progrès accomplis par l'Etat pour appréhender de manière plus précise ses engagements au titre des pensions des fonctionnaires que la Cour pourra elle-même approfondir son analyse dans le cadre des missions qui sont les siennes.

QUESTION 2

Quelle définition comptable de la dette de l'Etat est, selon la Cour des Comptes, la plus opportune pour apprécier complètement le montant des engagements souscrits par l'Etat ainsi que leur évolution ?

Réponse

La « dette de l'Etat » ne figure pas, aujourd'hui, parmi les notions, rubriques ou postes définis dans les documents, de diverses natures, fixant ou expliquant les règles de présentation des comptes de l'Etat.

Pour autant, une information chiffrée relative à la « dette de l'Etat », évaluée en valeur nominale, est fournie dans trois documents de caractère comptable ou quasi-comptable, élaborés et diffusés par le ministère des finances :

- le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances (CGAF) : par exemple, dans le rapport relatif au compte général pour 2000, le montant et la structure de la « dette de l'Etat » sont analysés dans les pages 60 et suivantes ;

- les situations périodiques des opérations du Trésor, dont la situation résumé mensuelle - la SROT, en réalité, la plus détaillée - est le pivot : par exemple, le tableau mensuel synthétique des opérations du Trésor (TSOT) détaille « la dette de l'Etat inscrite au bilan » dans la rubrique «dette publique - encours» ;

- le « compte de la dette publique », établi chaque année par la direction générale de la comptabilité publique : par exemple, dans ses pages 8 à 11, le tome 1 de l'édition de 2000 relative à 1999 comprend une série de tableaux intitulés « dette de l'Etat » et « évolution de la dette de l'Etat 1986-1999 » .

Le tableau présentant la « dette de l'Etat » dans le bulletin mensuel de l'Agence France-Trésor reprend les données de la SROT au 31 décembre de chaque année.

Mais, comme l'a fait observer la Cour dans son rapport sur l'exécution du budget de 2000 (pages 148 et 149), les trois documents de référence précités donnent trois montants différents.

Ainsi, au 31 décembre 2000, la « dette de l'Etat s'élevait :

- à 4 765,4 MdF (726,48 Md€)  selon le CGAF ;

- à 4 585,8 MdF (699,11 Md€) selon la SROT ;

- à 4 483,2 MdF (683,45 Md€) selon la méthode de calcul utilisée dans le compte de la dette publique 24 ( * ) .

Ces discordances tiennent, en première analyse, à des différences de définition, mais l'harmonisation nécessaire pour y remédier est aussi liée à des réformes plus profondes du système comptable de l'Etat.

Le choix de la définition la plus adéquate devrait relever de la démarche de normalisation dont l'urgente mise en place, pour les comptes de l'Etat, semble désormais amorcée, notamment avec la création, prévue à l'article 67 du projet de loi de finances pour 2002, d'un « comité des normes de comptabilité publique ». Le travail d'analyse devra porter en particulier sur les normes et pratiques existantes, à la fois comptables et extra-comptables, européennes (Eurostat), internationales (IASC, IFAC, FMI, OCDE, etc.) ou d'autres pays comparables au nôtre.

S'il revient à la Cour d'être partie prenante à ce processus de normalisation, son avis, exposé ci-après, ne reflète, à ce stade, que les préoccupations tirées des contrôles opérés. Etape essentielle de la normalisation, la confrontation des avis reste à conduire.

1 - L'utilité d'un indicateur comptable de la dette globale de l'Etat :

Il ne fait naturellement aucun doute que les comptes de l'Etat doivent recenser exhaustivement toutes ses dettes. Mais faut-il, pour autant, dans les états de synthèse, et notamment le bilan, identifier une rubrique spécifique, et donc un montant, caractéristiques de la globalité des dettes ?

Cette question préalable n'est pas superflue, dès lors que l'indicateur le plus utilisé aujourd'hui pour mesurer l'endettement public - la dette publique au sens du traité de Maastricht - est de nature plus économique que comptable. Répondant à des conventions spécifiques, cet agrégat ressortit plus aux techniques et, dans une certaine mesure, aux finalités de la comptabilité nationale qu'il ne s'apparente à une rubrique d'un état de synthèse de comptabilité générale.

Pour compléter cet indicateur macro-économique, les besoins de la communication financière, notamment à destination des marchés obligataires des dettes souveraines, tendent, de leur côté, à favoriser d'autres indicateurs extra-comptables, ceux-là spécialisés. La notion de dette « nette » - c'est à dire excluant certains éléments de passif et déduisant certains éléments d'actif, liés à la gestion de la trésorerie à court terme (par exemple, les prises et mises en pension) - est ainsi souvent jugée plus significative que celle de dette « brute » telle qu'elle ressort du seul passif du bilan de l'Etat.

Mais quatre arguments contraires, au moins, militent, à l'inverse et de façon plus déterminante, en faveur de l'indicateur comptable.

En premier lieu, la dette publique au sens de Maastricht est un agrégat global couvrant l'endettement de l'ensemble des administrations publiques (Etat, autres administrations centrales - ODAC -, administrations publiques locales, administrations de sécurité sociale, avec élimination des actifs et passifs réciproques). Certes, pour calculer l'agrégat global, l'endettement de l'Etat stricto sensu, qui représente près de 80 % du total, fait l'objet d'une évaluation spécifique, à partir de la comptabilité générale de l'Etat 25 ( * ) , mais ce chiffre n'est pas notifié.

En second lieu, la comptabilité nationale ne dégage pas actuellement d'agrégat reflétant spécifiquement l'endettement de l'Etat. Le passif du compte de patrimoine de l'Etat en donne une mesure, mais encore peu utilisée et intégrant les instruments financiers pour leur valeur de marché.

En troisième lieu, alors que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances prévoit que le droit commun comptable doit s'appliquer, sauf exception dûment justifiée, aux comptes de l'Etat, la structure du bilan-type retenue par le plan comptable général (PCG) doit être transposée à l'Etat. Or, le modèle de référence subdivise le passif en quatre groupes d'éléments - I : situation nette, subventions d'investissement et provisions réglementées ; II : provisions pour risques et charges ; III : dettes ; IV : écarts de conversion passif -, dont le troisième, « les dettes », recouvre la notion de dette globale de l'Etat.

La dernière raison concerne le contrôle exercé par le Parlement sur l'exécution des autorisations données dans les lois de finances. Dès lors que la corrélation entre le cumul des soldes budgétaires et l'évolution de l'endettement de l'Etat peut souffrir des entorses (par exemple, sous forme de débudgétisations par extension abusive du champ des opérations de trésorerie), un suivi étroit de la dette s'impose, en particulier pour identifier clairement les variations d'endettement d'origine extra-budgétaire.

2 - Le passif du bilan du CGAF, référence principale :

De ce constat d'ensemble, il résulte aussi que l'indicateur comptable représentatif de la dette de l'Etat dans sa globalité doit être non seulement fondé directement sur les données de la comptabilité générale, tenue selon les normes du PCG, mais également sur une présentation de ces données elle-même conforme aux prescriptions du PCG.

Or, des deux bilans publiés de l'Etat au 31 décembre de chaque année coexistant aujourd'hui, seul celui du CGAF répond, du moins pour l'essentiel, aux normes des états de synthèse prévues par le PCG. Le bilan figurant dans les situations périodiques des opérations du Trésor (SROT, SMOT, TSOT) est le produit de retraitements, non-explicités mais notoirement dérogatoires.

Contrairement à la situation actuelle où la communication financière de l'Etat reprend principalement les données retraitées de la SROT, y compris pour le chiffrage de la « dette de l'Etat », le CGAF et notamment ses états de synthèse devraient être à la fois le cadre et la base de données comptables de référence.

3 - Le besoin de véritables comptes intermédiaires :

Une difficulté pratique ne saurait, toutefois, être sous-estimée : l'information financière infra-annuelle relative à l'Etat - situation de l'exécution budgétaire et situations des opérations du Trésor -, essentiellement mensuelle pour la partie publiée, s'appuie, non pas sur la présentation du CGAF, mais sur la présentation et les données retraitées de la SROT.

La présentation du CGAF a l'inconvénient de n'être utilisée que pour le compte annuel, même si les données de base sont centralisées continûment, et, du reste, servent à l'établissement des situations périodiques des opérations du Trésor.

Justifiés par le souci d'améliorer la signification économique et financière des informations fournies, les retraitements opérés dans la présentation de la SROT consistent, dans certains cas, en des contractions de postes d'actif et de passif. Ils sont souvent liés à l'importance inhabituelle, dans la comptabilité de l'Etat, des comptes d'imputation provisoire et des comptes créditeurs ou débiteurs « divers ». De fait, la présentation de la SROT a été aussi un moyen de pallier cette insuffisance chronique de la comptabilité de l'Etat.

De même que les efforts déjà engagés pour réduire les comptes d'imputation provisoire doivent être accentués, l'Etat aurait avantage à rapidement se doter de véritables comptes intermédiaires infra-annuels, transposition de ceux qui ont fait l'objet, pour les entreprises, de la recommandation n° 99-R-01 du 18 mars 1999 du conseil national de la comptabilité. Les travaux nécessaires pourraient être reliés à ceux à engager pour satisfaire à la nouvelle prescription européenne, actuellement en cours d'approbation, requérant de fournir, à horizon 2005, un compte trimestriel complet des actifs et passifs financiers du secteur des administrations publiques au format de la comptabilité nationale.

Dans son principe, la production d'informations retraitées n'est pas critiquable, du moins à la condition - non remplie aujourd'hui - d'être assortie de renseignements précis sur les retraitements effectués et de tableaux de passage des données comptables de base aux données retraitées. Mais la diffusion des données comptables de base, dans la présentation normalisée de droit commun, est un préalable, y compris pour les situations périodiques infra-annuelles.

4 - Les dettes prises en compte :

Conformément à la structure-type du bilan prévue par le PCG, la « dette de l'Etat » peut être définie comme l'ensemble des dettes inscrites au passif du bilan du CGAF. Ces dettes sont nécessairement comptabilisées en droits constatés. Par ailleurs, l'annexe doit répertorier, également selon les règles du droit commun comptable, les engagements hors-bilan.

Il n'apparaît pas anormal, en revanche, que le classement des dettes soit spécifique à l'Etat. Actuellement, deux catégories sont distinguées : les dettes financières et les dettes non-financières. Classiquement, les dettes financières sont elles-mêmes subdivisées en trois : les dettes financières négociables, les dettes financières non négociables et les concours de la Banque de France.

Sous réserve des aménagements susceptibles d'être apportés à l'issue des futurs travaux de normalisation, on voit mal pourquoi le bilan de la SROT comporte une ventilation des postes différentes du CGAF, avec des intitulés souvent différents, même quand les contenus des rubriques et des postes sont identiques.

L'exhaustivité de la prise en compte des dettes est aujourd'hui loin d'être acquise. L'apparition d'un poste de charges à payer dans les comptes de 2000 (29,6 MdF [4,51 Md€]) a constitué un notable progrès, mais ne concernant que les remboursements de TVA. Les améliorations à venir s'inscrivent dans la généralisation effective de la comptabilisation en droits constatés.

L'importance des comptes de régularisation (72,3 MdF [11,02 Md€]) et des « comptes transitoires ou d'attente créditeurs » (73,0 MdF [11,13 Md€]), tous exclus du montant de 4 765,4 MdF (726,48 Md€) donné pour la « dette de l'Etat » dans le CGAF de 2000, témoigne d'un autre progrès indispensable : l'ampleur des sommes en cause est excessive ; l'existence même de certains comptes pose question ; le contenu et l'intégration ou non dans la « dette de l'Etat » de la plupart des comptes concernés devront être examinés attentivement au titre de la normalisation.

Il convient avant tout de clarifier la ligne de partage entre les dettes correspondant à des emprunts et celles résultant du décalage entre la constatation d'une obligation et son règlement monétaire, seules les premières ayant vocation à figurer dans la « dette de l'Etat ».

5 - Le compte de la dette publique :

Le cas du « compte de la dette publique » ne relève pas de la même problématique d'harmonisation de définitions. Il n'y a pas de raison d'y procéder à des retraitements. Il n'y a pas de raison non plus que les informations et la présentation comptables y diffèrent du CGAF.

Dans la ligne de sa vocation originelle, ce compte est destiné à fournir un inventaire détaillé, constitué d'informations à la fois comptables et extra-comptables, de l'ensemble des engagements souscrits par l'Etat et recensés dans sa comptabilité générale, soit dans des comptes de passif, soit en engagements hors-bilan.

Il devrait donc s'agir d'un développement du CGAF, auquel il gagnerait d'ailleurs à être annexé

6 - Le compte de commerce relatif à la trésorerie et à la dette de l'Etat :

Le compte de commerce n° 904-22 « de gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat », créé par la loi de finances rectificatives du 30 décembre 2000, va ajouter une pièce supplémentaire à l'information sur la dette. Par son article 22 instituant « un compte de commerce déterminé » retraçant « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'Etat », la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances consacre l'existence d'un compte spécial dédié, dans la catégorie des comptes de commerce.

Le compte de commerce actuel n'a vocation qu'à retracer certaines opérations de gestion active - aujourd'hui, les contrats d'échanges de taux d'intérêt. Tenue selon les règles du plan comptable général, conformément aux dispositions de l'article 26 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, sa comptabilité va faire, chaque année, l'objet « d'un audit contractuel » en application des dispositions législatives précitées créant le compte. Cet audit portera également sur un « rapport d'activité » couvrant non seulement les opérations du compte de commerce mais aussi celles imputées dans le budget général et celles ayant le caractère d'opérations de trésorerie. Selon l'Agence France Trésor, la comptabilité mise en place pour suivre l'ensemble de la gestion de la dette et de la trésorerie s'inspirera des principes comptables bancaires.

Le périmètre du compte de commerce prévu par la nouvelle loi organique pourra être plus large. Les règles définissant la comptabilité patrimoniale associée devront être fixées par une loi de finances. On doit les souhaiter proches des normes comptables applicables aux établissements de crédits. Par ailleurs, cette comptabilité ne saurait être, elle aussi, que soigneusement articulée au CGAF.

QUESTION 3

S'agissant du chapitre 37-91 du budget des Services généraux du Premier ministre (« fonds spéciaux »), comment est-il possible de remédier au décalage significatif entre le montant initial des crédits et celui effectivement réalisé ?

Réponse

Les crédits du chapitre 37-91 du budget des services généraux du Premier ministre (« Fonds spéciaux ») sont abondés chaque année par des ouvertures de crédits réalisées en cours d'année, sous la forme de décrets de répartition, à partir du chapitre 37-95 « dépenses accidentelles » du budget des charges communes. Ces décrets ne sont pas publiés, en application de l'article 20 de la loi du 3 juillet 1978 portant règlement définitif du budget de 1976 disposant que les textes réglementaires intervenant pour l'exécution des lois de finances sont publiés « à l'exception de ceux portant sur des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ».

Au cours des cinq dernières années, ces ouvertures de crédits traduites dans les lois de règlement ont représenté entre 15 % (1998) et 29 % (1997) des crédits votés ; en 2000, elles ont porté sur 75,2 MF, soit 19,1 % des crédits inscrits en loi de finances initiale (393,8 MF). De 1996 à 1998, elles ont bénéficié pour 80 à 90 % à l'article 20 § 10 « dépenses de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) », et pour le reste aux deux autres lignes budgétaires du chapitre ; en 1999 et 2000, elles ont concerné uniquement la ligne DGSE, et les annulations de crédits transcrites dans le collectif de fin d'année n'ont affecté que les deux autres lignes.

Ces affectations de crédits supplémentaires sont décidées par le Premier ministre, responsable de l'emploi des fonds spéciaux en vertu de l'article 42 de la loi du 27 avril 1946, en fonction des besoins apparaissant en cours d'année. La Cour des comptes n'exerçant pas de contrôle sur l'utilisation des fonds spéciaux, elle ne peut pas porter d'appréciation sur la possibilité de remédier au décalage apparaissant entre crédits initiaux et ouvertures nettes de crédits au chapitre 37-91.

QUESTION 4

Quelles améliorations la Cour des comptes estime-t-elle indispensable d'apporter au dispositif des contrats de gestion afin de rendre leur régularité, au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959, moins « discutable » ?

Réponse

Dans le cadre de l'exécution de la loi de finances 2000, le Gouvernement a eu recours au dispositif des « contrats de gestion », nouvelle forme de régulation introduite en 1999 pour ajuster en gestion la consommation des crédits ouverts par le Parlement.

La Cour considère comme légitime la préoccupation de parvenir à une maîtrise accrue des dépenses publiques. La méthode contractuelle employée, qui associe les ministères dépensiers à l'élaboration et à la mise en oeuvre des contrats de gestion, constitue par ailleurs un progrès par rapport aux précédentes formes de régulation budgétaire. Il n'en reste pas moins que le recours aux contrats de gestion fausse la portée de l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale, la régularité de ce mécanisme au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 apparaissant discutable à plusieurs titres :

- la « mise en réserve » de crédits n'est pas prévue par l'ordonnance ;

- les annulations de crédits, pratiquées dans le cadre de la régulation budgétaire le sont en vue de se conformer à un objectif prédéterminé de limitation de la dépense publique et non en raison de leur défaut d'emploi, seul cas prévu par l'ordonnance ;

- la stabilisation des reports à l'exercice suivant au niveau des reports sur l'exercice courant dénature les choix parlementaires dès lors que l'autorisation délivrée en loi de finances initiale ne prend pas en considération le montant de ces reports ; elle inscrit de plus cette autorisation dans un cadre pluriannuel qui n'est pas celui prévu par les textes pour les crédits de paiement .

La régulation budgétaire, c'est à dire l'ajustement par voie réglementaire de la consommation de crédits, afin de prévenir une dégradation de l'équilibre budgétaire, n'étant pas prévue par l'ordonnance du 2 janvier 1959, il est difficile de préciser les modalités de mise en oeuvre qui permettraient de mieux respecter les dispositions de cette même ordonnance.

La perspective de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique (loi n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances) apporte cependant un nouvel éclairage à ce débat, le législateur ayant choisi de reconnaître le principe de la régulation budgétaire dans son article 14 et d'en encadrer la mise en oeuvre. Les dispositions de l'article 14 de la nouvelle loi organique étant applicables à compter du 1 er janvier 2002, la régulation budgétaire disposera dès le prochain exercice du fondement juridique qui lui faisait jusqu'alors défaut.

Dans ce nouveau cadre, la régulation budgétaire devra toujours être appréciée au regard de l'impératif premier que constitue la sincérité de la prévision budgétaire, et plus particulièrement des prévisions de recettes, qui conditionne l'équilibre ultérieur de l'exécution budgétaire. A cet égard, et de manière à limiter autant que possible le recours à un dispositif de régulation, il est indispensable que le projet de loi de finances soumis au Parlement soit fondé sur des prévisions de croissance et d'inflation à la fois récentes et réalistes.

Si la régulation budgétaire apparaît néanmoins indispensable en cours d'exécution, sa mise en oeuvre devrait différer sur plusieurs points des mécanismes utilisés avant l'adoption de la nouvelle loi organique :

- la régulation pourra être mise en oeuvre par décret. La nouvelle loi organique dispose en effet à son article 14 que  « afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée, un  crédit peut être annulé par décret pris sur rapport du ministre chargé des finances». Avant sa publication, tout décret d'annulation devra être transmis pour information aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées. La loi précise par ailleurs que le montant cumulé des crédits annulés par décret dans le cadre de la régulation et des annulations consécutives à des ouvertures de crédit par décrets d'avance ne peut excéder 1,5% des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.

- les reports sur les crédits de paiement ne devront pas dépasser à terme 3% des crédits initiaux d'un programme donné. La nouvelle loi organique dispose en effet dans son article 15, applicable aux crédits de l'exercice 2005, que «  les crédits de paiement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs », et que les crédits bénéficiant du report « peuvent être majorés dans la limite de 3% des crédits initiaux » inscrits sur le même titre (pour les dépenses de personnel) ou sur les mêmes titres (pour les autres dépenses) du programme à partir duquel les crédits sont reportés.

Le principe d'une association des ministères dépensiers à la mise en oeuvre de la régulation budgétaire, et plus particulièrement à la préparation des décrets d'annulation devrait être préservé.

QUESTION 5

Dans son rapport, la Cour des comptes souligne les difficultés de recouvrement de certaines recettes fiscales (comme la TIPP ou les droits sur les tabacs) et non fiscales (produite des amendes et condamnations pécuniaires, retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat etc.).

Peut-elle retracer, pour ces cinq dernières années l'évolution du taux de recouvrement des principales recettes fiscales et non fiscales ? Par ailleurs, elle précise que « la diligence des services n'est pas en cause » : peut-elle donner les raisons des difficultés de recouvrement qu'elle constate ? A-t-elle des propositions pour améliorer les taux de recouvrement ?

Réponse

Evolution des taux de recouvrement des principales recettes fiscales
et non fiscales

Les taux de recouvrement donnent lieu, de la part de l'administration fiscale elle-même, à autant de calculs que de définitions 26 ( * ) .

S'agissant des recettes fiscales , la Cour a souhaité, à partir du RELF 1999, établir son propre référentiel de calcul des taux de recouvrement, à partir des chiffres retracés dans le compte général de l'administration des finances, dans le fascicule fournissant le développement des recettes budgétaires.

Les taux établis par la Cour sont définis de manière analogue aux taux bruts de l'administration fiscale : il s'agit des sommes recouvrées par rapport aux sommes à recouvrer. La convention a été prise de ne pas défalquer les sommes à recouvrer des sommes ayant donné lieu à un abandon de droits au cours de l'année. Ces taux présentent plusieurs avantages :

- leur calcul est effectué sur les chiffres disponibles dans le CGAF, avant tout retraitement par l'administration. Ils offrent ainsi une garantie de cohérence entière avec les recettes retracées au budget,

- Dès lors, ce calcul peut intervenir rapidement, et être présenté en même temps que les éléments relatifs aux recettes dans le rapport sur l'exécution des lois de finances. Les taux calculés par l'administration fiscale sont produits plus tardivement par celle-ci,

- Le mode de calcul permet d'isoler les performances du recouvrement sur les cotes antérieures à l'exercice, mettant en lumière les difficultés des services sur les cotes délicates

Ainsi, le tableau annexé présente deux taux : le taux de recouvrement sur les créances nées au cours de l'exercice, et le taux de recouvrement sur les créances nées au cours d'exercices précédents :

Le taux de recouvrement sur les créances de l'exercice est obtenu en faisant le rapport des sommes recouvrées sur les créances nées en 2000 (ce dernier chiffre étant obtenu par différence entre l'ensemble des sommes recouvrées en 2000, et le recouvrement sur créances antérieures à 2000) et des droits prises en charge en 2000.

Le taux de recouvrement sur les créances antérieures à l'exercice est obtenu en faisant le rapport des sommes recouvrées en 2000 sur les créances antérieures à cet exercice, sur les restes à recouvrer en début d'année 2000.

Les taux ainsi calculés sont fournis dans leur intégralité dans le tableau annexé, pour les années 1999 et 2000. La Cour ne dispose pas du calcul pour les années antérieures, ne l'ayant introduit qu'en 1999. En outre, cette démarche n'a pas, pour l'heure, été étendue aux recettes non fiscales.

Le tableau annexé retrace pour chaque année la mécanique du recouvrement : aux restes à recouvrer sur les créances des années antérieures s'ajoutent les droits pris en charge au cours de l'année, et sont retranchés les annulations de prise en charge. Sont ensuite fournies les sommes recouvrées au cours de l'année considérée, d'abord sans tenir compte de l'exercice où elles sont nées, puis en individualisant le recouvrement sur les créances antérieures à l'exercice courant.

Ce tableau appelle les commentaires suivants :

- on constate les difficultés de recouvrement sur les créances antérieures à l'exercice. Tant en 2000 qu'en 1999, les créances antérieures à l'exercice sont nettement moins bien recouvrées que les créances de l'exercice courant. A titre d'exemple, en 2000, seuls 36,5% des créances d'impôt sur le revenu qui n'avaient pas été recouvrées lors de l'exercice où elles sont nées ont pu finalement l'être, alors que les créances nées pendant l'exercice ont été recouvrées à 93,1%.

- le constat fait par la Cour sur les difficultés de recouvrement de la fraction recouvrée par émission de rôles de certains impôts est illustré. Ainsi, s'agissant par exemple des droits sur les tabacs, par rapport à 438 millions de francs de restes à recouvrer en début d'année 2000, pratiquement aucun recouvrement n'a eu lieu en 2000.

- il est possible de suivre les taux de recouvrement d'une année sur l'autre : l'évolution défavorable constatée sur certains taux a donné lieu à des questions aux administrations compétentes : ainsi, l'évolution constatée sur le recouvrement des créances de l'année courante ayant donné lieu à émission de rôles en matière de retenue à la source sur les bénéfices non commerciaux, semblait marquée par le passage d'un taux de recouvrement de 51,6% à 10,8%. Ceci a permis de mettre en lumière une erreur de saisie (confusion francs / euros ayant conduit à la prise en charge artificielle d'un milliard de francs de créances).

- le tableau permet de suivre la performance globale du recouvrement sur l'ensemble des recettes fiscales. On constate au niveau agrégé que l'amélioration en 2000 du recouvrement sur les créances des années antérieures à l'exercice (+1,6 point) a eu pour contrepartie une baisse des taux de recouvrement sur les créances de l'exercice (-1,5 point).

Raisons des difficultés de recouvrement constatées
sur certaines recettes.

Le travail effectué par la Cour en 2000 se situe dans le prolongement de celui conduit en 1999 (RELF 1999, pp 33-34). A l'occasion de la mise en place d'un calcul systématique des taux de recouvrement sur prises en charge, la Cour avait relevé que certains impôts, (TIPP ou droits sur les tabacs par exemple) dont le recouvrement se fait pour l'essentiel au comptant, mais dont une faible partie est recouvrée par émission de rôles, présentaient pour cette partie seulement des taux de recouvrement très bas. (Le recouvrement du solde de ces impôts, qui s'effectue au comptant, n'est pas en cause, et ne peut par nature se prêter à une analyse en termes de taux de recouvrement).

Les délais de production du RELF n'avaient pas permis, en 1999, de recueillir d'éléments d'explication de ces faibles taux de recouvrement. En particulier, la Cour n'avait pas déterminé si ces taux tenaient à des difficultés particulières de recouvrement sur ces créances, ou si la diligence des services devait être mise en cause. Aussi, la Cour a repris ses investigations sur ce point en 2000.

La partie des recettes donnant lieu à prise en charge (pour la TIPP, les droits sur les tabacs et les autres impôts mentionnés) est en réalité la partie résultant de redressements fiscaux à la suite de fraudes, le cas échéant dans le cadre d'actes de délinquance. C'est la raison pour laquelle les taux de recouvrement sont si faibles. Ce n'est pas seulement le fait que ces créances soient issues de redressements (ainsi, l'IS recouvré par voie de rôle, c'est-à-dire après redressement fiscal, est tout de même recouvré à 30%), mais leur contexte délictueux qui conduit à de très faibles taux de recouvrement.

A titre d'exemple, s'agissant de la TIPP ou des droits sur les tabacs, les sommes en cause sont le plus souvent celles réclamées aux contrebandiers dont la marchandise a été saisie lors de contrôles douaniers. Ceux-ci ne disposent pas, d'une manière qui pourrait être appréhendée aisément par les services fiscaux, des sommes considérables qui leur sont réclamées à l'occasion des redressements et les perspectives de recouvrement sont infimes. Les créances ne peuvent pourtant être admises en non-valeur qu'à l'expiration de procédures judiciaires, d'autant plus complexes et aléatoires qu'elles font appel à la coopération internationale en matière de justice.

Ces taux de recouvrement sont donc voués à atteindre de faibles niveaux, sujets en outre à de brusques variations selon l'issue de telle ou telle affaire de grande ampleur. La Cour approfondira dans les années à venir l'examen des difficultés et des modes de suivi du recouvrement propres à chacune de ces lignes de recettes particulières, de manière à formuler éventuellement des recommandations à cet égard.

Tableau n° 1 :  Taux de recouvrement sur prises en charge

Restes à recouvrer début 2000

(MF)

Droits pris en charge en 2000 (MF)

Annulations de prise en charge en 2000 (MF)

Recouvrement en 2000, toutes créances (MF)

Recouvrement en 2000, créances antérieures à 2000 (MF)

Taux de recouvrement en 2000 sur prise en charge de l'exercice

Taux de recouvrement en 1999 sur prise en charge de l'exercice

Taux de recouvrement en 2000 sur créances antérieures à l'exercice

Taux de recouvrement en 1999 sur créances antérieures à l'exercice

Impôt sur le revenu

69.527

348.026

0

349.318

25.351

93,1%

93,6%

36,5%

34,0%

Impôt sur les sociétés recouvré par voie de rôle

24.196

27.876

0

16.590

8.150

30,3%

37,4%

33,7%

43,8%

Autres impôts directs recouvrés par voie de rôle

34.758

32.568

8

37.653

17.707

61,2%

62,9%

50,9%

42,9%

Retenue à la source sur sur certains bénéfices non commerciaux

189

42

80

31

8

54,8%

36,4%

4,2%

16,3%

Retenue à la source sur les revenus des capitaux mobiliers

2.188

1 . 158

628

165

40

10,8%

51,6%

1,8%

0,1%

ISF

262

485

36

419

49

76,3%

82,0%

18,7%

20,8%

Taxe d'apprentissage

572

91

113

47

29

19,8%

6,6%

5,1%

8,3%

TIPP

227

24

6

8

3

20,8%

20,9%

1,3%

2,3%

TVA

65.983

38 . 895

13.622

27.557

7.526

51,5%

65,4%

11,4%

9,6%

Droits d'enregistrement

3.124

2 . 446

566

1.738

485

51,2%

63,3%

15,5%

15,9%

Taxes sur les véhicules des sociétés

285

192

53

149

36

58,9%

61,9%

12,6%

10,1%

Droits d'importation

841

210

69

65

31

16,2%

20,7%

3,7%

4,3%

Prélèvements et droits compensa -toires institués sur divers produits

193

0

13

1

1

7,0%

0,5%

1,2%

Droits de consommation sur les tabacs

438

80

63

1

1

0,0%

7,7%

0,2%

0,5%

Autres

2.132

3 . 222

558

3.093

481

81,1%

44,1%

22,5%

27,1%

Ensemble des recettes fiscales

204.915

455.315

15 . 815

436.835

59 . 898

82,8%

84,3%

29,2%

27,6%

Les recettes non fiscales :

Dans le rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2000, la Cour a souligné l'importance des restes à recouvrer sur recettes non fiscales. Celles-ci ont en effet représenté 23,40 milliards de francs (3,57 milliards d'euros) soit 11,7% des recettes totales encaissées dans l'année. Les recettes non fiscales sont perçues selon deux modalités :

- au comptant, pour 103,9 milliards de francs (15,84 milliards d'euros) en 2000, soit 52% du total : les droits sont pris en charge par les comptables publics lors du paiement du débiteur ;

- sur droits constatés, par suite de l'émission préalable d'un titre de recette : entre 1996 et 2000, leur volume augmente de 10%, alors que le total des recettes non fiscales croît de 25%.

Les restes à recouvrer s'appliquent à cette dernière catégorie et en représentent 20% en fin 2000. Ils ont augmenté de 90% entre le 1° janvier 1996 et le 31 décembre 2000, passant de 12,30 milliards de francs (1,88 milliard d'euros) à 23,40 milliards de francs (3,57 milliards d'euros). Cette croissance a été particulièrement marquée entre 1996 et 1998 (en moyenne 15% par an ) puis s'est ralentie durant les deux derniers exercices (respectivement 9% et 7%).

Evolution des restes à recouvrer sur recettes non fiscales (1996-2000)

Source : comptes généraux de l'administration des finances

Les principaux restes à recouvrer sont concentrés sur cinq lignes des recettes non fiscales, figurant dans le graphique suivant. Avec 14,1 milliards de francs (2,15 milliards d'euros), ceux des produits des autres amendes et condamnations pécuniaires (ligne 313) en représentent la part la plus importante (60% en 2000) et contribuent fortement à la croissance de l'ensemble. Les restes à recouvrer des autres lignes passent globalement de 7,7 milliards de francs (1,17 milliard d'euros) à 9,3 milliards de francs  (1,42 milliard d'euros) sur la période, la baisse de ceux des retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat (ligne 501) compensant partiellement la hausse des autres lignes.

Principales lignes de restes à recouvrer en fin d'année

1/Produit des amendes et des condamnations pécuniaires

Les restes à recouvrer de la ligne 313 ont été multipliés par 2,4 entre le 1° janvier 1996 et le 31 décembre 2000 : bien qu'étant en hausse de 68% sur cette période, les recouvrements sont chaque année inférieurs aux droits pris en charge et ce, malgré l'augmentation de 56% des annulations qui résultent de décisions de justice.

Ces restes à recouvrer proviennent, pour 13,80 milliards de francs (2,10 milliards d'euros) en 2000, des amendes forfaitaires majorées de la police de la circulation (spécification 313-01 amendes et condamnations recouvrées par les comptables du Trésor). Pour la moitié de leur montant, ils sont concentrés sur Paris (18,7%), les autres départements d'Ile de France (23,5%) et les Bouches du Rhône (7,4%).

Restes à recouvrer de la ligne 313 de 1994 à 2000

La variation cyclique des montants de restes à recouvrer correspond aux échéances de l'élection présidentielle : leur baisse en 1995 résulte de la loi 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ; dans la perspective d'une loi prochaine, les redevables usent, selon le ministère de l'économie des finances et de l'industrie, de moyens dilatoires pour se soustraire au paiement de leurs contraventions.

Dans le courant des années 1990, la direction générale de comptabilité publique s'est attachée d'une part à spécialiser certains postes comptables dans le recouvrement des amendes (24 départements), d'autre part à automatiser la procédure dans les 107 trésoreries, le déploiement des applications informatiques ayant entraîné certains retards en 1999 27 ( * )

De manière générale, le recouvrement des titres est rendu difficile par la transmission de mauvaises adresses, extraites du fichier national des immatriculations (FNI) qui n'est pas toujours fiable. Toutefois, par les articles L322-1 et L322-2 du code de la Route, a été introduite la procédure de l'opposition au transfert du certificat d'immatriculation (OTCI) par laquelle un comptable du Trésor, constatant l'inexactitude de l'adresse d'un contrevenant, peut demander au procureur de la République d'interdire la délivrance du certificat de non gage et de non opposition du Trésor remis par le vendeur d'une voiture d'occasion et empêcher toute nouvelle immatriculation du véhicule. La procédure de l'OTCI ayant été généralisée en juillet 2000, il est prématuré d'en mesurer les effets.

2/ Les retenues et cotisations au profit de l'Etat.

Le montant des restes à recouvrer de la ligne 501, qui ressort à 1,3 MdF (0,20 Md€), a diminué de près de 30% entre fin 1995 et fin 2000.

Cette ligne regroupe deux spécifications qui connaissent des évolutions contraires :

- avec un montant de 338 milliards de francs (51,53 milliards d'euros) en 2000, ceux des retenues pour pensions civiles et militaires - part agent (spécification 501-01) ont diminué de 872 milliards de francs (132,94 milliards d'euros) sur la période ce qui traduit une amélioration du recouvrement.

- ils ont en revanche augmenté en ce qui concerne les retenues rétroactives pour validation des services auxiliaires (spécification 501-21 : 938 millions de francs (143,00 milliards d'euros en fin 2000). Selon l'article D4 du code des pensions civiles, celles-ci font l'objet de précomptes mensuels calculés à raison de 5% du traitement mensuel net de l'agent ce qui permet d'assurer un recouvrement régulier mais entraîne son étalement sur plusieurs années.

3/ Les restes à recouvrer sur recettes diverses

La difficulté de recouvrement des créances auprès de débiteurs en situation financière précaire, voire en surendettement, explique l'importance des restes à recouvrer des trois lignes du titre 8 (lignes 805, 811 et 899).

Tel est le cas de ceux de la ligne 805 - recettes accidentelles à différents titres (2,7 milliards de francs (0,41 Md€) en 2000) dont 89% proviennent de la régularisation de chèques impayés et de la récupération auprès des locataires défaillants des sommes versées par l'Etat au titre des indemnités d'expulsions locatives. De même, la spécification 805-81 (278 milliards de francs (42,38 milliards d'euros) en 2000) vise-t-elle le reversement de créances garanties par l'Etat qui, en vertu d'une convention de 1969, est subrogé dans les droits du Crédit foncier de France à l'égard des emprunteurs défaillants de prêts complémentaires à la construction.

La ligne 811- récupération d'indus - a été créée en 1997 par décomposition de la 805 : pour près de 60% du volume total (1,30 milliards de francs (0,20 milliards d'euros en 2000) les restes à recouvrer concernent des populations en situation d'emploi très précaire : indus sur RMI pour 41%, sur allocations diverses dont principalement allocation de solidarité spécifique pour 16%. Par ailleurs 34% des restes à recouvrer de la ligne portent sur des rémunérations et pensions de fonctionnaires ; leur récupération est probable mais peut exiger plusieurs années, selon les règles de quotité saisissable.

Enfin, le volume des restes à recouvrer de la ligne 899 -Recettes diverses- varie fortement d'une année sur l'autre : 330 millions de francs (50,31 milliards d'euros en 1996 et 1997, 1,9 milliards de francs (0,29 milliard d'euros) en 1998 et 1999 ; le solde de l'année 2000 (1,2 milliard de francs  (0,18 milliard d'euros)) provient pour 900 millions de francs (137,20 millions d'euros d'une créance née au cours de cet exercice.

QUESTION 6

La Cour des comptes consacre une monographie au budget du ministère de l'équipement et des transports en soulignant notamment que « le domaine équipement et transports représente un bon exemple de ce qu'il est convenu d'appeler l'effet d'affichage : alors que l'évolution des crédits votés peut donner l'illusion d'un maintien des moyens consacrés à ces politiques publiques, en revanche, l'examen des dépenses réelles montre, d'une part, que la période s'est avérée clairement défavorable à ce domaine budgétaire, et d'autre part, que la part des dépenses de personnel augmente dans cet ensemble en diminution ».

Peut-elle expliquer par quels moyens a été obtenu cet effet d'affichage, en distinguant les dépenses d'investissement et les dépenses de fonctionnement et de personnel ? A-t-elle des propositions à faire pour améliorer la présentation du budget des services communs ?

Réponse

1) Ce que la Cour a appelé « effet d'affichage », dans la monographie qu'elle a consacrée à la partie « équipement et transports » du budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement de 1996 à 2000, résulte du décalage sensible qu'elle a constaté entre les crédits votés par le Parlement en loi de finances et la dépense réelle.

En effet, comme le montrent les tableaux des pages 297 et 298, à périmètre constant et en francs constants, le montant total des crédits initiaux a augmenté de 5,5 % en quatre ans, et celui des crédits ouverts de 5,7 %, tandis que les dépenses exécutées progressaient seulement de 3,2 %, c'est-à-dire près de deux fois moins vite.

Pour chacune des années 1996 à 2000, la dépense exécutée a été inférieure de 5 à 8 % aux crédits ouverts.

Si l'on ne considère que le budget général, hors budget annexe de l'aviation civile et comptes spéciaux du Trésor, le décalage est encore plus marqué : + 3,3 % pour les crédits des lois de finances initiales, - 0,5 % pour les dépenses.

Cette analyse globale ne peut malheureusement être affinée au niveau des titres et chapitres budgétaires. Compte tenu de la diversité des supports budgétaires et de la complexité des calculs induits par la méthode de « rétropolation » utilisée pour reconstituer un périmètre constant, la Cour, comme elle l'indique page 301, n'a procédé que pour le total des crédits à l'analyse comparative des crédits initiaux, des crédits ouverts et des dépenses réelles. Cette remarque faite, il est néanmoins possible de préciser que, à périmètre constant et en francs constants, les dépenses réelles de fonctionnement ont augmenté de 9 % au cours de la période (11,5 % pour les seules dépenses de personnel) et les dépenses d'intervention (titre IV) de 4,1 %, tandis que les dépenses d'investissement diminuaient de 10 %.

En définitive, si l'évolution des crédits votés peut donner l'apparence d'une légère croissance des moyens du domaine « équipement et transports », l'examen des dépenses réalisées montre au contraire que ce secteur a été plutôt défavorisé par rapport aux autres actions inscrites dans le budget de l'Etat dans cette période.

2) En ce qui concerne la présentation du budget des services communs, la Cour souhaite que se poursuive le mouvement engagé par le ministère de l'équipement depuis cinq ans pour améliorer l'homogénéité et la lisibilité de ce document.

La Cour a déjà relevé une tendance positive, quoique trop lente et encore incomplète, à la suppression des lignes inutiles ou obsolètes, ainsi qu'au regroupement et à la globalisation des crédits de fonctionnement. Dans le même esprit, les crédits « urbanisme » ont été transférés à la section « urbanisme et logement » en loi de finances pour 1999, tandis que les rémunérations accessoires étaient enfin budgétisées en LFI 2000, sur le fascicule « services communs ».

Mais si la vocation de cette section est bien de regrouper l'ensemble des moyens de fonctionnement des services centraux et déconcentrés du ministère de l'équipement, il apparaît souhaitable que les crédits des quatre premières parties du titre III et de la 7 ème partie du titre V de la section budgétaire « Mer », concernant les emplois, crédits de fonctionnement et investissements administratifs des services déconcentrés des affaires maritimes, soient intégrés dans le fascicule « services communs », comme cela a déjà été fait en LFI 1997 pour les emplois d'administration centrale de la mer. Le maintien de ce particularisme est d'autant moins justifié que l'essentiel des crédits en cause (c'est-à-dire les dépenses de personnel) est transféré en gestion en cours d'année à la section « services communs ».

Au-delà de ces remarques ponctuelles, se pose et se posera de plus en plus le problème de l'identification des crédits par destination, alors que les bénéficiaires sont structurellement différents : équipement, transports, ville, etc. La nomenclature actuelle ne donne, sauf exception, aucune indication sûre et complète dans ce domaine. Dans sa monographie, la Cour a esquissé ce que pourrait être une démarche visant à reconstituer, en partant des données budgétaires, une répartition des emplois par mode de transport. La réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 devrait inciter le ministère de l'équipement, des transports et du logement à poursuivre activement ses travaux en ce sens.

* 23 Outre le domaine financier, celles-ci concernent la compensation du coût des allégements de charges sociales aux régimes de sécurité sociale, certaines charges futures d'une importance majeure qui sont comptabilisées dans les engagements hors-bilan d'entreprises publiques (Charbonnages de France, CEA) et qui comportent un risque pour l'Etat et devraient, à ce titre, figurer dans les engagements hors-bilan de l'Etat.

* 24 Montant calculé selon les normes utilisées dans le compte relatif à l'année 1999, le compte de la dette publique pour 2000 n'étant, fin octobre 2001, pas encore disponible.

* 25 La publication du tableau de passage du CGAF à la dette de l'Etat au sens du traité de Maastricht apparaît souhaitable.

* 26 Pour mémoire :

taux brut : recouvrement par rapport aux sommes à recouvrer.

taux net : idem sans tenir compte des cotes dont le recouvrement est légalement suspendu (dépôts de bilan, sursis légal de paiement).

taux super net : idem sans tenir compte des cotes dont le recouvrement est affecté par des suspensions administratives de poursuites.

* 27 Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, p 56.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page