III. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION

La mutation qu'ont connue les musées au cours des trois dernières décennies exigeait sans doute que le cadre législatif fixé par l'ordonnance du 13 juillet 1945 soit adapté aux nouvelles contraintes de leur gestion et à la diversification de leurs collections.

Au delà, il convenait de tenir compte des acquis de la décentralisation qui imposait de revoir la logique de ce texte selon laquelle l'Etat définit lui-même le champ de son contrôle.

Cependant, force est de constater que le projet de loi ne prend pas ces exigences en compte ; la réforme proposée par le gouvernement déçoit car elle ne réalise pas une rénovation en profondeur de l'organisation administrative des musées.

Les aménagements proposés par l'Assemblée nationale, s'ils ont certes permis de combler certaines lacunes du projet de loi, ne permettent pas d'infléchir cette appréciation.

A. FREINER LA TENTATION CENTRALISATRICE

L'Assemblée nationale n'a modifié qu'à la marge le champ du contrôle exercé par l'Etat sur les musées de France.

A cet égard, votre commission a estimé nécessaire de restreindre les prérogatives dévolues à l'autorité administrative afin de prendre en compte la diversité des institutions muséographiques mais également de renforcer le caractère contractuel de l'appellation « musées de France » afin de garantir que le statut proposé par la loi ne soit pas imposé par l'Etat mais librement consenti par les musées.

1. Limiter le contrôle de l'Etat

? L'article 4 du projet de loi donne une définition très large car très vague du contrôle « scientifique et technique » exercé par l'Etat sur les musées de France, définition que l'Assemblée nationale n'a pas modifiée.

Afin d'éviter qu'en l'absence de précisions législatives, le pouvoir réglementaire ne retienne une conception extensive, votre commission vous proposera de limiter ce contrôle aux seules modalités prévues par la loi. La rédaction très générale retenue par le texte transmis par l'Assemblée nationale risquait, en effet, de conduire pour les musées territoriaux à une « recentralisation » qui n'est pas plus souhaitable que réalisable et pour les musées privés, à une mainmise des services de l'Etat sur leur gestion incompatible avec leur statut.

Par ailleurs, votre commission a estimé nécessaire de limiter les prérogatives confiées à l'Etat par la loi afin de circonscrire le contrôle qu'il exercera sur les musées de France. C'est en ce domaine une conception pragmatique de la politique des musées qui a guidé votre commission. En effet, compte tenu des difficultés qu'éprouve d'ores et déjà, la direction des musées de France à assurer la gestion des musées nationaux, il ne semble pas opportun de multiplier les sujétions imposées aux musées, sujétions qui en l'absence d'un renforcement des moyens dont dispose en ce domaine le ministère de la culture risquent au mieux de ne pas être appliquées et au pire de se traduire par des formalités administratives sans objet.

Votre commission a donc souhaité supprimer les dispositions imposant aux musées des contraintes infondées.

C'est le cas de l'article 10 prévoyant qu'un décret en conseil d'Etat fixe les règles des prêts et des dépôts des collections des musées de France. S'il est légitime que l'Etat détermine les modalités des prêts et dépôts de ses propres collections, ce qui est déjà le cas aujourd'hui à travers les dispositions du décret du 3 mars 1981, votre rapporteur considère que les collectivités locales et a fortiori les personnes privées doivent demeurer libres de fixer les règles auxquelles doivent obéir ces procédures pour des oeuvres dont elles sont propriétaires. De même, l'article 7 soumettant toute acquisition à l'avis des services de l'Etat apparaît injustifié surtout si l'on considère les garanties de compétences que doivent présenter les responsables scientifiques en vertu de l'article 5.

Votre commission vous proposera également de supprimer l'obligation faite aux musées par l'article 6 d'établir et de transmettre aux services de l'Etat des informations et des données statistiques relatives à leur fréquentation, disposition qui aurait plus sa place dans une circulaire.

De même, elle considère comme injustifié qu'au nom de l'objectif de démocratisation culturelle soit imposé aux musées de disposer d'un service des publics ou que soient définies par décret les qualifications exigées des professionnels auxquels sera confiée la responsabilité de leurs activités culturelles. De telles dispositions ne sont pas de nature à remédier aux difficultés auxquelles ils se heurtent dans le développement de leur mission de médiation culturelle.

S'agissant des procédures consultatives prévues par le projet de loi, votre commission ne conteste pas l'intérêt de permettre aux musées de s'entourer d'avis éclairés préalablement aux décisions de restauration. Mais elle a toutefois considéré que ces avis devaient émaner d'une autorité offrant des garanties de compétences mais également d'indépendance.

A cet égard, elle vous proposera de substituer à l'article 11 à l'avis des services de l'Etat, celui d'instances scientifiques. S'il ne convient pas de fixer dans la loi la composition et les modalités de fonctionnement de ces instances, votre rapporteur exprimera toutefois le souhait qu'elles existent à l'échelon régional mais également national et qu'en leur sein soient prévues, certes, la présence de conservateurs mais également celle, en nombre suffisant, d'experts indépendants.

La création du Conseil des musées de France procède du souci légitime de conférer une plus grande légitimité aux décisions du ministre en instituant une instance consultative destinée à représenter l'ensemble des acteurs de la politique conduite dans le domaine des musées.

Toutefois, ni les compétences dévolues par le projet de loi à cette instance ni sa composition, telle du moins qu'elle ressort des avant-projets de décret, ne sont de nature à garantir sa représentativité et son indépendance.

Votre commission vous proposera donc de fixer dans la loi la composition de cette instance afin de ne pas la réduire au rôle de chambre d'enregistrement des décisions de la direction des musées de France.

Partant du constat qu'un organe consultatif composé d'un effectif restreint est plus à même de fonctionner de manière indépendante, votre commission vous proposera que cette instance, outre son président, un député et un sénateur, comprenne 16 membres répartis, dans le souci de garantir sa représentativité, entre quatre collèges d'importance égale : représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, professionnels des musées et personnalités qualifiées. Une telle composition plus conforme à sa vocation lui permettra de se démarquer des instances consultatives à vocation scientifique.

Afin de renforcer son autorité, votre commission vous proposera également de prévoir, dès lors que le projet de loi impose la consultation lors de la procédure d'attribution ou de retrait de l'appellation « musée de France » que ses avis lieront l'administration, avis qui, par ailleurs, seront publiés.

Par ailleurs, elle substituera à l'appellation « Conseil des musées de France », celle de « Haut conseil des musées de France », plus conforme au rôle qui lui est assigné.

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