II. LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DU RÉGIME DE LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE ET LES INTERVENTIONS DU LÉGISLATEUR

Le dispositif résultant des articles L. 214-1 à L. 214-5 CPI n'a pas fonctionné de façon très satisfaisante.

Les parties intéressées n'ont pas fait, c'est le moins qu'on puisse dire, un usage empressé de la liberté de négociation qu'avait entendu leur donner le législateur.

La commission de l'article L. 214-4 n'a pas non plus joué parfaitement son rôle de « filet de sécurité » pour assurer que les barèmes et les conditions de versement de la rémunération équitable soient fixés et renouvelés en temps et en heure.

Enfin, ses décisions ont donné lieu à des actions contentieuses qui ont contraint le législateur à intervenir, par deux fois déjà, pour assurer la continuité de perception de la rémunération équitable et donc le respect des droits des interprètes et producteurs.

1. La validation en 1993 du barème applicable aux radios privées

La loi de 1985 ayant prévu un délai très court (six mois) pour la conclusion des premiers accords relatifs à la rémunération équitable, c'est la commission de l'article L. 214-4 qui a fixé, par une décision du 9 septembre 1987 (applicable au 1 er janvier 1988) les premiers barèmes de la rémunération équitable.

Une décision du Conseil d'État du 14 mai 1993 a annulé les dispositions de cette décision applicables au secteur des radiodiffuseurs privés 2 ( * ) .

Cette annulation privait rétroactivement de base légale les perceptions de rémunération effectuées depuis le 1 er janvier 1988, et suspendait en outre l'application de la loi dans le secteur des radios privées jusqu'à ce qu'un accord, ou une nouvelle décision de la commission, vienne combler le vide juridique qu'elle avait créé.

Pour pallier les conséquences de la décision du Conseil d'État, la loi n° 93-924 du 20 juillet 1993, issue d'une proposition de loi déposée par notre collègue le sénateur Jean-Paul Hugot, a fixé, à titre temporaire, le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable due par les radios privées.

Ce barème devait s'appliquer rétroactivement à compter du 1 er janvier 1988, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 1993, afin de ménager le délai nécessaire à l'intervention d'une nouvelle décision.

2. La validation de la décision du 28 juin 1996 applicable aux discothèques

Fixées en premier lieu par la décision du 9 septembre 1987 précitée, les modalités de la rémunération équitable due par les exploitants de discothèques avaient été révisées -bien tardivement du reste- par une nouvelle décision de la commission du 28 juin 1996, applicable à compter du premier août de la même année.

Cette décision avait fait l'objet d'un recours fondé notamment sur le fait que le terme de son application n'était pas fixé. En effet, si l'article 3 de la décision prévoyait que sa durée d'application serait de cinq ans, il disposait aussi, de manière contradictoire, qu'elle pourrait demeurer applicable au delà de ce délai, à défaut d'entrée en vigueur d'un nouveau barème.

Le gouvernement avait jugé que les moyens soulevés par les requérants étaient suffisamment sérieux pour demander au Parlement de valider la décision attaquée par un amendement au projet de loi transposant les directives « câble et satellite » et « durée des droits d'auteur », alors en cours de discussion.

Votre commission avait exprimé quelques doutes quant à la réalité du motif d'intérêt général qui pouvait, selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, justifier la validation de la décision attaquée.

Pour ne pas priver de leurs droits les artistes et producteurs, elle avait cependant finalement accepté l'amendement proposé, devenu l'article 18 de la loi du 27 mars 1997. Elle avait toutefois exigé que, comme en 1993, cette validation soit strictement limitée dans le temps, exigence dont le gouvernement avait reconnu le bien fondé en acceptant de limiter à 5 ans, à compter du 1 er janvier 1996, la durée d'application du barème ainsi validé.

Le rapporteur de la commission, M. Pierre Laffitte, avait également rappelé que c'était la deuxième fois que le Parlement, sortant de son rôle, devait fixer au lieu et place des intéressés les taux de la rémunération équitable et espéré que ces derniers parviendraient désormais « à se gérer eux-mêmes, dans le respect de la loi ». 3 ( * )

* 2 Cette annulation posait le problème de la définition des « branches d'activités » prévues par la loi. Le Conseil d'État avait en effet jugé que les accords conclus entre certaines stations de radio et les titulaires de droit ne constituaient pas des accords de branche et que, par suite, la commission ne pouvait « prendre acte » de ces accords mais devait décider des barèmes et modalités de versement applicables aux radios signataires.

* 3 JO débats Sénat, séance du 19 décembre 1996, p. 7672.

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