3. De nouvelles difficultés pour les collectivités locales
La plupart des collectivités locales se sont engagées dans la voie de la valorisation et du recyclage des déchets ménagers. C'est la voie de la sagesse, et la seule solution d'avenir. Même si aujourd'hui les industriels considèrent que les coûts du recyclage sont trop élevés par rapport au coût de transformation des matières premières primaires (pourquoi recycler des vieux papiers lorsque la fabrication de papiers neufs coûte moins cher (42 ( * ))), les matières premières ne sont pas inépuisables. Le recyclage est le choix de l'avenir.
Les métaux lourds posent cependant des problèmes spécifiques :
Premier problème : La difficile conciliation entre la prohibition et le recyclage.
Un nombre toujours plus grand de collectivités locales ont choisi la voie du recyclage des déchets. Cette initiative doit être encouragée mais, concernant les métaux lourds, se heurte à quelques difficultés, moins techniques ou économiques (car le recyclage des métaux lourds est en général possible à des conditions économiques acceptables) que stratégiques, l'option ultime étant entre le recyclage et l'interdiction pure et simple. Les deux options sont contradictoires. (voir supra)
Deuxième problème : comment éviter les pollutions individuelles ?
Beaucoup de bois traités sont récupérés par la population et brûlés. Mais la plupart contiennent des fongicides toxiques. Les bois traités au PCP sont contaminés aux dioxynes ; les bois des habitations anciennes contiennent du plomb ; les bois de fabrication récente peuvent être contaminés par du CCA, et par conséquent, de l'arsenic.
Comment éviter qu'ils ne polluent l'environnement, qu'ils ne soient brûlés par des particuliers et inévitablement polluent l'environnement. Et s'ils sont recyclés dans des déchetteries, comment vérifier qu'ils n'entrent pas insidieusement dans des productions au sein desquelles on perdrait leur trace ?
Troisième problème : comment diriger les « bons déchets » dans les bonnes filières ?
Les deux exemples donnés ci-dessus concernent les métaux lourds dans les peintures, et les métaux lourds dans les bois de traitement. Il y en a d'autres, tels que les métaux lourds dans les piles et accumulateurs par exemple. Dans ces trois cas, il existe une constante : certains produits sont toxiques, et d'autres ne le sont pas. Il existe encore des peintures au plomb ou au cadmium, mais la plupart n'en ont plus. Dans les traitements des bois, seuls deux sont nocifs -les CCA (à cause des risques de dégagements d'arsenic) et les créosotes (à cause des risques de dégagement de dioxine)- les autres ne le sont pas.
Hélas, cette approche technique ne correspond pas à la perception du consommateur et à la réalité quotidienne. Personne ou presque personne ne fait la différence entre deux pots de peinture, entre deux bois -qui d'ailleurs peuvent être traités indifféremment à deux ou trois produits- entre une pile et un accumulateur... Ce qui pose de gros problèmes de gestion. Tous ces produits arrivent, en vrac, en déchetterie. Normalement un particulier ne doit pas utiliser des peintures toxiques ou cancérigènes par exemple (repérées visuellement par une tête de mort indélébile sur le pot), mais les apports en déchetteries montrent les nombreuses exceptions, liées en particulier au travail au noir.
De même, les palettes de bois arrivent par centaines. Certaines, non traitées peuvent être brûlées en bois de chauffage, tandis que les palettes avec des fongicides type PCP ou au créosote ne peuvent être brûlées dans une chaufferie ordinaire et doivent être dirigées vers des circuits spéciaux. Même chose pour les piles...
Les responsables des déchetteries sont confrontés tous les jours à ces apports. Par crainte d'erreur, et en application à l'excès du « principe de précaution », le tout est dirigé vers les circuits spéciaux les plus coûteux.
Les métaux lourds dans les déchets banals imposent une formation spécifique aux personnels des déchetteries afin de mieux diriger les produits vers les filières adaptées. Une marque indiquant le produit de traitement des palettes paraît nécessaire.
L'ADEME pourrait utilement contribuer à ce travail d'orientation en réfléchissant à des marques ou points de repères aisément identifiables (une palette peinte à la créosote aurait une marque et serait dirigée vers un circuit à part. Les autres palettes, avec un autre signe distinctif, pourraient être utilisées en chaufferie...).
* (42) On a déjà eu l'occasion de montrer qu'il s'agit d'une vision réductrice. L'industriel ne considère qu'une partie du coût : l'achat de la matière première (matière première primaire, tirée des ressources naturelles, et matière première secondaire, tirée des déchets recyclables) et le coût de la transformation.
La collectivité doit considérer l'ensemble du coût, sur toute la filière. En l'espèce, le coût de collecte séparative est supérieur à celui d'une collecte générale, mais ce surcoût est plus que compensé par l'économie réalisée sur le traitement des déchets : au lieu de diriger les déchets vers l'incinération de plus en plus coûteuse, le déchet est valorisé en nouvelle matière première, et peut être même vendu à l'industriel. L'existence de ce marché secondaire permet d'ailleurs souvent de freiner les prix des matières premières. Ainsi, en définitive, la collectivité réalise une économie, et l'industriel ne paie pas plus.