c) Discussion critique
Il existe bien quelques cas rares de situations critiques. Sur les seuls résultats communiqués, 54 sites de captage dépassaient le seuil admissible de 10 ug/l, et 13 d'entre eux présentaient des concentrations importantes, qui appelaient des mesures d'urgence, soit en fermant les captages, soit en menant une vigoureuse action d'information sur la population concernée suggérant des restrictions de consommation.
Une situation d'autant plus préoccupante que ces résultats doivent être interprétés comme des minima. On rappellera, d'une part, que seuls 44 % des départements ont répondu lors de la rédaction du rapport de synthèse ; d'autre part, que les petits points de captage n'ont pas été contrôlés.
Cette situation, qui impose des mesures sérieuses, doit cependant être perçue avec lucidité et gérée avec prudence. Quelques observations méritent d'être rappelées :
- en premier lieu, il serait imprudent d'inciter les consommateurs à se reporter vers les eaux minérales naturelles qui n'offrent pas plus de garantie que les eaux de captage. Rapportées au nombre de cas étudiés, la proportion d'eaux surdosées en arsenic est même beaucoup plus importante. Les eaux de boissons non minérales (eaux de source) peuvent, le cas échéant, être des substituts dans le cas de dépassements importants. Les eaux minérales naturelles sont censées avoir des vertus thérapeutiques vis-à-vis de certaines pathologies. C'est pourquoi on admet dans ces eaux des concentrations supérieures aux concentrations maximales admissibles retenues dans les eaux potables courantes. Sur ce seul critère d'arsenic, la plupart de ces eaux minérales naturelles seraient donc non potables.
- En second lieu, il y a un évident déficit d'information. Par crainte de dérapage médiatique, les autorités ont tendance à cacher les mesures de contamination et les risques (39 ( * )) .
Le défi, pourtant, ne paraît pas inaccessible. Quelques informations simples peuvent être utiles à rappeler. Le risque principal lié à l'arsenic est le risque cancérigène. Il pourrait être utile de superposer la carte des risques -liés à l'arsenic- et la carte de la situation sanitaire des populations. Selon les informations partielles en notre possession, il n'y a pas de superposition.
Le « risque arsenic » est infiniment moindre que le risque tabac. La mortalité par cancer est de deux à quatre fois plus élevé chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs.
Cette courte analyse a aussi mis en évidence quelques carences de la réglementation. Les petits lieux de captage, comme les eaux minérales, sont exclus des mesures de contrôle d'arsenic. Une mesure une fois tous les cinq ans représente-t-elle une contrainte financière insupportable ? Des améliorations sont nécessaires sur ce point.
- On s'étonnera aussi du fait que moins de la moitié des départements avaient répondu à l'enquête sur l'arsenic. Absence d'instrument de mesure ? Ignorance des enjeux ? Indifférence à l'égard des résultats ? Voire fuite pour ne pas savoir ? Aucune de ces raisons ne saurait justifier cette négligence. Comme le rappelle parfaitement l'Académie des Sciences : « On est frappé par une certaine inconséquence à l'égard des transferts éventuels d'éléments en traces : les nappes sont considérées universellement comme un patrimoine naturel d'importance moyenne. Cependant peu est fait pour apprécier la réalité des menaces ».
Il reste à définir et respecter une véritable politique de vigilance.
- Enfin, sur un plan général, on peut s'interroger sur la hiérarchisation des risques... L'arsenic étant un cancérogène avéré par voie orale, il est tout à fait nécessaire d'éviter la consommation régulière d'eaux très contaminées. Il s'agit là d'un risque bien plus significatif et dangereux que celui d'une faible contamination de l'eau potable par le plomb pour laquelle 70 milliards de francs vont être engagés...
* (39) Voir IIIème partie : Les risques sur la santé.