Rapport n° 159 (2000-2001) de M. Charles JOLIBOIS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 décembre 2000

Disponible au format Acrobat (156 Koctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (83 Koctets)

N° 159

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant à faciliter l' indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale.

Par M. Charles JOLIBOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Robert Bret, vice-présidents ;
Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Edmond Lauret, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Sénat : première lecture 474 (1999-2000), 78 , et T.A. 26 (2000-2001)

deuxième lecture 150 (2000-2001)

Assemblée nationale (11 ème législ.) : 2740 , 2796 et T.A. 597

Procédure pénale.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 20 décembre 2001 sous la présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission des Lois a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Charles Jolibois, la proposition de loi (n° 150), tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordination en matière de procédure pénale .

M. Charles Jolibois, rapporteur, a souligné que l'objet essentiel de la proposition de loi était d'harmoniser le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents avec le régime d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Il a fait valoir que l'ensemble des dispositions adoptées par le Sénat sur ce point avaient été acceptées par l'Assemblée nationale, sous réserve de quelques coordinations.

Le rapporteur a indiqué que l'Assemblée nationale, comme le Sénat avant elle, avait complété la proposition de loi en adoptant des dispositions destinées à opérer dans le code de procédure pénale des coordinations omises lors de la discussion de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Le rapporteur a ensuite noté que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement prévoyant la mise en place d'un dispositif transitoire en ce qui concerne les dispositions de la loi sur la présomption d'innocence relatives à l'application des peines . Il a précisé que cette loi prévoyait qu'à compter du 1 er janvier 2001, les principales décisions du juge de l'application des peines seraient prises après un débat contradictoire en présence du condamné et de son avocat, que ces décisions seraient motivées, qu'enfin elles seraient susceptibles d'appel de la part du condamné.

Le rapporteur a observé que l'Assemblée nationale, compte tenu du nombre insuffisant de greffiers présents dans les juridictions, avait adopté un amendement repoussant au 16 juin 2001 l'organisation de débats contradictoires devant le juge de l'application des peines. Il a toutefois précisé que, dès le 1 er janvier 2001, les condamnés pourraient demander à être entendus par le juge de l'application des peines en présence de leur avocat et faire appel des décisions de celui-ci.

M. Charles Jolibois a regretté la mise en place d'un dispositif transitoire quelques jours seulement avant la date prévue pour l'entrée en vigueur de la loi. Il s'est étonné que le Gouvernement évoque les amendements apportés par le Parlement à la loi sur la présomption d'innocence pour justifier les difficultés d'application, observant que les délais d'entrée en vigueur des différents volets de cette loi avaient été proposés par le Gouvernement et acceptés par les assemblées. Il a pris acte que le Gouvernement reconnaissait ainsi l'erreur qu'il avait commise en n'évaluant pas correctement les besoins matériels et humains nécessaires à la pleine application de la réforme de l'application des peines.

Le rapporteur a cependant estimé que le dispositif transitoire ne porterait que faiblement atteinte aux droits des condamnés, dès lors que ceux-ci pourraient être entendus par le juge et faire appel de ses décisions. En conséquence, la commission a décidé de s'abstenir sur cet article.

La commission a ensuite proposé d'adopter sans modification la proposition de loi .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture la proposition de loi tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents et portant diverses dispositions de coordinations en matière de procédure pénale.

Cette proposition de loi déposée par notre excellent collègue, M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, a été adoptée en première lecture par le Sénat le 21 novembre dernier dans le cadre d'une séance mensuelle réservée et par l'Assemblée nationale le 14 décembre. Elle a pour objet essentiel d'harmoniser le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents après une procédure de révision avec le régime d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Des dispositions additionnelles ont cependant été ajoutées au dispositif tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Après une lecture dans chaque assemblée, quatorze articles demeurent en discussion.

Avant de présenter les travaux de l'Assemblée nationale et les propositions de votre commission des Lois, votre rapporteur rappellera brièvement le contenu de la proposition de loi et les travaux du Sénat en première lecture.

I. LE TEXTE ISSU DES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

A. LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE SUBI PAR LES CONDAMNÉS RECONNUS INNOCENTS

La proposition de loi déposée par notre excellent collègue, M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés avait pour objectif d' harmoniser le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents après une procédure de révision avec le régime d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement .

La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a modifié en profondeur le régime d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.

Elle a rendu l'indemnisation obligatoire sauf dans quelques hypothèses très spécifiques, en particulier quand la personne s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser en vue de faire échapper le véritable auteur des faits aux poursuites.

Le législateur n'a en revanche pas modifié le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents après une procédure de révision. L'article 626 du code de procédure pénale prévoit notamment qu'aucune indemnité n'est due lorsque la non-représentation de la pièce nouvelle ou la non-révélation de l'élément inconnu en temps utile est imputable en tout ou partie à la personne condamnée.

Un tel régime d'indemnisation est naturellement beaucoup moins favorable pour la personne condamnée que le régime défini par le législateur pour les personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.

La proposition de loi a donc prévu d'aligner le régime de l'indemnisation des condamnés reconnus innocents sur le régime d'indemnisation des personnes placées à tort en détention provisoire, en n'écartant l'indemnisation que lorsque la personne s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

Le Sénat a adopté cette proposition. Conformément au souhait des auteurs de la proposition de loi, il a également décidé, tant dans les articles relatifs aux personnes placées à tort en détention provisoire que dans l'article relatif aux condamnés reconnus innocents après révision, de remplacer les références à une indemnité destinée à réparer le préjudice moral et matériel par des références à la " réparation intégrale du préjudice moral et matériel ".

Votre commission des Lois avait pour sa part estimé que cette évolution sémantique n'était pas nécessaire dans la mesure où elle n'avait aucune conséquence juridique. Il lui paraissait tout à fait évident que l'expression " indemnité destinée à réparer le préjudice moral et matériel " emportait obligation de réparer intégralement ce préjudice. Le Sénat a néanmoins adopté les amendements aux conclusions de la commission présentés par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste.

B. DES DISPOSITIONS DESTINÉES À FACILITER L'APPLICATION DE LA LOI SUR LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

A l'initiative de votre commission des Lois et du Gouvernement, le Sénat a complété la proposition de loi, afin d'opérer dans le code de procédure pénale des coordinations omises dans la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Il a en outre adopté quelques dispositions destinées à faciliter l'application de cette loi :

- il a ainsi prévu que, lorsque la cour d'assises est exclusivement composée de magistrats professionnels (par exemple en matière de terrorisme), la Cour de cassation pourrait, en cas d'appel, renvoyer l'affaire devant la même cour autrement composée ;

- à l'initiative du Gouvernement le Sénat a également modifié le code de l'organisation judiciaire pour permettre aux chefs de cours de désigner, pour une période limitée, un vice-président ou un premier vice-président pour exercer concurremment les fonctions de juge des libertés et de la détention dans un ou deux tribunaux autres que celui dans lequel il est affecté ; il a prévu une possibilité similaire pour les magistrats du parquet ;

- enfin, le Sénat a adopté des mesures d'adaptation de certaines dispositions de la loi sur la présomption d'innocence aux départements d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. DES DISPOSITIONS D'AMÉLIORATION OU DE RECTIFICATION DE LA LOI SUR LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

L'Assemblée nationale a accepté l'ensemble des dispositions adoptées par le Sénat. En ce qui concerne la réparation des préjudices subis par les condamnés reconnus innocents et les personnes placées à tort en détention provisoire, elle a procédé à quelques coordinations. Elle a ainsi modifié le nom de la commission d'indemnisation des détentions provisoires pour tenir compte du fait qu'elle doit également statuer sur les demandes de réparation formulées par les condamnés reconnus innocents . Cette commission s'appellera donc désormais " commission de réparation des détentions ".

Comme le Sénat, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteuse, Mme Christine Lazerges, a adopté plusieurs dispositions destinées à faciliter l'application de la loi sur la présomption d'innocence :

- elle a ainsi prévu que le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de placement en détention d'un mineur, d'une demande de prolongation de cette détention ou d'une demande de mise en liberté pourrait prononcer une mesure de liberté surveillée à titre provisoire ou une mesure de garde provisoire ;

- elle a en outre accordé un délai de cinq jours supplémentaire au procureur de la République pour faire appel à titre incident d'une ordonnance de mise en accusation lorsque la personne mise en examen a elle-même fait appel. La loi sur la présomption d'innocence a en effet donné un délai d'appel de dix jours à la personne mise en examen et de cinq jours au procureur de la République. Ainsi, le procureur n'aurait pu faire appel à titre incident en cas d'appel formé par la personne mise en examen plus de cinq jours après la prise de l'ordonnance. Cette situation aurait pu poser des difficultés dans les affaires où plusieurs personnes sont mises en accusation et où certaines d'entre elles seulement font appel de l'ordonnance.

B. LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF TRANSITOIRE POUR LA JURIDICTIONNALISATION DE L'APPLICATION DES PEINES

L'une des innovations essentielles de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes est la juridictionnalisation de l'application des peines .

Jusqu'à présent, le juge de l'application des peines statue sur les demandes formulées par les condamnés (semi-liberté, libération conditionnelle, placement sous surveillance électronique...) après avis de la commission d'application des peines. Il peut ainsi statuer sans entendre le condamné, ses décisions ne sont pas motivées, enfin seul le parquet peut faire appel de ses décisions devant le tribunal correctionnel.

En ce qui concerne les mesures de libération conditionnelle relatives aux condamnés à plus de cinq ans d'emprisonnement, elles sont prononcées par le garde des sceaux après avis du comité consultatif de libération conditionnelle.

La loi sur la présomption d'innocence prévoit qu'à compter du 1 er janvier 2001, les principales décisions du juge de l'application des peines seront prises après un débat contradictoire en présence du condamné assisté, le cas échéant, d'un avocat . La loi prévoit en outre que les décisions doivent être motivées et qu'elles peuvent faire l'objet d'un appel devant la chambre des appels correctionnels, tant de la part du condamné que de la part du parquet .

En ce qui concerne la libération conditionnelle, la loi prévoit que le juge de l'application des peines sera compétent pour prononcer les recours concernant les condamnés à des peines d'une durée inférieure ou égale à dix ans d'emprisonnement. Pour les condamnés à des peines d'une durée supérieure à dix ans d'emprisonnement, les mesures de libération conditionnelle seront prononcées par une juridiction régionale de la libération conditionnelle, ses décisions étant susceptibles d'appel devant une juridiction nationale de la libération conditionnelle.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement à la présente proposition de loi prévoyant un dispositif transitoire pour la mise en oeuvre de certaines dispositions de la loi sur la présomption d'innocence relatives à l'application des peines.

Le garde des sceaux a en effet confié à l'Inspection générale des services judiciaires une mission sur la mise en application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Le rapport de l'inspection met en évidence que la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions de la loi relatives à l'application des peines pourrait soulever des difficultés sérieuses.

Extrait du rapport de mission
de l'Inspection générale des services judiciaires

" Si certains critères relativement fiables peuvent être avancés pour apprécier l'augmentation des charges que constituera le recours en matière criminelle, ou l'instauration d'un juge des libertés, il en va tout autrement de la juridictionnalisation des peines qui constitue un contentieux nouveau, pour lequel subsistent de larges incertitudes à la fois sur le nombre des dossiers qui devront être effectivement examinés dans le cadre d'un débat contradictoire, et sur la quantité des recours susceptibles d'être exercés. (...)

" L'approche généralement pratiquée par les juges de l'application des peines rencontrés conduit, au minimum, à un doublement du temps actuellement consacré aux décisions d'aménagement de peines. Cette évaluation, qui repose sur des analyses qui mériteraient d'être approfondies, paraît optimiste.

" S'ajoute la participation à la juridiction régionale pour laquelle il est encore plus difficile, en l'état, de faire une projection fiable. A titre d'exemple, le vice-président chargé de l'application des peines au TGI d'Evreux, qui a effectué une étude d'impact, estime à 50 débats contradictoires par an la charge de la juridiction régionale, sur la base de 30 % des condamnés relevant de cette instance, pour le seul ressort de son tribunal.

" Si, sauf exception, ce surcroît de charge apparaît compatible avec le volume d'activité actuelle de ces magistrats, au titre de l'application des peines, il conduira très certainement ceux qui consacrent une partie de leur temps aux autres activités de la juridiction (la majorité) soit à diminuer ou à cesser cette participation, soit à accorder une moindre attention au milieu ouvert.

" Toutefois, la difficulté la plus sérieuse, la plus généralisée et la plus immédiate, outre celle de la localisation géographique des débats et des aménagements de locaux, est celle posée par la nécessité de créer un véritable greffe pour le JAP (juge de l'application des peines), la gestion des dossiers de détenus étant jusqu'à présent assurée par l'administration pénitentiaire . Le greffier aura, en effet, notamment pour tâches d'enregistrer les demandes, de contrôler les dossiers d'audiencement, de convoquer les parties aux débats contradictoires, d'assister aux débats et de tenir les notes d'audience, de mettre en forme les décisions rendues, d'assurer le suivi des mesures d'instruction, de tenir à jour les dossiers individuels des condamnés, d'enregistrer les appels. Ce nouveau secrétariat-greffe ne paraît pas pouvoir être constitué à moyens constants, la plupart des juridictions visitées connaissant déjà, en ce qui concerne le personnel, et pour des raisons diverses, un effectif réel insuffisant. (...)

" L'évaluation de l'activité générée par la réforme est encore plus aléatoire pour la cour d'appel. Certains chefs de cour ont néanmoins anticipé la difficulté en redéployant certains contentieux de la chambre correctionnelle (par exemple les intérêts civils) vers d'autres chambres, pour permettre l'examen des appels liés à l'application des peines. "

Compte tenu des conclusions du rapport de l'inspection générale des services judiciaires, le Garde des Sceaux a présenté à l'Assemblée nationale un amendement à la présente proposition de loi prévoyant une période transitoire pour l'application d'une partie des dispositions de la loi sur la présomption d'innocence relatives à l'application des peines.

Au cours de cette période transitoire, le juge de l'application des peines continuerait, comme actuellement, à statuer sur dossier après avis de la commission d'application des peines. Le condamné pourrait toutefois être entendu à sa demande par le juge assisté, le cas échéant, d'un avocat. Dans ce cas, l'entretien se déroulerait en l'absence de greffier. Le juge de l'application des peines devrait rendre des décisions motivées.

L'amendement gouvernemental écartait la possibilité pour le condamné de faire appel des décisions du juge de l'application des peines pendant la période transitoire. L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa rapporteuse, Mme Christine Lazerges et avec l'accord du Gouvernement a adopté un sous-amendement prévoyant le droit d'appel pour le condamné pendant la période transitoire.

Les dispositions de la loi sur la présomption d'innocence relatives aux libérations conditionnelles des personnes condamnées à de longues peines entreront, elles, comme prévu en vigueur le 1 er janvier 2001.

Ainsi, pendant la période transitoire, qui s'étendrait du 1 er janvier au 16 juin 2001, le condamné verrait ses droits accrus (possibilité d'être entendu par le juge de l'application des peines, décisions motivées, droit d'appel) sans toutefois bénéficier de l'ensemble des garanties procédurales prévues par la loi sur la présomption d'innocence (absence de débat contradictoire).

L'objectif de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale est d'attendre l'arrivée d'une promotion de greffiers pour mettre en oeuvre le débat contradictoire prévu par la loi sur la présomption d'innocence.

III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER SANS MODIFICATION LA PROPOSITION DE LOI

Votre commission estime utiles et nécessaires les dispositions principales de la proposition de loi, en particulier celles relatives à la réparation du préjudice subi par les condamnés reconnus innocents. Elle souhaite que ces dispositions entrent rapidement en vigueur, afin d'éviter que le texte actuel, défavorable aux condamnés reconnus innocents, reçoive de nouvelles applications.

Il est également souhaitable que les autres dispositions de la proposition de loi, qui tendent à opérer des coordinations dans le code de procédure pénale ou à faciliter l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes entrent en vigueur en même temps que cette loi, soit pour la plupart de ses dispositions le 1 er janvier 2001.

En revanche, votre commission souhaite formuler ses plus vives réserves à propos du procédé consistant à mettre en place un régime transitoire pour l'application d'une partie de la loi quelques jours seulement avant la date prévue pour son entrée en vigueur.

Lors de l'adoption de la loi sur la présomption d'innocence, il appartenait au Gouvernement d'évaluer les moyens humains et matériels nécessaires à son application et de prendre les dispositions indispensables à son entrée en vigueur dans de bonnes conditions.

Le Gouvernement ne manque pas aujourd'hui, pour justifier l'insuffisance des moyens, de rappeler que deux des principales innovations de la loi sur la présomption d'innocence -l'appel en matière criminelle et la juridictionnalisation de l'application des peines- sont d'origine parlementaire.

A ce sujet, votre rapporteur souhaite formuler deux remarques. Il constate en premier lieu qu'il aura fallu que des difficultés matérielles sérieuses apparaissent pour que le Gouvernement admette publiquement que le Parlement -et notamment le Sénat- a pris une part décisive dans l'élaboration de la loi sur la présomption d'innocence, prenant l'initiative des deux réformes les plus fondamentales pour les libertés.

En second lieu, il convient de noter que si les assemblées ont pris l'initiative de réformes importantes, le Gouvernement a défini les délais d'entrée en vigueur de ces réformes. L'article 140 de la loi sur la présomption d'innocence, qui prévoit plusieurs délais d'entrée en vigueur pour les différentes parties de la loi, a été introduit par un amendement du Gouvernement dans le projet de loi lors de sa discussion en deuxième lecture devant le Sénat. Les compte rendus des travaux du Sénat montrent que celui-ci s'en est remis au Gouvernement en ce qui concerne l'évaluation du temps nécessaire pour que les dispositions de la loi entrent en vigueur 1 ( * ) .

Il n'est donc pas admissible que le Gouvernement tente aujourd'hui de faire peser sur le Parlement la responsabilité des difficultés pratiques rencontrées dans la mise en oeuvre d'une réforme qui était attendue depuis longtemps et qui est un progrès incontestable pour notre justice.

Il est par ailleurs particulièrement fâcheux que le dispositif transitoire proposé par le Gouvernement concerne l'application des peines, donc la situation des détenus, alors même que des commissions d'enquête ont récemment montré que nos prisons étaient " une humiliation pour la République " 2 ( * ) .

Votre commission estime cependant que le dispositif transitoire ne portera que faiblement atteinte aux droits des condamnés, dès lors que ceux-ci pourront être entendus par le juge de l'application des peines et faire appel de ses décisions. La seule garantie procédurale dont l'entrée en vigueur sera repoussée de quelques mois est celle du débat contradictoire.

Dans ces conditions, tout en regrettant profondément la mise en oeuvre précipitée d'un dispositif transitoire quelques jours seulement avant l'entrée en vigueur de la loi sur la présomption d'innocence, votre commission a décidé de ne pas s'opposer à cette mesure. Il est indispensable en effet que la réforme de l'application des peines s'applique dans de bonnes conditions ; une entrée en vigueur sans moyens suffisants pourrait remettre en cause la réforme elle-même.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

SECTION 1
Dispositions relatives à l'indemnisation
des condamnés reconnus innocents
et à l'indemnisation des personnes placées
en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un acquittement

Article premier
(art. 149 du code de procédure pénale)
Indemnisation des personnes placées à tort
en détention provisoire

Cet article tend à modifier l'article 149 du code de procédure pénale relatif à l'indemnisation des personnes placées à tort en détention provisoire. Il tend à remplacer une référence erronée à un article abrogé du code de procédure civile par une référence à l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, afin que l'article 149 du code de procédure pénale prévoie clairement que la procédure d'indemnisation s'exerce sans préjudice des règles relatives à la faute personnelle des magistrats.

Cet article tend par ailleurs à remplacer la référence à " une indemnité destinée à réparer le préjudice moral et matériel " par une référence à la " réparation intégrale du préjudice moral et matériel ".

En première lecture, votre commission des Lois n'avait pas retenu cette modification en estimant qu'il était tout à fait clair que l'indemnité prévue par l'article 149 du code de procédure pénale avait vocation à réparer intégralement le préjudice subi par la personne placée à tort en détention provisoire.

Le Sénat a cependant adopté les amendements de M. Michel Dreyfus-Schmidt introduisant la notion de réparation intégrale du préjudice moral et matériel dans l'ensemble des articles relatifs à l'indemnisation des personnes placées à tort en détention provisoire.

L'Assemblée nationale a simplement corrigé un oubli en remplaçant le terme " indemnisation " par le terme " réparation " dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 149 du code de procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier sans modification .

Article premier quinquies
(article 150 du code de procédure pénale)
Indemnisation des personnes placées à tort
en détention provisoire

Dans sa rédaction actuelle, l'article 150 du code de procédure pénale prévoit que l'indemnité allouée aux personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement est à la charge de l'Etat, sauf le recours de celui-ci contre le dénonciateur de mauvaise foi ou le faux témoin dont la faute aurait provoqué la détention ou sa prolongation.

Le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend à remplacer le terme " indemnité " par le terme " réparation " par coordination avec la décision du Sénat d'évoquer, dans l'article 149 du code de procédure pénale, la réparation intégrale du préjudice moral et matériel plutôt que l'indemnisation de ce préjudice.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier quinquies sans modification .

Article 2
(article 626 du code de procédure pénale)
Indemnisation des condamnés reconnus innocents

Cet article tend à modifier profondément le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents. La loi sur la présomption d'innocence a en effet modifié les règles relatives à l'indemnisation des personnes placées en détention provisoire et bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Elle a en revanche maintenu sans changement les règles relatives à l'indemnisation des condamnés reconnus innocents après une procédure de révision.

Ces règles sont désormais beaucoup moins favorables que celles qui prévalent pour l'indemnisation des détentions provisoires injustifiées. En effet, aucune indemnité n'est due au condamné lorsque la non-représentation de la pièce nouvelle ou la non-révélation de l'élément inconnu en temps utile est imputable en tout ou partie au condamné.

Le présent article tend à harmoniser le régime d'indemnisation des condamnés reconnus innocents avec le régime d'indemnisation des personnes placées à tort en détention provisoire. Ainsi, la réparation ne pourrait être refusée que lorsque la personne s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

Le Sénat, conformément aux décisions prises à l'article premier à propos de la réparation du préjudice subi par les personnes placées à tort en détention provisoire, a en outre décidé de remplacer les références à " l'indemnité " due au condamné reconnu innocent par des références à la " réparation " intégrale de préjudice moral et matériel.

L'Assemblée nationale a accepté ces modifications. Elle a cependant opéré une coordination rédactionnelle. Elle a en outre corrigé une erreur de renvoi d'un article à un autre.

Le texte proposé pour l'article 626 prévoyait en effet que la procédure applicable pour l'indemnisation des condamnés reconnus innocents était la procédure prévue par les articles 149-1 à 149-4, relatifs à la réparation due aux personnes placées à tort en détention provisoire. Or, l'article 149-1 prévoit simplement que la réparation est allouée par décision du premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prise la décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement.

Dès lors que le Sénat a prévu que la réparation du préjudice subi par un condamné reconnu innocent serait allouée par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle réside l'intéressé , le renvoi de l'article 626 à l'article 142-1 n'est par pertinent. L'Assemblée nationale a donc limité le renvoi opéré dans l'article 626 aux articles 149-2 à 149-4.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

Article 2 bis
(article 149-3 du code de procédure pénale)
Commission de réparation des détentions

La proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture a prévu que les décisions du premier président de la cour d'appel en matière de réparation du préjudice subi par les condamnés reconnus innocents pourraient faire l'objet d'un appel devant la commission prévue à l'article 149-3 du code de procédure pénale.

Cette commission porte actuellement, dans l'article 149-3, la dénomination de " commission d'indemnisation des détentions provisoires ".

L'Assemblée nationale, pour tenir compte du rôle de cette commission en matière de réparation du préjudice subi par les condamnés reconnus innocents, a choisi de lui donner le titre de " commission de réparation des détentions ".

Cette dénomination rend effectivement mieux compte des deux missions de cette commission. Votre rapporteur rappelle cependant qu'un condamné reconnu innocent après révision peut avoir droit à une réparation pour le préjudice subi même s'il n'a fait l'objet d'aucune détention. Aucune autre interprétation ne saurait être retenue sur ce point. Il est fréquent que le titre d'un organe ne rende pas compte de manière exhaustive des missions qu'il exerce.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé de la sous-section 3 de la section 7 du chapitre premier du titre III du code de procédure pénale pour tenir compte des modifications opérées par la proposition de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 bis sans modification .

SECTION 3
Dispositions diverses

Article 15 ter
(art. 77-2 du code de procédure pénale)
Droit d'interroger le procureur sur la suite donnée à une procédure

L'article 77-2 du code de procédure pénale est issu de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes et entrera en vigueur le 1 er janvier 2001. Il permet à une personne placée en garde à vue et qui, après un délai de six mois à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, d'interroger le procureur de la République sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure.

Dans un tel cas, le procureur peut engager des poursuites contre l'intéressé, lui notifier le classement sans suite de la procédure à son égard ou, s'il estime que l'enquête doit se poursuivre, saisir le juge des libertés et de la détention, qui décide si l'enquête peut être poursuivie à l'issue d'un débat contradictoire. Outre les trois solutions précédemment mentionnées, le procureur peut également engager une des mesures alternatives aux poursuites prévues explicitement dans le code de procédure pénale depuis l'adoption de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale .

Ces mesures, parmi lesquelles figure la composition pénale créée par la loi du 23 juin 1999 précitée, sont inscrites aux articles 41-1 à 41-3 du code du procédure pénale.

Or, le nouvel article 77-2 du code de procédure pénale précise que le procureur de la République peut " engager l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-4 ". L'article 41-4 ne concerne en aucun cas les mesures alternatives aux poursuites, mais la restitution des objets saisis.

Le présent article inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale tend donc à corriger cette erreur de référence dans l'article 77-2 du code de procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 ter sans modification .

Article 15 quater
(art. 82-1 du code de procédure pénale)
Mise en examen par lettre recommandée - Coordination

Au cours des débats sur la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, le Sénat a souhaité qu'il soit mis fin à la procédure permettant de mettre en examen par lettre recommandée une personne sans lui avoir donné la possibilité de s'expliquer au préalable.

Désormais, l'article 80-1 du code de procédure pénale, qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2001, prévoit que le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen qu'après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit au cours d'un interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté.

Le juge d'instruction ne peut désormais procéder à la mise en examen par lettre recommandée que lorsqu'il décide de mettre en examen un témoin assisté au moment où il lui adresse l'avis de fin d'information. La personne doit alors être informée que si elle demande à être à nouveau entendue par le juge celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire.

Ainsi, la possibilité de mettre à tout moment en examen une personne par lettre recommandée est supprimée. Toutefois, une référence à cette procédure a subsisté dans l'article 82-1 du code de procédure pénale, relatif aux demandes d'actes que peuvent formuler les parties.

Le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend donc, par coordination avec les décisions prises lors de la discussion de la loi sur la présomption d'innocence, à supprimer la référence à la mise en examen par lettre recommandée dans le dernier alinéa de l'article 82-1 du code de procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 quater sans modification .

Article 15 quinquies
(art. 175-1 du code de procédure pénale)
Demandes de clôture de l'instruction -
Coordination

L'article 175-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, permet à la personne mise en examen, au témoin assisté ou à la partie civile, à l'expiration d'un délai d'un an en matière correctionnelle et de dix-huit mois en matière criminelle à compter respectivement de la date de la mise en examen, de la première audition ou de la constitution de partie civile, de demander au juge d'instruction de mettre fin à l'information.

Le texte précise que la personne peut demander au juge d'instruction " de prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou de transmettre la procédure au procureur général ou de déclarer qu'il n'y a pas lieu à suivre, y compris en procédant, le cas échéant, à une disjonction ".

Après l'adoption de la loi sur la présomption d'innocence, la référence à la possibilité pour le juge d'instruction de transmettre la procédure au procureur général est désormais erronée. Cette procédure était en effet prévue en matière criminelle, la chambre d'accusation (devenue chambre de l'instruction) étant seule compétente pour prononcer la mise en accusation devant la cour d'assises. Désormais, le juge d'instruction rendra lui-même une ordonnance de mise en accusation, qui pourra être contestée devant la chambre de l'instruction.

Le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend donc à remplacer la référence erronée à la transmission de la procédure au procureur général par une référence à la mise en accusation devant la juridiction de jugement.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 quinquies sans modification .

Article 15 sexies
(art. 185 du code de procédure pénale)
Délai d'appel de l'ordonnance de mise en accusation

L'article 185 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, prévoit que le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention. Cet appel doit être formé dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision.

Or, l'article 186 du code de procédure pénale prévoit pour sa part que la personne mise en examen dispose d'un délai de dix jours pour faire appel d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises .

Cette différence de durée des délais pourrait susciter des difficultés en cas de mise en accusation de plusieurs personnes dans une même affaire. Si une des personnes faisait appel de l'ordonnance après expiration du délai d'appel du procureur, ce dernier ne pourrait former un appel incident et la mise en accusation des personnes n'ayant pas fait appel deviendrait définitive. Compte tenu des délais de comparution devant la cour d'assises prévus par la loi sur la présomption d'innocence, il pourrait alors être nécessaire d'organiser deux procès, l'un pour juger les personnes n'ayant pas fait appel de l'ordonnance de mise en accusation, l'autre pour juger la personne ayant fait appel de cette ordonnance.

Pour éviter cette situation, le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, complète l'article 185 du code de procédure pénale pour prévoir qu'en cas d'appel par la personne mise en examen de l'ordonnance de mise en accusation, le procureur dispose d'un délai d'appel incident de cinq jours supplémentaires à compter de l'appel de la personne.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 sexies sans modification .

Article 15 septies
(art. 374 du code de procédure pénale)
Procédure criminelle - Correction d'une erreur de référence

Dans sa rédaction issue de la loi sur la présomption d'innocence et qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2001, l'article 374 du code de procédure pénale prévoit, en ce qui concerne la procédure criminelle, que la cour peut, lorsqu'elle statue en premier ressort, ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée, sans préjudice des dispositions de l'article 380-9 du code de procédure pénale.

Or, cette référence est erronée, l'article 380-9 concernant l'appel des arrêts des cours d'assises. L'article 380-8 est pour sa part consacré à l'exécution provisoire des décisions de la cour d'assises statuant en premier ressort sur l'action civile. Cet article prévoit notamment que l'exécution provisoire peut être arrêtée en cas d'appel, par le Premier président, statuant en référé, si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend donc à remplacer, dans l'article 374 du code de procédure pénale, la référence à l'article 380-9 du code de procédure pénale par une référence l'article 380-8 du même code.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 septies sans modification .

Article 15 octies
(art. 627 du code de procédure pénale)
Contumace - Harmonisation rédactionnelle

L'article 627 du code de procédure pénale, relatif à la procédure de contumace n'a pas été modifié par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Cet article fait référence à l'arrêt de mise en accusation. Or, la loi sur la présomption d'innocence a mis fin au principe de la transmission obligatoire des dossiers d'instruction en matière criminelle à la chambre d'accusation (devenue chambre de l'instruction), qui était jusqu'alors seule compétente pour mettre en accusation.

A compter du 1 er janvier 2001, le juge d'instruction rendra une ordonnance de mise en accusation qui pourra être contestée devant la chambre de l'instruction.

Le présent article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend donc à remplacer, dans l'article 627 du code de procédure pénale, la référence à l'" arrêt de mise en accusation ", par une référence à la " décision de mise en accusation ".

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 octies sans modification .

Article 15 nonies
(art. 632 du code de procédure pénale)
Contumace - Harmonisation rédactionnelle

Cet article, comme le précédent, tend à remplacer, dans l'article 632 du code de procédure pénale relatif à la procédure de contumace, la référence à l'arrêt de renvoi par une référence à la décision de renvoi, par coordination avec les décisions prises lors de la discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 nonies sans modification .

Article 15 decies
(art. 9 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante)
Renvoi des mineurs devant une juridiction -
Harmonisation rédactionnelle

Cet article, inséré dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale, tend à réparer une omission en remplaçant, dans l'article 9 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, une référence à l'arrêt de renvoi par une référence à l'ordonnance de renvoi.

La loi sur la présomption d'innocence a prévu, pour les majeurs comme pour les mineurs, que le juge d'instruction, saisi d'une procédure criminelle, rendrait désormais lui-même une ordonnance de renvoi.

Pour les mineurs, il pourra s'agir d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants (mineurs de seize ans) ou d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises des mineurs. Auparavant, la chambre d'accusation (désormais chambre de l'instruction) prononçait un arrêt de renvoi devant le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs.

Le présent article tend simplement à réparer un oubli en remplaçant une référence à cet arrêt par une référence à l'ordonnance du juge d'instruction.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 decies sans modification .

Article 15 undecies
(art. 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante)
Pouvoirs du juge des libertés et de la détention
à l'égard des mineurs

L'article 11 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante définit les règles applicables aux mineurs en matière de placement en détention provisoire.

A compter du 1 er janvier 2001, le placement en détention provisoire ne pourra être ordonné, pour les majeurs comme pour les mineurs, que par un juge des libertés et de la détention. Le présent article tend à compléter l'article 11 de l'ordonnance de 1945 pour permettre au juge des libertés, saisi d'une demande de placement en détention provisoire, d'une demande de prolongation de cette détention ou d'une demande de mise en liberté, de prononcer une mesure de liberté surveillée à titre provisoire ou une mesure de garde provisoire .

Ces mesures sont respectivement prévues par les articles 8 et 10 de l'ordonnance de 1945, mais ne peuvent actuellement être prononcées que par le juge d'instruction ou le juge des enfants.

Il est souhaitable que le juge des libertés puisse également prononcer ces mesures pour éviter que son choix soit limité au placement en détention ou à la remise en liberté.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 undecies sans modification .

Article 16 quinquies
(art. 140 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000
renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes)
Dispositif transitoire pour la réforme
de l'application des peines

L'article 140 de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes définit les conditions de l' entrée en vigueur différée de certaines de ses dispositions . Il prévoit en particulier que les dispositions les plus importantes de la loi entreront en vigueur le 1 er janvier 2001. Cela concerne notamment :

- la possibilité de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début d'une garde à vue ;

- la modification des règles de mise en examen ;

- l'appel en matière criminelle ;

- la juridictionnalisation de l'application des peines.

Le présent article tend à prévoir un dispositif transitoire en matière d'application des peines entre le 1 er janvier et le 16 juin 2001 pour tenir compte de l'insuffisance du nombre de greffiers.

Rappelons que la loi sur la présomption d'innocence modifie profondément les règles applicables en matière d'application des peines. Les principales décisions du juge de l'application des peines seront désormais prises à l'issue d'un débat contradictoire en présence du condamné, assisté, le cas échéant, d'un avocat. Ces décisions devront être motivées et pourront faire l'objet d'un appel de la part du condamné, alors que l'appel était jusqu'à présent réservé au procureur.

Le juge de l'application des peines sera désormais compétent pour toutes les mesures de libération conditionnelle concernant les condamnés à une peine inférieure ou égale à dix ans d'emprisonnement alors qu'il n'était jusqu'à présent compétent que pour les mesures concernant les condamnés à une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement.

Les mesures de libération conditionnelle concernant les condamnés à des peines d'une durée supérieure à dix ans d'emprisonnement seront prononcées par une juridiction régionale de la libération conditionnelle et non plus par le garde des sceaux. Les décisions de cette juridiction pourront faire l'objet d'un appel devant une juridiction nationale de la libération conditionnelle.

Le dispositif transitoire proposé par le Gouvernement consiste à retarder l'entrée en vigueur du débat contradictoire prévu devant le juge de l'application des peines au 16 juin 2001.

Cependant, le condamné se verra reconnaître de nouveaux droits dès le 1 er janvier 2001. A sa demande, il pourra être entendu, assisté le cas échéant d'un avocat, par le juge de l'application des peines. Ce dernier devra rendre des décisions motivées. Enfin, à l'initiative de Mme Christine Lazerges, rapporteure de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, le condamné pourra faire appel des décisions du juge de l'application des peines dès le 1 er janvier 2001 et non à l'issue de la période transitoire. Il conviendra que le décret précise clairement les conditions de l'information des condamnés sur leurs droits, en particulier le droit d'être assisté par un avocat lors de l'entretien avec le juge de l'application des peines.

Votre commission regrette profondément que l'imprévoyance de Gouvernement ait conduit à mettre en place un dispositif transitoire quelques jours seulement avant l'entrée des principales dispositions de la loi sur la présomption d'innocence. Elle rappelle que l'article de la loi définissant les délais d'entrée en vigueur a été proposé par le Gouvernement et que le Sénat a accepté toutes les propositions de ce dernier.

Il n'est donc pas admissible que le Gouvernement tente de faire peser sur le Parlement la responsabilité de la situation actuelle en mettant en avant que les assemblées ont inséré de nombreuses dispositions nouvelles dans le projet de loi sur la présomption d'innocence.

Il appartient au Parlement de légiférer et le Gouvernement doit être à même d'indiquer aux assemblées les conditions dans lesquelles les réformes pourront être mises en oeuvre. La date du 1 er janvier 2001 prévue pour l'entrée en vigueur des dispositions sur l'application des peines a été proposée par le Gouvernement et acceptée par les assemblées.

Le dispositif transitoire prévu dans le présent article préserve l'essentiel des nouveaux droits des condamnés, à savoir la possibilité d'être entendu par le juge de l'application des peines et le droit d'appel. Dans ces conditions, votre commission a décidé de ne pas s'opposer à la mesure proposée par le Gouvernement. Il convient d'éviter en effet que l'ensemble de la réforme entre en vigueur sans pouvoir être appliquée.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

* 1 Cf JO Débats Sénat, Séance du 5 avril 2000, pp. 1886-1888.

* 2 " Prisons : une humiliation pour la République ", rapport n°449 (1999-2000) de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page