B. L'ALIGNEMENT DU REVENU MINIMUM D'INSERTION

L'article 23 du texte définitif du projet de loi d'orientation adopté par l'Assemblée nationale le 15 novembre 2000 prévoit l'alignement en trois ans du revenu minimum d'insertion versé outre-mer sur son niveau de la métropole.

Votre rapporteur regrette cette disposition pour deux raisons.

La première tient au fait que l'alignement du RMI ne va pas dans le sens d'une plus grande incitation au retour à l'activité, même si par ailleurs le projet de loi d'orientation comporte des dispositions à cet effet (notamment la création d'une allocation de retour à l'emploi).

La seconde raison est d'ordre budgétaire. Le gouvernement a en effet laissé entendre que, et le projet de loi de finances pour 2001 en comporte d'ailleurs les premiers signes, la diminution du montant de la créance de proratisation qui résultera de l'alignement du RMI serait compensée par une majoration des crédits des aides à l'emploi et des aides au logement.

Par conséquent, l'Etat paiera deux fois. S'il faut se féliciter que l'effort de l'Etat en matière d'aide au logement ne diminue pas, on peut regretter que l'alignement du RMI se traduise, à terme, par une augmentation des dépenses publiques de plus de 800 millions de francs.

C. LA DEPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L'EMPLOI ET DE L'INVESTISSEMENT

1. Les dispositif existants en 2000

A la demande de votre rapporteur, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a récapitulé les dispositifs d'exonérations fiscales et de charges sociales spécifiques à l'outre-mer :

Volet fiscal

" - la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer permet la déduction fiscale de la totalité du montant productif hors taxes, hors subvention opérée au titre de l'année en cours de laquelle l'investissement est réalisé dans les secteurs liés à la production et au tourisme. Ce dispositif prend fin au 31 décembre 2002. Le coût de la dépense fiscale qui en découle est estimé pour l'année 1999 à 1,960 milliard de francs ;

- l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour une période de 10 années pour les secteurs productifs et touristiques et pendant 25 ans pour les industries liées à l'énergie et au secteur minier. Ce dispositif prend fin au 31 décembre 2001. Son coût est estimé à 110 millions de francs en 1999 ;

- l'abattement portant sur l'impôt sur les sociétés : outre-mer, les résultats retenus provenant d'exploitations soumises à l'impôt sur les sociétés sont égaux aux deux tiers de leur montant, pour les secteurs liés à la production et au tourisme. Le coût fiscal pour 1999 est de 150 millions de francs ;

- le taux de TVA est de 9,5 % pour le taux normal et de 2,10 % pour le taux réduit. La TVA n'est pas perçue en Guyane. Par ailleurs, un grand nombre de produits bénéficient d'une déduction opérée par les entreprises des DOM de la TVA calculée fictivement sur le prix d'achat de ces biens. Les fabricants et revendeurs de biens exonérés peuvent déduire, dans les conditions ordinaires, la taxe qui a effectivement grevé les achats. Les assujetties qui utilisent les biens exonérés comme matières premières dans leurs fabrications de produits taxés pour les besoins de leur activité imposable peuvent déduire une taxe qui ne leur a pas été facturée. Les fabricants et les revendeurs de biens exonérés et les exportateurs de produits taxables peuvent déduire la taxe décomptée fictivement sur les acquisitions de biens d'investissement exonérés. La dépense fiscale est estimée en 1998 et 1999 à 730 millions de francs ;

- la réduction d'impôt pour le logement affecté à la résidence principale du propriétaire ou du locataire s'élève à 600 millions de francs ;

- la taxe sur les salaires bénéficie d'un taux réduit dans les DOM : alors qu'il est de 4,25 % en métropole, elle s'élève à 2,95 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion et 2,55 % en Guyane. En 1999, la dépense fiscale est estimée à 560 millions de francs ;

- la réduction des cotisations d'impôts : les contribuables à l'impôt sur les revenus domiciliés dans les DOM voient le montant de leur impôt diminué de 30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion et de 40 % en Guyane dans la limite de certains plafonds (333.310 francs pour les trois premiers et 44.070 francs pour le dernier). La dépense fiscale peut être estimée à 700 millions de francs ;

- l'exonération des plus-values immobilières : dans les DOM, les plus-values immobilières réalisées lors de la cession de terrains à bâtir situés dans les DOM et destinées à la création d'équipements touristiques sont exonérées de taxation. Le coût fiscal de cette mesure n'est pas chiffré ;

- la diminution des droits d'enregistrement en Guyane : les droits d'enregistrement, de publicité foncière et de timbre au profit de l'Etat sont réduit de moitié. Le coût fiscal n'est pas chiffré ;

- la loi de programme du 31 décembre 1986 relative au développement des départements d'outre-mer a prévu la possibilité d'y créer des " zones franches ". Cette zone franche est basée sur le concept douanier traditionnellement retenu dans l'Union européenne. Il en existe une à la Réunion et une autre est en cours de préparation en Guyane. Son coût n'est pas significatif , seules quelques entreprises sont concernées. "

Exonérations de charges sociales

" Le coût des exonérations de charges sociales est présenté dans le rapport annuel d'exécution de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre et Miquelon et à Mayotte.

Ce rapport, joint au projet de loi de finances initiale, est en cours d'élaboration. La dépense pour l'Etat est proche d'un milliard de francs . Ce dispositif prend fin au 31 décembre 2000 . "

2. Le nouveau régime des aides fiscales à l'investissement

L'article 12 du projet de loi de finances pour 2001 réforme le dispositif d'aide fiscale à l'investissement, dit " loi Pons ".

Cet article fait l'objet d'un commentaire approfondi de notre rapporteur général dans le tome II du rapport général de votre commission des finances sur le présent projet de loi de finances.

Votre rapporteur reproduit ci-dessous quelques extraits de ce commentaire :

Présentation générale du nouveau dispositif

" Le dispositif actuel d'aide à l'investissement outre-mer est issu de la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986, dite " loi Pons ", modifiée successivement par la loi de finances pour 1992, par la loi de finances rectificative pour 1993, puis par les lois de finances pour 1994, 1996, 1998 et 1999.

Ce dispositif se compose en fait de trois mesures de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer :

- l'article 163 tervicies du code général des impôts permet aux contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu de déduire de leur revenu net global le montant des investissements productifs , diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (DOM), les territoires d'outre-mer (TOM), et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans un des secteurs socioprofessionnels considérés comme prioritaires pour l'économie des départements, territoires et collectivités précités ;

- l'article 199 undecies du code général des impôts prévoit une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables qui investissement dans la construction ou dans l'acquisition de logements neufs dans ces mêmes départements, territoires et collectivités, en vue de les affecter à leur habitation principale ou de les louer nus à usage d'habitation principale du locataire pendant au moins cinq ans. Cette réduction est étendue à la souscription de parts de sociétés ayant le même objet, et elle est majorée pour les investissements locatifs dans le secteur intermédiaire ;

- enfin, les articles 217 undecies et 217 duodecies du code général des impôts permettent aux entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés (IS) de déduire de leur résultat imposable le montant de leurs investissements physiques dans les secteurs jugés prioritaires des départements, territoires et collectivités précités, d'une part, le montant de leurs investissements dans l'immobilier locatif intermédiaire de ces mêmes zones, d'autre part.

A l'occasion de la loi de finances pour 1999, qui avait prolongé ces mesures jusqu'au 31 décembre 2002, le gouvernement s'était engagé à proposer un nouveau dispositif d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer avant pour le 1 er janvier 2002.

Tel est l'objet du présent article.

Cet article résulte largement des réflexions d'un groupe de travail réunissant les administrations du ministère de l'économie et des finances et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, des professionnels locaux et des " monteurs " en financement externalisé.

Le nouveau dispositif, qui s'appliquerait aux investissements réalisés entre le 1 er janvier 2001 et le 31 décembre 2006, comporte sept novations majeures :

- la principale novation consiste à remplacer, pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, l'actuel régime de déduction du revenu net global prévue à l'article 163 tervicies par une réduction d'impôt égale à 50 % ou à 60 % de l'investissement, qui serait codifiée dans un nouvel article 199 undecies B ;

- par ailleurs, le nouveau dispositif prévoit un régime d'exception particulièrement favorable pour les investisseurs " professionnels " des départements d'outre-mer, c'est à dire les investisseurs " domiens " participant à l'exploitation ;

- le nouveau dispositif prévoit également, s'agissant des investissements productifs, un taux de rétrocession minimum de l'avantage fiscal aux opérateurs locaux , à hauteur de 60 % pour les personnes physiques et de 75 % pour les assujettis à l'IS. Selon le gouvernement, ces taux correspondent aux taux déjà appliqués, en pratique, pour les investissements soumis à l'agrément de l'administration fiscale ;

- le périmètre des investissements éligibles serait modifié. D'un côté, le secteur de la croisière (mais pas de la plaisance) en serait exclu ; de l'autre, seraient désormais éligibles l'ensemble des activités de maintenance , les services informatiques (à la suite d'un amendement introduit par le gouvernement à l'Assemblée nationale), les logiciels nécessaires à l'utilisation des investissements éligibles et la rénovation d'hôtel ;

- les investissements productifs réalisés dans les secteurs éligibles en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna par les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu ouvriraient droit à une réduction d'impôt plus élevée, à hauteur de 60 % du montant de l'investissement, contre 50 % dans les autres DOM, TOM et en Nouvelle-Calédonie. Cette disposition introduit donc une discrimination positive en faveur de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna  ;

- les souscriptions réalisées par des entreprises assujetties à l'IS au capital d'entreprises en difficulté seraient désormais éligibles, même si ces dernières ont déjà bénéficié d'investissements défiscalisés, et même si ces souscriptions ne sont pas affectées à des investissements productifs. Cette novation vise à favoriser le soutien aux entreprises en difficulté ;

- enfin, les paramètres (taux, plafonds, éligibilité) de la réduction d'impôt sur le revenu pour les investissements dans le secteur du logement seraient modifiés.

Pour le reste, le dispositif proposé par le présent article reprend largement l'architecture, sinon la rédaction, des dispositions existantes. Votre rapporteur général en présentera donc le détail en s'attachant à mettre en évidence les différences avec les régimes de défiscalisation actuels. "

Les conséquences potentielles du nouveau dispositif :

" Le dispositif pourrait modifier le financement de l'économie des DOM, TOM et collectivités d'outre-mer de la manière suivante :

- les investissements dans les secteurs éligibles en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, ainsi que les projets de rénovation d'hôtel, qui ouvrent droit à une réduction d'impôt de 60  %, bénéficieraient de financements accrus, selon des modalités sans doute proches de celle du dispositif actuel ;

- les grands projets d'investissements dans les secteurs éligibles des autres DOM, TOM et en Nouvelle-Calédonie seraient financés par une épargne métropolitaine moins abondante et plus coûteuse, quoique drainée auprès d'un nombre de contribuables un peu plus large qu'aujourd'hui ;

- les petits projets d'investissement dans les secteurs éligibles des autres DOM, TOM et en Nouvelle-Calédonie auront un accès réduit à l'épargne métropolitaine, mais pourraient être financés de manière croissante par les épargnants locaux, selon un circuit court.

Le nouveau dispositif pourrait donc raccourcir les circuits de financement des économies ultramarines, ce dont votre rapporteur général ne peut a priori que se féliciter, mais au risque d'une baisse du volume total des investissements contraire à l'objectif poursuivi.

Il conviendra donc d'en suivre la mise en oeuvre avec la plus grande vigilance. "

3. Les nouveaux allégements et exonérations de charges sociales

La loi de finances pour 2000 avait prorogé jusqu'au 31 décembre 2000 les régimes d'exonérations de cotisation patronales mis en place par la loi " Perben " de 1994, en attendant que les mesures prévues dans le projet de loi d'orientation n'entrent en vigueur.

Le projet de loi procède en effet à une refonte des dispositifs d'exonération, dans un sens encore plus favorable.

Alors que la loi Perben appliquait les exonérations aux salaires correspondant au SMIC, le projet de loi porte le champ des exonérations à 1,3 SMIC.

En outre, alors que les exonérations " Perben " étaient sectorielles, les nouvelles exonérations s'appliqueront à toutes les entreprises de moins de 11 salariés, quel que soit leur secteur d'activité. Pour les entreprises de plus de 11 salariés, le principe d'exonérations sectorielles est maintenu.

Alors que 43.245 salariés étaient concernés en 1999 par l'ancien dispositif, le nouveau régime devrait couvrir 112.000 salariés. Le nombre d'entreprises susceptible de bénéficier des exonérations passe de 4.275 en 1999 à environ 29.000, soit la quasi-totalité des entreprises domiennes (96 % des entreprises des DOM ont moins de 11 salariés).

Le coût pour l'Etat de ces dispositifs s'élève à environ 3,2 milliards de francs (3,5 milliards de francs en comptant les aides au passage aux 35 heures).

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