2. Le manque de locaux
La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a un impact sur les besoins en locaux supplémentaires des juridictions à plusieurs titres. Ainsi, le juge des libertés et de la détention devra disposer de locaux adaptés pour recevoir les prévenus. Par ailleurs, l'institution d'un appel en matière criminelle crée des besoins en surface supplémentaire d'audience nécessaire à la tenue des sessions d'appel. Enfin, la juridictionnalisation de l'application des peines entraînera des dépenses d'aménagement de locaux.
Or, un peu plus d'un mois avant l'entrée en application de la loi, aucune mesure d'envergure n'a été prise pour assurer aux juridictions qu'elles disposeront des locaux suffisants pour appliquer la loi mentionnée précédemment sans préjudice pour les autres activités .
L'étude d'impact de la Chancellerie fait état d'un recensement des besoins en locaux d'une part pour les juges de la détention et des libertés et, d'autre part, pour l'appel en matière criminelle, mais cette réponse apparaît très décalée par rapport à l'urgence de la situation puisque la date d'entrée en vigueur de ces dispositifs est le 1 er janvier 2001 !
Dans le ressort de la cour d'appel de Paris, les besoins en locaux consistent en 4 salles d'audience, sans compter les bureaux supplémentaires pour accueillir les magistrats affectés à cette réforme.
S'ajoutent en outre 310.000 francs de mobilier et une voiture de service.
Le manque des locaux est loin d'être un phénomène parisien. Ainsi, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières utilise la même salle pour les audiences d'assises que pour les audiences des affaires correctionnelles. En conséquence, ces dernières ainsi que les audiences des affaires familiales seront interrompues pendant que se tiendront les procès en appel des décisions de la cour d'assises.
Lors de sa visite des tribunaux de grande instance relevant de la cour d'appel de Paris, votre rapporteur a pu constater l'insuffisance chronique de salles d'audience. Faute de locaux adaptés, des procès sont retardés de plusieurs mois, voire de plusieurs années. L'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 précitée ne fera qu'aggraver la situation.
Le gouvernement porte sa part de responsabilité dans les difficultés auxquelles vont être confrontées les juridictions à partir de janvier 2001. En effet, alors qu'il sait depuis le mois d'avril dernier que le Parlement est favorable à l'institution d'un appel en matière criminelle et qu'il a demandé sa mise en application dès le 1 er janvier 2001, aucune mesure n'a été prise pour soit louer des locaux, soit en construire afin de pouvoir tenir les procès en cour d'assises supplémentaires. En conséquence, cette réforme risque de pénaliser la tenue d'autres audiences, notamment en matière correctionnelle ou en matière d'affaires familiales.
Impact de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes sur les effectifs des juridictions relevant de la Cour d'appel de Reims I. - LA COUR D'APPEL DE REIMS A. Effectifs supplémentaires Les sessions d'assises de la Marne, de l'Aube et des Ardennes sont présidées par des conseillers de la Cour d'appel. A titre d'exemple, se sont tenues, en 1999, - 6 sessions dans la Marne soit 6 x 10 jours = 60 jours d'audience, - 3 sessions dans les Ardennes soit 3 x 10 jours = 30 jours d'audience, - 3 sessions dans l'Aube soit 3 x 10 jours = 30 jours d'audience TOTAL = 120 jours d'audience Il convient d'ajouter à ce total le nombre de jours nécessaires à la préparation des sessions, soit 5 jours pour chaque session ce qui porte le total à 120 jours + (5 x 12 = 60 jours) = 180 jours. La Chancellerie a retenu un taux prévisible d'appel en matière correctionnelle qui oscille entre 34,5 % et 48,9 %. Si l'on affecte un pourcentage moyen de 40 % au nombre précédemment obtenu (180 jours), le nombre de jours d'audience s'élève à 252 jours. Sachant qu'un magistrat totalise environ sur une année (52 semaines x 5 jours) - (7 x 5 jours de congés) - 11 jours chômés = 214 jours travaillés, il apparaît indispensable de créer un poste de conseiller supplémentaire pour faire face à l'introduction de l'appel en matière criminelle . S'agissant des magistrats du parquet général, outre cette charge supplémentaire, ils devront assurer leurs fonctions auprès de la juridiction régionale de libération conditionnelle et auront un contentieux plus important à la chambre des appels correctionnels : un poste de substitut général apparaît nécessaire . Par ailleurs, - l'augmentation des sessions d'assises, - l'augmentation des appels portés devant la chambre des appels correctionnels en matière de libération conditionnelle, - le raccourcissement des délais d'audiencement devant la chambre de l'instruction et la chambre des appels correctionnels, - la création de la juridiction régionale de la libération conditionnelle exigent la création de deux postes de greffier et d'un poste d'agent des services techniques chargé notamment de la copie des dossiers d'assises, personnel qu'il convient d'équiper . B. Moyens (immobiliers, matériels) - la création de bureaux - l'acquisition d'un photocopieur consacré exclusivement à la photocopie des dossiers d'assises, d'un véhicule pour faciliter le transport des pièces à conviction et celui du Président de la juridiction régionale de la libération conditionnelle amené à se déplacer dans les centres de détention situés notamment dans le département de l'Aube (Clairvaux, Villenauxe la Grande), de matériels informatiques et d'un mobilier sont nécessaires.
II. - LES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE DU RESSORT
A. Effectifs supplémentaires Compte tenu de la création du juge des libertés et de la détention, nécessairement spécialisé, il semble raisonnable d'envisager la création d'un poste de magistrat du siège dans chaque Tribunal de Grande Instance du ressort , notamment un poste de vice-président au Tribunal de Grande Instance de Troyes qui en est actuellement dépourvu et, bien entendu, la création de 4 postes de greffier chargés d'assister ces nouveaux magistrats . L'obligation de contrôler les locaux de garde à vue constitue une charge importante pour les parquets du ressort, qui devront également faire face aux autres obligations nouvelles, alors que leur activité actuelle est déjà très importante par rapport aux effectifs dont ils disposent. La création d'un poste de substitut placé apparaît particulièrement nécessaire . La réforme de l'exécution des peines nécessite aussi le renforcement des effectifs dans les services de l'application des peines, tant en magistrats qu'en fonctionnaires. - Troyes réclame, compte tenu de la présence dans le département de deux centres de détention importants, la création d'un poste supplémentaire de juge de l'application des peines, d'un poste de substitut et d'un poste de greffier . - Châlons-en-Champagne et Charleville-Mézières sollicitent chacun, pour leur service d'application des peines, la création d'un poste de fonctionnaire à mi-temps . Tous ces nouveaux magistrats et fonctionnaires doivent évidemment être équipés. B. Moyens (immobiliers, matériels) Les salles d'audience des Cours d'assises de Troyes et Charleville-Mézières doivent subir un aménagement particulier pour accueillir les 12 jurés -au lieu de 9- qui siègent désormais en appel. La création d'une salle d'audience à Charleville-Mézières devient impérative , ce Tribunal de Grande Instance ne pouvant plus suspendre la tenue des audiences correctionnelles pendant les sessions d'assises comme il le fait actuellement. La plupart des décisions du juge de l'application des peines étant rendues à l'issue d'un débat contradictoire, comme celles du juge des libertés et de la détention, une extension des bureaux des magistrats et fonctionnaires concernés s'impose. Il va de soi que tout accroissement d'effectif ou extension de locaux doit s'accompagner de l'acquisition de matériels informatiques et de mobilier de bureau. Pour permettre d'assurer efficacement et surtout rapidement la continuité de l'activité des parquets et le suivi des mesures de garde à vue durant les permanences, il semble judicieux d'équiper le parquet général et les 4 parquets du ressort : de 5 téléphones portables cellulaires permettant d'envoyer ou recevoir des mails et des fax, de 5 ordinateurs portables et 5 scanners permettant de créer un fichier, mis à jour chaque semaine, des fiches d'exécution des peines en cours, des mandats d'arrêts, de la liste des magistrats de permanence. Ces matériels seront spécialement affectés au magistrat du parquet ou parquet général assurant la permanence. Les bouleversements que la loi introduit dans la procédure pénale entraînent pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes une surcharge de travail importante alors que les juridictions ont déjà du mal à surmonter un déficit en personnel chronique qui résulte essentiellement de la féminisation (temps partiel non compensé immédiatement, congés de maternité, congés parentaux, congés de garde pour enfants malades...) et du remplacement tardif des agents mutés, déficit qui sera certainement accentué par la réduction du temps de travail (35 heures). |