II. L'ABANDON DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT EN FRANCE

L'année 1999 avait donné lieu à la publication de plusieurs circulaires visant à préciser les modalités de mise en oeuvre des axes de la réforme de l'Etat. Votre rapporteur spécial avait alors estimé que ces textes constituaient essentiellement des déclarations d'intention, déplorant que les actes peinent à suivre.

L'année 2000 a confirmé cette carence en réformes concrètes. Maintenant que les circulaires ont été publiées, les mesures pratiques se font attendre.

Certes, le nouveau ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, M. Michel Sapin, affiche régulièrement ses ambitions réformatrices, ainsi qu'il l'a fait dans un article du journal Le Monde , intitulé Un Etat plus transparent et plus efficace , dans lequel il insistait sur les deux réformes à entreprendre rapidement, la réforme de l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances, et la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle des effectifs.

En réalité, la réforme de l'Etat ne paraît plus compter parmi les priorités du gouvernement.

Certes, le 12 octobre dernier, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'est réuni, sous la présidence du Premier ministre. Le communiqué de presse publié à l'issue de cette réunion affiche trois priorités pour la réforme de l'Etat :

- répondre aux nouvelles attentes du citoyen : il s'agit notamment d'alléger les démarches administratives ou de développer l'administration électronique ; il est toutefois permis de s'interroger sur le caractère véritablement opérationnel de certains objectifs, à l'exemple de celui-ci : " les ministères et les services déconcentrés s'engageront sur un niveau de qualité établi avec et pour les usagers " ;

- une gestion plus transparente et plus efficace : afin de rénover les procédures budgétaires et les modes de gestion, le gouvernement met en avant, d'une part, la réforme de l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances ou la généralisation du contrôle de gestion dans l'administration, et, d'autre part, la mise en oeuvre de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ;

Votre rapporteur spécial tient en effet à souligner toute la portée concrète de ces engagements : depuis la publication des conclusions de la mission d'information constituée par votre commission dotée des prérogatives des commissions d'enquête, il est permis de douter des bonnes intentions gouvernementales sur la transparence budgétaire. Les comptes-rendus de gestion, annoncés par la circulaire du Premier ministre du 21 février 2000, sont extrêmement décevants, comme l'a d'ailleurs relevé le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, dans son rapport sur le projet de loi de règlement de 1999 28 ( * ) : " les comptes-rendus de gestion sont de qualité très inégale ", ajoutant : " il est, notamment, très décevant de constater le caractère lacunaire des informations fournies " par certains comptes-rendus de gestion. Quant à la gestion prévisionnelle des emplois, le rapport particulier de la Cour des comptes consacré à la fonction publique de l'Etat dit bien ce qu'il faut en penser.

- prendre appui sur les agents acteurs de la modernisation : cette rubrique, au-delà de l'annonce d'une amélioration de la formation des agents publics et du fait que chaque agent disposera d'un poste de travail informatique donnant accès aux intranets ministériels, reste particulièrement floue sur les mesures concrètes qui seront effectivement mises en oeuvre.

De surcroît, votre rapporteur spécial ne peut que constater que les décisions arrêtées lors du précédent comité interministériel du 13 juillet 1999 - évaluation des politiques publiques, fonctionnement des services déconcentrés, élaboration d'un programme pluriannuel de modernisation dans certains ministères - n'ont toujours pas, selon les informations qu'il détient, été finalisées.

Il est d'ailleurs significatif que la rubrique du site Internet du ministère consacrée à la réforme de l'Etat, n'ait pratiquement pas été mise à jour depuis l'année dernière, alors que ce ministère affiche, parmi ses 17 chantiers de réforme de l'Etat, la facilitation de l'accès des citoyens à l'administration par les télécommunications et Internet !

Mais, d'une manière générale, il est probable que la réforme de l'Etat ait beaucoup pâti de la capitulation du gouvernement suite à sa tentative de réformer l'administration fiscale. Cette réforme, qui ne faisait que tirer les conséquences logiques de l'existence de gains de productivité, aurait probablement permis de montrer qu'il est possible de réduire le nombre de fonctionnaires sans désorganiser le bon fonctionnement de l'administration.

* 28 Assemblée nationale, rapport n° 2601, XIème législature.

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