V. RETROUVER L'ÉQUILIBRE DE LA DÉCENTRALISATION

A. PRÉSERVER L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le financement des collectivités locales par des ressources propres et non par des dotations budgétaires est ancien dans notre pays. Il a été renforcé par les lois de décentralisation, qui ont prévu notamment que les compétences transférées devraient être financées par des transferts d'impôts, le financement budgétaire ne devant intervenir qu'à titre résiduel.

Les évolutions enregistrées depuis trois ans en matière de fiscalité locale vont à l'encontre de cette tradition de la " décentralisation à la française ".

Le Sénat a adopté le 26 octobre dernier, à l'initiative du président Christian Poncelet, une proposition de loi constitutionnelle tendant à inscrire dans la loi fondamentale certains grands principes de l'autonomie financière des collectivités locales, aujourd'hui remis en cause.

1. Enrayer le recul de l'autonomie fiscale

L'autonomie fiscale des collectivités locales a significativement reculé depuis le début de l'année 1999. La part " salaires " de la taxe professionnelle a été supprimée, tout comme les droits de mutation et la taxe d'habitation perçus par les régions. Les départements ont perdu la faculté de voter les taux des droits de mutation. Le présent projet de loi de finances prévoit de supprimer la vignette dont le produit est perçu par les départements.

Les tableaux ci-dessous mettent en évidence l'ampleur du recul de l'autonomie fiscale des collectivités locales. Ils comparent, pour l'année 1997, quelle était la part des recettes fiscales dans les recettes totales des collectivités, et quelle aurait été cette part si toutes les réformes intervenues depuis 1997 avaient déjà été en vigueur.

Sur la base des comptes des régions en 1997 (hypothèse d'une réforme TP achevée)

Montants

Recettes fiscales/Recettes totales

Recettes fiscales/Recettes totales (hors emprunts)

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

Recettes totales

77,8

77,8

77,8

Recettes totales hors emprunts

69,2

69,2

69,2

Recettes fiscales directes

24,1

19,6

14,3

31 %

25 %

18 %

35 %

28 %

21 %

Taxe d'habitation

5,30

5,3

0,0

TP

12,85

8,4

8,4

Taxes foncières

5,95

6,0

6,0

Recettes fiscales indirectes

15,8

10,7

10,7

20 %

14 %

14 %

23 %

15 %

15 %

Autres

10,7

10,7

10,7

Droits de mutation

5,1

0,0

0,0

Recettes fiscales totales

39,9

30,3

25,0

51 %

39 %

32 %

58 %

44 %

36 %

Sur la base des comptes des départements en 1997 (hypothèse d'une réforme TP achevée)

Montants

Recettes fiscales/Recettes totales

Recettes fiscales/rRecettes totales (hors emprunts)

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

Recettes totales

234,6

234,6

234,6

Recettes totales hors emprunts

207,9

207,9

207,9

Recettes fiscales directes

85,3

70,2

70,2

36 %

30 %

30 %

41 %

34 %

34 %

Autres

42,1

42,1

42,1

TP

43,2

28,1

28,1

Recettes fiscales indirectes

37,4

29,6

18,6

16 %

13 %

8 %

18 %

14 %

9 %

Autres

16,9

16,9

5,9

Droits de mutation

20,5

12,7

12,7

Recettes fiscales totales

122,7

99,8

88,8

51 %

43 %

38 %

59 %

48 %

43 %

Sur la base des comptes des communes et EPCI en 1997 (hypothèse d'une réforme TP achevée)

Montants

Recettes fiscales/Recettes totales

Recettes fiscales/rRecettes totales (hors emprunts)

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

avant réforme

après réforme TP et DMTO

après réforme TP, DMTO et TH

Recettes totales

506,2

506,2

506,2

Recettes totales hors emprunts

455,6

455,6

455,6

Recettes fiscales directes

237,0

203,4

203,4

47 %

40 %

40 %

52 %

45 %

45 %

Autres (dont TEOM et VT)

140,9

140,9

140,9

TP

96,1

62,5

62,5

Recettes fiscales indirectes

13,6

13,6

13,6

3 %

3 %²

3 %

3 %

3 %

3 %

Recettes fiscales totales

250,6

217,0

217,0

50 %

43 %

43 %

55 %

48 %

48 %

Source : ministère de l'économie

Il ressort de ces éléments que la part de la fiscalité dans les recettes totales hors emprunt des régions est passée en trois ans de 58 % à 36 %, de 59 % à 43 % pour les départements et de 59 % à 48 % pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.

Votre rapporteur général s'est efforcé , à chaque fois que les règles applicables en matière de recevabilité financière des amendements le permettaient, de proposer au Sénat des alternatives aux projets du gouvernement . C'est ainsi que, à son initiative, le Sénat a refusé la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, lui préférant un système de dégrèvement qui, s'il avait été retenu, aurait d'ailleurs évité de perturber les indicateurs de richesse des collectivités tels que le potentiel fiscal. De même, le Sénat a refusé le remplacement de la taxe d'habitation des régions par une dotation budgétaire, préférant réduire dans les mêmes proportions les frais perçus par l'Etat au titre de l'assiette et du recouvrement des impôts locaux.

Ces fragiles digues n'ont pas suffi à contenir un mouvement de fond, tendant à supprimer progressivement les impôts locaux. A l'appui de sa démarche, le gouvernement considère que la libre administration des collectivités locales ne dépend pas de l'origine de leurs ressources mais de leur faculté à dépenser librement.

Votre rapporteur général observe que l'argument du gouvernement est spécieux puisque, parallèlement à sa politique de suppression des impôts locaux, il " flèche " de plus en plus les dépenses des collectivités locales, soit par le biais des contrats de plan, soit par le biais de dispositions législatives telles que la loi sur les gens du voyage.

Il considère surtout que l'existence d'un lien fiscal entre les élus et les contribuables reste à la fois un impératif citoyen et une nécessité économique et que, puisque le Conseil constitutionnel a dans sa jurisprudence validé cette analyse tout en s'abstenant de censurer les dispositions allant à son encontre, la proposition de loi constitutionnelle adoptée le 26 octobre 2000 par le Sénat s'apparente à un sursaut salutaire .

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