B. UN RENFORCEMENT DES EXIGENCES DE MOBILITÉ
Votre commission approuve les dispositions prévues par le projet de loi afin de favoriser la mobilité des magistrats, qui lui paraissent aller dans le bon sens, sous réserve d'un amendement tendant à prévoir des dispositions transitoires adaptées . Dans un souci d'équité, il convient en effet d'éviter que l'entrée en vigueur de la réforme ne pénalise des magistrats ayant déjà une certaine ancienneté dans le premier grade, dont la carrière a suivi les règles actuelles et qui sont aujourd'hui susceptibles de prétendre à la hors hiérarchie sans avoir changé de juridiction depuis leur accès à ce grade. En particulier, en l'absence de dispositions transitoires, les actuels présidents de chambre et avocats généraux des cours d'appel pourraient être contraints d'effectuer une mobilité en rétrogradant comme simple conseiller de cour d'appel, avant d'accéder à la hors hiérarchie.
Votre commission approuve également le régime particulier prévu en faveur des conseillers référendaires à la Cour de cassation, qui peut se justifier par la nécessité de maintenir cette filière de recrutement privilégié pour la Cour. Elle considère néanmoins que des mesures spécifiques pourraient en outre être prises afin de renforcer l'attractivité de la Cour de cassation pour les autres magistrats, attractivité qui risque de se trouver atténuée à l'issue de la réforme, notamment en raison de l'accès à la hors hiérarchie des présidents de chambre et des avocats généraux des cours d'appel de province.
Cependant, votre commission constate que, dans la pratique, l'effet des mesures prévues par le projet de loi organique afin de favoriser la mobilité risque de rester limité.
La " régionalisation " du corps judiciaire qui pourrait en résulter lui paraît lourde de dangers pour l'unité de la fonction publique et l'indépendance des magistrats.
Aussi votre commission souhaite-t-elle renforcer les exigences de mobilité en prévoyant désormais une limitation dans le temps de l'exercice , au sein d'une même juridiction, des fonctions de chefs de juridiction , ainsi que de certaines fonctions spécialisées comme celles de juge d'instruction.
En effet, l'institution de nouvelles règles de mobilité liées à l'avancement ne permet pas de régler le problème posé par l'insuffisante mobilité de certains magistrats ne souhaitant pas nécessairement bénéficier d'une mesure d'avancement, ce qui peut notamment être le cas de bon nombre de chefs de juridiction.
A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler les réflexions qu'il avait formulées dans le cadre du rapport 8 ( * ) établi au nom de la mission d'information sur les moyens de la justice constituée par votre commission des Lois en 1996, sous la présidence de notre excellent collègue Charles Jolibois :
" Est-il souhaitable, est-il possible d'envisager l'instauration d'une mobilité obligatoire au terme de quelques années passées dans un poste (tous les cinq ans, par exemple) ? Une telle obligation permettrait notamment de donner plus rapidement un caractère effectif à la suppression d'un poste et de pourvoir plus rapidement le poste redéployé. Une telle mobilité pourrait ne pas être contraire au principe de l'inamovibilité, dans la mesure où celui-ci a pour objet de protéger l'indépendance morale des magistrats en les mettant à l'abri contre des mesures arbitraires individuelles. Il ne devrait pas conduire à les rendre en quelque sorte propriétaires de leur poste. Aussi bien, l'institution du Conseil supérieur de la magistrature et sa récente réforme 9 ( * ) ont-ils fait cesser tout risque sérieux de cette nature. L'inamovibilité ne saurait aboutir à faire renaître une forme nouvelle de patrimonialité des charges. "
Dans le droit fil de ces réflexions, votre commission vous propose d'adopter une série d'amendements tendant à limiter à sept ans (dans la même juridiction) la durée maximale d'exercice des fonctions :
- de premier président ou de procureur général d'une cour d'appel ;
- de président ou de procureur de la République d'un tribunal de grande instance ;
- de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines ou de juge chargé du service d'un tribunal d'instance.
Ces amendements s'inscrivent au demeurant dans la logique retenue par le Gouvernement dans le cadre des dispositions prévues par l'avant-projet de loi organique relatif au statut des magistrats diffusé par Mme Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, en décembre 1999.
* 8 " Quels moyens pour quelle justice ? ", rapport n° 49 (1996-1997), p. 86.
* 9 Celle issue de la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993.