III. LE TRAITÉ D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
Le traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Etats-Unis, signé le 10 décembre 1998 à Paris, s'inspire de la convention européenne du 20 avril 1959 et des conventions déjà signées avec des pays de " common law " comme l'Australie ou le Canada. Ce traité est néanmoins surtout marqué par les particularités des règles de la procédure américaine. Il comprend 26 articles et deux annexes dont l'une, à la demande de la France, précise l'interprétation des articles 1 er , 3, 9 et 23.
A. LE CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE FRANCO-AMÉRICAINE
La France et les Etats-Unis n'étaient jusque là liés par aucune convention en matière d'entraide judiciaire pénale. En l'absence de texte spécial, elle était donc régie par le principe de réciprocité et l'analyse, au cas par cas, des possibilités de donner suite à la demande selon les dispositions du droit interne de chaque Etat, pour la France en application des articles 30 à 34 de la loi du 10 mars 1927. Ce traité permettra donc de donner un cadre à la coopération bilatérale , tout en ménageant des possibilités de refus dans certaines hypothèses.
1. Un champ d'application traditionnel
Aux termes de l'article premier , les deux Etats " s'engagent à s'accorder mutuellement (...) l'entraide la plus large possible dans toute enquête ou procédure visant des infractions pénales dont la sanction relève, au moment où l'entraide est demandée, des autorités judiciaires de l'Etat requérant. "
Toutefois, demeure hors du champ d'application de la présente convention toute demande d'entraide concernant :
- l'exécution des demandes d'arrestation provisoire et d'extradition ;
- l'exécution des décisions de condamnation à l'exception des décisions de confiscation ;
- les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.
Le paragraphe 3 de l'article l er rappelle que le traité ne porte pas atteinte à l'exercice des droits accordés aux personnes privées en vertu du droit interne de chaque Etat. A cet égard, la note interprétative précise que " pour les Etats-Unis d'Amérique, les dispositions du traité ne créent pas de droits nouveaux permettant à une personne privée d'obtenir une aide, de supprimer ou d'exclure un témoignage ou une preuve, ou d'empêcher l'exécution d'une demande. "
2. Les motifs de refus d'entraide
L'article 6 réserve aux Etats parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans deux hypothèses :
- si la demande se rapporte à une infraction considérée par la Partie requise soit comme une infraction politique , soit comme connexe à une infraction politique ;
- si la Partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels.
Toutefois, le paragraphe 2 précise qu'avant de rejeter une demande, la Partie requise consultera l'Etat requérant afin d'examiner si l'entraide ne pourrait pas être accordée sous certaines conditions. Si l'entraide devait finalement être refusée, le refus devrait être motivé.
3. Les motifs de report de l'exécution
Selon l'article 7, les parties pourront convenir de surseoir à l'exécution d'une demande qui gênerait une enquête ou une procédure pénale en cours.
4. Les procédures d'entraide
Les procédures d'entraide sont notamment définies aux articles 2, 4, 5, 8, 14, 21 et 23 du Traité.
Les demandes d'entraide sont adressées " d'autorité centrale à autorité centrale ", c'est-à-dire le ministère de la justice pour la France et l'Attorney général pour les Etats-Unis (article 2 et 5). Si les communications diplomatiques restent possibles, le traité marque sa préférence pour des communications directes entre autorités centrales afin d'assurer la meilleure coopération et l'application la plus efficace possible du présent Traité.
Par ailleurs, compte tenu de l'organisation judiciaire américaine, un grand nombre d'autorités ont compétence pour présenter des demandes. C'est pourquoi les parties ont convenu que la présentation par l'autorité centrale des Etats-Unis d'une demande attesterait de la compétence de l'autorité requérante. Une liste indicative de ces autorités est toutefois annexée au Traité.
L'article 4 précise le contenu de la demande , essentiellement son sujet et son motif, un bref exposé des faits reprochés et, le cas échéant, les questions susceptibles d'être posées dans le cadre d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation.
Les questions de traduction sont réglées par l' article 21 : les demandes d'entraide et les pièces annexes sont accompagnées d'une traduction dans la langue de l'Etat requis effectuée selon les règles de l'Etat requérant.
L' article 8 précise les procédures à suivre. Selon l'article 8, l'exécution des demandes est favorisée par les autorités centrales qui doivent prendre " toutes les mesures nécessaires " marquant la volonté des parties de coopérer de la manière la plus utile possible. C'est particulièrement le cas lorsqu'une personne, appelée à témoigner ou à fournir une preuve, peut invoquer un droit à immunité, incapacité ou exception en vertu du droit de l'Etat requérant, celui-ci avertit l'Etat requis.
L' article 23 précise, en outre, que l'exécution des demandes d'entraide est à la charge de l'Etat requis à l'exception des frais occasionnés par l'intervention d'experts, le transfèrement des personnes détenues, les frais d'interprétation et de traduction et les frais des services fournis par des particuliers à la demande de l'Etat requérant. Les exceptions sont donc beaucoup plus larges que dans les conventions habituelles. En cas de frais exceptionnels, le Traité prévoit la consultation des autorités centrales.
La note interprétative précise qu'afin d'exécuter les demandes d'entraide au moindre coût, les parties conviennent que les Etas-Unis prendront à leur charge l'enregistrement " audio " des dispositions demandées par les autorités françaises et leur transmission. En revanche, les frais de fournitures de services par des particuliers, tels que ceux résultant de la transcription des dispositions par un " court reporter " seront pris en charge par les autorités françaises.
L' article 14 règle enfin les questions relatives à la confidentialité et à la spécialité de l'entraide judiciaire. Dans ces deux premiers paragraphes, il donne la possibilité à l'une des parties de s'efforcer de préserver la confidentialité de sa demande ou des informations transmises. Il s'agit pour l'Etat concerné d'une obligation de moyen. Par le paragraphe 3, l'Etat requis peut limiter l'utilisation des informations transmises aux seules enquêtes et procédures figurant dans la demande. Toutefois, conformément au paragraphe 4, un Etat peut déroger à ses obligations pour des raisons constitutionnelles et les informations transmises " peuvent être utilisées à quelque fin que ce soit dès lors qu'elles ont été rendues publiques dans le cadre de la procédure pour laquelle elles ont été transmises " aux termes du paragraphe 5.