b) Les obstacles à lever
Malgré les orientations intéressantes de tel ou tel outil, la progression des différents moyens de l'épargne salariale, de l'intéressement, de la participation, de l'actionnariat, reste en deçà des grandes ambitions nourries en ces domaines.
Le principal obstacle au développement de ces formes d'épargne salariale et d'association se trouve dans les petites et moyennes entreprises. Certes, à partir de 50 salariés, elles sont soumises aux obligations légales en matière de participation. Or, non seulement ces dernières apparaissent comme un minimum imparfait, mais en plus elles ne sont pas toujours bien acceptées, comprises par les différents intervenants, le chef d'entreprise qui y voit une contrainte, les organisations syndicales qui les considèrent comme un faux-fuyant au regard des questions salariales. L'obstacle est quant à lui majeur en dessous de 50 salariés dans la mesure où l'absence totale d'obligation s'ajoute à la très faible représentation syndicale qui pourrait jouer un élément d'entraînement. Cet échec de la participation dans les petites et moyennes entreprises se lit aisément dans les chiffres 5 ( * ) .
Or personne ne peut se satisfaire de l'échec de la participation dans les structures où justement elle serait le plus à même de jouer son rôle de trait d'union entre les préoccupations des uns et des autres, de mobilisateur de tous, de renforcement du dialogue et de la compréhension mutuels, de renforcement des fonds propres ainsi que des capacités d'épargne des salariés, etc... De plus, comment oublier que la grande majorité des salariés se trouvent justement dans les PME.
Les causes de cette très faible présence des dispositifs collectifs d'épargne et de participation dans les PME sont connues. Elles se nomment complexité et coût des accords d'intéressement, faible promotion commerciale liée aux faibles marges pour les gestionnaires, faibles niveaux de salaires dans les PME (alors que l'épargne salariale est une fonction croissante de la rémunération dans la limite des seuils légaux) et risques de substitution.
Au delà de cet obstacle structurel dont souffrent les PME, il faut bien reconnaître que la société française a évolué depuis les premiers pas législatifs sur la participation et, avec elle, les attentes des Français et le cadre de l'action publique. Le rapport de MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld se fait, dans une certaine mesure, l'écho de ces transformations.
Il s'agit bien sûr en premier lieu du développement et des attentes pour la promotion d'une épargne de long terme dirigée vers deux horizons complémentaires : une échéance lointaine mais dont chacun sent qu'il doit se préparer lui-même faute de décision politique forte - la retraite ; une échéance plus proche mais aussi plus variable liée à des besoins plus ou moins certains mais financièrement lourds comme les risques de dépendance, les études des enfants, l'acquisition d'un actif immobilier, etc. Ces souhaits individuels rencontrent d'ailleurs les besoins des entreprises en fonds propres et en épargne longue. L'épargne salariale a donc un rôle essentiel à jouer pour satisfaire les attentes fortes, qui ont tendance à devenir des inquiétudes vives, des Français.
Par ailleurs, des évolutions récentes ont montré que l'actionnariat salarié avait perdu l'aspect anecdotique et sympathique que certains pouvaient y voir pour devenir un vrai enjeu de politique des ressources humaines de constitution des fonds propres, de protection contre les offres publiques d'achat (OPA) inamicales. A l'inverse, au fur et à mesure de ce développement, les formes d'implication des salariés actionnaires dans la marche de l'entreprise, dans les décisions de placement, doivent devenir peut-être plus professionnelles et laisser toute sa place au pôle de l'actionnariat salarié. Si ce dernier est destiné à croître, il convient nécessairement d'améliorer les dispositifs de participation des salariés actionnaires aux organes de gestion, sans que cela ne remette en cause la liberté de choix des salariés et des entreprises.
Enfin, il ne faut pas se leurrer, et considérer de manière lucide que l'empilement des dispositifs, leur incessant remaniement, leur imbrication étroite sont autant d'éléments qui aujourd'hui peuvent freiner le développement des différentes formes d'épargne salariale et de participation.
Les obstacles, imperfections, limites à l'épargne salariale existent donc. Il s'agit donc de les lever afin de redonner le nouvel élan à la participation que chacun attend et espère.
* 5 Voir le rapport de MM. Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld qui consacre une longue étude sur ce sujet.