III. UNE PROPOSITION DE LOI QUI GAGNERAIT A ÊTRE PRÉCISÉE ET COMPLÉTÉE
Votre rapporteur préférerait naturellement que l'usage d'une contraception régulière se soit largement répandu chez les adolescents et qu'il ne soit pas nécessaire de légiférer aujourd'hui sur la contraception d'urgence.
Mais la réalité est malheureusement différente et personne ne peut rester insensible à la détresse de ces adolescentes menacées par une grossesse non désirée.
Votre rapporteur considère pour sa part que rien n'est pire pour une jeune fille que de débuter sa vie par une IVG et que notre devoir est de tout faire pour éviter que se produisent de telles situations.
Or, la contraception d'urgence - qui n'a pas vocation à tenir lieu d'une contraception classique - peut contribuer à préserver ces jeunes filles d'une IVG, événement toujours traumatisant. La notion d'urgence confère dès lors une spécificité très particulière à cette forme de contraception et justifie, pour une large part, un statut législatif adapté.
Il faut en effet faire en sorte que ces adolescentes puissent accéder le plus rapidement possible à cette forme de contraception, en autorisant la vente libre du NorLevo et sa délivrance aux mineures. Eu égard à cet objectif, il n'apparaît pas choquant de confier aux infirmières scolaires la mission d'administrer une contraception d'urgence dans les cas de détresse caractérisée.
Les centres de planification familiale, aujourd'hui seul autorisés par la loi à délivrer une contraception sans autorisation parentale sont souvent rares, presque inexistants en milieu rural et mal connus par les adolescents.
En outre, le premier bilan des six mois d'application de la circulaire de Mme Royal apparaît satisfaisant ; les infirmières ont su faire face avec beaucoup de responsabilité à la nouvelle mission qui leur était confiée : en moyenne, il y eu 2 administrations de NorLevo pour 10 demandes d'élèves.
Sur le fond, le texte de l'Assemblée nationale semble donc pouvoir être accepté : il gagnerait cependant à être précisé et complété.
L'administration du NorLevo aux élèves
par les infirmières scolaires :
A la demande du ministre de l'Education nationale, un bilan des six mois de mise en oeuvre de cette possibilité a été effectué. Le bilan quantitatif (*) : Demandes de NorLevo de la part des élèves : 7.074 demandes d'élèves dont 4.720 élèves mineures 2.354 majeures Délivrances de NorLevo par les infirmières : 1.618 élèves dont 317 élèves de collèges 968 élèves de lycée général et technologique 333 élèves de lycée professionnel Le suivi des élèves : Dans tous les cas, qu'elle ait ou non délivré le NorLevo, l'infirmière a orienté l'élève vers le centre de planification familiale. 50 % des élèves ont été suivies par le centre de planification, 39 % par l'infirmière, 8 % par un médecin et 3 % par une assistante sociale. L'esprit du protocole (écouter les difficultés des élèves, les guider et, en cas d'extrême urgence, administrer une contraception) a été respecté par l'ensemble des infirmières, ce que montre le bilan quantitatif : 2 administrations de NorLevo pour 10 demandes d'élèves. La mise en place de ce dispositif a permis une augmentation de la fréquentation des centres de planification familiale et du planning familial. Il a permis de répondre à des situations d'urgence et a suscité des réactions positives. (*) Ces données ont été recueillies sur 22 académies sur 30. |
A. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 5 octobre dernier se compose d'un article unique complétant l'article L. 5134-1 du code de la santé publique par deux alinéas.
Aucun amendement n'ayant été adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, le texte de cet article unique reprend les conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi n° 2567 présentée par Mme Danielle Bousquet et les membres du groupe socialiste et apparentés.
La commission avait, pour sa part, repris le texte initial de la proposition de loi modifié par un amendement du rapporteur permettant aux infirmières scolaires de délivrer une contraception d'urgence tant aux élèves mineures que majeures, alors que la proposition de loi ne visait à l'origine que les mineures.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'articule autour de trois dispositions bien distinctes :
- la suppression de l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence qui ne sont pas susceptibles de présenter un danger pour la santé dans des conditions normales d'emploi : cette mesure donne une base législative à la mise en vente libre du NorLevo, seul médicament contraceptif concerné par cette possibilité ;
- la possibilité, pour les médecins, de prescrire et, pour les pharmaciens, de délivrer ces contraceptifs d'urgence aux " mineures désirant garder le secret ", c'est-à-dire sans autorisation parentale ;
- la possibilité, pour les infirmières scolaires, d'administrer ces contraceptifs d'urgence aux élèves mineures et majeures.
1. La suppression de l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs d'urgence sans danger pour la santé
L'article L. 5134-1 du (nouveau) code de la santé publique, complété par la présente proposition de loi, résulte de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique.
Il codifie l'article 3 de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 modifiée.
L'article L. 5134-1 du code de la santé publique prévoit d'une part que, sous réserve des dispositions relatives aux centres de planification ou d'éducation familiale, la délivrance des contraceptifs est exclusivement faite en pharmacie.
Il dispose d'autre part que les contraceptifs hormonaux et intra-utérins ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale.
Le premier alinéa du texte prévu par l'article unique de la proposition de loi pour compléter l'article L. 5134-1 introduit une dérogation à ces dispositions.
Il prévoit en effet que " les médicaments ayant pour but la contraception d'urgence, et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi, ne sont pas soumis à prescription obligatoire ".
Il supprime ainsi l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance de certains contraceptifs d'urgence : ceux qui ne présentent pas de danger pour la santé.
A contrario, cette disposition signifie que la prescription médicale est maintenue pour les contraceptifs d'urgence susceptibles de présenter un danger pour la santé.
Cet alinéa apporte donc une validation législative à l'arrêté du secrétaire d'Etat à la santé autorisant la mise en vente libre du NorLevo, arrêté vraisemblablement illégal. Il prend en compte la spécificité thérapeutique du NorLevo inconnue au moment du vote de la loi Neuwirth en 1967. A cette époque, en effet, les seules pilules contraceptives disponibles étaient fortement dosées et nécessitaient par conséquent une prescription médicale.
A l'avenir, si d'autres contraceptifs d'urgence s'avéraient sans danger pour la santé, ils pourraient également bénéficier de la même possibilité. Il suffirait que le ministre chargé de la Santé autorise, après avis de l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la mise en vente libre de ces nouveaux contraceptifs.
La formulation retenue pour signifier l'innocuité du médicament -" non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d'emploi "- reprend, en inversant la proposition, les termes mêmes de la directive n° 92/26/CEE du Conseil, du 31 mars 1992, concernant la classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain, laquelle prévoit dans le paragraphe 1 de l'article 3 que " les médicaments sont soumis à prescription médicale lorsqu'ils sont susceptibles de présenter un danger, directement ou indirectement, même dans des conditions normales d'emploi, s'ils sont utilisés sans surveillance médicale ".
Très concrètement, cet alinéa permet à toutes les femmes d'accéder à la contraception d'urgence, sous la forme du NorLevo, en pharmacie et sans ordonnance.
En pratique, il ne modifiera en rien la situation actuelle puisque la vente libre du NorLevo s'est poursuivie malgré l'arrêt du Conseil d'Etat.