F. LES COMPTES DE CAMPAGNE
Le Conseil constitutionnel a été conduit, pour la première fois en 1995, à effectuer le contrôle des comptes de campagne établis par les candidats à une élection présidentielle.
Ceci l'a amené à formuler diverses recommandations concernant les règles de financement de ces campagnes électorales, dont il a souligné " la nature spécifique " et " les caractéristiques particulières "
1. L'introduction de la monnaie unique
Le Conseil constitutionnel observe que les conséquences de l'introduction de la monnaie unique sur la présentation des comptes de campagne et des documents annexes devraient être tirées par les textes.
Ceci implique, en particulier, la conversion en euros des montants exprimés en francs et relatifs à la campagne électorale (plafond de dépenses électorales et avance aux candidats).
Le Conseil constitutionnel souhaite que soit précisée la monnaie dans laquelle devront être libellés les documents qui seront établis avant la date définitive de passage à l'euro (1 er janvier 2002), après avoir spécifié que les comptes eux-mêmes " semblent devoir être libellés en euro ".
2. La suppression de la référence aux dons des personnes morales
Le Conseil constitutionnel rappelle la nécessité de supprimer dans les textes applicables à l'élection présidentielle, les références aux dons des personnes morales aux candidats, par coordination avec leur prohibition depuis la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 (article L. 52-8 du code électoral).
3. Inscription au compte de campagne des frais d'expertise comptable
Le Conseil constitutionnel a rappelé que la présentation des comptes de campagne par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés constituait une obligation légale et que l'omission de cette formalité substantielle entraînait le rejet du compte.
Il recommande en conséquence que soit expressément autorisée l'inscription au compte de campagne des honoraires des experts comptables, de manière à en permettre le remboursement.
4. Aménagements destinés à faciliter le contrôle du Conseil constitutionnel
• recettes provenant des personnes physiques
Les dons en espèces susceptibles d'être consentis par des personnes physiques aux candidats peuvent atteindre, pour l'élection présidentielle, des sommes considérables (20 % du plafond de dépenses, soit 19 millions de francs pour chaque candidat présent au seul premier tour et 25,2 millions de francs pour chaque candidat en lice au second tour).
Le Conseil constitutionnel souhaite pouvoir vérifier le plus précisément possible que ce mode de financement ne permet pas d'échapper aux contraintes légales, et, en particulier, à l'interdiction de l'apport financier de personnes morales.
Il suggère en conséquence que " soit précisée, par voie réglementaire, la nature des justificatifs de recettes prévus par l'article L. 52-12 du code électoral ".
Le Conseil constitutionnel relève aussi que des versements de fonds déclarés comme des prêts consentis par des personnes physiques , peuvent, en partie, correspondre à de véritables dons, en l'absence de stipulation d'intérêt ou lorsque les intérêts sont d'un montant inférieur aux taux pratiqués sur le marché.
Le Conseil constitutionnel ajoute qu'il " n'est pas en mesure de s'assurer, une fois le compte arrêté, que les remboursements prévus sont réellement opérés. Or, à défaut, les versements prévus par l'Etat peuvent être générateurs d'un enrichissement sans cause du candidat ".
Le Conseil constitutionnel préconise en conséquence la prohibition des prêts et avances par les personnes physiques, qui resteraient cependant autorisées à consentir des dons aux candidats.
• prêts et avances des groupements politiques
Pour des motifs analogues, le Conseil constitutionnel recommande que le montant des prêts et avances émanant des partis et groupements politiques soient soustraits du montant total des dépenses remboursables par l'Etat aux candidats.
Cette recommandation est la seule, parmi celles présentées par le Conseil constitutionnel et relevant du domaine législatif, à laquelle le projet de loi organique ne donne pas de suite.
Selon les indications recueillis par votre rapporteur auprès du ministère de l'Intérieur la recommandation a été écartée dans le souci de préserver l'égalité entre les candidats, compte tenu du niveau variable des moyens financiers des formations politiques qui les soutiennent.
• durée des fonctions du mandataire financier
Le Conseil constitutionnel souhaite aussi une prolongation de la durée de vie des associations de financement ou de fonction des mandataires financiers (personnes physiques), qui s'achève, en l'état actuel des textes, trois mois après le dépôt du compte de campagne, donc, au maximum, cinq mois après le scrutin.
En effet, le bilan comptable du mandataire financier ne peut être déterminé que sur la base du compte arrêté par la décision du Conseil constitutionnel. En outre, le remboursement des dettes de campagne et le reversement du solde positif éventuel à la Fondation de France, requis par les articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral, supposent le versement au préalable par l'Etat du remboursement forfaitaire dû au candidat, lequel ne peut intervenir qu'après la décision du Conseil constitutionnel sur le compte de campagne.
Selon le Conseil constitutionnel, " un délai de trois mois pour la réalisation de l'ensemble de ces opérations n'apparaît pas réaliste, sauf à compromettre les conditions du contrôle qui incombe au Conseil constitutionnel ".
• assouplissement du secret professionnel des agents des impôts
Le Conseil constitutionnel suggère que les agents des impôts soient déliés du secret professionnel à l'égard des rapporteurs-adjoints du Conseil constitutionnel, sur demande expresse de celui-ci.
• relations du Conseil constitutionnel avec la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale
Le Conseil constitutionnel relève que la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (dont les règles de fonctionnement sont fixées par l'article 10 du décret n° 64-231 du 14 mars 1964 précité) ne s'est pas estimée habilitée, en 1995, à l'informer de certaines irrégularités portées à sa connaissance, susceptibles d'affecter les comptes de campagne des candidats.
Il souhaite que ladite commission lui transmette d'office de telles informations, en sa qualité de juge des comptes de campagne.