PROJET DE LOI RELATIF A L'ARCHEOLOGIE PREVENTIVE
LEGENDRE (Jacques)
RAPPORT 15(2000-2001) - Commission mixte paritaire
Rapport au format Acrobat ( 24 Ko )
N° 2630
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N° 15
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Annexe au
procès-verbal de la séance
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Document
mis en distribution le
18 octobre 2000
RAPPORT
FAIT
AU NOM
DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
(1)
CHARGÉE DE PROPOSER UN
TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI
relatif
à l'archéologie préventive.
PAR M. Marcel ROGEMONT, PAR M. Jacques LEGENDRE,
Député. Sénateur.
(
1)
Cette commission est composée de
: M. Adrien
Gouteyron,
sénateur, président ;
M. Jean Le
Garrec,
député, vice-président ;
M. Jacques
Legendre,
sénateur,
M. Marcel Rogemont,
député,
rapporteurs.
Membres titulaires :
MM. Philippe Richert, Philippe Nachbar, Jean-Pierre
Fourcade, Serge Lagauche, Ivan Renar,
sénateurs ;
MM. Serge
Blisko, Pierre Morange, Pierre Albertini, Bernard Outin, André Aschieri,
députés.
Membres suppléants :
MM. James Bordas, Jean-Louis
Carrère, Jacques Donnay, Daniel Eckenspieller, Roger Hesling, Jean-Paul
Hugot, André Maman
,
sénateurs
; MM. Jean
Rouger, Marcel Dehoux, Alfred Recours, Bruno Bourg-Broc, Jacques Pelissard,
Christian Kert, Pierre Cardo,
députés.
Voir les
numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
Première lecture :
1575
,
2167
et T.A.
453
Deuxième lecture :
2303
,
2393
et T.A.
513
Troisième lecture :
2620
Sénat :
Première lecture :
239
,
276
et T.A.
110
(1999-2000)
Deuxième lecture :
357
,
482
(1999-2000) et T.A.
5
(2000-2001)
Patrimoine. |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la
Constitution et à la demande de M. le Premier Ministre, une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi relatif à l'archéologie
préventive s'est réunie le mardi 10 octobre 2000 au
Sénat.
La commission a d'abord procédé à la nomination de son
bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Adrien Gouteyron, président ;
- M. Jean Le Garrec, vice-président ;
La commission a ensuite désigné :
- M. Jacques Legendre, sénateur, rapporteur pour le
Sénat ;
- M. Marcel Rogemont, député, rapporteur pour
l'Assemblée nationale.
*
* *
La
commission mixte a ensuite procédé à l'examen du texte.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat
, a constaté
qu'au terme de son examen en deuxième lecture par le Sénat,
l'ensemble des articles du projet de loi relatif à l'archéologie
préventive restaient en navette, à l'exception de l'article 3.
Il a indiqué que ce résultat statistique décevant ne
rendait pas compte des positions respectives des deux assemblées, qui
sur certains points étaient en réalité assez proches.
Il a rappelé que le Sénat approuvant la nécessité
de réformer la loi du 27 septembre 1941, ne remettait en cause ni
la nécessité de créer un établissement public ni le
principe du financement par l'impôt des opérations
d'archéologie préventive.
Il a souligné que le principal sujet de désaccord entre les deux
assemblées concernait le monopole reconnu à
l'établissement public, qui n'est pas apparu au Sénat de nature
à assurer l'efficacité du système proposé par le
projet de loi.
La logique du monopole favorise une confusion des genres entre l'Etat, dans son
rôle de gardien du patrimoine archéologique, et
l'établissement public, chargé de réaliser les fouilles.
Ce système ne peut que renforcer le déséquilibre qui
prévaut actuellement entre les services de l'Etat faiblement
dotés et un acteur de terrain disposant d'un personnel important et
déboucher sur une consanguinité aux conséquences
fâcheuses. Dans cette situation, les prescriptions archéologiques
risquent d'être dictées moins par des impératifs de
protection du patrimoine que par des considérations financières,
dans la mesure où l'établissement a vocation à
s'autofinancer.
Par ailleurs, les droits exclusifs reconnus à l'établissement
public ne garantissent pas que d'autres organismes puissent réaliser des
fouilles. Si la navette a fait apparaître la nécessité
d'ouvrir cette possibilité, le maintien du monopole prive de
portée les aménagements introduits en ce sens par
l'Assemblée nationale. Les services archéologiques des
collectivités territoriales ne peuvent être cantonnés
à un rôle subsidiaire. Afin d'encourager leur
développement, il convient de leur donner pleine compétence pour
intervenir sur les chantiers des fouilles qui se déroulent sur leur
territoire, lorsque les collectivités en font la demande. Ces services
n'ont pas vocation à marginaliser l'établissement public mais
devront, dans la plupart des cas, recourir à ses moyens pour mener
à bien les opérations de terrain.
L'efficacité économique du monopole proposé par le projet
de loi n'est pas assurée dans la mesure où le rendement de la
redevance s'avère aléatoire.
Sans souscrire au dispositif financier, le Sénat a toutefois
accepté les modalités de la redevance proposées par le
gouvernement dans leurs deux versions successives sous la seule réserve
de la création d'un taux majoré pour les terrains les plus riches
en vestiges. Cependant, compte tenu des incertitudes pesant sur le produit de
l'impôt, le Sénat a estimé que la suppression du monopole,
assortie de la réaffirmation des prérogatives de l'Etat,
constituait le seul moyen de se prémunir contre l'asphyxie du
système.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat
, a indiqué
que le second motif de désaccord entre les deux assemblées
résidait dans les dispositions relatives au régime de
propriété des découvertes immobilières.
Il a indiqué que, s'il a estimé équitable de
reconnaître des droits à l'inventeur d'un vestige immobilier comme
à celui d'un vestige mobilier, le Sénat n'a pas retenu le
dispositif proposé par l'Assemblée qui créait une
exception à l'article 552 du code civil ayant pour effet
d'opérer un transfert de propriété sans indemnité.
Le Sénat a estimé qu'un mécanisme plus simple mais
également plus respectueux des droits du propriétaire
était envisageable et a prévu à l'article 5 ter
A (nouveau) que, dans le cas où un vestige fait l'objet d'une
exploitation commerciale, l'inventeur bénéficie d'une
indemnité forfaitaire versée par la personne qui assure cette
exploitation.
Il a considéré qu'il serait possible d'aboutir à une
position commune sur cette question, rappelant que les deux assemblées
étaient déjà parvenues à une solution satisfaisante
pour les objets mobiliers, en adoptant un texte qui concilie les droits des
propriétaires et l'exploitation scientifique des vestiges.
En conclusion,
M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat
, a
formé le souhait que, si la commission mixte paritaire devait constater
un désaccord, le dialogue entre les deux assemblées puisse se
poursuivre au cours des lectures ultérieures.
S'il s'est félicité que les deux assemblées aient convenu
de la nécessité de donner à l'archéologie
préventive un cadre législatif adapté,
M. Marcel
Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale
, a constaté
que les positions des deux assemblées divergaient sur les moyens
à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectif. Alors que
l'Assemblée nationale souhaite confier la réalisation des
opérations d'archéologie préventive à un
établissement public administratif doté de droits exclusifs, le
Sénat a préféré la formule d'un
établissement public industriel et commercial et supprimé les
droits exclusifs.
L'archéologie préventive est avant tout une discipline
scientifique, qui s'inscrit dans l'exercice d'une mission de service public
dont l'Etat se doit de garantir la pleine réalisation. Les contraintes
spécifiques qui pèsent sur l'établissement public
chargé de cette mission conduisent à lui conférer le
statut d'établissement public à caractère administratif.
Les droits exclusifs qui lui sont reconnus résultent de l'obligation qui
lui est faite d'assurer en tout temps et en tout lieu les opérations
d'archéologie préventive dans le respect du principe
d'égalité de traitement et de son financement par une redevance
destinée à assurer une mutualisation du coût des fouilles,
et non pas par des paiements pour service fait.
L'attribution de droits exclusifs à l'établissement public
confère donc à ce dernier une responsabilité majeure en
matière d'archéologie préventive, mais ne signifie pas
qu'il aura vocation à réaliser l'ensemble des opérations.
Ainsi, le texte adopté par l'Assemblée nationale précisait
que l'établissement public associe les services archéologiques
des collectivités territoriales et d'autres personnes morales de droit
public -l'indicatif valant, comme on le sait, impératif- et qu'il peut
également faire appel, par voie de convention, à des
archéologues relevant d'autres personnes morales, françaises ou
étrangères.
M. Marcel Rogemont
,
rapporteur pour l'Assemblée nationale
,
a indiqué qu'au-delà de la question des droits exclusifs qui
constituait le coeur du désaccord entre les deux assemblées, les
divergences portaient également sur la place que la loi devait accorder
aux services archéologiques des collectivités territoriales. De
façon un peu étonnante, le dispositif adopté par le
Sénat aboutit à conférer à ces services des droits
quasi exclusifs que, compte tenu de la relative faiblesse de leurs moyens
actuels, ils ne pourront en réalité assumer.
Il a fait observer, par ailleurs, que la définition de leur mission
relevait non pas de la loi mais des collectivités territoriales
elles-mêmes. Il a souligné que loin de négliger leur
importance, le texte adopté par l'Assemblée nationale, en
précisant qu'ils sont associés à l'établissement
public, reconnaissait pleinement leur rôle.
En conclusion de son propos,
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour
l'Assemblée nationale,
a considéré que l'attachement
de l'Assemblée à la création d'un établissement
public à caractère administratif doté de droits exclusifs
et financé par une redevance rendait difficile un rapprochement des
points de vue.
M. Adrien Gouteyron, président,
a noté que les
exposés des deux rapporteurs avaient mis clairement en évidence
les points importants sur lesquels portaient les divergences entre les deux
assemblées qui restent fortes en dépit des rapprochements dont
ils avaient également fait état.
S'associant à ces propos,
M. Jean Le Garrec,
vice-président
, est convenu qu'il existait un désaccord de
fond et que, s'il était souhaitable que le dialogue se poursuive au
cours des lectures suivantes, il semblait difficile d'espérer
résoudre au niveau de la commission mixte paritaire les divergences
portant sur le coeur même du dispositif du projet de loi.
M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur,
s'est étonné
qu'en dépit des inconvénients bien connus de la formule de
l'établissement public administratif, que la Cour des comptes a maintes
fois dénoncés, le projet de loi ait prévu la
création d'un EPA pour réaliser des fouilles préventives.
Ce choix conduit à mettre en place un système qui ne marchera
pas. Il a estimé qu'il aurait été préférable
de créer une agence qui aurait permis, tout en garantissant la
qualité scientifique des fouilles, de disposer de la souplesse de
gestion nécessaire à la conduite des opérations de terrain
et de mettre en place un système plus large de conventionnement.
M. Ivan Renar, sénateur,
a fait observer qu'une fois de plus
apparaissait la nécessité de créer un statut
spécifique d'établissement public à caractère
culturel qui permettrait d'apporter la souplesse nécessaire à la
gestion des services publics culturels, en présentant les avantages d'un
statut de droit public.
M. Jean-Paul Hugot, sénateur
, a considéré que la
science archéologique n'avait pas intérêt à
être enfermée dans un système de monopole peu propice
à la qualité de la recherche qui doit être ouverte et se
nourrit de la confrontation des idées. Estimant que le Sénat
avait eu raison de défendre la compétence des services locaux
d'archéologie, il a craint en outre que le dispositif proposé ne
remette en cause la participation des universités aux opérations
d'archéologie préventive. Par ailleurs, il a estimé que
les lourdeurs générées par le statut
d'établissement public à caractère administratif ne
pourraient qu'entraver le progrès scientifique dans cette discipline
historique.
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale,
a
considéré que la création d'une agence, séduisante
dans son principe, était incompatible avec la mission de service public
confiée à l'établissement, qui devait répondre en
tout lieu et en tout temps à l'ensemble des demandes, comme avec le mode
de financement retenu. Il a indiqué que le texte adopté par
l'Assemblée nationale garantissait la possibilité pour les
universités d'être associées à des fouilles
préventives, tout en soulignant que ces dernières intervenaient
essentiellement dans le cadre d'opérations programmées. De plus,
le système de calcul de la redevance est suffisamment simple pour que
chaque aménageur puisse évaluer le coût des fouilles et
pour que celui-ci ne puisse pas être assimilé à un prix
correspondant à un service fait. Par ailleurs, il a souligné que
le dispositif prévu par l'article 5 ter A adopté
par le Sénat revenait à priver le propriétaire d'une
partie des fruits de son terrain et portait donc atteinte à son droit de
propriété.
M. Jean Le Garrec, vice-président
, en réponse aux propos
de M. Jean-Pierre Fourcade, a indiqué que l'Assemblée
nationale avait opté pour le statut juridique le plus conforme à
la nature du service public créé par la loi. Il a toutefois admis
l'urgence à se doter d'un statut d'établissement public à
caractère culturel, estimant nécessaire l'appui du Sénat
sur cette question.
M. Adrien Gouteyron, président
, a indiqué que
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à
la décentralisation culturelle, lui avait fait part de sa volonté
de voir ce dossier progresser.
M. Jean-Paul Hugot, sénateur
, a indiqué que lors de la
dernière réunion du conseil des collectivités
territoriales pour le développement culturel,
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication,
avait exprimé son intention de présenter un projet de texte sur
ce sujet en novembre.
M. Philippe Richert, sénateur
, a fait observer que si un
consensus se dégageait pour réaffirmer le caractère de
service public de l'archéologie préventive, une divergence
subsistait entre les partisans d'une solution obligeant les organismes
disposant de compétences reconnues à passer par un
établissement unique et ceux, dont il était, d'un système
permettant à ces compétences de s'exercer directement.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat
, a indiqué
qu'il estimait, quitte à surprendre, que les positions de
l'Assemblée et du Sénat ne lui paraissaient pas très
éloignées sur le fond, mais que le Sénat avait
été guidé par plusieurs préoccupations.
Le Sénat, qui a tenu à réaffirmer que l'archéologie
est une responsabilité de l'Etat, a d'abord voulu assurer une
distinction claire entre le rôle de l'Etat et celui de l'opérateur
chargé de la réalisation des fouilles afin d'écarter les
risques de suspicion qui pourraient peser sur des fouilles prescrites afin
d'assurer l'équilibre financier de l'établissement.
Par ailleurs, le Sénat a estimé que le projet devait
répondre très clairement aux interrogations des aménageurs
sur le coût des fouilles et leur durée. En ce qui concerne leur
coût, en dépit de la perplexité que lui a inspirée
leurs modifications successives, le Sénat n'a pas contesté les
modalités de calcul de la redevance dans la mesure où il ne
pouvait vérifier leur pertinence, laissant la responsabilité de
ce dispositif au gouvernement. S'agissant de la durée des
opérations, la loi doit comporter des indications précises afin
de garantir que les délais supplémentaires seront
justifiés par les nécessités de la protection du
patrimoine et non par les difficultés rencontrées par
l'établissement pour en assurer l'exécution dans des conditions
satisfaisantes.
Dans la mesure où les deux assemblées ont reconnu à l'Etat
compétence pour désigner le responsable de fouilles, leurs
divergences sur le monopole comme sur le rôle des services
archéologiques des collectivités territoriales ne doivent pas
être exagérées. Le dispositif adopté par le
Sénat, qui ne constitue pas une ouverture de l'archéologie
à la concurrence, se borne à garantir que, lorsqu'ils seront
désignés en qualité de responsable de fouilles, ces
services pourront intervenir, et ne comporte aucun risque de différence
de traitement en raison de l'existence d'un organisme national. Il a
estimé nécessaire de ne pas priver les collectivités
territoriales de la possibilité de développer de tels services,
essentiels pour assurer la connaissance de l'histoire de leur territoire.
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour l'Assemblée nationale
, a
souligné que la navette avait permis d'établir entre le
prescripteur de fouilles et l'opérateur une distinction très
claire, absente du projet de loi initial. Admettant la nécessité
d'accroître la prévisibilité du risque
archéologique, il a estimé toutefois qu'une sanction trop
sévère du non-respect des délais risquait paradoxalement
de les allonger. Il a rappelé que le texte adopté par
l'Assemblée nationale imposait à l'établissement public
d'associer les services archéologiques des collectivités
territoriales. Enfin, il a estimé que le rapport prévu par le
Sénat, que l'Assemblée dans un premier temps n'avait pas
jugé nécessaire, permettrait d'établir un bilan de la loi
au terme de trois années d'application et de procéder aux
ajustements nécessaires.
A l'issue de ce débat,
M. Adrien Gouteyron, président
, a
constaté que la commission mixte paritaire ne pouvait parvenir à
un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif
à l'archéologie préventive.
*
* *