INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La progression de 3,84 % l'an prochain des crédits de la
sécurité civile résulte, pour l'essentiel, des
conséquences de la professionnalisation des armées, les
personnels appelés du service national devant être
remplacés par des engagés et des volontaires.
Cette évolution ne traduit pas, en revanche, un effort particulier pour
poursuivre le renouvellement des moyens aériens de la
sécurité civile.
L'attachement constant de l'opinion publique à la qualité de
prestations de plus en plus diversifiées des services de
sécurité civile, a été conforté par
l'efficacité, le professionnalisme et le dévouement dont les
personnels de sécurité civile ont su faire preuve, lors des
graves inondations qui ont récemment frappé plusieurs
départements du sud de la France.
Ces inondations ont aussi illustré les limites de la politique de
prévention des risques naturels, qui mériterait d'être
mieux définie, ce qui supposerait d'y associer de façon plus
étroite les élus locaux, au lieu de les mettre injustement en
cause.
Votre commission des Lois, unanime, tient à rendre hommage à tous
les secouristes, et, en particulier, aux 18 sapeurs-pompiers, au
mécanicien-sauveteur et au démineur décédés
en service l'an dernier et aux 8 sauveteurs ayant trouvé la mort au
cours des dix premiers mois de l'année.
Elle constate que les diverses mesures indemnitaires et statutaires
d'harmonisation prises en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et
professionnels, à l'occasion de la départementalisation des
services d'incendie et de secours, pour justifiées qu'elles soient, ont
un coût élevé pour les collectivités territoriales.
Elles provoquent en effet, combinées avec la départementalisation
des services d'incendie et de secours, une augmentation inquiétante des
charges pour les collectivités concernées, dont les
sapeurs-pompiers doivent mesurer toute l'importance.
Sans remettre en cause la nécessité de payer le prix de la
sécurité civile -élément de la
sécurité- votre commission des Lois souligne la
nécessité d'une révision approfondie et concertée
des conditions de son financement.
Votre commission des Lois s'est d'ailleurs interrogée sur
l'opportunité d'engager une réflexion complémentaire sur
la mise en oeuvre des lois du 3 mai 1996 sur la sécurité civile,
qui figurera aussi parmi les thèmes du groupe sénatorial
d'études sur la sécurité et la défense civiles, qui
vient d'être constitué et dont le président est notre
excellent collègue M. Paul Girod.
Aussi, après avoir examiné les principales orientations
budgétaires pour la sécurité civile et illustré son
intervention dans quelques domaines, votre rapporteur montrera que le
succès des réformes de la sécurité civile est
lié à la maîtrise de l'évolution des charges et
à une meilleure répartition de l'effort financier.
I. LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ CIVILE POUR 2000
Les
crédits budgétaires engagés par l'Etat au titre de la
sécurité civile relèvent, non seulement du
ministère de l'intérieur, mais également de plusieurs
autres départements ministériels : agriculture et
pêche, outre-mer, finances, équipement, transport et logement,
budget annexe de l'aviation civile, emploi et solidarité.
Pour 2000, le total des crédits de l'Etat s'élèvent
à 2.021,97 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement et 577,85 millions de francs en autorisations
de programme. Les dépenses ordinaires et crédits de paiement au
titre du ministère de l'intérieur représentent
62,94 % des dépenses de l'Etat prévues pour la
sécurité civile en 2000.
Les crédits du ministère de l'intérieur correspondent
principalement au financement des moyens opérationnels de l'Etat (flotte
aérienne, unités militaires et service de déminage), les
collectivités territoriales supportant les charges des services
départementaux d'incendie et de secours.
A. LES CRÉDITS INSCRITS AU BUDGET DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
L'évolution des crédits affectés à l'agrégat 03 " sécurité civile " du ministère de l'intérieur est retracé dans le tableau ci-après 1( * ) :
|
Crédits votés pour 1999 |
Crédits demandés pour 2000 |
Evolution
|
Dépenses ordinaires (DO) |
|
|
|
- Titre III : moyens des services |
880,73 |
943,21 |
+ 7,09 |
- Titre IV : interventions publiques |
77,35 |
79,35 |
+ 2,59 |
TOTAL DEPENSES ORDINAIRES |
958,08 |
1.022,56 |
+ 6,73 |
Dépenses en capital (CP) |
|
|
|
- Titre V : investissements de l'Etat |
262,50 |
244,92 |
- 6,70 |
- Titre VI : subventions d'investissement |
- |
- |
- |
TOTAL DEPENSES EN CAPITAL |
262,50 |
244,92 |
- 6,70 |
TOTAL DO + CP |
1.220,58 |
1.267,48 |
+ 3,84 |
Autorisations de programme (Titre V) |
243 |
269 |
+ 10,70 |
(en
millions de francs)
Les crédits de
l'agrégat " sécurité
civile "
du ministère de l'intérieur pour 2000
atteignent un montant total de 1.267,48 millions de francs en dépenses
ordinaires et crédits de paiement, en
progression de 3,84 %
par rapport aux crédits votés dans la loi de finances pour
1999, traduisant, pour l'essentiel, les conséquences de la
professionnalisation des armées.
La progression de 7,09 % des dépenses du
titre III (moyens des
services)
provient essentiellement de celles de personnel
(représentant 334 millions de francs, soit + 13 %), pour
la création de 367 emplois d'engagés et de volontaires et de
442 emplois militaires à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, pris
en charge par l'Etat à hauteur de 25%, le solde étant
financé par les communes et les départements de Paris et de la
" petite couronne ".
La professionnalisation des personnels du Bataillon des marins-pompiers de
Marseille est, en revanche, supporté par les collectivités
concernées, l'Etat ne participant pas à son financement.
Les crédits alloués au
fonctionnement des services
opérationnels
(198 millions de francs, en progression de
1,5 %) permettront de consolider la location de l'Hercules C130 et de
poursuivre la modernisation du service de déminage.
Comme les années précédentes, ces crédits
correspondent au seuil minimum pour assurer le maintien de la capacité
d'intervention de la sécurité civile.
Les
dépenses d'investissement
enregistrent une baisse de
6,70 % en crédits de paiement et une progression de 10,70 % en
autorisations de programme.
Aucun crédit d'investissement n'est inscrit au titre des moyens
aériens, puisque le remplacement des Canadair est achevé, les
crédits inscrits en 1999 sont suffisants pour faire face, l'an prochain,
aux échéances du marché de renouvellement des
hélicoptères conclu l'an dernier, et que le programme de
remotorisation des Tracker est suspendu en 2000.
B. LES AUTRES CRÉDITS CONSACRÉS À LA SÉCURITÉ CIVILE
Le tableau suivant retrace les crédits prévus pour la sécurité civile par les différents ministères en 2000, tels qu'ils apparaissent dans l'état récapitulatif présenté en annexe " au bleu " du ministère de l'intérieur :
|
Dépenses ordinaires et crédits de paiement |
Autorisations
|
Intérieur et décentralisation |
1.272,53 |
269 |
Agriculture et pêche |
317,52 |
138,20 |
Outre mer |
0,84 |
- |
Economie, finances et industrie |
148,79 |
6,45 |
Equipement, transport et logement |
187,51 |
44,20 |
Budget annexe de l'aviation civile (BANAC) |
45 |
- |
Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien |
254 |
120 |
Emploi et solidarité |
91,79 |
- |
TOTAL HORS INTERIEUR |
749,44 |
308,85 |
TOTAL GENERAL |
2.021,97 |
577,85 |
(en
millions de francs)
Hors crédits inscrits au budget du ministère de
l'intérieur, le montant des dotations prévues par les
différents ministères concernés en faveur de la
sécurité civile pour 2000 s'élève donc à un
total de 749,44 millions de francs, soit une
baisse de 18,48 %
par rapport aux dotations prévues pour 1999.
Parmi ces crédits, on peut relever plus particulièrement :
- les crédits du ministère de l'agriculture, pour financer
des travaux d'entretien destinés à la protection des forêts
contre les incendies et à subventionner le Conservatoire de la
forêt méditerranéenne ;
- les crédits du ministère de l'équipement,
destinés aux centres régionaux opérationnels de
surveillance et de sauvetage (CROSS), aux services des affaires maritimes et
à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) ;
- les crédits du budget annexe de l'aviation civile et du Fonds
d'intervention pour les aéroports et le transport aérien,
consacrés à la sûreté des aéroports.
La dispersion de ces crédits traduit la multiplicité des
missions de sécurité civile.
C. L'INCIDENCE DE LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES SUR LES MOYENS EN PERSONNEL
La
suspension du service national rend nécessaire le remplacement par des
personnels militaires des appelés du contingent servant dans les
unités d'instruction et d'intervention de la sécurité
civile (UIISC).
Un
programme de trois ans
devrait permettre la création de
1.088 emplois militaires, pourvus en nombre approximativement égal
par des engagés et par des volontaires du service national.
Le coût moyen de ces volontaires est certes inférieur de
moitié à celui d'un militaire engagé, mais le choix
opéré tient compte de l'incertitude qui règne sur
l'attractivité du nouveau régime des volontaires.
La première tranche du programme s'est traduite en 1999, selon les
prévisions, par la création de 367 emplois militaires.
Pour l'an 2000, il est prévu le recrutement de 367 engagés
et volontaires à la place de 435 appelés dont l'emploi sera
supprimé.
Par ailleurs, afin de concentrer les moyens humains et matériels dans
des unités totalement opérationnelles, trois unités seront
maintenues (Nogent-le-Rotrou, Corte et Brignoles) après dissolution de
celle de Rochefort-sur-Mer, effective depuis le 1
er
juin 1999
et le redéploiement sur Nogent-le-Rotrou, depuis le
1
er
septembre 1999 du détachement technologique
situé à Chartres.
La réforme des armées aura aussi des conséquences pour
l'organisation des services de secours à Paris et à Marseille qui
sont, pour des raisons historiques, constitués par des structures
à statut militaire.
Le remplacement en 2000 de 442 appelés de la
Brigade des sapeurs
pompiers de Paris
coûtera 44 millions de francs dont
11 millions à la charge de l'Etat, le reste étant
supporté par les communes et les départements de Paris et de la
" petite couronne ".
Celui des appelés du contingent servant au
Bataillon des sapeurs
pompiers de Marseille
se traduira, en 2000, par une dépense
supplémentaire de 34 millions de francs, à la charge
exclusive des collectivités concernées.
D. LE PROGRAMME D'INVESTISSEMENT
1. Le règlement du marché d'acquisition des Canadair CL 415
Le
programme de livraison des 12 appareils
amphibies bombardiers d'eau
Canadair CL 415
, acquis à la suite d'un marché de
1.520 millions de francs conclu en octobre 1991,
a
été achevée en 1997
avec un retard de 16 mois.
Malgré la qualité opérationnelle des appareils, des
difficultés techniques liées à leur mise au point restent
encore à surmonter.
Le paiement de la somme de 28,7 millions de francs pour règlement
définitif du marché est subordonné à la
résolution du contentieux avec la société Bombardier
concernant la reprise de deux appareils de la génération
précédente (CL 215), pour lequel un accord de principe a pu
être trouvé le 19 mai 1999 sur la base d'une cession
pour 65,45 millions de francs.
2. Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères
La
flotte d'hélicoptères de secours de la sécurité
civile qui comprend actuellement 25 " Alouette III ",
3 " Dauphin " et " 5 " Ecureuil " se
caractérise par une grande vétusté (entre 20 et 30
ans d'activité et 10.000 heures de vol environ) qui entraîne un
accroissement inquiétant de leur indisponibilité, une maintenance
de plus en plus onéreuse, notamment parce que les pièces de
rechange ne sont plus fabriquées en série.
Aussi un marché de un milliard de francs a-t-il été
conclu avec la société franco-allemande Eurocoptère le 23
juillet 1998 pour l'acquisition de 32 machines d'un type unique, les livraisons
étant prévues selon un échéancier de 5 ans à
partir du printemps 2000.
Le programme des livraisons a cependant été reporté
,
celles-ci devant s'échelonner entre juin 2001 et mars 2006 , en
raison de difficultés apparues lors de la mise en fabrication.
Les crédits prévus en 1999 seront suffisants pour faire face
aux échéances de l'an prochain.
3. La remotorisation des bombardiers d'eau Tracker
La
flotte de 12 avions bombardiers d'eau de type Tracker, affectée à
la lutte contre les feux de forêt, a été acquise d'occasion
depuis 1982, sa fabrication remonte à 1960 et ces appareils ont environ
10.000 heures de vol chacun.
Aussi, un programme de remotorisation progressive a-t-il été
engagé depuis 1986 et compte tenu du traitement en cours d'un Tracker,
il reste encore un appareil à traiter.
Cette opération apparaît importante, s'agissant d'appareils dont
les performances sont augmentées de 30 % par la remotorisation,
permettant en particulier une diminution des délais de mise en route et
une augmentation de leur vitesse de croisière.
De plus, la remotorisation permet une diminution des coûts de maintenance.
Pourtant, la dernière remotorisation ne sera pas effectuée en
2000, aucun crédit n'étant prévu à cet effet
(marché Canadair terminé et report de celui des
hélicoptères).
Le marché en cours arrivant à échéance le 3 mai
2000, l'achèvement du programme nécessitera la conclusion d'un
nouveau contrat.
En définitive, la suspension de cette opération est d'autant
plus paradoxale que l'effort financier d'investissement apparaît
limité en 2000.
E. LA MISE EN oeUVRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS QUELQUES DOMAINES D'INTERVENTION
1. La lutte contre les incendies de forêt
L'évolution des surfaces brûlées et des départs de feu depuis dix ans est la suivante :
Année |
Départements méditerranéens |
Aquitaine Massif landais |
Autres départements |
Total |
|||
|
Surfaces brûlées (1) |
Nombre de feux |
Surfaces brûlées (1) |
Nombre de feux |
Surfaces brûlées (1) |
Surfaces brûlées (1) |
Nombre de feux |
1989 |
56 896 |
3 318 |
7 838 |
1 369 |
10 831 |
75 566 |
6 743 |
1990 |
54 671 |
3 296 |
10 062 |
1 058 |
7 963 |
72 696 |
5 877 |
1991 |
6 540 |
2 392 |
810 |
865 |
1 750 |
9 100 |
3 888 |
1992 |
13 000 |
2 865 |
554 |
307 |
4 446 |
18 000 |
5 381 |
1993 |
11 745 |
2 963 |
390 |
1 008 |
4 978 |
17 113 |
5 850 |
1994 |
21 330 |
2 600 |
352 |
902 |
2 520 |
24 200 |
4 600 |
1995 |
9 933 |
2 346 |
1 919 |
1 697 |
6 648 |
18 500 |
7 060 |
1996 |
3 100 |
1 789 |
580 |
1 350 |
7 720 |
11 400 |
6 401 |
1997 |
12 230 |
2 784 |
1 868 |
1 495 |
7 325 |
21 423 |
7 643 |
1998 |
11 242 |
2 587 |
500 |
1 332 |
7 338 |
19 080 |
5 600 |
(1) en
hectares
Pour 1999, le bilan provisoire, établi à la date du
22 août, s'établit ainsi :
|
Surfaces brûlées (1) |
Nombre de feux |
||
|
1er
janvier
|
dont
saison
|
1er
janvier
|
dont
saison
|
Départements méditerranéens |
14 670 |
10 170 |
2 343 |
2 030 |
Autres départements |
2 160 |
930 |
2 250 |
1 025 |
TOTAL |
16 830 |
11 100 |
4 593 |
3 055 |
(1) en
hectares
Le bilan au mois d'août 1999 est meilleur que l'année
dernière à pareille époque (16 830 hectares
brûlés au lieu de 19 120 hectares en 1998 ; 4.593
départs de feu en 1999 au lieu de 8 086 l'année
précédente).
Toutefois, des circonstances particulières pouvant provoquer des
variations sensibles d'une année à l'autre, il apparaît
préférable de considérer les chiffres sur plusieurs
années.
La moyenne annuelle des superficies affectées au cours des cinq
dernières années complètes (1994-1998) s'établit
à 19 000 hectares contre 38 000 lors des cinq années
précédentes (1989-1993). Ces résultats traduisent les
efforts importants accomplis par les services de sécurité
civile.
La proportion des incendies dont la cause n'a pu être identifiée a
sensiblement régressé au fil des années (40 % en 1998
au lieu de 70 % en moyenne au début des années 1990).
Parmi ceux dont l'origine a été élucidée, la
moitié environ provient d'imprudences commises lors d'activités
de loisir ou à l'occasion de travaux agricoles ou forestiers.
Plus du tiers des incendies de forêt s'explique par des actes de
malveillance, tandis que les installations publiques défectueuses et les
éléments naturels sont à la source de respectivement
8 % et 3 % des sinistres.
On soulignera que les choix, notamment pour les investissements lourds,
doivent, malgré les difficultés budgétaires, prendre en
considération les conséquences des incendies en termes de vies
humaines, tant pour les sapeurs-pompiers que pour les populations, de risques
pour les habitations voisines et de destruction de la
végétation.
2. Le déminage
L'unité de déminage, constituée
aujourd'hui de
150 spécialistes, a pu détruire ou neutraliser, entre 1945
et 1985, 13,5 millions de mines, 23 millions d'obus ou autres
explosifs et 650 000 bombes. Les opérations engagées au
cours de la période ont provoqué la mort de 596 démineurs.
En 1998, il a pu être procédé à la neutralisation de
454 tonnes de munitions (539 en 1997). L'unité de déminage
est intervenue sur 2 161 objets suspects, dont 74 contenaient
réellement de l'explosif et a participé à la
sécurité de 253 voyages officiels.
Un démineur est décédé en service en 1998 et deux
ont trouvé la mort depuis le début de cette année.
Devant votre commission des Lois, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre
de l'Intérieur, a précisé que le dépôt de
Laon-Couvron, mis en service en 1998 après l'arrêt des
destructions en Baie de Somme et la fermeture du dépôt du Crotoy,
serait étendu à partir de l'an prochain.
3. La prévention des risques naturels
Les
graves inondations survenues les 12 et 13 novembre derniers dans plusieurs
départements du sud de la France, ayant provoqué le
décès de 30 personnes, et le cyclone survenu ces derniers jours
dans les Antilles, illustrent une nouvelle fois
2(
*
)
la nécessité de prendre
des dispositions pour prévenir ou limiter les conséquences des
catastrophes naturelles.
La loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement et
à la protection de l'environnement a prévu l'élaboration
de plans de prévention des risques naturels (PPR) dans les zones
à risques (inondations, mouvements de terrain, avalanches, incendies de
forêt, séismes, éruptions volcaniques, tempêtes ou
cyclones).
Les PPR
, élaborés par les services du ministère de
l'Aménagement du territoire et de l'Environnement,
constituent des
documents portant servitude d'utilité publique, annexés aux plans
d'occupation des sols
.
Ils fixent des normes de construction, définissent des mesures de
prévention et prescrivent, si nécessaire, la réalisation
d'aménagements.
Or, de nombreuses communes situées dans des zones inondables ne
disposent pas encore de PPR. Ainsi, dans l'Aude et le Tarn, respectivement 17
et 49 plans sont en cours d'instruction, mais aucun n'a encore
été finalisé.
Au plan national, 2.071 communes sont dotées d'un plan de
prévention des risques naturels.
Plusieurs membres de votre commission des Lois ont émis
des
doutes sur l'efficacité des plans de prévention des risques
naturels
.
Quoiqu'il en soit, l'instance d'évaluation de la politique publique
de prévention des risques naturels a estimé, dans un rapport
publié en 1998, à 10.000 le nombre de communes dont
l'exposition à un risque naturel justifierait l'adoption d'un PPR, le
programme établi permettant d'espérer que 5.000 d'entre
elles en soient dotées d'ici 2005.
Les difficultés pour l'élaboration de ces plans peuvent tenir,
pour une part, à des raisons budgétaires, encore que les
crédits affectés à ces opérations ont varié
de 42 millions de francs en 1998 à 67 millions de francs cette
année, 75 millions de francs étant prévus pour
l'année prochaine.
Les difficultés peuvent aussi être liées à des
questions de développement économique local, un PPR pouvant, par
exemple, réduire les possibilités de création d'une zone
artisanale dans un secteur inondable.
Cependant, pour l'essentiel, les obstacles semblent provenir d'une
information insuffisante des élus locaux, comme de nombreux membres de
votre commission des Lois l'ont souligné, l'Etat ne paraissant pas les
associer de manière satisfaisante à la politique de
prévention.
Aussi, plusieurs membres de la commission se sont-ils étonnés de
la mise en cause d'élus par certains, à la suite des
récentes inondations, alors que celles-ci résultent manifestement
d'une catastrophe naturelle d'une ampleur exceptionnelle.
Selon M. Philippe Masure, expert au Bureau des recherches géologiques et
minières,
les sommes consacrées à l'indemnisation des
victimes, provenant de la surprime " catastrophes naturelles " des
contrats d'assurance, portée cette année de 9% à
12% , s'élèvent à 5 milliards de francs par an
et, faute d'une politique de prévention plus efficace, ne pourraient que
progresser encore dans les années à venir
3(
*
)
.
Il conviendrait donc que l'Etat, responsable de la politique de
prévention des risques naturels, associe plus étroitement les
élus locaux et la population à cette politique.
Telle paraît être l'une des conclusions du rapport sur la
prévention des inondations que M. Yves Dauge,
député, doit remettre dans les prochains jours au Premier
ministre, puisque, selon une information publiée dans la presse
4(
*
)
, ce parlementaire soulignerait
"
l'absence de responsabilisation des citoyens qui s'est construite au
nom même de la responsabilité des décideurs
publics
".
4. Le financement des opérations de secours consécutives à la pratique de sports " à risques "
Depuis
plusieurs années, lors de l'examen du budget de la
sécurité civile, votre rapporteur exprime sa préoccupation
devant l'accroissement sensible des opérations de secours
provoquées par l'imprudence de sportifs et sur leur coût
élevé, à la charge des communes qui ne peuvent en demander
le remboursement aux personnes secourues que lorsque l'accident est
consécutif à la pratique du ski.
Cette situation a conduit votre commission des Lois à adopter, le
27 octobre 1999, sur le rapport de notre excellent collègue M.
Jean-Paul Amoudry
5(
*
)
, une
proposition de loi de M. le président Jean Faure
, qui serait
examinée en séance publique par le Sénat le jeudi
16 décembre 1999.
Constatant que le principe de gratuité des secours ne revêt plus
un caractère absolu, tant en France que dans la plupart des pays
voisins, votre commission des Lois propose au Sénat l'extension à
l'ensemble des activités sportives et de loisir du régime
appliqué au ski depuis 12 ans et qui donne satisfaction aux acteurs
concernés, sans provoquer une augmentation du contentieux.
Le texte proposé permettrait aux communes, sans jamais les y obliger,
de demander une participation financière (totale ou partielle) aux
bénéficiaires d'opérations de secours consécutives
à toute activité sportive ou de loisir et faciliterait donc
l'égalité des communes devant le risque.
Il s'agirait d'accompagner la liberté préservée de prendre
un risque, de son corollaire, la responsabilité, sans pour autant
remettre en cause le droit de bénéficier des secours sans
condition préalable et sans transférer la charge des communes
vers d'autres collectivités, donc d'autres contribuables.
Pour illustrer l'intérêt de cette proposition de loi, on
relèvera que, selon les estimations provisoires du ministère de
l'Intérieur, le sauvetage de sept spéléologues, le 22
novembre 1999, a entraîné une dépense de 4.775.000 F,
qui devrait, pour l'essentiel être prise en charge par le service
départemental d'incendie et de secours du Lot, donc par les
collectivités de ce département.
Votre commission des Lois demande que cette proposition de loi, si elle est
adoptée par le Sénat, soit ensuite inscrite à l'ordre du
jour de l'Assemblée nationale, une telle question ne pouvant pas
être éludée indéfiniment.
5. Les opérations de sécurité civile à l'étranger
La
participation active et efficace de la sécurité civile
française à de nombreuses opérations à
l'étranger
repose sur le niveau élevé de la formation
des acteurs et sur la qualité des équipements et matériels
mis en oeuvre
.
Cette participation, motivée par des raisons humanitaires,
contribue
au rayonnement de la France.
L'action internationale de la France s'inscrit dans le cadre d'instances
multilatérales (ONU, Union européenne, Conseil de l'Europe, OTAN)
ou d'accords de coopération bilatéraux, anciens avec les pays
voisins de la France et avec ceux d'Afrique du Nord et plus récents avec
des pays d'Europe de l'Est.
En application de traités bilatéraux, des
formations au
profit
d'auditeurs étrangers
ont été
organisées par l'intermédiaire de l'Institut national
d'études de la sécurité civile, en 1999, au Maroc, en
Tunisie et en Europe de l'Est.
De nombreuses missions de sécurité civile à
l'étranger
, demandées et financées par le
ministère des Affaires étrangères,
ont
été entreprises depuis plus d'un an, parmi lesquelles on peut
citer :
- l'intervention de 240 hommes, en septembre 1998, dans
plusieurs pays des Caraïbes, à la suite du cyclone
" George ", puis, en octobre 1998, en Equateur afin
d'élaborer les plans d'évacuation des populations en cas
d'éruption volcanique ;
- le cyclone " Mitch " a entraîné, en
novembre 1998, le départ de 209 secouristes, médecins
et sapeurs-pompiers vers trois pays d'Amérique centrale ;
- en janvier 1999, 43 sauveteurs ont porté secours aux
victimes d'un séisme en Colombie ;
- à partir d'août 1999, les services de
sécurité civile ont participé à l'action
humanitaire de la France au profit des réfugiés du Kosovo
(gestion du frêt humanitaire et de camps de réfugiés :
production d'eau, distribution de l'aide...) ;
- en mai 1999, une équipe de la brigade des sapeurs-pompiers
de Paris a contribué à la maîtrise d'un violent incendie
d'hydrocarbures en Côte d'Ivoire ;
- plusieurs équipes de sécurité civile
(174 hommes, au total) sont intervenues dès les premiers jours
suivant le premier séisme survenu en Turquie au mois
d'août 1999.
- le deuxième séisme ayant frappé la Turquie, en novembre
1999, a justifié une nouvelle intervention de secouristes français
La fréquence de ces opérations souligne l'opportunité
qu'il y aurait à développer et peut-être à mieux
structurer la coopération internationale en matière de
sécurité civile.
II. LE SUCCÈS DES RÉFORMES DE LA SÉCURITÉ CIVILE EST LIÉ À LA MAÎTRISE DES CHARGES IMPOSÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
A. LA MISE EN oeUVRE DES RÉFORMES LÉGISLATIVES
L'urbanisation et l'apparition de nouveaux risques
technologiques
ont peu à peu modifié l'image traditionnelle du pompier
rattaché à sa commune.
Les 9.800 interventions quotidiennes des sapeurs-pompiers concernent un
domaine qui tend à s'élargir (incendies : 10 % ;
accidents de la route : 12 % ; autres accidents:
41 % ; interventions liées à l'environnement : 4
% ; prévention d'accidents : 18 % ; interventions
diverses : 15 %).
Les moyens financiers des communes sont inégaux et les régimes
indemnitaires et de travail de sapeurs-pompiers assez différents d'un
lieu à l'autre.
Cette situation, ainsi que la nécessité de remédier
à une crise du volontariat ont conduit à l'adoption, avec
l'approbation du Sénat, de deux lois du 3 mai 1996 sur la
sécurité civile :
- la loi n° 96-369 relative aux services d'incendie et de secours, qui
établit une nouvelle organisation territoriale des services d'incendie
et de secours ;
- la loi n° 96-370 relative au développement du volontariat dans
les corps de sapeurs-pompiers, comportant diverses dispositions
destinées à encourager les engagements volontaires.
1. L'organisation territoriale des services d'incendie et de secours
La loi
n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours
prévoit la
départementalisation, dans un délai de cinq
ans, des services d'incendie et de secours
, destinée à leur
permettre de faire face avec une efficacité accrue à
l'accroissement de leurs activités et à la diversification des
risques auxquels ils sont désormais confrontés.
Elle vise à une mutualisation et à une rationalisation des
services d'incendie et de secours pour offrir à tous des garanties
égales en termes de sécurité.
Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS)
créés par la loi sont des établissements publics communs
à l'ensemble des collectivités territoriales et des
établissements publics de coopération intercommunale
concernés dans le département, dont les conseils d'administration
sont composés d'élus locaux.
Le budget du SDIS est alimenté par des contributions financières
de ces collectivités et établissements, fixées par une
délibération du conseil d'administration prise à la
majorité des deux tiers des membres présents ou, à
défaut de cette majorité qualifiée, selon des
critères définis par la loi.
Le SDIS a désormais des compétences élargies à la
gestion de l'ensemble des matériels nécessaires aux missions des
services d'incendie et de secours, ainsi que des personnels regroupés au
sein du corps départemental de sapeurs-pompiers.
Les transferts de personnels et de biens au SDIS doivent faire l'objet de
conventions conclues au cas par cas au niveau local.
Toutefois, la réforme ne s'applique pas aux services d'incendie et de
secours de Paris, des départements de la " petite couronne "
et de Marseille, qui conservent leurs statuts particuliers.
Les établissements publics ont été constitués dans
tous les départements et, dans près de la moitié des cas,
les SDIS ont achevé l'élaboration du schéma
départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR),
prévu par la loi.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a
confirmé devant votre commission des Lois que 60 % des sapeurs-pompiers
professionnels et 40 % des volontaires relèvent aujourd'hui des
corps départementaux, estimant que la totalité des transferts de
personnels serait achevés au milieu de l'an 2001.
Néanmoins, plusieurs présidents de SDIS estiment qu'il leur
sera difficile de mettre en oeuvre avant le 3 mai 2001, date prévue par
la loi du 3 mai 1996, l'ensemble des dispositions prévues pour la
départementalisation des services d'incendie et de secours.
Parmi les explications données
, figurent les délais de
publication de certains décrets d'application, l'installation tardive de
conseils d'administration des SDIS, des problèmes techniques liés
aux modalités de transfert, certaines difficultés de gestion des
sapeurs-pompiers
et, surtout, les enjeux financiers de la réforme
sur lesquels votre rapporteur reviendra.
2. Le développement du volontariat
Les
200.000 sapeurs-pompiers volontaires (soit 84 % des effectifs
6(
*
)
) constituent la charpente de la
sécurité civile en France. Ils sont le plus souvent les seuls, en
zone rurale, à pouvoir intervenir dans un délai rapide.
Selon les chiffres de la Fédération nationale des
sapeurs-pompiers de France, chaque année 5,5 % des volontaires ne
renouvellent pas leur engagement ou démissionnent.
Les sapeurs-pompiers volontaires doivent assurer aujourd'hui des interventions
de plus en plus nombreuses et diversifiées, avec des effectifs en
diminution.
Le recrutement apparaît insuffisant et la durée moyenne de leur
engagement décroît.
La loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du
volontariat dans les corps des sapeurs-pompiers
a constitué la
première réponse à cette crise, en dotant les
sapeurs-pompiers volontaires d'un statut législatif qui leur faisait
défaut auparavant.
Ce texte facilite la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires en
instituant un régime d'
autorisation d'absence
pour permettre aux
salariés de participer à des missions opérationnelles
urgentes ou à des activités de formation.
Ce dispositif, incitatif sans être trop contraignant afin de ne pas
dissuader les entreprises d'embaucher des sapeurs-pompiers volontaires,
comporte des
compensations financières
pour celles qui consentent
à maintenir la rémunération pendant la durée de
l'absence (subrogation dans le droit des sapeurs-pompiers volontaires de
percevoir les vacations horaires, exonérées de tout
prélèvement fiscal ou social ; réductions diverses de
charges, prime d'assurance incendie notamment).
La loi du 3 mai 1996 précitée consacre le droit du sapeur-pompier
volontaire de percevoir des
vacations horaires,
se substituant à
une grande disparité des rémunérations, selon les
collectivités.
Afin de concrétiser la reconnaissance de la Nation pour les services
rendus par les sapeurs-pompiers volontaires tout en remédiant à
des pratiques locales diverses, le texte institue une
allocation de
vétérance
au bénéfice du sapeur-pompier
volontaire dont l'engagement prend fin lorsqu'il atteint la limite d'âge
de son grade après avoir effectué au moins 20 ans de service.
Enfin, la loi du 3 mai 1996 comporte des dispositions destinées à
améliorer la
protection sociale
des sapeurs-pompiers volontaires.
Devant les difficultés d'élaboration du décret
d'application des dispositions sur l'allocation de vétérance, le
Parlement a adopté une proposition de loi d'origine sénatoriale,
afin d'en assouplir les conditions d'attribution
7(
*
)
.
La loi n° 99-128 du 23 février 1999
a supprimé la
condition de fin d'engagement à la date de la limite d'âge,
ouvrant le droit à cette allocation à tout volontaire justifiant
de vingt années de service, quel que soit l'âge auquel intervient
cette cessation, le versement intervenant à compter de la limite
d'âge.
Le texte a aussi supprimé les contributions des volontaires au
financement de cette allocation, désormais supportée en
totalité par les collectivités territoriales et
établissements publics, autorités d'emploi.
B. LE MALAISE DES SAPEURS-POMPIERS
La
législation adoptée depuis 1996, suivie de nombreuses
dispositions réglementaires portant sur le statut et sur le
régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires,
n'a pas empêché le développement d'un mécontentement
de sapeurs-pompiers portant, pour l'essentiel, sur le régime de travail,
l'âge de départ à la retraite et des questions de
carrière.
Certains procédés d'expression de ce mécontentement
(occupation du boulevard périphérique à Paris ou
manifestation en tenue de service, par exemple), ont suscité de
sérieuses réserves de la part de votre commission des Lois.
Les inquiétudes des sapeurs-pompiers professionnels ne sont certes pas
toutes dénuées de fondement, mais
certains moyens
utilisés pour les exprimer traduisent parfois un manque de
reconnaissance des efforts importants accomplis ces dernières
années par les collectivités territoriales
.
1. L'harmonisation des régimes de travail
Comme
votre rapporteur l'a exposé l'an dernier
8(
*
)
,
le Gouvernement a renoncé
à prendre les dispositions réglementaires prévues par la
loi
du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours,
pour harmoniser les régimes de travail des sapeurs-pompiers
professionnels
à la suite de leur regroupement au sein de corps
départementaux.
Un projet de décret concernant, en particulier, le
nombre de jours
de
garde
auquel les sapeurs-pompiers sont astreints et qui varie
actuellement du simple au double suivant les lieux, s'est heurté
à l'opposition du Conseil supérieur de la fonction publique
territoriale, en raison des réserves exprimées par les
élus et les organisations syndicales sur les solutions proposées.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur,
invoquant le principe de libre administration des collectivités
territoriales, a considéré qu'il ne revenait pas à l'Etat
d'arrêter unilatéralement le régime de travail des
sapeurs-pompiers professionnels mais qu'il demeurait disposé à
entériner un éventuel accord entre les représentants du
personnel et ceux des autorités d'emploi.
Il n'en demeure pas moins que ce refus d'appliquer la loi, à
l'origine de nombreuses difficultés pour les collectivités,
laisse persister d'importantes inégalités de traitement.
De plus, il apparaît paradoxal de réviser le régime
indemnitaire des sapeurs-pompiers, sans traiter parallèlement de leur
régime de travail.
2. L'âge de départ à la retraite
Plusieurs organisations syndicales, faisant valoir une
inévitable baisse de l'aptitude physique des sapeurs-pompiers
professionnels après 50 ans, souhaiteraient un classement de la
profession des sapeurs-pompiers en catégorie " dangereuse ou
insalubre ", permettant une retraite à taux plein dès
l'âge de 50 ans, comme cela est possible à certaines
conditions pour les policiers nationaux, au lieu de 55 ans actuellement.
Cette question ne concerne pas les sapeurs-pompiers servant sous statut
militaire.
Certaines de ces organisations préconisent l'institution pour les
sapeurs-pompiers d'un
congé de fin d'activité
, deux ans
avant l'âge de la retraite, comme cela existe pour d'autres
fonctionnaires territoriaux, ou un régime de
cessation progressive
d'activité
.
La CFDT, plus réservée à l'égard d'un abaissement
de l'âge de la retraite en raison de la durée de cotisations dont
les sapeurs-pompiers peuvent justifier à 50 ans, souhaiterait que des
emplois de prévention
puissent être proposés
à ceux qui ne souhaiteraient ou ne pourraient plus rester dans un
service opérationnel et plaide pour l'adoption d'un cadre national de
réduction de la durée du travail.
En réponse à une question orale de notre excellent
collègue M. Jean-Jacques Hyest,
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a
indiqué qu'il "
(
ferait) en sorte que des possibilités
puissent leur être ouvertes au niveau de la commission
d'aptitude
", précisant devant votre commission des Lois
qu'il réunirait prochainement l'ensemble des partenaires à ce
sujet pour étudier une
amélioration du régime de
l'inaptitude au service
9(
*
)
.
Le souci de la
meilleure gestion des carrières
pourrait aussi
conduire à placer de préférence les personnels les plus
jeunes dans les services opérationnels, à condition bien
sûr qu'ils aient reçu préalablement une formation
suffisante.
La prise en considération de l'aptitude au service opérationnel
à partir de 50 ans, question qui peut se poser en effet, n'implique donc
pas nécessairement une mesure radicale comme un abaissement de
l'âge de la retraite.
Votre commission des Lois considère que les collectivités ne
pourraient pas supporter financièrement les conséquences d'une
réduction de 5 années de la durée d'activité des
sapeurs-pompiers, dont la carrière serait limitée à 25
années environ alors qu'ils pourraient percevoir une pension de retraite
durant 35 ans ou plus.
Certes, la question de l'âge de départ à la retraite des
sapeurs-pompiers doit être traitée dans le cadre plus
général des discussions à venir sur les régimes de
retraite, mais
il appartient, en tout état de cause, à l'Etat
de prendre ses responsabilités, sans occulter les incidences
financières importantes qui résulteraient d'une éventuelle
décision radicale en la matière
.
Votre commission des Lois ne manquera pas de suivre attentivement cette
question importante.
3. Les carrières des sapeurs-pompiers
Parallèlement au regroupement des sapeurs-pompiers dans
des
corps départementaux, et pour tenir compte de l'évolution des
conditions d'exercice des missions de sécurité civile,
diverses mesures concernant la carrière des sapeurs-pompiers
professionnels ont été prises récemment ou sont en
préparation
.
Ainsi, le décret n° 98-442 du 5 juin 1998
a-t-il
substitué aux
nombreuses indemnités existantes
un nouveau dispositif, plus simple
, permettant de
prendre en compte les
responsabilités effectivement exercées
par les
sapeurs-pompiers ainsi que les particularités des missions qu'ils
remplissent.
Ce décret a provoqué une hausse de 5% de la masse salariale,
entièrement à la charge des collectivités territoriales.
Un décret n° 99-799 du 15 septembre 1999
améliore le
régime indemnitaire des sapeurs et caporaux
,
lorsqu'en raison de la multiplication des opérations de secours, ils
doivent assurer la responsabilité d'interventions, sur les plans humains
et matériels.
Le coût de cette mesure est évalué à
31,8 millions de francs, à la charge des collectivités
autorités d'emploi.
Un autre décret, n° 99-800 de la même date,
facilite
la promotion
à la hors classe
des lieutenants, en
compensation de la réduction des possibilités de promotion
résultant de la création de corps de sapeurs-pompiers
départementaux.
Le coût de cette mesure
, applicable jusqu'au
31 décembre 2001,
évalué à
6,7 millions de francs, sera aussi supporté par les
collectivités concernées.
D'autres textes sont annoncés, pour une révision d'ensemble de la
filière des sapeurs-pompiers
(recrutement, formation,
carrière, définition des fonctions dévolues à
chaque grade), compte tenu des responsabilités accrues des
sapeurs-pompiers et des compétences requises.
Enfin, un projet de décret relatif à la
création de
deux cadres d'emplois (médecins et infirmiers) de sapeurs-pompiers
professionnels
a fait l'objet, le 27 octobre 1999, d'un
avis
de report de son examen par le Conseil supérieur de la fonction publique
territoriale
.
Cette instance paritaire a considéré qu'il existait
déjà, dans la fonction publique territoriale, des cadres
d'emplois de médecins et d'infirmiers territoriaux, la création
de ces cadres spécifiques étant susceptible de créer des
différences de traitement injustifiées.
S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires
, outre le décret
d'application de la loi du 23 février 1999 précitée,
aménageant le régime d'allocation de vétérance
(n° 99-709 du 10 août 1999), deux décrets
(n° 99-697 et n° 99-698 du 3 août 1999) améliorent
la
protection sociale des volontaires en cas d'accident survenu ou de
maladie contractée en service
.
Une
circulaire du Premier ministre du 19 avril 1999
, souligne
la nécessité
pour les administrations et les entreprises
publiques
de mettre en oeuvre les dispositions législatives, qui
leur sont applicables, concernant les
autorisations d'absence
pour
permettre aux volontaires de remplir des missions de secours pendant leur temps
de travail.
Plusieurs textes sont aussi en préparation, concernant le recrutement,
la formation initiale et continue, les indemnités et le
déroulement de carrière des sapeurs-pompiers volontaires.
Enfin, le ministre de l'Intérieur a annoncé la mise en place
d'une commission de suivi et d'évaluation, chargée d'analyser la
mise en oeuvre des mesures prises depuis 1996 et indiqué à votre
commission des Lois que ses premières conclusions lui seront
communiquées au début de l'année prochaine.
C. LA RÉVISION URGENTE DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Le
coût des services d'incendie et de secours est évalué par
le ministre de l'Intérieur à 15 milliards de francs par an,
soit, en moyenne à 250 francs par habitant.
Devant votre commission des Lois, M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'Intérieur a rappelé que le financement des services
d'incendie et de secours était traditionnellement à la charge des
seules collectivités territoriales, l'Etat prenant en charge les
renforts nationaux, et en particulier la professionnalisation des unités
d'intervention de la sécurité civile, rendue nécessaire
par la réforme du service national. Il a ajouté que l'Etat devait
également financer les investissements liés à la
modernisation de la flotte aérienne de la sécurité civile.
Il a considéré que si la départementalisation des services
d'incendie et de secours n'impliquait pas par elle-même une progression
significative des dépenses, le regroupement de personnels au sein d'une
même entité et l'harmonisation en conséquence de leurs
conditions de travail pouvaient rendre nécessaire une coûteuse
remise à niveau dans certains départements.
Notre collègue, M. Jean-Claude Peyronnet, tout comme votre
rapporteur, ont souligné
l'aggravation préoccupante des
dépenses de sécurité civile des collectivités,
résultant de décisions prises par l'Etat
.
Le malaise est d'autant plus fortement ressenti que les augmentations de
charges ne sont pas réparties uniformément entre les
collectivités territoriales, alors même que le service rendu n'est
pas sensiblement modifié.
En effet, les modalités de calcul des contributions des
différentes collectivités et établissements du
département au financement du SDIS sont fixées par son conseil
d'administration à la majorité des deux tiers des membres
présents.
Les " clés de répartition " des charges entre
collectivités, adoptés par les SDIS varient sensiblement selon
les départements, la part de ces derniers dans le financement se situant
entre 10 % et 99 %, selon une étude publiée
récemment
10(
*
)
.
Plusieurs conseils d'administration de SDIS ont dû revoir à la
baisse la participation de certaines collectivités, à la demande
de communes ou du conseil général, ou encore, comme dans le Var,
reporter la décision en la matière.
La mesure exacte de l'évolution des dépenses de chaque
catégorie de collectivité ou groupement ne peut être
mesurée, le ministre de l'Intérieur ayant lui-même
indiqué qu' "
il (n'était) pas possible de disposer
actuellement de données chiffrées, du fait de la mise en oeuvre
récente de la départementalisation (des services d'incendie et de
secours)
"
11(
*
)
.
La question se pose de savoir si la départementalisation permettra,
à terme, aux SDIS de réaliser des
économies
d'échelle
, ce dont doute M. Noël Dejonghe,
président de l'Association nationale des présidents de conseils
d'administration des SDIS (ANPCA), qui "
pense plutôt que les
dépenses resteront à peu près au niveau atteint
actuellement
".
La multiplication des interventions des services de secours et l'accroissement
de l'attente du public en la matière confortent cette prévision,
même si certains SDIS ont conclu des conventions avec des services
publics auxquels ils se substituent occasionnellement
(SAMU, SMUR, par
exemple), prévoyant une participation financière des services
bénéficiaires en cas d'intervention non urgente ou sortant du
champ strict des missions des SDIS.
La difficulté provient de ce que l'Etat prend des décisions
dont les implications financières souvent importantes doivent être
supportées par les collectivités territoriales
, votre
rapporteur ayant précédemment indiqué, par exemple, que
les mesures indemnitaires en faveur des sapeurs-pompiers professionnels prises
par le décret précité du 5 juin 1998 avaient
entraîné une hausse de 5 % de la masse salariale.
En outre, lorsque le préfet prend la direction opérationnelle
des opérations de secours, les moyens mis en oeuvre par les SDIS
demeurent à la charge des collectivités membres.
En réponse à Mme Chantal Robin-Rodrigo,
député,
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre
de l'Intérieur, a indiqué qu'il explorait plusieurs pistes pour
compenser la progression des dépenses de sécurité civile
des collectivités territoriales
12(
*
)
.
Il a d'abord évoqué la possibilité d'instituer une
taxe
additionnelle sur
certains contrats d'assurance
dont les recettes
seraient affectées aux collectivités, comme plusieurs
parlementaires l'ont déjà suggéré
13(
*
)
.
Le ministre de l'Intérieur a relevé toutefois à ce sujet
qu'il "
s'agissait d'un secteur en situation concurrentielle en
Europe
" et notre collègue, M. Jean-Paul Amoudry a
observé récemment
14(
*
)
que le taux d'imposition des produits
de l'assurance était, en France, le plus élevé de tous les
pays de l'Union européenne. Il est fixé, en moyenne, à 18
% des primes d'assurance et 30 % pour l'assurance incendie et la perspective
d'harmonisation des législations européennes devrait conduire, au
contraire, inévitablement à une baisse de cette fiscalité.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur a
aussi fait état d'une
concertation engagée avec les
établissements hospitaliers
ainsi que d'une étude sur
l'attribution de
prêts à long terme et à faible taux
d'intérêt pour les investissements immobiliers.
Il a aussi indiqué qu'"
il (s'orientait) vers l'attribution
d'une dotation globale d'équipement spécifique, au moins pour la
période de remise à niveau, dotation qui pourrait atteindre
plusieurs centaines de millions de francs dès lors que les
départements et les communes seraient d'accord pour y contribuer, au
moins en partie, ce qui (impliquerait) une concertation au sein du
Comité des finances locales
".
Devant votre commission des Lois, M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'Intérieur, a précisé
que cette dotation
pourrait contribuer, à hauteur de 20 ou 30 % aux investissements
des collectivités territoriales en matière de
sécurité civile, que la participation de l'Etat pourrait
atteindre 150 millions de francs et que sa durée pourrait
être de 5 ou 6 ans
.
Enfin, le ministre a confirmé qu'il installerait dans les prochains
jours une commission de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre des
réformes de 1996, dont les premières conclusions lui seraient
présentées à partir du début de l'an 2000.
L'Association des départements de France (ADF)
, pour sa part, a
confirmé à votre rapporteur qu'elle avait souhaité que les
discussions sur le régime indemnitaire et le régime de travail
soient liées et que
l'Etat fixe un cadre national à
décliner localement pour faciliter l'harmonisation des régimes
ainsi que les discussions locales.
L'ADF relève, à juste titre, l'impératif d'une
"
réflexion de fond sur le devenir de la compétence
incendie et secours en raison de la dualité des pouvoirs et des
responsabilités entre les présidents de SDIS et les
préfets
".
Une clarification insuffisante des compétences de secours peut
être à la source d'un accroissement de l'engagement de la
responsabilité pénale des élus locaux. Elle peut aussi,
comme l'a souligné notre collègue M. Robert Bret, entraîner
des conséquences préjudiciables à l'efficacité des
secours.
La réflexion engagée sur le système de financement de la
sécurité civile devrait, selon l'ADF, inclure d'autres pistes que
celles évoquées par le ministre de l'Intérieur, comme une
contribution de l'Etat aux charges locales de secours, le recours à la
fiscalisation directe par les SDIS
ou la
prise en compte de la
situation particulière de certaines collectivités
eu
égard aux risques ou à leur situation financière.
L'ADF souligne l'importance de combiner cette réflexion avec une
étude financière d'impact approfondie
.
Pour sa part, le groupe d'études sur la sécurité civile
envisage aussi de développer une réflexion sur cette question.
Votre commission des Lois considère que ces orientations
de
l'Association des départements de France méritent d'être
étudiées avec la plus grande attention
Elle demande qu'une concertation étroite sur cette question soit
engagée avec les représentants des collectivités
territoriales, singulièrement avec le Sénat.
Elle espère
que les prochaines décisions seront prises
avec l'assentiment du plus grand nombre des parties concernées
.
*
* *
Ces observations ont conduit la commission des Lois à s'en remettre à l'appréciation de sagesse déjà émise par la commission des Finances pour la section sécurité civile du projet de Loi de finances pour 2000.