PJL loi de finances pour 1999
LORRAIN (Jean-Louis)
AVIS 70 (98-99), Tome VII - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
AVANT-PROPOS
- I. LES DIFFICULTÉS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
- II. LE RENFORCEMENT DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT
- III. LE RETARD DE LA POLITIQUE DE SOLIDARITÉ
N° 70
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VII
OUTRE-MER
(aspects sociaux)
Par M. Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques
Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
34
)
(1998-1999).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le
mercredi 28 octobre 1998
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président,
la
commission a procédé à
l'examen du rapport
de
M. Jean-Louis Lorrain
sur le projet de loi de finances pour 1999
(
outre-mer : aspects sociaux
).
Avant d'aborder les aspects sociaux du budget de l'outre-mer,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a tenu à rendre
hommage à M. Pierre Lagourgue. Il a également
précisé qu'il avait consulté l'ensemble des
sénateurs d'outre-mer dans le cadre de la préparation du rapport
pour avis.
Il a rappelé qu'il était difficile d'examiner ce budget sans
insister sur le contexte social très préoccupant de l'outre-mer.
Il a estimé que la situation sociale de l'outre-mer s'était
encore dégradée depuis l'année passée. Il a
indiqué que le chômage avait augmenté pour atteindre en
moyenne 32 % de la population active des départements d'outre-mer
en août 1998, alors que la situation de l'emploi s'améliorait
légèrement en métropole.
Il a précisé que le nombre d'allocataires du revenu minimum
d'insertion (RMI) avait également progressé, constatant que
16 % de la population des DOM vivaient du RMI contre 3 % seulement environ
en métropole.
Il a aussi remarqué que le retard de l'outre-mer en matière de
logement restait considérable, estimant qu'il faudrait près de
20 ans pour rapprocher l'habitat de l'outre-mer des standards
métropolitains.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a déclaré que
c'était à l'aune de l'impact prévisible du budget sur
cette situation sociale qu'il importait d'évaluer les crédits du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Il a d'abord observé que les dotations du secrétariat d'Etat ne
représentaient qu'entre 10 et 11 % de l'ensemble des crédits
budgétaires affectés à l'outre-mer. Il a ensuite
précisé que les crédits du secrétariat d'Etat ne
recouvraient que les dispositifs relatifs à la politique de l'emploi et
au logement social, les autres dépenses sociales étant en effet
inscrites au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Louis Lorrain
a souligné que le budget pour l'outre-mer
était en progression de 7 % par rapport à l'année
dernière. Il a estimé que cette évolution des
crédits ne devait pas être en soi un motif de satisfaction,
affirmant que ce n'est pas tant le volume des crédits qui compte que
leur affectation.
Il a jugé qu'à cet égard le budget était
contrasté.
Il a reconnu que certaines évolutions allaient incontestablement dans le
bon sens. Il a ainsi souligné que le secrétariat d'Etat
poursuivait sa politique d'assainissement des investissements en
améliorant la couverture des autorisations de programme par des
crédits de paiement. Il a également remarqué que le budget
se recentrait sur le développement social et économique de
l'outre-mer, les crédits correspondants représentant 79 % de
l'ensemble des crédits, en hausse de 8 %. Il a insisté sur
le fait que les crédits qui augmentaient le plus rapidement
étaient ceux relatifs à l'emploi et au logement.
Il a indiqué que le fonds pour l'emploi dans les départements
d'outre-mer (FEDOM) était porté à 1,808 milliard de
francs, soit une augmentation de 6,4 %. Il a aussi souligné que les
crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) progressaient de
58 % pour atteindre 897 millions de francs en crédits de
paiement.
Il a estimé que cette réorientation de l'effort budgétaire
vers les difficultés sociales majeures lui paraissait positive,
constatant que les crédits affectés à l'emploi et au
logement représentaient désormais 63 % du total des
crédits.
Il a cependant considéré que ces améliorations ne devaient
pas faire illusion. Il a d'abord jugé que la sous-consommation
récurrente des crédits du FEDOM ou de la LBU risquait de rendre
l'effort budgétaire affiché en partie factice.
Il a également regretté l'absence de mesure nouvelle forte. A ce
propos, il a rappelé que M. Jean-Jack Queyranne avait annoncé
à l'Assemblée nationale que le Parlement aurait à
débattre, à l'automne prochain, d'un projet de loi d'orientation
sur les départements d'outre-mer qui devrait comporter un important
volet social.
Abordant la politique de l'emploi,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour
avis
, a insisté sur l'aggravation continue de la situation de
l'emploi, constatant qu'en un an le nombre de demandeurs d'emploi inscrits
à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) avait augmenté de
près de 5 % dans les départements d'outre-mer, passant de
200.000 à 210.000.
Il a souligné que le taux de chômage atteignait partout des
niveaux très préoccupants : 23 % en Guyane, 26,6 % en
Martinique, 28,8 % en Guadeloupe, 37,3 % à la Réunion
et 41 % à Mayotte.
Il a également constaté que le chômage frappait tout
particulièrement les jeunes, 55 % d'entre eux étant au
chômage, et que la proportion de chômeurs de longue durée
dépassait désormais les 50 %.
Il a insisté sur deux éléments d'explication fondamentaux
: la forte croissance démographique et la faiblesse du niveau
général de formation.
Il a déclaré que les crédits budgétaires
consacrés à la politique de l'emploi et de la formation
augmentaient de 6,4 %, permettant ainsi au FEDOM de financer en 1999
56.500 solutions d'insertion contre 48.500 en 1998. Il a également
observé que 445 millions de francs seraient affectés aux
emplois-jeunes, permettant de créer 3.500 nouveaux emplois en 1999.
Estimant que l'effort en faveur de l'emploi était certes important,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a cependant
émis un certain nombre de réserves.
Il a d'abord observé que le développement des emplois-jeunes se
faisait très largement au détriment des autres mesures en faveur
de l'emploi, précisant que les crédits destinés aux
emplois-jeunes augmentaient de 48 % alors que la dotation
budgétaire affectée aux autres dispositifs du FEDOM diminuait de
2,2 %.
Il a également déploré une réorientation de la
politique de l'emploi vers le secteur non marchand. Il a constaté que
les aides à la création d'emplois dans le secteur marchand ne
représentaient que 12 % des solutions d'insertion.
Il a exprimé la crainte que le nombre de solutions d'insertion
proposées n'augmente pas autant que ne le suggère le budget. Et
il a rappelé que l'augmentation du nombre de solutions s'accompagnait
bien souvent d'une réduction de la durée effective des contrats
qui risquait d'accentuer la précarité.
Il s'est aussi déclaré préoccupé par le
déséquilibre de la répartition géographique des
crédits de l'emploi, observant que ces crédits stagnaient pour
Mayotte et les territoires d'outre-mer.
Enfin, il a exprimé la crainte que la diminution des dotations du fonds
d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et du fonds
d'investissement et de développement économique et social (FIDES)
ne se traduise par un impact négatif sur l'emploi.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis,
a en revanche estimé
plus positives pour l'emploi d'autres mesures du budget. Il a d'abord
souligné que les actions de formation professionnelle et d'insertion
dans les DOM étaient renforcées en observant que le nombre
d'actions de formation de l'agence nationale pour l'insertion à la
formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) et le nombre de places
affectées à l'Association nationale pour la formation
professionnelle des adultes (AFPA) au titre de la commande publique
concerneraient 5.000 personnes en 1999.
Il a aussi souligné que le budget pour 1999 assurait la
pérennité du service militaire adapté (SMA) en
créant 500 postes de volontaires en contrepartie de la suppression
de 1.000 postes d'appelés.
Il a néanmoins estimé que la révision prochaine de la loi
du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les
activités économiques dans les DOM, à
Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte (dite loi Perben) devrait
être l'occasion d'apporter certaines améliorations à la
politique de l'emploi outre-mer. A cet égard, il a
présenté plusieurs pistes de réformes qui pourraient
être étudiées : l'extension éventuelle du FEDOM
à Mayotte, le repositionnement de l'ensemble du dispositif vers le
secteur marchand et la possibilité de créer un statut
" d'entreprise franche " qui pourrait bénéficier
d'exonérations fiscales et sociales.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a ensuite abordé la
politique du logement, en soulignant que la situation du logement était
particulièrement dégradée outre-mer. Il a estimé
que le parc de logements restait très insuffisant, évaluant
à 170.000 le nombre de logements qu'il faudrait construire pour parvenir
à une situation équivalant à celle de la métropole.
Il s'est également déclaré préoccupé par
l'insalubrité, estimant à près de 60.000 le nombre de
logements insalubres à Mayotte et dans les DOM, soit 12 % du parc
total.
Il a reconnu que le projet de budget pour 1999 constituait un effort important
en faveur du logement, les crédits de la LBU augmentant de 58 %
pour passer de 568 à 897 millions de francs en crédits de
paiement.
Il a précisé que l'effort budgétaire total en faveur du
logement atteindrait 1,507 milliard de francs après abondement
d'une partie de la créance de proratisation du RMI, ces crédits
étant entièrement affectés à l'aide à la
pierre.
Il a remarqué que cet effort budgétaire devrait permettre le
financement de 19.100 logements répartis entre
11.800 constructions neuves aidées et 7.300 opérations
de réhabilitation et de résorption de l'habitat insalubre.
Il a également souligné que cet effort budgétaire
important s'accompagnait d'un souci de simplification et
d'accélération des procédures d'attribution des
subventions de la LBU afin d'améliorer sensiblement le taux de
consommation des crédits. Il a estimé que cette meilleure
consommation des crédits devrait se vérifier dès cette
année.
En dépit de ces aspects positifs,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur
pour avis
, a jugé que ce budget restait insuffisant. Il a d'abord
regretté que les objectifs quantitatifs restent trop peu ambitieux par
rapport aux besoins, en observant que les objectifs affichés pour 1999
devraient déjà être réalisés en 1998 en
matière de construction.
Il a également souligné que l'augmentation de la LBU ne pouvait
à elle seule résoudre la question du logement outre-mer, en
rappelant que les logements construits étaient trop chers et
difficilement accessibles à la population. Il a alors estimé que
la politique du logement outre-mer devrait s'attacher à proposer des
produits plus adaptés plutôt que de subventionner la construction
de logements inadaptés à la demande.
A ce propos, il a annoncé que le Gouvernement étudiait
actuellement deux nouveaux produits : le logement en accession
différée, qui pourrait être acquis après dix ans de
location par des ménages sociaux ou très sociaux, et le logement
locatif social de transition, qui serait réservé aux
ménages aux ressources supérieures au plafond du logement locatif
social, mais ne pouvant pas accéder au logement intermédiaire.
Il a rappelé que le coût du foncier équipé
constituait un obstacle majeur à une plus forte construction de
logements sociaux. Observant que le Gouvernement proposait la création
d'un fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) dans
chaque département d'outre-mer et à Mayotte, il a estimé
que ce projet de réforme de la politique foncière allait dans le
bon sens, mais que l'expérience de la Réunion montrait toutefois
les limites de ces FRAFU.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a ensuite estimé que
la politique d'égalité sociale devait être poursuivie.
Constatant que cette politique, qui visait à aligner progressivement les
prestations sociales et les différents minima sociaux des
départements d'outre-mer sur ceux de la métropole, était
au point mort depuis 1996, il s'est déclaré favorable à un
relèvement de l'allocation de parent isolé (API).
Il a jugé que cette amélioration des revenus sociaux relevait
plus de l'équité que de l'assistanat. Il a d'ailleurs
rappelé que la population d'outre-mer ne pouvait être
considérée comme assistée, observant que la part des
revenus sociaux dans le revenu total des ménages est plus forte en
métropole (29,6 %) que dans les départements d'outre-mer
(27,2 %).
En conclusion,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a
estimé que les priorités du budget pour 1999 lui paraissaient
aller dans la bonne direction, mais il a regretté que ces objectifs ne
se traduisent pas par l'adoption des mesures nouvelles fortes dont a besoin
l'outre-mer. Il a donc proposé à la commission d'émettre
un avis de sagesse sur le budget de l'outre-mer pour 1999.
M. Philippe Nogrix
a alors interrogé le rapporteur pour avis sur
la faible proportion des revenus sociaux dans le revenu total des
ménages des départements d'outre-mer. Il s'est également
interrogé sur l'opportunité d'aligner l'API sur le niveau de la
métropole. Il a enfin demandé au rapporteur d'apporter des
précisions sur l'efficacité du volet insertion du RMI.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis
, a indiqué que la
faiblesse relative des revenus sociaux s'expliquait avant tout par la structure
démographique des départements d'outre-mer, la population y
étant plus jeune qu'en métropole. Il a observé que cette
situation démographique avait pour effet de diminuer très
sensiblement la part des retraites, même si la part des revenus
liés aux prestations familiales et au RMI restait proportionnellement
plus élevée qu'en métropole.
Concernant la poursuite de la politique d'égalité sociale, il a
rappelé que le niveau de l'API était inférieur de
moitié dans les DOM à celui de la métropole. Il a
estimé qu'un alignement de l'API était une mesure de
solidarité nécessaire, en rappelant que les allocataires de l'API
étaient très souvent des jeunes femmes en situation très
difficile et en voie d'exclusion. Il a indiqué que 14.000 personnes
bénéficiaient de l'API, pour un montant global de
212 millions de francs à la fin de 1996.
S'agissant du RMI, il a rappelé que les agences départementales
d'insertion (ADI), mises en place par la loi Perben, étaient
chargées de mettre en oeuvre le volet insertion du RMI. Il a
également précisé que la loi d'orientation relative
à la lutte contre les exclusions avait transformé les ADI en
établissements publics locaux, dans le souci d'alléger des
procédures jugées trop lourdes et trop complexes.
Constatant que le nombre de bénéficiaires du RMI entrés
dans les mesures de la politique de l'emploi était passé de
15.000 en 1995 à plus de 28.000 en 1997, il a estimé que l'action
d'insertion des ADI était satisfaisante. Il a ainsi observé qu'un
quart des allocataires du RMI bénéficiait d'une action
d'insertion, soit une proportion plus élevée qu'en
métropole.
M. Jacques Machet
s'est ensuite interrogé sur les
spécificités du logement en outre-mer.
M. Philippe Nogrix
s'est demandé si le logement social dans les
DOM répondait aux mêmes normes techniques qu'en métropole.
M. Jean Delaneau, président
, a exprimé la crainte que le
logement construit outre-mer ne soit pas réellement adapté aux
besoins des populations.
En réponse aux intervenants,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour
avis
, a rappelé que la spécificité majeure du logement
outre-mer consistait dans la trop forte insalubrité. Il a indiqué
que les logements construits devaient répondre aux mêmes normes
techniques qu'en métropole, et il a souligné que cette contrainte
technique pouvait contribuer à augmenter les coûts de construction
des logements.
Il a cependant précisé que l'outre-mer bénéficiait
de produits spécifiques en matière de logement, ces produits
étant très souvent bien adaptés aux particularités
de l'outre-mer et aux besoins et moyens des populations.
Il a, à ce propos, cité l'exemple du logement évolutif
social (LES), en précisant qu'il s'agissait de maisons individuelles en
accession très sociale à la propriété, dont les
aménagements intérieurs et les finitions étaient
progressivement réalisés par l'accédant.
La commission a alors, sur proposition de M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur
pour avis, décidé d'émettre
un avis de sagesse sur les
crédits de l'outre-mer (aspects sociaux) pour 1999.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'examen du budget de l'outre-mer est, chaque année, l'occasion de
mesurer la cohérence des orientations présentées par le
Gouvernement avec les moyens mis en oeuvre pour leur réalisation.
A cet égard, le budget qui nous est soumis cette année
témoigne d'une continuité évidente avec la loi de finances
initiale pour 1998.
Continuité dans les moyens tout d'abord. Les crédits du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 1999 augmentent fortement,
passant de 5,23 à 5,59 milliards de francs en crédits de
paiement et dépenses ordinaires, soit une croissance de 7 %
après une croissance déjà soutenue de 7,3 % en 1998.
Continuité dans les objectifs également. L'emploi et le logement
social restent les priorités du Gouvernement.
Le budget du secrétariat d'Etat continue en effet à se recentrer
sur le développement économique et social de l'outre-mer. Les
crédits correspondants représentent désormais 79 % de
l'ensemble des crédits du département ministériel. Et ce
sont les crédits relatifs à l'emploi et au logement social
(crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer
et de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les
départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte) qui augmentent le plus rapidement.
Au total, ces deux lignes budgétaires, abondées par la
créance de proratisation du RMI, représentent 63 % des
crédits contre seulement 58 % en 1998.
Votre rapporteur tient toutefois à rappeler que le budget du
secrétariat d'Etat ne peut résumer à lui seul l'ensemble
de l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer. Les dotations du
secrétariat d'Etat ne représentent en effet qu'entre 10 et
11 % de l'ensemble des crédits budgétaires affectés
à l'outre-mer. Ainsi, en matière sociale, les crédits du
secrétariat d'Etat ne recouvrent que les dispositifs relatifs à
la politique de l'emploi, à l'insertion et au logement social. Les
dépenses relatives à la solidarité, à la politique
de la ville et à l'action sanitaire restent inscrites au budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité.
Mais, la progression des crédits et leur réorientation ne peuvent
assurer à elles seules la cohérence d'une politique. C'est en
réalité à l'aune de l'impact prévisible du budget
sur une situation sociale qui continue à se dégrader qu'il
importe d'évaluer les crédits du secrétariat d'Etat
à l'outre-mer.
Dans cette perspective, le présent budget apparaît beaucoup plus
contrasté.
En effet, en dépit de l'augmentation des crédits, ce budget
s'analyse avant tout comme un simple budget de reconduction. Il ne propose
aucune mesure nouvelle forte en faveur de l'outre-mer alors même que la
situation sociale y est suffisamment préoccupante pour rendre
nécessaire une action rapide.
Certes, M. Jean-Jacques Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a annoncé le 23 octobre dernier à
l'Assemblée nationale que le Parlement aura à examiner en automne
prochain un projet de loi d'orientation sur les départements
d'outre-mer, qui devrait comporter un important volet social, touchant aussi
bien la poursuite de la politique d'égalité sociale que
l'adaptation de la politique de l'emploi.
Dans cette perspective, votre commission a souhaité insister dans le
présent rapport sur les évolutions et les adaptations de la
politique sociale envers l'outre-mer qu'elle juge souhaitables afin de prendre
date pour la discussion du prochain projet de loi d'orientation.
Afin d'intégrer l'indispensable éclairage qu'apportent les
acteurs locaux à ses conclusions, votre rapporteur a tenu à
consulter l'ensemble de ses collègues d'outre-mer pour la
préparation du présent rapport. Il tient ici à les
remercier tout particulièrement pour leurs contributions.
I. LES DIFFICULTÉS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI
Le
chômage dont l'évolution reste très préoccupante
constitue incontestablement le défi social majeur de toute politique de
l'outre-mer.
A cet égard, même si l'actuel gouvernement a maintenu les
instruments de la politique de l'emploi mis en place par ses
prédécesseurs, le recentrage de cette politique sur les
emplois-jeunes ne permettra pas d'apporter une réponse durable à
la question du chômage. Dans ces conditions, une réforme de la
politique de l'emploi outre-mer est plus que jamais
nécessaire.
A. LA SITUATION DE L'EMPLOI CONTINUE DE SE DÉGRADER
1. La progression continue du chômage
•
Les départements d'outre-mer (DOM)
Alors que le nombre de demandeurs d'emploi diminue depuis un an en
métropole (- 4,1 %), il continue à croître dans les
DOM (+ 2,2 %). Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE
est ainsi passé de 209.230 à 213.768 entre août 1997 et
août 1998. Cette progression a été particulièrement
forte en Guyane (+ 6,1 %) et à la Martinique
(+ 4,9 %).
Le tableau suivant retrace cette évolution :
|
Demandeurs d'emploi en fin de mois (1) |
Evolution
|
Indicateur de chômage (2) |
Guadeloupe |
51.364 |
+ 0,3 % |
28,8 % |
Martinique |
48.730 |
+ 4,9 % |
26,6 % |
Guyane |
13.510 |
+ 6,1 % |
23,0 % |
Réunion |
100.164 |
+ 1,6 % |
37,3 % |
Total DOM |
213.768 |
+ 2,2 % |
31,6 % |
Source : ANPE
(1)
Chiffres au 31 août 1998
(2) Taux de chômage estimé en se fondant sur la population active
au 31/03/97
Le taux de chômage moyen dans les DOM atteint donc 31,6 % et est
près de trois fois supérieur à celui de
métropole.
Si le chômage est plus élevé dans les DOM qu'en
métropole, il est également d'une autre nature. Le chômage
dans les DOM accentue en effet fortement les caractéristiques les plus
défavorables du chômage français :
-
le chômage touche particulièrement les jeunes
. On
estime que le taux de chômage des jeunes, au sens du BIT, avoisine les
55 % dans les DOM contre 22,5 % en métropole en août
1998.
Taux de chômage des jeunes, au sens BIT
|
1993 |
1995 |
1996 |
1997 |
Guadeloupe |
48,0 |
49,7 |
54,1 |
54,4 |
Guyane |
42,9 |
41,7 |
36,5 |
51,2 |
Martinique |
49,4 |
55,4 |
52,4 |
63,1 |
Réunion |
52,7 |
53,1 |
nd |
nd |
Source
INSEE (enquêtes emploi)
-
le chômage dure plus longtemps dans les DOM
qu'en
métropole. En août 1998,
51 % des demandeurs d'emploi des
DOM étaient au chômage depuis plus d'un
an
contre
seulement 39,3 % en métropole. Plus inquiétant encore, la
proportion de chômeurs de longue durée tend à
s'accroître du fait d'un allongement de la durée moyenne de
chômage. Ainsi, en Guadeloupe, la durée moyenne d'inscription
à l'ANPE est passée de 485 jours en 1993 à 577 jours
en 1997 (contre 418 jours en métropole).
Proportion de chômeurs de longue durée
(en %)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Guadeloupe |
49,4 |
51,9 |
48,9 |
49,5 |
Guyane |
39,0 |
38,3 |
35,4 |
40,3 |
Martinique |
45,9 |
49,9 |
54,4 |
55,5 |
Réunion |
44,4 |
44,1 |
40,3 |
45,0 |
Chiffres
au 31 août 1998
-
le chômage est moins bien indemnisé outre-mer
, ce
qui contribue à fragiliser plus encore la situation financière
des demandeurs d'emploi en les condamnant aux minima sociaux. Ainsi, seuls
38,9 % des demandeurs d'emploi des DOM étaient indemnisés au
titre de l'assurance chômage en août dernier.
Cela étant, ces chiffres ne permettent de saisir qu'imparfaitement la
réalité du chômage outre-mer. Ils sont en effet
affectés par
deux biais
, l'un tendant à surestimer le taux
de chômage réel et l'autre à le sous-estimer.
D'une part,
l'importance du travail informel
reste conséquente
dans les DOM. Une étude de l'INSEE des Antilles-Guyane de septembre 1998
avance par exemple que 30 % des allocataires du RMI exerceraient un
travail informel.
D'autre part, le
nombre de demandeurs d'emplois inscrits à l'ANPE ne
permet pas de comptabiliser tous les chômeurs
. Il semble en effet que
le nombre de " chômeurs découragés " soit plus
important outre-mer qu'en métropole. Cela tiendrait à la
conjonction de deux phénomènes : la pénurie des offres
d'emplois proposées par le service public de l'emploi et la faible
indemnisation du chômage.
•
Les territoires et collectivités territoriales
d'outre-mer
Nouvelle-Calédonie
Au 31 décembre 1997, la population totale de Nouvelle-Calédonie
est estimée à 204.000 personnes contre 196.800 en avril 1996,
date du dernier recensement.
La population active représentait 80.589 personnes, dont 64.377 actifs
occupés, 1.199 militaires du contingent et 15.018 chômeurs. Le
taux de chômage serait donc de 18,6 %.
Seuls 7.900 demandeurs d'emploi étaient inscrits à l'Agence pour
l'emploi (APE) au 31 décembre 1997. Le nombre de demandeurs d'emploi a
crû de 4,5 % en 1997. La hausse du chômage se poursuivait au
même rythme annuel au premier semestre 1998.
Le chômage en Nouvelle-Calédonie présente donc les
caractéristiques suivantes :
- la croissance continue du nombre de demandeurs d'emploi ;
- la très faible inscription des chômeurs à l'APE,
cette faiblesse pouvant s'expliquer par le faible taux de placement de l'APE :
en moyenne, seuls 133 chômeurs ont trouvé chaque mois un emploi
grâce à l'APE en 1997 ;
- la très faible indemnisation du chômage : seuls 1.093
chômeurs étaient indemnisés en 1997 par le régime
d'assurance chômage total de Nouvelle-Calédonie, soit 15 % de
l'ensemble des chômeurs.
Wallis et Futuna
La population active salariée recensée par la caisse locale de
retraite et la caisse de compensation des prestations familiales (CLR-CCPF) est
de 1.479 personnes en septembre 1997. Cet effectif est stable par rapport
à septembre 1996.
L'effectif salarié du secteur public, en diminution est toujours
prédominant. Il regroupe 58 % des salariés locaux en 1997.
Le développement de l'emploi sur ce territoire est
particulièrement difficile dans la mesure où aucune implantation,
aucun investissement extérieur n'est envisageable, du fait de
l'impossibilité pour un non-autochtone d'acquérir un terrain.
L'office local de la main-d'oeuvre, qui recense les demandeurs d'emploi, estime
leur nombre à 430 au 31 décembre 1997 contre 321 un an
auparavant. Cette évaluation reste cependant très incertaine,
l'absence d'indemnisation du chômage sur le territoire n'incitant pas les
demandeurs d'emploi à se déclarer.
Polynésie française
Les statistiques de l'agence pour l'emploi et la formation professionnelle
(AEFP) ne donnent qu'une vision très partielle du marché de
l'emploi car, en l'absence de système d'indemnisation du chômage,
l'inscription comme demandeur d'emploi, bien que recommandée, est
facultative.
Par ailleurs, ces statistiques ne reflètent que la situation de
l'archipel de la Société, le marché de l'emploi dans les
autres archipels restant encore très embryonnaire.
L'indicateur de chômage atteint 17,6 % de la population active en
1997 (au sens du BIT). Une enquête menée par l'Institut
territorial de la statistique en 1994 évaluait alors le taux de
chômage à 11,8 %.
Les données de l'AEFP confirment cette progression du chômage.
Demandes d'emploi enregistrées (cumul annuel)
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
7.416 |
11.448 |
12.598 |
13.972 |
Source :
AEFP
Une nouvelle dégradation de la situation est intervenue en 1997, le
nombre de demandes d'emploi ayant augmenté de 11 %. Cette tendance
se confirme au premier semestre 1998 puisque le nombre de demandes
enregistrées progresse de 35 % par rapport à 1997, alors que
les demandes d'emploi satisfaites diminuent de 15 %.
Au 31 décembre 1997, 46 % des demandeurs d'emploi avaient moins de
25 ans et les deux tiers étaient sans qualification.
Mayotte
Selon le dernier recensement général de la population
effectué en 1997, Mayotte compte aujourd'hui 131.320 habitants contre
94.410 en 1991.
L'accroissement démographique annuel ne s'est guère ralenti,
passant de 5,8 % pour la période 1985-1991 à 5,7 % pour
la période 1991-1997. Cette croissance démographique a deux
sources principales : une maîtrise de la natalité encore
très insuffisante et une recrudescence de l'immigration clandestine,
essentiellement depuis les Comores.
Dans ce contexte démographique, l'évolution du chômage
apparaît très préoccupante à Mayotte.
La situation de l'emploi est difficile à appréhender à
Mayotte, compte tenu notamment de l'existence d'un marché occulte,
résultant de l'immigration clandestine d'une part et de l'importance des
activités tournées vers l'autoconsommation d'autre part.
Le retard de développement de Mayotte est particulièrement
marqué dans le domaine de l'emploi. La population en âge de
travailler est nombreuse et souffre de graves insuffisances de formation et de
qualification.
Le secteur public n'a plus la capacité financière de poursuivre
sa politique d'embauche menée par le passé et les entreprises,
à la recherche d'une main-d'oeuvre expérimentée, n'offrent
encore que des débouchés limités. De fait, le
marché de l'emploi présente un déséquilibre
permanent qui ne se résout que par la précarité des
emplois et par la persistance de la pluri-activité.
Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à la direction du travail et
de l'emploi et de la formation professionnelle est de 15.463 personnes au
1
er
trimestre 1998, soit 11 % de plus en un an.
Les femmes représentent 63 % des demandeurs d'emploi. Les jeunes de
moins de 25 ans représentent quant à eux 49 % de la
demande d'emploi. 96 % des demandeurs d'emploi n'ont aucun diplôme.
L'indicateur de chômage était de 42,8 % au
1
er
trimestre 1998 contre 35,4 % en 1997.
Saint-Pierre-et-Miquelon
En l'absence de recensement démographique exhaustif depuis 1990, on peut
estimer la population active à environ 2.800 personnes pour une
population totale de 6.700 à la fin de 1997.
La situation de l'emploi est très difficile à appréhender
car elle est soumise à d'importantes variations saisonnières.
L'activité de la pêche et du BTP, qui sont les deux principaux
secteurs économiques de la collectivité, est en effet
concentrée sur la période estivale.
Ainsi, alors que l'on recensait 438 demandeurs d'emploi le
31 décembre 1997 (en hausse de 20 % par rapport au
31 décembre 1996), ils n'étaient plus que 234 en mai 1998
(en baisse de 12 % par rapport à avril 1997).
Il semble néanmoins que la tendance reste à une augmentation du
chômage, les difficultés de la pêche n'étant que
partiellement compensées par la forte activité du BTP
constatée au printemps. De plus, l'activité du BTP devrait se
réduire sensiblement en 1999.
2. Quelques éléments d'explication
En
dépit des spécificités de chaque département,
territoire ou collectivité d'outre-mer, les situations de l'emploi
revêtent de grandes similitudes :
- un taux de chômage élevé,
- une progression continue du nombre de demandeurs d'emploi,
- la très forte proportion des jeunes et des personnes faiblement
qualifiées parmi les demandeurs d'emploi,
- l'importance du chômage de longue durée.
Ces similitudes peuvent largement s'interpréter comme la
résultante commune de différents facteurs spécifiques qui
permettent d'expliquer la progression du chômage outre-mer.
S'il ne s'agit pas ici d'analyser les causes du chômage ultra-marin,
votre commission souhaite néanmoins rappeler quelques
éléments d'analyse que doit nécessairement intégrer
toute politique de l'emploi outre-mer.
•
Le facteur démographique
La croissance démographique de l'outre-mer reste bien
supérieure à celle de métropole.
Pour s'en tenir aux DOM, et même si elle a tendance à diminuer
sur longue période, la croissance démographique reste très
élevée. En 1996, elle était de 4,7 % en Guyane, de
1,7 % à la Réunion, de 1,5 % en Martinique et de
1,4 % en Guadeloupe contre seulement 0,3 % en métropole.
Cette croissance s'explique d'abord par l'excédent naturel,
c'est-à-dire par un nombre de naissances très supérieur
à celui des décès.
|
Population |
Taux d'accroissement naturel |
Indice synthétique |
||
|
|
1974-1982 |
1982-1990 |
1990-1994 |
de fécondité |
Guadeloupe |
417.000 |
+ 11,9 % |
+ 12,9 % |
+ 12,6 % |
2,0 |
Martinique |
384.000 |
+ 11,4 % |
+ 11,2 % |
+ 10,6 % |
1,7 |
Guyane |
151.800 |
+ 18,7 % |
+ 23,4 % |
+ 25,9 % |
3,6 |
Réunion |
658.900 |
+ 19,6 % |
+ 17,9 % |
+ 16,8 % |
2,3 |
Métropole |
58.020.000 |
+ 4 % |
+ 4,1 % |
+ 3,7 % |
1,7 |
Sources : INSEE, INED - Chiffres au 01.01.95.
La baisse de l'indice de fécondité ne doit cependant pas faire
illusion. Même s'il diminue pour se rapprocher de celui de
métropole, la croissance de la population devrait rester rapide. La
population est, en effet, jeune : les moins de 25 ans représentent
en 1996 50 % de la population en Guyane, 46 % à la
Réunion, 42% en Guadeloupe et 38 % en Martinique. Aussi, même
si les femmes ont moins d'enfants qu'auparavant, il existe beaucoup plus de
femmes en âge d'en avoir. Le taux de natalité devrait donc se
maintenir à un niveau élevé.
Mais cette croissance démographique tient aussi aux mouvements
migratoires.
D'une part, l'émigration des habitants des DOM vers la métropole
s'est ralentie.
D'autre part, l'immigration vers les DOM augmente, en particulier
l'immigration irrégulière. Ainsi, on estime aujourd'hui
qu'environ 43 % de la population guyanaise est étrangère,
près de la moitié de cette population étrangère
étant en situation irrégulière.
La conjonction d'un excédent naturel élevé et de ces
mouvements migratoires explique alors le taux d'accroissement
démographique de l'outre-mer.
La croissance démographique alimente alors largement la progression du
chômage. Elle se traduit, en effet, par une augmentation de la population
active qui n'est plus compensée par les créations nettes
d'emplois. Le nombre de nouveaux entrants sur le marché du travail est
désormais, chaque année, supérieur au nombre de postes
disponibles ou créés.
•
La faiblesse des qualifications
Le chômage élevé des habitants d'outre-mer s'explique
également par leur faible qualification.
Ainsi, en 1990, plus de 50 % des hommes de 23 à 27 ans et 40 % des
femmes du même âge n'avaient aucun diplôme dans les DOM.
Or, l'absence de qualification semble être un facteur aggravant du
chômage outre-mer. Parmi les chômeurs de moins de 25 ans, 27 %
étaient de niveau VI ou V bis dans les DOM en 1997 contre
17 % seulement en métropole.
•
Le coût du travail dans un environnement concurrentiel
particulier
Les économies d'outre-mer ont pour caractéristique d'être
très peu diversifiées. Outre les secteurs du BTP et du tourisme,
ce sont souvent les productions naturelles qui constituent l'essentiel de leur
production : la banane à la Guadeloupe et en Martinique, la
filière canne-sucre-rhum aux Antilles et à la Réunion, la
pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon, la vanille à Mayotte...
Or, ces productions naturelles sont tout particulièrement
exposées à la concurrence internationale, et notamment à
celle des pays voisins des départements, territoires et
collectivités d'outre-mer.
Dans ce contexte régional de vive concurrence internationale, qui tend
désormais à s'étendre au secteur du tourisme
au-delà des seules productions naturelles, la France d'outre-mer
apparaît très handicapée par le coût du travail.
Le coût du travail y est, en effet, très sensiblement plus
élevé que chez leurs concurrents directs : Maurice, Madagascar,
les Comores, les Seychelles pour Mayotte et la Réunion, les Antilles et
l'Amérique centrale pour les départements français
d'Amérique.
La revalorisation du SMIC, puis son alignement sur le niveau de
métropole n'a fait qu'accentuer cet écart salarial
défavorable à l'outre-mer français.
Cet écart salarial participe alors doublement à la croissance
du chômage que connaît l'outre-mer.
D'une part, il accroît l'attractivité des départements
d'outre-mer pour les populations environnantes et alimente alors des flux
d'immigration très importants qui gonflent à leur tour le
chômage. C'est ce phénomène qui se déroule
actuellement avec une forte intensité à Mayotte et en Guyane.
D'autre part, le coût du travail contribue à dégrader la
compétitivité-prix des produits et des services de la France
d'outre-mer vis-à-vis de leurs concurrents régionaux. Il se
traduit donc soit par des restructurations, soit par des faillites qui tendent
à accroître le chômage.
B. L'EFFORT BUDGÉTAIRE DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE RÉFORME DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI OUTRE-MER
1. Un effort sensible en faveur de la politique de l'emploi
•
Les spécificités de la politique de l'emploi
outre-mer
Dans les
territoires d'outre-mer
, la compétence en
matière d'emploi et de formation est territoriale. L'Etat concourt
cependant à l'exercice de la politique de l'emploi dans les TOM au
travers des engagements souscrits dans les contrats de plan et les conventions
de développement, mais aussi par les actions directes (chantiers de
développement local, programme " jeunes stagiaires "...).
Compte tenu de ces spécificités, votre commission examinera
essentiellement la politique de l'emploi menée dans les
départements et collectivités territoriales d'outre-mer.
Dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte
,
la politique de l'emploi, outre les dispositifs de droit commun qui peuvent s'y
appliquer, est régie par la
loi n° 94-638 du
25 juillet 1994, tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les
activités économiques dans les DOM
, dite loi Perben.
Cette loi s'articule autour de trois axes principaux.
En premier lieu, afin d'encourager l'emploi par l'abaissement du coût
du travail dans les secteurs les plus exposés à la concurrence
internationale, elle a institué des
exonérations sectorielles
de charges sociales
. Les exonérations touchent ainsi les principaux
secteurs de production : agriculture, pêche, industrie,
hôtellerie-restauration.
Ce dispositif, entré en vigueur en 1995, permet d'alléger
d'environ 18 % la masse salariale des entreprises éligibles. Au
31 décembre 1996, 4.751 établissements et
36.600 salariés bénéficiaient de ces
exonérations. Le coût total des exonérations de cotisations
s'est élevé à 872 millions de francs en 1997.
En second lieu, l'article 6 de la loi Perben a créé le
FEDOM
. Ce fonds, mis en place en 1995, vise à regrouper
l'ensemble des financements des actions spécifiques menées par
l'Etat en faveur de l'emploi et de l'insertion, dans un souci de souplesse et
de cohérence de l'action publique.
Le FEDOM
La loi
du 25 juillet 1994 a créé un fonds pour l'emploi dans les
départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, appelé
FEDOM. Géré directement par le secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, ce fonds est souple d'utilisation et adapté aux
spécificités économiques et sociales des DOM.
Le comité directeur du FEDOM, composé de parlementaires des
départements d'outre-mer, se prononce sur la répartition des
crédits entre les différentes solutions d'insertion : contrat
d'accès à l'emploi (CAE), contrat d'insertion par l'emploi (CIA),
contrat emploi solidarité (CES), primes à la création
d'emplois ainsi que les emplois-jeunes.
Le contrat d'accès à l'emploi (CAE)
Il est proposé aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux
bénéficiaires du RMI, aux travailleurs handicapés et aux
jeunes en grande difficulté. L'employeur privé
bénéficie pour chaque recrutement en contrat à
durée indéterminée ou déterminée d'au moins
12 mois, d'une prime modulable en fonction de l'ancienneté du
chômage de 1.000 à 2.000 francs par mois et de
l'exonération des charges sociales patronales. Ce type de contrat est
réservé au secteur privé.
Le contrat d'insertion par l'activité (CIA)
Ce dispositif consiste à remettre en activité, par
l'exécution de tâches d'utilité sociale, des
bénéficiaires du RMI exclusivement, au moyen d'un
véritable contrat de travail. Les titulaires de CIA ont un employeur
unique, l'agence d'insertion, établissement public créé
dans chaque département, qui les met par voie de convention à la
disposition des collectivités et des associations. Comme pour les CES,
l'activité est exercée à mi-temps. Elle est
rémunérée sur la base du SMIC horaire.
Le contrat d'emploi solidarité (CES)
Ce dispositif est le même qu'en métropole. Il s'agit d'offrir
à des publics en difficulté d'insertion un emploi à
mi-temps, rémunéré au SMIC horaire, pour satisfaire, dans
le secteur associatif ou auprès de collectivités, des besoins
d'utilité collective.
Les primes à la création d'emplois
Elles sont attribuées sur agrément préfectoral aux
entreprises dont l'activité est principalement orientée vers des
débouchés commerciaux à l'extérieur des
départements d'outre-mer et qui augmentent leurs effectifs.
Source : Secrétariat d'Etat à l'outre-mer
Les crédits du FEDOM (hors emplois-jeunes) sont
" fongibles ", ce qui permet de redéfinir les priorités
et de modifier les différentes enveloppes budgétaires en fonction
de l'évolution de la situation de l'emploi et du nombre de solutions
retenues.
Enfin, la loi Perben a institué les
agences départementales
d'insertion
(ADI) (
cf. Infra
).
•
Le budget pour 1999 se caractérise par des moyens
importants
S'agissant de la
politique de l'emploi stricto sensu
, l'effort
budgétaire consenti pour 1999 est important.
Le total des
crédits du FEDOM augmente de 6,4 % pour atteindre
1,808 milliard de francs. Au total, quelque 60.000 solutions
d'insertion nouvelles devraient être proposées en 1999 contre
52.500 prévues par la loi de finances initiale pour 1998
1(
*
)
.
Le FEDOM devrait d'abord permettre de financer, à hauteur de
1,362 milliard de francs en 1999, 56.500
solutions d'insertion
au
titre des dispositifs prévus par la loi Perben contre
48.500 prévues par la loi de finances initiale pour 1998 :
34.000 CES, 15.000 contrats d'insertion par l'activité (CIA),
7.000 contrats d'accès à l'emploi (CAE) et 500 primes
à la création d'emplois.
En outre, 445 millions de francs devraient être affectés au
financement des
emplois-jeunes
permettant ainsi de créer
3.500 emplois-jeunes.
Le FEDOM est en effet chargé, depuis le 1
er
janvier,
d'assurer le financement des emplois-jeunes créés par les
collectivités locales, leurs établissements et les associations
dans le cadre de la
loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative
au développement d'activités pour l'emploi des jeunes
.
L'expérience de l'année en cours montre que, sur le plan
quantitatif, les emplois-jeunes sont un succès. Ce succès n'est
d'ailleurs pas une surprise puisque le développement des emplois-jeunes
permettait d'apporter une réponse rapide aux carences du marché
du travail des DOM : une très faible création d'emplois dans le
secteur privé et un taux de chômage des jeunes aux environs de
50 %.
Le
FEDOM :
Crédits budgétaires et solutions d'insertion
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
||||||||||
|
Crédits (1) en LFI |
Crédits (1) consommés |
Solutions d'insertion proposées |
Solutions réalisées |
Crédits (1) en LFI |
Crédits (1) consommés |
Solutions d'insertion proposées |
Solutions réalisées |
Crédits (1) en LFI |
Crédits (1) (2) consommés |
Solutions
d'insertion
|
Solutions (2) réalisées |
Crédits (1) PLF |
Solutions d'insertion proposées |
CES |
434 |
1.099 |
30.000 |
44.800 |
665 |
691 |
25.000 |
38.161 |
430 |
529 |
25.000 |
33.900 |
662 |
34.000 |
CIA |
107 |
47 |
10.370 |
9.000 |
153 |
126 |
15.000 |
15.000 |
175 |
179 |
15.000 |
15.000 |
179 |
15.000 |
CAE |
440 |
183 |
17.500 |
12.300 |
622 |
531 |
13.000 |
10.600 |
763 |
668 |
8.000 |
7.000 |
496 |
7.000 |
Primes |
24 |
5 |
1.000 |
200 |
22 |
9 |
500 |
390 |
21 |
9 |
500 |
364 |
15 |
500 |
CRE |
30 |
8 |
- |
- |
25 |
26 |
- |
- |
10 |
10 |
- |
- |
10 |
- |
Sous-Total |
1.035 |
1.342 |
58.870 |
66.300 |
1.487 |
1.568 (3) |
53.500 |
64.151 |
1.399 |
1.395 |
48.500 |
56.264 |
1.362 |
56.500 |
Emplois-Jeunes |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
300 |
200 |
4.000 |
4.000 |
445 |
3.500 (4) |
TOTAL |
1.035 |
1.342 |
58.870 |
66.300 |
1.487 |
1.568 (3) |
53.500 |
64.151 |
1.699 |
1.595 |
52.500 |
60.264 |
1.807 |
60.000 |
(1) En millions de francs.
(2) Estimation.
(3) Ces tableaux incluent la part insertion de la créance de
proratisation du RMI. Pour 1997, nous n'avons pas d'indication sur la
répartition de cette part entre les différents dispositifs
d'insertion.
(4) Ce chiffre ne comptabilise que les emplois-jeunes créés
en 1999 et ne tient pas compte de ceux déjà créés
en 1998.
La loi de finances initiale pour 1998 réservait 300 millions de
francs, permettant de financer 5.000 emplois-jeunes.
2.834 emplois-jeunes avaient été effectivement
créés au 31 juillet 1998 et la montée en charge du
dispositif devrait se poursuivre au cours du second semestre pour atteindre un
effectif total d'environ 4.000 postes créés à la fin
de l'année.
Votre commission observe cependant que le développement des
emplois-jeunes est freiné dans le contexte particulier des DOM
. La
faible implantation des entreprises publiques limite sensiblement le champ des
employeurs potentiels, tandis que la fragilité de la situation
financière des collectivités locales et des associations rend
délicat le financement des 20 % de la rémunération
des emplois-jeunes qui restent à la charge des employeurs.
Dans ces
conditions, votre commission s'inquiète des perspectives de
pérennisation de ces emplois au bout de cinq ans quand les employeurs
devront en supporter 100 % de la charge financière.
A ces emplois-jeunes, s'ajoutent les quelque
2.600 aides-éducateurs et adjoints de sécurité pris
en charge par le ministère de l'éducation nationale et le
ministère de l'intérieur.
Le tableau suivant présente le bilan des emplois-jeunes au
31 juillet 1998.
Emplois-jeunes dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon : bilan
|
FEDOM |
Education nationale |
Intérieur |
Total |
||
|
Emplois créés au 28 juillet 1998 |
Embauches non encore effectuées |
Total emplois prévus par convention |
Postes aides-éducateurs créés |
Postes adjoints sécurité créés |
général |
Guadeloupe |
128 |
40 |
168 |
497 |
23 |
688 |
Guyane |
70 |
70 |
140 |
424 |
10 |
574 |
Martinique |
251 |
452 |
703 |
598 |
18 |
1.319 |
Réunion |
1.224 |
590 |
1.814 |
1.008 |
38 |
2.860 |
St-Pierre-et-Miquelon |
7 |
2 |
9 |
- |
- |
9 |
Total |
1.680 |
1.154 |
2.834 |
2.527 |
89 |
5.450 |
Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
L'effort budgétaire apparaît enfin d'autant plus significatif
que la part de la
créance de proratisation du RMI
à verser
aux agences d'insertion viendra compléter cette dotation en cours
d'exercice. Le montant de la créance s'élèvera à
815 millions de francs. Environ le quart pourrait alors être
affecté aux dispositifs d'insertion.
S'agissant de la
formation professionnelle
, le projet de loi de
finances pour 1999 accompagne des évolutions que votre commission juge
positives.
D'une part, la
restructuration de l'Agence nationale pour l'insertion et la
promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) se poursuit
.
Certes, les crédits affectés à l'ANT diminuent, passant
de 44,5 millions de francs en 1998 à 43,6 millions de francs
en 1999, tandis que la dotation en faveur de la formation
individualisée-mobilité (FIM) restent stable à
28 millions de francs. Mais le budget total de l'ANT devrait très
légèrement augmenter grâce à une plus forte
participation des collectivités locales d'outre-mer au financement de
l'agence.
Il semble toutefois que la restructuration de l'ANT, engagée en
1993, commence à porter ses fruits.
Ainsi, l'ANT privilégie désormais la gestion
prévisionnelle des emplois et le suivi des stagiaires à une
simple logique de stages, qui ne débouchait que très rarement sur
une réelle insertion professionnelle.
Parallèlement, les modalités pratiques d'intervention de l'ANT
gagnent en efficacité :
- le nombre de places offertes aux personnes originaires des DOM, au
titre de la commande publique à l'AFPA, pour acquérir une
formation qualifiante en métropole augmente. 140 personnes en ont
bénéficié en 1993, 530 en 1995, 800 en 1997. Le budget
pour 1999 ouvre 1.500 places ;
- le maintien du dispositif FIM devrait permettre de former
500 jeunes en difficultés. Ce dispositif permet à des jeunes
de faible niveau de suivre une formation en métropole dans le cadre du
crédit de formation individualisé ;
- le développement de l'insertion par l'alternance se confirme,
l'ANT poursuivant sa politique de conventionnement avec les régimes et
les organismes de formation de métropole.
Au total, l'ANT devrait offrir quelque 3.500 actions de formation en
métropole.
D'autre part,
le budget pour 1999 assure la pérennité du
service militaire adapté (SMA)
.
Le SMA est une forme de service militaire propre à l'outre-mer qui
combine une formation militaire, une formation professionnelle et une
participation au développement local, par le biais des
chantiers-écoles notamment. En 1997, 3.003 jeunes ont ainsi
été formés grâce au SMA.
Très apprécié par les élus d'outre-mer, le SMA
assure aux jeunes de très fortes chances d'insertion professionnelle
ultérieure. Le taux d'insertion professionnelle est en effet de
63 % à l'issue du service national, ce qui en fait un instrument de
formation très efficace.
Cependant, la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service
national a rendu nécessaire une réforme du SMA afin d'assurer sa
pérennité. La disparition programmée de la conscription
oblige le SMA à faire appel au volontariat.
Le budget pour 1999, qui voit les crédits du SMA augmenter de
8 %, marque la première étape de cette réforme. Il
prévoit la création de 500 postes de volontaires en
contrepartie de la suppression de 1.000 postes d'appelés. La
durée du volontariat est fixée à 5 ans maximum et la
durée de formation à 24 mois maximum.
A l'horizon 2002, les effectifs globaux du SMA devraient se stabiliser
à 2.600 environ.
La création de 500 postes de volontaires représente une
mesure nouvelle de 38,2 millions de francs en 1999.
2. Des incertitudes sur son efficacité
L'effort
budgétaire en faveur de la politique de l'emploi apparaît, en
première analyse, conséquent : augmentation sensible des
crédits, croissance du nombre de solutions d'insertion proposées,
reconduction des principaux dispositifs de formation.
Mais votre commission tient cependant à formuler certaines
réserves sur les orientations budgétaires en matière de
politique de l'emploi outre-mer. Elle regrette en effet que ces orientations ne
soient pas à la hauteur des enjeux et craint qu'elles ne soient lourdes
de menaces pour l'avenir
.
Ces réticences sont de cinq ordres.
•
Les effets pervers des emplois-jeunes
Votre commission déplore tout d'abord que le développement des
emplois-jeunes se fasse très largement au détriment des autres
mesures en faveur de l'emploi.
Alors que les crédits destinés
aux emplois-jeunes augmentent de 48 % dans le projet de loi de finances
pour 1999, la dotation budgétaire affectée aux autres dispositifs
d'insertion du FEDOM diminue, elle, de 2,2 %.
Les crédits destinés aux emplois-jeunes représenteraient
en 1999 25 % du total des crédits du FEDOM, alors que les
emplois-jeunes ne constitueraient que 6 % des nouvelles solutions
d'insertion proposées.
Votre commission estime que le développement des emplois-jeunes ne doit
pas se substituer aux mesures existantes, mais doit au contraire accompagner
leur extension dans un contexte de chômage croissant.
•
La réorientation critiquable de la politique de
l'emploi vers le secteur non marchand
Les aides à la création d'emplois dans le secteur marchand ne
représentent plus que 12 % des solutions d'insertion
proposées par le projet de loi de finances pour 1999 contre 31 %
pour la loi de finances initiale pour 1996
.
Une telle évolution apparaît dangereuse. Votre commission estime,
en effet, que la réponse durable au chômage ne passe pas par des
mesures transitoires de traitement social, mais par un effort de
créations d'emplois dans le secteur marchand avec le soutien de l'Etat.
Certes, votre commission constate que le Gouvernement a prorogé
jusqu'à la fin de l'année 1999 le régime des
primes
à la création d'emplois
en faveur des entreprises
exportatrices. Mais elle constate également qu'elles ne devraient
permettre que la création de quelque 350 emplois en 1998.
Certes, les
contrats d'accès à l'emploi (CAE)
ont
soulevé des problèmes d'application. D'une part, le coût
budgétaire du dispositif était lourd du fait de la montée
en charge progressive du dispositif. Le CAE permettait à l'employeur de
bénéficier d'une prime de 2.000 francs par mois et de
l'exonération de charges patronales pour chaque recrutement
supérieur à 12 mois d'une personne parmi les publics
prioritaires. Pour 16.500 CAE en cours de 1998, le coût
budgétaire total devrait atteindre 670 millions de francs, soit
près de la moitié des dépenses du FEDOM. D'autre part, le
CAE était critiqué car il se traduisait par d'importants effets
d'aubaine pour les employeurs.
C'est pourquoi l'article 28 de la loi n° 98-657 du
29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a
recentré les CAE vers les publics les plus en difficulté en
instaurant une modulation de l'aide afin de maîtriser le coût
budgétaire et de limiter les effets d'aubaine. La prime est
désormais modulée : 1.000 francs pour les personnes au
chômage depuis plus de 2 ans, 2.000 francs pour les personnes
au chômage depuis plus de trois ans.
Mais le Gouvernement estimait que ce recentrage du CAE risquait de se traduire
par une diminution de l'ordre de 30 % du recours à la mesure.
Or, dans son bilan de l'application de la loi Perben, le secrétariat
d'Etat à l'outre-mer affirmait que :
" Le contrat d'accès
à l'emploi répond, pour l'ensemble des secteurs de
l'économie des DOM, à la réalité du marché
du travail, tant du point de vue des employeurs que des demandeurs d'emploi. Il
s'avère être un outil efficace de lutte contre le chômage.
La raréfaction relative du CAE sur la fin de l'année 1997 a
gêné les recrutements et freiné l'activité de
l'ANPE "
.
Ce constat était fondé notamment sur le fait que le CAE
apparaît comme un moyen puissant d'insertion dans l'entreprise :
près de 80 % des CAE sont des contrats à durée
indéterminée et 91 % sont des contrats à temps plein.
Aussi, même si un recentrage du CAE était nécessaire pour
éviter certaines dérives, votre commission ne peut que regretter
l'absence de dispositif alternatif en faveur de l'emploi dans le secteur
marchand.
•
Un risque de stagnation et de précarisation des
solutions d'insertion proposées
Le projet de budget pour 1999 affiche un objectif ambitieux en matière
de politique. Il prévoit que le FEDOM financera 60.000 solutions
d'insertion nouvelles, contre 52.500 seulement prévues par la loi de
finances initiale pour 1998.
L'ambition affichée de cet objectif doit cependant être
relativisée.
D'une part, d'après les dernières précisions du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, 60.264 solutions
d'insertion nouvelles seront sans doute déjà
réalisées en 1998.
Le projet de budget pour 1999 marquerait
alors une stagnation du nombre de solutions proposées.
D'autre part, le budget pour 1999 prévoit une augmentation de
14,3 % du nombre de solutions alors que les crédits du FEDOM
n'augmentent que de 6,4 %. Cet écart masque alors une
diminution
de la durée effective moyenne des actions proposées
. C'est
notamment le cas pour les CES : l'augmentation du nombre de contrats en
1998 (34.000 réalisés pour 25.000 prévus) s'accompagne
d'une diminution de leur durée. La durée moyenne, passée
de 7 à 6 mois en 1997, devrait encore se réduire en 1998.
Votre commission exprime la crainte que l'augmentation du nombre de contrats
affichés par le projet de budget ne cache, en réalité, une
précarisation croissante de ceux-ci.
•
Un déséquilibre géographique pour la
répartition des crédits de la politique de l'emploi
outre-mer
Alors que les dotations en faveur de la politique de l'emploi dans les DOM et
à Saint-Pierre-et-Miquelon augmentent de 6,4 %, le budget pour 1999
ne prévoit qu'une simple reconduction, à hauteur de
35,4 millions de francs, des actions d'insertion dans les TOM et à
Mayotte.
•
Un impact négatif de la diminution des dotations du
FIDOM et du FIDES
Le projet de budget pour 1999 prévoit une diminution des subventions au
fonds d'investissement des DOM (FIDOM) et au fonds d'investissement pour le
développement économique et social (FIDES), en crédits de
paiement.
Les subventions de l'Etat au FIDOM passeront de 247,5 millions de francs
en 1998 à 198,7 millions de francs en 1999.
Les subventions de l'Etat au FIDES (section générale et section
des territoires) passeront, elles, de 137,8 millions de francs en 1998
à 130,4 millions de francs en 1999.
Il est donc à craindre que cette diminution de 14,6 % des dotations
au FIDOM et au FIDES ne se traduise par un impact négatif sur l'emploi,
dans la mesure où ces deux fonds exercent un effet d'entraînement
direct sur les économies locales.
3. Une réorientation nécessaire
En
dépit de l'augmentation sensible de l'effort budgétaire, il est
donc à craindre que la politique de l'emploi menée outre-mer
reste très en retrait par rapport à l'immense défi que
représente la progression inquiétante du chômage.
Dans ces conditions, votre commission estime que la politique de l'emploi et
de l'insertion doit faire très rapidement l'objet d'un
réaménagement afin d'accroître son efficacité.
L'analyse des causes du chômage outre-mer montre clairement que cette
réorientation doit se faire dans un double sens :
- l'amélioration de la formation professionnelle afin d'augmenter
les qualifications ;
- la baisse du coût du travail pour relancer l'activité.
En matière de qualification, une réorganisation de la politique
de formation est actuellement en cours au niveau recentralisé. Ainsi,
l'ANT commence à mettre en place les outils de gestion
prévisionnelle des emplois afin d'assurer une meilleure
adéquation entre l'offre de formation et les besoins économiques
des économies ultra-marines. De même, les AFPA des DOM, qui sont
indépendantes de l'AFPA métropolitaine depuis 1983, commencent
à se rapprocher de celle-ci afin de bénéficier de son
concours technique. Ces évolutions doivent se poursuivre.
Mais, si la formation professionnelle est très largement une
compétence régionale, c'est au niveau national que doit
être définie la politique de l'emploi.
Or, le dispositif issu de la loi Perben n'est applicable en l'état que
jusqu'en mars 2000.
M. Jean-Jack Queyranne a d'ores et déjà annoncé
à l'Assemblée nationale que ces dispositifs seront sans doute
prorogés, mais modifiés. Le ministre s'est ainsi fixé deux
objectifs : réorientation des dispositifs vers les jeunes et les
personnes les plus en difficulté et ciblage prioritaire des
exonérations fiscales et sociales sur les entreprises tournées
vers la production de biens et de services et vers l'exportation.
Votre commission souhaite que la révision de la loi Perben soit
l'occasion de repositionner l'ensemble de ce dispositif vers le secteur
marchand.
L'exemple des exonérations sectorielles de charges sociales
instituées par la loi Perben montre qu'une politique de baisse du
coût du travail peut relancer l'emploi dans le secteur privé.
Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer estime ainsi que ces mesures
ont permis la création de 4.000 emplois en 1996 sur un total de
11.000 emplois créés.
Il importe donc d'amplifier l'effet de ces exonérations.
Or, au 31 décembre 1996, seuls 4.489 établissements et
38.871 salariés bénéficiaient de cette
exonération, permettant d'alléger en moyenne de 18 % la masse
salariale. Seuls 57,4% des établissements éligibles
étaient effectivement exonérés.
L'amplification de l'effet des exonérations peut alors passer par deux
voies :
- l'extension des secteurs éligibles,
- la résorption des points de blocage existants, certaines
entreprises ne pouvant pas bénéficier des exonérations
alors qu'elles sont pourtant éligibles.
Au-delà de cette extension du dispositif d'exonération
sectorielle de charges sociales, d'autres pistes de réforme
méritent également d'être étudiées :
- extension du FEDOM à Mayotte où le chômage atteint
41 % ;
- mise en place d'un contrat d'insertion, dans le secteur marchand, moins
aidé que le CAE mais plus étendu.
II. LE RENFORCEMENT DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT
Le
logement social constitue la seconde priorité de la politique en faveur
de l'outre-mer.
La politique du logement social possède
trois
spécificités outre-mer
:
- Dans les territoires d'outre-mer, le logement social ne relève
pas de la compétence de l'Etat, mais de celle des provinces pour la
Nouvelle-Calédonie et du Territoire pour la Polynésie et
Wallis-et-Futuna.
- Dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, le
financement du logement repose sur une aide à la pierre forte.
L'ensemble des aides à la pierre est regroupé sur la ligne
budgétaire unique (LBU), ligne budgétaire totalement fongible,
qui laisse au niveau local des marges d'adaptation permettant de
répondre à la diversité des situations.
A ces crédits, s'ajoute une fraction importante de la créance de
proratisation du RMI.
Les financements mis en place concernent l'aide à l'accession, la
location ou l'amélioration.
L'aide à
l'accession
très sociale intervient grâce
au logement évolutif social (LES). L'aide à l'accession sociale
et intermédiaire se concrétise par la mise en oeuvre, à
l'été 1997, d'un prêt à taux zéro
spécifique à l'outre-mer en remplacement du prêt
spécial immédiat (PSI) du crédit foncier de France.
L'aide au
logement locatif
s'effectue par le biais du logement locatif
très social (LLTS), du logement locatif social, ou du logement locatif
intermédiaire. Pour cette dernière catégorie, le
prêt locatif intermédiaire (PLI) a été introduit
dans les DOM en remplacement de l'immeuble à loyer modéré
(ILM).
Enfin, l'aide à
l'amélioration
concerne la
réhabilitation du parc locatif social ou l'amélioration
réalisée par les propriétaires occupants.
- L'aide personnalisée au logement (APL) n'existe pas
outre-mer.
A. L'AUGMENTATION SOUTENUE DES CRÉDITS AU LOGEMENT INTERVIENT DANS UN CONTEXTE PRÉOCCUPANT
1. La situation très préoccupante du logement outre-mer
Cette
situation très préoccupante du logement tient à la
conjonction d'une
double insuffisance
du parc existant.
L'insuffisance est d'abord quantitative
. L'outre-mer connaît en
effet une véritable pénurie de logements.
Cette pénurie se vérifie par le constat d'une
suroccupation
manifeste du logement
. Alors qu'en métropole le taux d'occupation
(nombre moyen de personnes par logement) est de 2,6, il atteint 3,4 en
Guadeloupe et en Martinique, 3,5 en Guyane, 3,8 à La Réunion et
4,7 à Mayotte. Et la croissance démographique devrait encore
accentuer ce phénomène.
On estime ainsi à 170.000 le nombre de logements qu'il faudrait
construire
pour parvenir à une situation équivalant à
celle de la métropole et cela sans tenir compte de la croissance
démographique. Cela représente déjà plus de 16 ans
de construction aidée au rythme actuel.
Mais l'insuffisance est aussi qualitative
. L'offre de logement est
très largement inadaptée aux besoins des populations d'outre-mer.
Cette inadaptation est d'ailleurs paradoxale :
le logement est à la
fois trop cher et largement insalubre.
La pénurie de logement se traduit par une
cherté excessive des
loyers et une hausse sensible du coût de la construction et du
foncier
. Dans ces conditions, le coût du logement rend
particulièrement délicat l'accès au logement par les
familles du fait de la faiblesse des revenus des ménages : 80 % des
ménages ont en effet des ressources inférieures aux plafonds du
logement social. Les familles peuvent alors difficilement se loger dans le parc
privé alors que l'offre de logement social reste restreinte.
Parallèlement, le logement outre-mer est massivement victime
d'insalubrité ou de précarité.
On peut ainsi
évaluer à près de 60.000 le nombre de logements insalubres
à Mayotte et dans les DOM, soit 12 % du parc total
. De plus,
30 % du parc est précaire ou dépourvu
d'éléments de confort.
Votre rapporteur estime tout particulièrement choquant et inacceptable
l'existence de véritables bidonvilles sur le territoire de la
République.
2. Des orientations positives
•
Un effort budgétaire important
Face à ces besoins, le projet de loi de finances pour 1999 propose un
effort budgétaire important.
Ainsi, les crédits de la LBU passeront, en crédits de paiement,
de 568,5 à 897,4 millions de francs, soit une croissance de 58 %.
L'effort budgétaire total atteindra 1,507 milliard de francs
après abondement d'une partie de la créance de proratisation du
RMI.
Evolution de la LBU*
(en millions de francs)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Crédits de paiement délégués ou mandatés |
1.332 |
1.252 |
1.092 |
1.420 |
1.284 |
1.153 |
1.507 |
* y
compris la créance de proratisation du RMI
Cet effort budgétaire devrait permettre le financement de
19.100 logements.
Cela représenterait
11.800 constructions neuves
aidées,
qu'il s'agisse d'accession ou de locatif.
Nombre de logements neufs financés grâce à l'aide de l'Etat
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998(*) |
1999(**) |
Guadeloupe |
2.203 |
2.736 |
2.671 |
2.898 |
2.765 |
2.406 |
2.329 |
ND |
Martinique |
2.022 |
2.509 |
2.140 |
2.344 |
2.082 |
2.346 |
2.105 |
ND |
Guyane |
1.256 |
1.293 |
865 |
815 |
875 |
1.120 |
983 |
ND |
Réunion |
3.970 |
4.772 |
5.229 |
4.532 |
4.742 |
4.100 |
4.870 |
ND |
Mayotte |
441 |
606 |
1.006 |
993 |
908 |
1.020 |
1.200 |
ND |
TOTAL |
9.892 |
11.916 |
11.911 |
11.582 |
11.372 |
10.992 |
11.487 |
11.800 |
* :
estimations
** : objectif budgétaire
Cet effort vise également à relancer les
opérations
d'amélioration, de réhabilitation et de résorption de
l'habitat insalubre. 7.300 opérations
sont prévues, dont
5.000 d'amélioration ou de réhabilitation. Le programme physique
est donc ambitieux car, en 1997, seuls 2.450 logements avaient
été améliorés ou réhabilités.
Au-delà de la seule augmentation des crédits, cet effort
budgétaire s'accompagne d'une
démarche de simplification et
d'accélération des procédures d'attribution des
subventions
afin d'améliorer sensiblement le taux de consommation
effectif des crédits inscrits en loi de finances initiale.
•
Une réforme en cours de la politique au logement
outre-mer
Pour répondre à l'importance des besoins et pour résoudre
l'inadaptation de l'offre, une réforme de la politique du logement est
également engagée.
Cette réforme en cours suit trois directions : une meilleure prise en
compte des plus défavorisés, un élargissement de la gamme
des produits et la mise en place d'une politique foncière plus
cohérente.
- l'action en faveur du logement des plus défavorisés
La loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions contient certaines dispositions s'appliquant à la politique
du logement outre-mer destinées à la fois à faciliter
l'accès et le maintien dans le logement des plus
défavorisés et à mieux garantir les organismes de
logements sociaux.
Ces dispositions visent notamment l'extension aux sociétés
d'économie mixte (SEM) intervenant dans le domaine du logement social de
mesures s'appliquant aux organismes HLM.
Ces dispositions portent :
- extension aux SEM des départements d'outre-mer du délai de
4 mois dans le cadre de la prévention des expulsions -
article
66 de la loi
.
- extension également aux SEM des départements d'Outre-mer
des dispositions relatives à l'attribution des logements locatifs
sociaux leur appartenant et ayant bénéficié d'aide de
l'Etat.
- extension aux SEM des départements d'outre-mer du
bénéfice de l'allocation-logement en tiers-payant -
article
116 de la loi
.
- extension aux SEM des départements d'outre-mer de la
faculté de louer des logements à des associations qui les
sous-louent à titre temporaire notamment à des personnes en
difficulté -
article 66 de la loi.
- extension de l'exonération de l'enquête pour le
supplément de loyer de solidarité aux bénéficiaires
de l'allocation-logement des DOM (les bénéficiaires de l'APL en
métropole étaient exonérés) -
articles 56 et 57
de la loi.
Ces différentes dispositions permettent de prendre en compte le fait que
plus des deux tiers du parc de logements sociaux dans les DOM appartiennent
à des sociétés d'économie mixte. Elles permettront
ainsi une meilleure prévention des exclusions en sécurisant
davantage les locations de logements sociaux. La dernière disposition
ci-dessus permettra de supprimer une formalité coûteuse et inutile.
- l'élargissement de la gamme des produits
Afin de répondre à une demande en évolution et de
favoriser la mobilité des occupants entre différents types de
logements, le Gouvernement estime nécessaire de compléter cette
gamme qui couvre déjà l'accession et le locatif pour des
catégories dites intermédiaires, sociales ou très
sociales.
Deux nouveaux produits sont donc actuellement à
l'étude
: le "
logement en accession
différée
" qui pourra être acquis après 10
ans de location par des ménages sociaux ou très sociaux ; et le
"
logement locatif social de transition
" qui serait
réservé à la frange de population juste au-dessus des
plafonds du logement locatif social (LLS) et ne pouvant entrer dans du locatif
intermédiaire trop onéreux.
Cette réforme en cours répond assez largement aux propositions
que votre commission avait formulées l'an passé.
Constatant l'inadaptation de produits comme le logement évolution social
(LES) en accession ou le logement locatif social (LLS) en location, votre
commission s'était prononcée en faveur d'un élargissement
de la gamme des produits afin de mieux prendre en compte les
spécificités de la demande.
Ainsi, en accession, le "
logement en accession
différée
" serait une alternative au LES tandis qu'en
location le "
logement locatif social de
transition
"
devrait permettre de libérer des LLS en faveur des familles les plus
démunies.
- la politique foncière
Conscient que le coût du foncier équipé constitue un
obstacle majeur à une plus forte construction de logements sociaux, (il
représente environ 15 % du coût de revient total de la
production de logement), le Gouvernement propose également de
réviser la politique foncière.
Déjà, en 1990, le rapport Ripert
2(
*
)
constatait que "
l'absence de plan
d'occupation des sols, une application laxiste de la législation
relative aux permis de construire, la médiocrité des
réserves foncières affectent la mise en oeuvre d'une
véritable politique de l'habitat
".
Le Gouvernement, se fondant sur l'expérience de la Réunion,
propose donc la création d'un fonds régional d'aménagement
foncier et urbain (FRAFU) dans chaque DOM et à Mayotte. Ces fonds,
gérés en partenariat par l'Etat, les collectivités et les
opérateurs, seraient chargés de mettre en oeuvre une politique
foncière locale devant permettre à la fois d'exercer un effet
modérateur sur les coûts et de constituer des réserves
foncières pour le moyen et long terme.
Là encore,
cette réforme répond à un souhait
exprimé l'an dernier par votre commission
qui estimait que
"
la création d'un établissement public foncier entre
l'Etat, la région, le département et les communes constituerait
un outil privilégié d'une politique foncière à
moyen ou long terme
".
B. L'ADAPTATION DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT DOIT CEPENDANT ÊTRE APPROFONDIE
1. Un budget qui reste insuffisant
En
dépit de l'effort proposé, le budget et, plus
généralement, la politique du logement pour l'outre-mer, restent
insuffisants pour permettre à l'outre-mer de combler son retard.
En premier lieu,
les objectifs fixés restent peu ambitieux par
rapport aux besoins
.
Ainsi, en matière de construction, le budget prévoit la
construction de 11.800 logements neufs alors qu'on estime les besoins à
170.000 logements. A ce rythme, il faudrait donc près de 15 ans pour
résorber les besoins existants.
De même, en matière de résorption de l'habitat insalubre
(RHI), l'effort budgétaire a doublé passant de 19,2 millions
de francs à 38,4 millions de francs en crédits de paiement
en 1999, hors part de la créance de proratisation du RMI. Mais, au
rythme actuel, il faudrait plus de 20 ans pour résorber l'habitat
insalubre dans les DOM alors que celui-ci a tendance à s'étendre
du fait de la croissance démographique et de la fragilisation
financière des ménages.
En second lieu,
les réformes en cours, bien qu'orientées dans
la bonne direction, risquent d'avoir des effets incertains
.
Ainsi, en matière de politique foncière, l'expérience de
la Réunion marque les limites des fonds d'aménagement foncier.
Dans la mesure où ces fonds mettent à contribution les
collectivités territoriales et les opérateurs du logement social,
ils se heurtent par là-même à la contrainte
budgétaire, car la situation financière des collectivités
et des opérateurs est très fragile outre-mer. La mise en place
des FRAFU doit donc se doubler d'un renforcement de leurs moyens pour qu'ils
puissent être réellement efficaces.
En matière d'élargissement de la gamme des produits, on peut
craindre que le "
logement en accession
différée
" ne se focalise sur un habitat de type
" maison individuelle ". Or, cet habitat est fortement consommateur
de foncier, ce qui contribue alors au renchérissement des coûts.
On risque alors d'aboutir à de nombreux échecs dans le parcours
d'accession, les ménages n'ayant pas les moyens financiers suffisants
pour passer de la phase location à la phase accession.
De la même manière, le "
logement locatif social de
transition
" ne pourra désengorger le parc social que si le
loyer est plus proche des loyers du parc social que les loyers du logement
intermédiaire.
2. Des adaptations nécessaires
Votre
commission estime que la réforme en cours de la politique du logement
-qui est exclusivement une réforme des aides à la pierre- ne sera
efficace que si elle s'accompagne d'une réforme des aides à la
personne.
La solvabilité des ménages reste en effet très
insuffisante pour leur permettre d'obtenir un accès durable au logement.
Or, les conditions d'attribution de l'allocation logement -à
caractère familial ou social- restent très strictes.
Ainsi, pour ouvrir droit à une allocation logement, le logement
concerné doit répondre à certaines normes
d'hygiène, de salubrité et d'occupation, la mauvaise
qualité du parc et la cohabitation fréquente de plusieurs
ménages dans un même lieu écartant alors souvent beaucoup
de familles du bénéfice de l'allocation.
Dans ces conditions, une meilleure solvabilisation des ménages par une
réforme des aides à la personne devrait permettre de garantir un
meilleur accès au logement pour les familles, mais pourrait
également relancer l'effort de construction, en limitant le risque
pesant sur les opérateurs.
III. LE RETARD DE LA POLITIQUE DE SOLIDARITÉ
La
politique de solidarité envers l'outre-mer prend une double forme :
- la lutte contre les exclusions ;
- la politique d'égalité sociale.
Or, dans ces deux domaines, force est de constater que la politique de
solidarité prend du retard :
- la progression du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion
(RMI) témoigne des difficultés croissantes d'insertion sociale de
nos compatriotes d'outre-mer ;
- la politique d'égalité sociale est au point mort depuis
1996.
A. L'INSERTION DES PERSONNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ RESTE TRÈS DÉLICATE
1. La progression du nombre d'allocataires du RMI
•
Les spécificités du RMI outre-mer
L'article 51 de la loi du 1er décembre 1988 a prévu l'application
aux DOM du RMI "
selon les modalités particulières
d'application... dans le respect des principes mis en oeuvre en
métropole
".
Ces modalités particulières d'application sont au nombre de trois
:
- le montant de l'allocation du RMI dans les DOM est inférieur de
20 % au montant métropolitain. Cette différence se
justifiait principalement par le souci de ne pas inciter au travail non
déclaré ou au non-travail ;
- la différence entre les allocations versées dans les DOM
et le montant qu'elles auraient atteint si le barème
métropolitain avait été appliqué correspond
à la créance de proratisation du RMI. Cette créance est
utilisée au financement d'actions d'insertion et au financement du
logement ;
- la loi Perben a institué les agences départementales
d'insertion (ADI) chargées d'assurer l'insertion des allocataires au RMI.
•
Le nombre d'allocataires du RMI continue à
augmenter
Fin décembre 1997, on compte 111.305 allocataires du RMI, soit une
progression de 4,3 % en moyenne par an.
Même si cette progression est plus lente qu'en métropole,
où le nombre d'allocataires a augmenté de 5,9 % en 1997,
elle demeure préoccupante pour deux raisons :
- cette progression est continue depuis 1993, alors que le nombre de
bénéficiaires s'était stabilisé entre 1990 et 1993 ;
- la population vivant du RMI (allocataires et ayant-droits) est d'environ
233.000 personnes, soit près de 15 % de la population des DOM
contre 3 % en métropole.
Nombre d'allocataires du RMI(1)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Progression96/97 |
Martinique |
18.525 |
20.696 |
22.200 |
24.226 |
24.991 |
+ 3,2 % |
Guadeloupe |
26.455 |
26.387 |
ND |
23.892 |
24.278 |
+ 1,6 % |
Guyane |
6.565 |
7.004 |
7.304 |
7.674 |
7.910 |
+ 3,1 % |
Réunion |
44.810 |
50.946 |
51.310 |
50.876 |
54.126 |
+ 6,4 % |
Total DOM |
96.335 |
105.033 |
ND |
106.668 |
111.305 |
+ 4,3 % |
(1)
Chiffres au 31 décembre
Il semble cependant que le premier semestre de 1998 se traduise par une
légère amélioration, le nombre de foyers d'allocataires
passant à 105.705 au 1
er
juillet.
L'allocation mensuelle moyenne versée était de 1.643 francs en
1997, l'allocation mensuelle de base pour un allocataire seul s'élevant
à 1.943 francs maximum.
Les dépenses d'allocations s'élevaient à
2.200 millions de francs en 1997.
2. Une amélioration de l'insertion cependant
•
La réforme des agences départementales
d'insertion
La loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 s'était fixée pour
objectifs principaux :
- de favoriser la reprise d'activité des
bénéficiaires du RMI en développant les
possibilités d'insertion professionnelle, notamment par la
création des contrats d'insertion par l'activité (CIA) ;
- d'améliorer la définition et la mise en oeuvre d'une
politique d'insertion couvrant les différents domaines de l'emploi, de
la formation professionnelle, du logement, de la santé, de l'action
sociale et de la lutte contre l'illetrisme ;
- d'optimiser le fonctionnement du dispositif d'insertion du RMI et la
gestion de ses moyens humains et financiers.
Pour cela, a été créée dans chaque DOM une agence
d'insertion (ADI), à l'origine établissement public national
à caractère administratif, placé sous tutelle du ministre
chargé de l'outre-mer, qui se substituait au conseil
départemental d'insertion.
Administrée par un conseil d'administration coprésidé par
le préfet et le président du conseil général,
dirigée par un directeur auprès de qui est placé un
comité d'orientation, l'ADI est chargée d'élaborer le
programme départemental d'insertion (PDI) et le programme annuel de
tâches d'utilité sociale (PATUS), d'en animer et piloter la
réalisation, de coordonner l'activité des commissions locales
d'insertion, de développer le partenariat, et d'assurer la gestion des
personnels intervenant dans le dispositif d'insertion du RMI.
L'ADI est, par ailleurs, l'employeur unique des bénéficiaires du
RMI recrutés en CIA.
En 1998, le budget initial des ADI s'élève à
865,5 millions de francs en progression de 6,6 % et regroupe les
crédits suivants :
- Etat : 371,3 millions de francs, dont 192,2 millions de francs
pour la part insertion de la créance 1998 et 179,1 millions de
francs provenant de la participation de l'Etat aux contrats d'insertion par
l'activité (CIA) ;
- Département : 460,5 millions de francs dont
359,9 millions de francs pour l'obligation légale et
100,6 millions de francs pour les créances antérieures ;
- Autres (communes, associations) : 11,7 millions de francs ;
- Fonds social européen : 8,1 millions de francs ;
- Fonds de roulement : 13,9 millions de francs.
Plusieurs reproches ont été avancés, notamment par les
élus locaux, à l'encontre de ce dispositif de lutte contre
l'exclusion spécifique aux départements d'outre-mer, et en
particulier :
- une remise en cause des principes fondamentaux de la
décentralisation ;
- une trop grande complexité des procédures administratives
et budgétaires imposées par les textes réglementaires.
Le système devait donc évoluer, dans le sens d'une plus grande
déconcentration des décisions et d'une meilleure prise en compte
du rôle des élus d'outre-mer, par la mise en place d'un cadre de
fonctionnement rénové, permettant néanmoins à ces
établissements publics de demeurer l'instrument partenarial
privilégié de l'Etat et du département dans la lutte
contre l'exclusion.
La loi n° 98-657 du 28 juillet 1998 a donc transformé les
ADI en établissements publics locaux.
Cette évolution institutionnelle a pour effet de réduire
sensiblement la tutelle du ministère chargé de l'outre-mer et du
ministère chargé du budget, d'accroître le rôle des
autorités locales et d'alléger les procédures
administratives, jugées jusqu'ici lourdes et complexes.
•
Les progrès de l'insertion
Votre commission avait souligné, l'année dernière,
l'efficacité encore trop limitée des ADI, en regrettant que moins
de 20 % des allocataires du RMI bénéficiaient d'un dispositif
d'insertion en 1996.
L'année 1997 marque un redressement sensible de l'action des ADI,
notamment grâce à un recours plus fréquent aux CIA.
Au total, sur l'année, sur 111.305 bénéficiaires du
RMI, 28.086 d'entre eux sont entrés dans une des mesures pour l'emploi,
soit 26 % du total.
Année |
Nombre de bénéficiaires du RMI entrés dans les mesures pour l'emploi |
1991 |
16.721 |
1992 |
31.138 |
1993 |
16.964 |
1994 |
13.717 |
1995 |
15.556 |
1996 |
22.113 |
1997 |
28.086 |
En 1997, les entrées dans les différentes mesures pour l'emploi se répartissent de la façon suivante :
Mesures pour l'emploi |
Nombre
d'entrées de bénéficiaires RMI
|
Nombre
d'entrées de bénéficiaires RMI
|
Contrat emploi-solidarité (conventions initiales) |
8.864 |
5.210 |
Contrat emploi-consolidé (conventions initiales) |
530 |
673 |
Contrat d'insertion par l'activité |
9.094 |
19.592 |
Contrat d'accès à l'emploi |
1.593 |
1.283 |
Stage d'insertion et de formation à l'emploi |
2.032 |
1.328 |
TOTAL |
22.113 |
28.086 |
Ces
résultats restent bien sûr insuffisants, mais constituent un
progrès notable qui semble se confirmer en 1998.
Il n'en reste pas moins que l'action d'insertion des ADI reste fragile. La
principale faiblesse en matière de politique d'insertion des personnes
les plus en difficulté reste bien évidemment l'insertion
professionnelle durable dans le secteur marchand.
B. LA POLITIQUE D'ÉGALITÉ SOCIALE DOIT ÊTRE POURSUIVIE
1. Un effort inachevé
La
politique d'égalité sociale vise à réduire
progressivement les disparités en matière de droits sociaux et de
protection sociale qui existent entre les DOM et la métropole.
Consacrée par la loi de programme du 31 décembre 1986
relative au développement des DOM, relancée par les propositions
des commissions Rivierez en 1987 et Ripert en 1990, réaffirmée
par le Président de la République en 1995,
la politique
d'égalité sociale est cependant au point mort depuis deux ans.
•
Les principales étapes de la politique
d'égalité sociale
La loi du 31 juillet 1991
a prévu
l'alignement des
allocations familiales
des DOM sur la métropole, mais a maintenu les
allocations familiales au premier enfant ainsi que les majorations pour
âge correspondantes. L'alignement est effectif depuis le
1
er
juillet 1993.
La loi du 25 juillet 1994
relative à la famille a
étendu aux DOM l'allocation pour garde d'enfants à domicile
(
AGED
) avec application au 1
er
janvier 1995.
Les décrets n° 95-1202 et n° 95-1203 du
6 novembre 1995
ont aligné
l'allocation de soutien familial
(ASF) et la prime de déménagement
sur les montants
métropolitains à compter du 1
er
septembre 1995.
Au 1
er
janvier,
l'alignement complet du SMIC
des DOM sur
le niveau métropolitain a été réalisé.
L'écart existant a été comblé par deux
revalorisations successives : une au 1
er
juillet 1995, une au
1
er
janvier 1996.
Enfin,
la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant diverses
dispositions relatives à l'outre-mer
a permis d'étendre aux
DOM, dans les mêmes conditions qu'en métropole,
l'allocation
pour jeune enfant
(APJE) et
l'allocation parentale
d'éducation
(APE).
Le coût de l'alignement des prestations familiales a
représenté environ 600 millions de francs.
•
Les entorses existantes au principe d'égalité
sociale
A l'heure actuelle, quatre prestations sociales restent moins favorables dans
les DOM qu'en métropole.
Il s'agit :
- du
RMI
, qui est inférieur de 20 % ;
- de
l'allocation de parent isolé
(API). Il s'agit d'un
revenu minimum garanti dont le montant est de 3.198 francs par mois avec
1.066 francs supplémentaires par enfant à charge. Dans les
DOM, le montant n'est que de 1.797 francs par mois avec 599 francs
par enfant à charge ;
- du
complément familial
(CF). Son montant est de
888 francs en métropole contre 507 francs seulement dans les
DOM ;
- de
l'aide personnalisée au logement
(APL), qui n'existe
pas dans les DOM.
2. Une politique à poursuivre
Votre
commission estime que la politique d'égalité sociale doit
aujourd'hui se poursuivre par l'alignement des montants de l'API et du
complément familial.
Généralement,
trois sortes d'arguments
sont avancés
pour justifier la non-extension ou le non-alignement de certaines prestations
sociales dans les DOM.
D'une part, le
caractère nataliste des prestations familiales
imposerait une démarche d'alignement très prudente pour ne pas
alimenter plus encore la croissance démographique des DOM.
D'autre part, l'alignement des prestations sociales inciterait la population
des DOM à ne plus travailler et à se réfugier dans un
assistanat
nocif.
Enfin, l'inégalité de traitement se justifierait par la
disparité des niveaux de vie
.
Ces trois idées reçues sont contestables.
S'agissant de l'impact nataliste, force est de constater que le processus
d'alignement des prestations familiales n'a pas relancé la
natalité outre-mer depuis le début des années 1990. La
forte croissance démographique naturelle des DOM ne s'explique pas par
un taux de fécondité supérieur, mais avant tout par la
proportion bien plus élevée de femmes en âge d'avoir des
enfants et par le faible taux de mortalité. Les taux de
fécondité se sont en effet rapprochés des taux
métropolitains. Alors que, dans les années 1960, le nombre de
naissances par femme était supérieur à 5 aux Antilles et
à 6 à la Réunion, l'indice synthétique de
fécondité était, en 1995, de 1,7 en Martinique, de 2
à la Guadeloupe et de 2,3 à la Réunion contre 1,7 en
métropole. Seule la Guyane connaît une fécondité
sensiblement supérieure à la métropole avec un taux de
3,6. L'alignement des prestations familiales ne peut non plus alimenter
l'immigration illégale car elles restent soumises à un
critère de présence régulière sur le territoire.
S'agissant de l'assistanat, votre rapporteur tient à souligner que nos
compatriotes d'outre-mer ne sont pas les assistés que certains se
plaisent à décrire. Ainsi, une récente enquête de
l'INSEE
3(
*
)
montre que
la part des revenus
sociaux
(retraite, chômage, aide au logement, handicap, RMI,
prestations familiales)
est plus forte en métropole qu'outre-mer. Ils
représentent, en effet, 29,6 % des revenus totaux en métropole
contre 27,2 % dans les DOM
. Cette situation s'explique très
largement par la faible proportion de ménages percevant des retraites,
la population des DOM étant bien plus jeune que celle de la
métropole : seuls 26,6 % des ménages percevaient une
retraite dans les DOM contre près de 38 % en métropole en
1995.
Enfin, on assiste actuellement à un alignement progressif des niveaux de
vie entre les DOM et la métropole. Ainsi, en 1995, le revenu
médian par ménage s'établissait à
123.000 francs après impôts contre 143.000 francs en
métropole (hors Paris), soit une différence de 14 %. La
convergence des niveaux et des modes de vie plaide donc en faveur de la
poursuite de l'alignement des prestations.
Dans ces conditions, la poursuite de la politique d'égalité
sociale relève bien plus de l'équité que de
l'assistanat.
Reste alors à définir les modalités de cette politique.
Dans un premier temps, votre commission ne juge pas souhaitable
d'étendre l'APL aux DOM et d'aligner le RMI sur le niveau de
métropole
.
L'extension de l'APL
se heurte d'emblée à la contrainte
budgétaire. Plus de 38 milliards de francs ont en effet
été dépensés pour l'APL en 1997. En outre, on a
vu
4(
*
)
qu'une réforme de l'allocation
logement devrait permettre une meilleure solvabilisation des ménages
pour l'accès au logement.
L'alignement du RMI
soulève également des
problèmes. Certes, le relèvement du SMIC rend le RMI moins
" attractif ". Il n'en reste pas moins que le RMI continue d'exercer
un effet désincitatif sur le travail régulier. On rappellera,
à ce propos, que l'INSEE estime que, dans les DOM, environ 30 % des
allocataires du RMI exercent parallèlement une activité
informelle.
De plus, l'alignement du RMI aurait pour conséquence directe de
supprimer la créance de proratisation du RMI, destinée justement
à compenser son moindre montant. Or, la suppression de la créance
se traduirait par une mise en péril des dispositifs d'insertion (elle
représente près du quart du budget des ADI) et par une
très forte diminution des crédits de la LBU.
En revanche, votre commission est favorable à un alignement de l'API
et du complément familial
.
L'API
est un minimum social servi sous condition de ressources aux
personnes vivant seules et ayant au moins un enfant à charge ou aux
femmes seules enceintes. Elle est versée pendant une période
maximale de 12 mois ou bien jusqu'à ce que le dernier enfant ait
atteint l'âge de trois ans.
L'alignement de l'API apparaît d'autant plus nécessaire qu'il
permettrait de répondre à des situations de grande
détresse. Votre rapporteur souhaite attirer notamment l'attention sur la
situation de total dénuement de certaines jeunes femmes en rupture
familiale, ne pouvant toucher le RMI.
Au 31 décembre 1996, 14.000 personnes toucheraient l'API dans
les DOM pour un montant total de 212 millions de francs. L'alignement de
l'API devrait se traduire par un surcoût inférieur à
200 millions de francs.
Votre commission, rappelant que le Gouvernement avait justifié en 1996
l'absence d'alignement de l'API par la situation financière de la
branche famille, réaffirme son souhait d'un alignement de l'API.
Le complément familial
est une allocation versée sous
condition de ressources aux familles, mais le champ d'application et le montant
du complément familial diffère entre les DOM et la
métropole. Dans les DOM, le complément familial atteint
507 francs et est versé aux familles ayant un ou plusieurs enfants
à charge de 3 à 5 ans. En métropole, le
complément familial atteint 888 francs et est servi aux familles
qui ont la charge d'au moins trois enfants tous âgés de plus de
3 ans.
Sans forcément harmoniser le champ d'application du complément
familial (dans la mesure où celui-ci prend bien souvent la succession de
l'API dans les DOM), un alignement des montants semble envisageable à
court terme, comme le proposait le rapport de la commission Ripert dès
1990.
*
En
conclusion, votre commission prend acte de l'évolution favorable des
crédits pour l'outre-mer. Elle estime également que les
priorités retenues par le Gouvernement (emploi et logement)
correspondent effectivement aux besoins les plus pressants.
En revanche, elle regrette l'absence de mesures nouvelles notamment en
matière d'égalité sociale et s'inquiète de
l'orientation de la politique de l'emploi.
Dans ces conditions, elle décide de s'en remettre à la sagesse
de la Haute Assemblée quant à l'adoption des crédits
consacrés à l'outre-mer par le projet de loi de finances pour
1999.
1
Voir tableau.
2
Jean Ripert : " L'égalité sociale et le
développement économique dans les DOM ", rapport au ministre
des DOM-TOM
3
INSEE Première n° 605 - Septembre 1998.
4
Cf. II.