III. UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE PLEIN D'INCERTITUDES
A. AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
Le rapport d'information de la mission relative à l'avenir de la Politique agricole commune présenté au nom de la Commission des affaires économiques par nos collègues, MM. Philippe François, Président, Marcel Deneux et Jean-Paul Emorine, rapporteurs, a parfaitement résumé le contenu de la réforme communautaire, ses tenants et ses aboutissants ainsi que les propositions du Sénat. Votre rapporteur pour avis ne reviendra donc pas, dans le détail, sur cette réforme. Il tient néanmoins à effectuer un bilan des négociations depuis le mois de juin dernier, à présenter le " paquet prix " et préciser l'évolution des derniers dossiers " hors PAC ".
1. L'évolution des dossiers agricoles les plus récents
Lors du Conseil agricole du mois de juin dernier, les ministres de l'agriculture de l'Union européenne sont parvenus, outre le " Paquet Prix ", à un accord sur plusieurs points.
a) La fixation du taux de jachère à 10 %.
Le
régime de jachère prévoit que les producteurs de certaines
cultures arables peuvent bénéficier d'un paiement compensatoire
à l'hectare s'ils retirent un pourcentage de terres de la production qui
leur est payée 68,83 écus/tonne. La fixation de ce taux pour
la campagne 98/99 a suscité de nombreux débats. Le Royaume-Uni
prônait un taux de 5 % tout au plus, l'Allemagne et l'Autriche
préconisant en revanche un taux supérieur à 5 % pour
alléger la pression de l'intervention et, de façon plus
générale, les charges budgétaires et penchaient donc pour
le chiffre proposé de 10 %. La France estimait, quant à
elle, qu'un taux de 10 % était beaucoup trop élevé.
Rappelons que les propositions de réforme de la politique agricole
commune, telles que la Commission les a énoncées dans le cadre de
l'Agenda 2000, préconisent un gel des terres obligatoire
" à taux zéro ", ce qui permet de négocier
annuellement le taux qui correspond au mieux aux récoltes et aux
conditions du marché. Les projets de l'Agenda 2000 envisagent, par
ailleurs, de maintenir le taux de gel volontaire, pendant cinq ans, moyennant
une même contrepartie financière. Sur les quatre millions
d'hectares qui ont été retirés de la production durant
l'actuelle campagne de commercialisation, la moitié l'a
été au titre de ce régime volontaire.
Le Commissaire chargé de l'agriculture, M. Franz Fischler, a
expliqué que la baisse des prix du blé, conjuguée à
une compensation incomplète des agriculteurs, permettrait de mieux
équilibrer l'offre et la demande. La fin de l'actuelle campagne
(1997/1998) se caractérise par un niveau peu élevé des
prix sur le marché intérieur et sur le marché mondial et
une augmentation des stocks d'intervention -environ 15 millions de tonnes
d'ici la fin juin. Les perspectives pour la récolte de 1998 sur la base
des prévisions actuelles font état de niveaux de production
analogues à ceux de l'an dernier soit plus de 200 millions de
tonnes. Aucun changement spectaculaire n'étant envisagé au niveau
de la consommation des céréales, et avec un marché mondial
qui reste relativement peu actif et des perspectives d'excédents
à compter de la récolte 1998, il existerait, selon lui, donc un
risque sérieux que les stocks d'intervention atteignent un niveau
élevé, estimé à près de 30 millions de
tonnes d'ici juin 2000. Compte tenu de toutes les variables
déterminant l'impact d'une augmentation du taux de gel des terres sur la
production telles qu'une réduction importante du gel volontaire, la
Commission européenne a considéré qu'une augmentation de
5 % était nécessaire afin d'éviter une augmentation
importante des stocks d'intervention au-delà du niveau de
20,5 millions de tonnes prévu pour la fin de la campagne 1998/1999.
Après de longues négociations, ont été
adoptées les propositions de la Commission augmentant les superficies
gelées de 1,5 million de tonnes et diminuant la production de
8 millions de tonnes -soit un taux de jachère fixé à
10%-.
EVOLUTION DU TAUX DE JACHÈRE
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
15 % |
20 % |
17 % |
10 % |
5 % |
5 % |
10 % |
La
suspension du " gel extraordinaire " pour 1999/2000 constitue
néanmoins une avancée importante pour la France qui
échappera à une jachère supplémentaire non
indemnisée de 3 à 10 % selon les types de
céréales.
Votre rapporteur pour avis insiste sur l'importance pour la Commission de
veiller à exporter un volume maximal de céréales au cours
des deux prochaines campagnes, en recourant aux quotas d'exportations
subventionnées, comme l'Union européenne est en droit de le faire
au titre des accords du GATT de 1994 en matière agricole.
b) L'OCM " Huile d'olive "
La
mission sénatoriale relative à l'avenir de la PAC a
regretté l'absence de prise en compte des productions
méditerranéennes dans la réforme de la PAC.
Après de très nombreuses discussions, les mesures suivantes ont
été adoptées, l'Espagne réussissant à
infléchir la position de ses partenaires
22(
*
)
:
Application du régime transitoire approuvé par les Quinze, du
1er novembre 1998 au 31 octobre 2001, sur la base d'une
proposition présentée par la Commission, dès que des
données sur le nombre d'arbres et les surfaces cultivées seront
disponibles.
Fixation de la quantité maximale garantie (QMG) à
1.777.261 tonnes (soit + 13,75 % par rapport à la
proposition de la Commission et + 31,6 % par rapport à la QMG
actuelle). Elle est repartie comme suit : Espagne quantité
nationale garantie (QNG) de 760.027 tonnes (+ 21,6 % par rapport
à la proposition de la Commission), Italie : 543.164
(+ 8,4 %), Grèce : 419.529 (+ 7,8 %),
Portugal : 51.244 (+ 16,7 %), France : 3.297 (+ 7,5 %).
Aide à la production réservée à l'huile provenant
d'oliveraies existant au 1er mai 1998, à l'exception de celles
s'inscrivant dans un plan approuvé par la Commission. Suppression de
l'aide aux petits producteurs et de l'aide à la consommation.
Si la production effective d'un Etat membre est inférieure à sa
QNG pour une campagne de commercialisation donnée : 20 % de la
différence est répartie, pour la même campagne, de
commercialisation, entre les Etats membres qui ont dépassé leur
QNG pendant cette campagne-là, proportionnellement à cette
QNG ;
80 % sont ajoutés à la QNG de l'Etat membre concerné
pour la campagne suivante uniquement.
Prise en compte, dans la fixation des QNG ultérieures, de programmes de
plantations d'oliviers au Portugal (30.000 hectares), en France (3.500) et
en Grèce (3.500).
Sous réserve d'approbation par la Commission, possibilité pour
les Etats membres de consacrer certaines des ressources qui leur sont
attribuées à des mesures de soutien en faveur des olives de table.
La section oléicole du Sénat, présidée par notre
collègue Marcel Vidal, ne manquera pas d'examiner dans les semaines
à venir les répercussions pour la France de ces
décisions.
c) La réforme de l'OCM " bananes "
Votre
rapporteur pour avis vous renvoie au rapport de notre collègue
M. Jean Huchon, relatif à la réforme de l'OCM
" banane "
23(
*
)
sur ce
dossier.
Rappelons que la refonte de l'OCM mise en place en 1993 avait été
rendue indispensable en raison de la condamnation de l'Union européenne
par l'OMC, en septembre 1997, pour discrimination vis-à-vis des
producteurs sud-américains.
Dans le compromis adopté le 26 juin dernier, les Quinze se sont
efforcés de se conformer aux règles de l'OMC en supprimant le
système de licences qui favorise les bananes européennes et des
pays d'Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP).
Le nouveau règlement, applicable à partir du
1er janvier 1999, comprend :
Le maintien du contingent actuel d'importations de 2,2 millions de tonnes
par an avec un droit de 75 écus par tonne pour les pays tiers et un
droit nul pour les ACP non traditionnels.
La fixation d'un contingent tarifaire autonome de 353.000 tonnes,
à un droit de 75 écus/t. pour les pays tiers et de
zéro pour les ACP non traditionnels, afin de tenir compte du dernier
élargissement de l'Union européenne.
Le maintien d'un contingent de 857.000 tonnes à droit nul pour les
ACP traditionnels (Côte d'Ivoire, Cameroun, Surinam, Somalie,
Jamaïque, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Dominique,
Belize, Cap-Vert, Grenade, Madagascar), conformément à la
Convention de Lomé.
La suppression des certificats d'importation dits licences B, qui
permettaient aux opérateurs communautaires d'écouler plus
facilement les bananes européennes et ACP dans l'Union
européenne, et qui avaient été dénoncés par
l'OMC.
L'attribution des licences sur base des courants d'échange
traditionnels (méthode dite " traditionnels/nouveaux
arrivés "), en prenant la période 1994-1996 comme
référence. " Ces droits seront accordés aux
importateurs effectifs sur présentation d'une licence d'importation
utilisée et dans le cas des nouveaux Etats membres, de documents
douaniers équivalents, si nécessaire ".
Pour les producteurs communautaires, la fixation du revenu de
référence à 622,5 écus par tonne pour 1998 et
640,3 écus/tonne à compter de 1999. Ce dernier montant, qui
représente une augmentation de 8 % par rapport à la
proposition de la Commission, est destiné à compenser les pertes
des producteurs, notamment en raison de la suppression des licences B.
Le montant de l'acompte (avances en trésorerie) pour les bananes
commercialisées en 1998, qui avait été supprimé en
mars dernier, a été rétabli à
19,44 écus/100 kgs), comme le demandait la France.
L'engagement de la Commission à " veiller " à ce
qu'une aide supplémentaire soit accordée si nécessaire aux
producteurs de régions communautaires en difficulté (en
particulier Madère) lorsque leur revenu moyen est inférieur
à la moyenne communautaire. Cette aide devrait couvrir 75 % de
l'écart entre leur revenu moyen et la moyenne communautaire.
L'octroi d'un mandat à la Commission afin qu'elle négocie un
accord de répartition des importations avec les pays tiers.
Un critère unique pour la détermination des pays producteurs
ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes
sera utilisé.
La Commission présentera avant le 1er mars 1999 des
propositions pour promouvoir les bananes produites dans des conditions sociales
et environnementales " équitables " (soutien aux organisations
respectant ces conditions, systèmes de certification...).
La Commission présentera avant le 31 décembre 2004 un
rapport sur le fonctionnement de l'OCM et proposera éventuellement des
modifications
24(
*
)
.
Cette modification de l'OCM semble ne pas convenir aux autorités
américaines, qui estiment dans un communiqué que le nouveau
régime communautaire " n'est toujours pas en conformité avec
les engagements de l'Union européenne auprès de l'OMC ". Le
texte ne précise cependant pas le ou les points sur lesquels la
réglementation européenne serait litigieuse.
La représentante américaine pour le commerce,
Mme Charlene Barshefsky a déclaré que
" Les
Etats-Unis n'hésiteront pas à faire valoir
l'intégralité de leurs droits devant l'OMC et à prendre
toutes les mesures à leur disposition pour protéger les
intérêts américains ". " Ces droits incluent des
procédures dans le cadre de l'OMC autorisant le retrait de concessions
douanières favorisant l'importation de biens et de services en
provenance de l'Union européenne
"
, a-t-elle
ajouté.
Pour sa part, le commissaire européen à l'agriculture,
M. Franz Fischler, a assuré que les services juridiques de la
Commission avaient vérifié que la réforme de l'OCM banane
adoptée par les Quinze était " parfaitement compatible avec
les réglementations de l'OMC ". Par ailleurs, le chef de la
délégation de l'Union européenne auprès de
l'organisation internationale à Genève,
M. Roderick Abbott, a estimé que les Etats-Unis ne devraient
pas attaquer de nouveau l'Union européenne à l'OMC sur ce dossier
dans les mois à venir. Le négociateur européen a
rappelé que, dans le cadre de l'OMC, les conflits étaient
gérés selon des règles précises et que l'on
était encore loin du stade où les Américains pourraient
demander à l'organisation l'autorisation d'appliquer des mesures de
rétorsion contre l'Union européenne. Il faut d'abord que les
dispositions décidées par l'Union européenne pour se
conformer à la condamnation de l'OMC entrent en vigueur, ce qui doit
être fait le 1er janvier prochain. Enfin, M. Abbott a
rappelé que le texte adopté le 26 juin par les Quinze
prévoit que la Commission négocie avec les pays tiers les
nouvelles modalités de délivrance des licences d'importations aux
opérateurs européens. On ne peut donc préjuger à ce
stade de la validité de ce futur système.
d) La réforme de l'OCM tabac
La
difficulté pour la réforme de l'OCM tabac consiste à
concilier les positions des Etats membres : certains voudraient, en effet,
réduire l'aide aux planteurs de tabac, culture impopulaire, et augmenter
les dépenses pour décourager les fumeurs et intensifier la
recherche sur le tabac, tandis que d'autres -les pays producteurs- affirment
qu'il s'agit de la seule culture envisageable dans certaines régions
dont le tissu rural est précarisé. La première
catégorie veut inciter les agriculteurs à changer de culture, la
seconde craint un abandon massif de cette dernière, avec toutes les
conséquences que cela implique pour la société rurale
locale.
Des progrès ont été accomplis sur des volets importants
des propositions. Les Etats membres se sont mis d'accord pour porter à
2 % (à savoir doubler) la proportion de l'aide au secteur du tabac
qui est consacrée à la recherche et à la publicité
contre le tabac.
Lors du Conseil de juin dernier, plusieurs décisions ont
été prises :
- la modulation des primes en vue d'encourager la production de
variétés de meilleure qualité ; un taux de modulation
à l'intérieur d'une fourchette allant de 35 à 45 % a
été retenu. Une période transitoire de trois ans a
été prévue pour la mise en place de ce nouveau
système ;
- le doublement de la retenue sur les primes servant au financement du
fonds communautaire de recherche et d'information sur le tabac ;
- la mise en place d'un système de rachat de quotas pour les
producteurs souhaitant abandonner le secteur. Toutefois, afin d'éviter
des départs excessifs, le quart de la production peut être
exempté de ce régime. Cette exemption peut porter sur la
production provenant de régions sensibles ou sur des
variétés sensibles de haute qualité. Les producteurs
disposeront d'un délai maximum de quatre mois pour la reprise d'un
quota, avant que celui-ci ne soit retiré du marché via le
système de rachat.
e) La proposition de la Commission en matière vitivinicole
L'OCM
viti-vinicole, élaborée en 1987, dans un contexte de
déséquilibre structurel entre la production de vins et les
débouchés, nécessite une réforme qui permette, tout
d'abord, la prise en compte de la situation mondiale du marché du vin,
telle qu'elle se présente aujourd'hui, offre ensuite aux viticulteurs
européens les moyens d'assurer la compétitivité de leurs
exploitations, et leur permette, enfin, de gérer de manière
durable les territoires viticoles de la communauté.
Ce constat est issu du mémorandum présenté par la France
pour la réforme de l'OCM vitivinicole.
L'idée de réformer le régime communautaire vitivinicole
remonte au début 1993. Face à des excédents de vins de
table de plus en plus importants, la France avait demandé à
Bruxelles de présenter aux Etats membres des solutions pour faire face
à la situation. Présentées en 1994, les propositions de la
Commission avaient finalement été rejetées, après
deux années de pourparlers, lors du conseil agricole de juin 1996.
Bruxelles prévoyait, en 1994, de réduire de plus de
30 millions d'hectolitres la production communautaire jusqu'en 2000 et
d'instaurer un système de quotas nationaux pour endiguer la
surproduction de vins de mauvaise qualité. Mais la baisse de la
production intervenue depuis lors a ramené la production totale de
l'Union européenne en dessous de l'objectif fixé pour la fin du
siècle (154 millions d'hectolitres). La Commission se devait donc
de tenir compte des changements intervenus sur le marché du vin.
Lors du Conseil agricole du mois de juin dernier, plusieurs propositions ont
été adoptées :
- la reconduction des prix d'orientation et, jusqu'au
31 août 2000, de l'interdiction de nouvelles plantations de
vigne, ainsi que la possibilité pour les Etats membres d'accorder des
autorisations nouvelles durant les deux prochaines campagnes dans la limite de
10.000 hectares, dont 2.584 pour la France, 3.615 pour l'Espagne, et 2.442
pour l'Autriche. Ces nouveaux droits de plantations ne peuvent cependant pas
être accordés aux vignobles situés dans des régions
déterminées ayant bénéficié au cours des
trois dernières campagnes des primes d'abandon définitif. De
plus, les vins produits dans des régions administratives dans lesquelles
les quantités distillées volontairement ont dépassé
10 % de la production totale des trois dernières vendanges sont
exclus de ce régime. Ces droits de plantation représentent un
à valoir sur les nouvelles autorisations qui pourraient être
accordées dans le cadre de la réforme de l'OCM.
- le maintien pour une année supplémentaire des
dérogations existantes concernant la teneur en acidité totale des
vins de table et la possibilité pour les Etats membres d'accorder des
primes d'abandon de la viticulture pour des parcelles inférieures au
seuil actuel de 25 ares mais non inférieures à 10 ares,
lorsque les conditions de viticulture le justifient. A de plus
été décidé, le report au 1er janvier 2001
de la date limite d'introduction d'un casier viticole simplifié en
Grèce, au Portugal. En Espagne, cette limite a été
repoussée au 1er janvier 2000. Le maintien de la
possibilité pour l'Espagne de mélanger du vin rouge et du vin
blanc (mezcla) a été adopté.
Le 1er juillet dernier, la Commission européenne a adopté
une proposition de réforme substantielle du marché vitivinicole
à partir du 1er août 2000. La nouvelle OCM
coûterait 1,23 milliard d'écus par an.
Cette remise à plat de l'OCM vin, qui va être débattue par
les ministres de l'agriculture de l'Union européenne dans le cadre des
négociations sur l'Agenda 2000, doit être mise en oeuvre
à partir du 1er août 2000. Afin d'assurer l'expansion
des marchés, il est nécessaire, selon Bruxelles, de veiller au
maintien de l'équilibre entre l'offre et la demande constaté dans
l'Union européenne depuis plusieurs années en raison de
récoltes moins pléthoriques et du programme d'abandon de la
viticulture. La superficie communautaire est passée de 4 à
3,6 millions d'hectares de 1987 à 1997. Selon la Commission, "
le
problème majeur auquel le secteur vitinicole communautaire doit
actuellement faire face, excepté dans certaines régions, est sa
capacité limitée à s'adapter assez rapidement à
l'évolution de la concurrence
". La Communauté
étant devenue plus ouverte, du fait de la suppression du système
de protection aux frontières communautaires (prix de
référence) et de l'application de droits de douane moins
élevés, on estime à Bruxelles que les mesures
traditionnelles d'intervention pour contrôler les volumes et les prix
n'ont plus de raison d'être. En termes de volumes, on que
l'élimination de quantités de vin sur un marché plus
ouvert créée simplement un écart qui peut être
comblé par davantage d'importations. D'où le projet d'abandonner
les distillations préventives, obligatoires et de soutien et de les
remplacer par une distillation de crise qui pourrait atteindre, selon La
Commission, quelque 5,2 millions d'hectolitres par an et par une
distillation visant à approvisionner le secteur d'alcool de bouche. Ce
dernier représente un débouché pour un volume annuel de 14
à 15 millions d'hectolitres de vins.
Les mesures de reconversion visant à adapter les vignobles à la
production de vins commercialisables, auxquelles serait consacrée une
part très significative des crédits prévus pour la
nouvelle OCM (450 millions par an en régime de croisière sur
un budget de 1,3 milliards d'écus), constituent sans doute
l'élément le plus important et le plus novateur de cette
réforme. Un dédommagement intégral est prévu pour
couvrir les pertes subies par les producteurs ayant entrepris un programme de
reconversion. Enfin, le plan d'arrachage, quelque peu
réaménagé, sera maintenu en faveur des Etats membres et
des régions connaissant des problèmes graves et persistants
d'excédents. Cette réforme devrait aussi s'accompagner d'une
importante simplification de la réglementation vitivinicole
communautaire. La Commission prévoit de remplacer les
23 règlements existants par un règlement unique. Elle entend
également prendre en compte la diversité régionale
grâce à la reconnaissance des organisations de producteurs et de
l'interprofession, qui pourront être impliquées dans les mesures
de reconversion.
Les mesures concernant l'amélioration des structures de production et de
commercialisation, la promotion et la formation ne dépendront pas de
l'OMC vin mais du financement d'actions structurelles prévues par
l'Agenda 2000.
LES PRINCIPAUX POINTS DU PROJET DE RÉFORME
Système de distillation :
Ouverture d'une distillation de " crise ", sur une base volontaire,
pour faire face à certaines perturbations passagères du
marché et aux problèmes graves de qualité. Fixation des
prix par la Commission en fonction du marché. Sur la base d'une
rémunération équivalente à 50 % du prix
d'orientation, celle-ci prévoit une dépense de 62 millions
d'échus par an pour cette mesure.
Maintien, avec des modifications techniques, de l'aide au stockage
privé, subordonnée à la conclusion d'un contrat à
long terme ; de la distillation des sous-produits issus de la vinification
pour éviter le surpressage des raisins, dans l'attente d'une solution
moins onéreuse ; et, à titre provisoire, d'une distillation
pour les vins issus de vigne " à double classement " (deux
millions d'hectolitres par an). Cette dernière mesure concerne
principalement les vins excédentaires de Charentes.
Remplacement de la distillation préventive par une distillation
spécifique (payée à 65 % du prix d'orientation) pour
assurer l'approvisionnement du marché des alcools de bouche et des
produits à base de vin. Afin d'éviter l'accumulation
d'excédents, cette distillation doit être gérée de
manière très souple en liaison avec un système de contrats
d'aides au stockage privé.
Mesures structurelles :
Maintien de l'interdiction générale de plantation de nouveaux
vignobles. Dans les cas où des exceptions sont prévues, le
système sera aménagé de manière à ce que des
arrachages puissent succéder à un programme de replantation. Afin
de permettre une expansion du vignoble dans les régions commercialisant
leur production dans de bonnes conditions, chaque Etat membre
bénéficiera d'un certain nombre de droits de replantation qui
profitera en priorité aux jeunes. Des dispositions sont
envisagées, notamment la constitution d'une réserve pour assurer
la fluidité du système.
Les informations sur les superficies viticoles, les variétés et
les droits octroyés devront être répertoriées par
les Etats membres. Cet inventaire constituera un outil de contrôle et de
surveillance des plantations.
Maintien des mesures d'arrachage qui seront ciblées essentiellement sur
les régions où les excédents sont structurels. Les
services européens prévoient une surface totale arrachée
de 5.000 hectares par an et une prime moyenne de 9.000 écus
par hectare.
Octroi d'aides pour des mesures de reconversion (reconversion
variétale, transfert de vignobles, nouvelles techniques de production).
La perte de revenu sera totalement compensée par l'Union
européenne pour les producteurs entreprenant un programme de
reconversion ainsi que pour ceux procédant à des arrachages et
à des replantations. Toutefois, les coûts pour les
équipements ne seront pris en charge qu'à 50 %, l'autre
moitié étant à la charge des producteurs.
2. L'évolution de la réforme de la PAC
Rendu
public au moment de la parution du rapport de la Commission de l'agriculture du
Parlement européen présenté par M. Arlindo Cuntra qui
propose " de donner corps à un véritable modèle
agricole européen " et s'oppose à tout
démantèlement de la PAC, le rapport de la mission
sénatoriale a été transmis au Chef de l'Etat et au Premier
ministre avant le sommet de Cardiff.
Les Chefs d'Etat et de Gouvernement des Quinze, réunis les 15 et
16 juin à Cardiff, ont manifesté leur volonté de
parvenir à un " accord politique " sur l'ensemble des mesures
" de l'agenda 2000 " au plus tard en mars 1999, sous
présidence allemande de l'Union européenne et avant la campagne
des élections européennes qui auront lieu en juin 1999.
Dans le domaine agricole, les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont pris
connaissance du rapport d'étape des experts du Comité
spécial agricole -selon lequel sept Etats membres sont en principe
favorables à l'approche de la Commission européenne (baisse des
prix de soutien et compensation par des aides directes)-.
L'Autriche qui, le 1er juillet et pour six mois, a succédé
au Royaume-Uni à la présidence de l'Union européenne a
souhaité, selon M. Wolgang Schüssel, ministre des affaires
étrangères, présenter au Conseil européen des 11 et
12 décembre à Vienne, les " éléments
clé pour une solution " sur l'Agenda 2000 et ainsi
" défricher le terrain " afin de " permettre une
décision en mars 1999 ", lors d'un sommet spécial sous
présidence allemande.
Les dernières semaines ont néanmoins assombri
considérablement l'horizon des négociations sur la PAC. Alors que
la Commission avait au début du mois de septembre indiqué que les
effets de la crise financière russe seraient limités,
M. Jacques Santer a reconnu quelques semaines plus tard que cet
événement aurait des conséquences sérieuses sur
l'équilibre des marchés agricoles de l'Union européenne,
surtout sur ceux des viandes bovine et porcine pour lesquelles la Russie
représente le premier débouché à l'exportation de
l'Union.
Dans une analyse du marché mondial, la FAO prévoit elle aussi des
conséquences graves de cette crise, sur les marchés avicoles
principalement.
Cette crise vient s'ajouter à celle qui sévit en Asie et donc les
conséquences sont réelles sur les économies
émergentes en Amérique Latine.
Or, c'est sur une vision optimiste des débouchés asiatiques que
la Commission européenne a bâti son projet " Agenda
2000 ", avec des baisses de prix généralisées et
compensées partiellement.
Votre rapporteur considère que l'environnement international actuel
remet sérieusement en cause les perspectives de développement des
marchés mondiaux envisagées.
Comme l'a souligné M. Louis Le Pensec, " on peut
sérieusement s'interroger sur les potentialités
supplémentaires à l'exportation de blé ou de viande dans
les années à venir ".
A ces difficultés, s'ajoutent les revendications de plus en plus
pressantes d'un nombre important d'Etats qui estiment que leur contribution au
budget européen est trop élevé. Ceux-ci d'ailleurs
prônent une " renationalisation " partielle de la PAC.
On peut, dans ce contexte, s'interroger sur la capacité du Gouvernement
français à faire cofinancer à hauteur d'1/3 les CTE
envisagés dans le projet de loi d'orientation agricole.