CHAPITRE II - LES ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE
La loi de programmation militaire 1997-2002 a très largement clarifié l'horizon, en matière d'équipement de la Marine, pour les vingt prochaines années, même si certaines incertitudes subsistent, notamment sur la question majeure d'un éventuel second porte-avions au sein du groupe aéronaval.
Les orientations retenues imposent une importante réduction du format de la flotte, qui passera d'ici à 2002 d'une centaine de bâtiments à 80 seulement.
Parallèlement, les missions de la Marine ne sont pas fondamentalement modifiées, son rôle étant conforté, tant dans le domaine de la dissuasion nucléaire que dans celui de la projection des forces, où sa contribution est essentielle, comme en témoigne la part prise par les forces navales dans la conduite des opérations extérieures.
Par ailleurs, nos armées seront appelées à intervenir, plus souvent que par le passé, dans un contexte multinational, ce qui conduit à renforcer la coopération avec nos alliés tant en ce qui concerne les commandements que l'emploi des forces.
S'agissant de la Marine, cette coopération européenne s'est déjà développée au sein de l'Euromarfor, force maritime européenne mise sur pied en 1995 par l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la France. Le commandement de cette force est exercé, à tour de rôle, par chacun des quatre pays. Un premier exercice rassemblant une vingtaine de bâtiments a été effectué en 1996, cette force « préplanifiée » pouvant désormais être activée pour effectuer, notamment pour le compte de l'UEO, des missions humanitaires, des missions de maintien de la paix ou, en cas de crise, des missions de combat.
De même, une force maritime franco-allemande est activée périodiquement et un protocole d'accord vient d'être signé entre les marines britannique et française pour développer leur coopération en mer.
La dimension européenne se renforce également dans les grands programmes d'équipements, tels que la frégate Horizon ou l'hélicoptère NH 90.
C'est en tenant compte de ce contexte d'ensemble qu'il faudra concilier les moyens retenus et les missions dévolues à la Marine qui traduisent les ambitions de notre pays quant aux circonstances pouvant déclencher l'engagement de nos forces.
C'est dans ce contexte que le projet de budget pour 1997 consacre les crédits budgétaires nécessaires à la poursuite des programmes, à un niveau conforme aux engagements figurant dans la loi de programmation. Quant aux dotations relatives à l'entretien des équipements et à leur fonctionnement, elles sont calculées au plus juste laissant peu de marge de souplesse pour la conduite des activités.
I. UN FORMAT RÉDUIT POUR DES MISSIONS MAINTENUES
La Marine va très vite rallier le format qui lui est assigné par la loi de programmation en procédant notamment à de nombreux désarmements de bâtiments dès 1997. Cette réduction physique des moyens doit être rapprochée des activités qui sont aujourd'hui celles de la Marine et des missions qu'elle est appelée à remplir, dans les années qui viennent, au sein du nouveau modèle d'armée dont se dote le pays.
A. LA RÉDUCTION DU FORMAT DE LA FLOTTE
Les orientations retenues par la loi de programmation se traduiront dès l'an prochain par un nombre élevé de désarmements anticipés de bâtiments.
1. Une flotte au format réduit en 2002
La flotte comportera à la fin de l'année 1996, 110 bâtiments de combat et de soutien répartis comme suit :
. 5 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE)
. 12 sous-marins d'attaque (8 affectés à la force océanique stratégique et 4 à la protection du groupe aéronaval)
. 2 porte-avions
. 15 frégates de 1er rang (dont 5 affectées à la FOST et 10 au groupe aéronaval)
. 19 frégates de second rang (2 frégates de type « La Fayette » livrées en 1996 et 17 avisos)
. 6 frégates de surveillance
. 21 bâtiments antimines dont 15 chasseurs de mines
. 10 patrouilleurs
. 19 bâtiments de soutien et de transport opérationnel, dont 3 tansports de chalands de débarquement (TCD)
. 1 porte-hélicoptères
Cette liste n'inclut pas les patrouilleurs et vedettes affectés aux missions de service public ni les bâtiments hydrographiques.
La loi de programmation prévoit :
. une diminution globale du format de 22 bâtiments au cours de la période 1997-2002, 28 bâtiments étant retirés du service actif alors que 6 bâtiments seulement y seront admis.
. une stabilité du format après 2002, la Marine devant rallier son format futur (modèle 2015) dès la fin de la loi de programmation actuelle.
Pour les principaux types de bâtiments de combat et de soutien, l'évolution de la flotte d'ici à 2002 et au-delà jusqu'en 2015 peut être retracée dans le tableau ci-dessous :
Bâtiments de combat et de soutien |
1996 |
2002 |
2015 |
SNLE |
5 |
4 |
4 |
Sous-marins nucléaires d'attaque |
6 |
6 |
6 |
Sous-marins diesel |
6 |
- |
- |
Porte-avions |
2 |
1 * |
2 * |
Frégates antiaériennes |
4 |
4 |
4 |
Frégates anti-sous-marins |
11 |
8 |
8 |
Frégates de 2e rang et avisos |
17 ** |
14 |
14 |
Bâtiments antimines |
16 |
14 |
16 |
TCD |
4 *** |
4 |
4 |
* Le Foch sera en veille en 2002 et le second porte-avions est planifié pour 2015, sous réserve que les conditions économiques le permettent
** non comprises 2 frégates type « La Fayette » livrées fin 1996
*** dont le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc
Les données retracées dans ce tableau sont fournies par la loi de programmation. Elles ne font pas apparaître d'autres retraits de bâtiments qui affecteront notamment les bâtiments de soutien.
Pour ce qui est des principaux bâtiments de combat, la réduction du format se traduit essentiellement par :
. le retrait des 6 sous-marins d'attaque à propulsion diesel
. le retrait de 3 frégates anti-sous-marins
. la diminution du nombre de frégates de second rang, la livraison de frégates de type « La Fayette » s'accompagnant du retrait de plusieurs avisos.
Par ailleurs, la question du nombre de porte-avions n'est pas tranchée.
Une réduction de même ampleur touche l'aviation embarquée qui ne comptera plus que 58 appareils en 2002, dont 12 Rafale, contre 74 en 1996. L'objectif est de disposer de 60 Rafale en 2015. Par ailleurs, les appareils de guet aérien Hawkeye seront au nombre de 2 en 2002 et 3 en 2015.
L'aviation de patrouille maritime connaîtra une légère diminution de ses appareils, qui passeront de 25 en 1996 à 22 en 2002.
En revanche, le nombre d'hélicoptères de combat embarqués restera identique en 2015 à ce qu'il est en 1996 (38 appareils).
2. Les mesures mises en oeuvre à partir de 1997
L'année 1996 a été marquée par une augmentation du tonnage de la Marine, les livraisons ayant été supérieures aux retraits. Ont en effet été ou vont être mis en service actif, le sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE/NG) « Le Triomphant », les frégates « La Fayette » et « Surcouf », le chasseur de mines « Sagittaire » ainsi que 5 patrouilleurs de service public ou de gendarmerie. Parallèlement n'étaient retirés que 5 bâtiments, dont le sous-marin diesel «Junon», l'aviso-escorteur « Commandant Bory », et le SNLE « Le Terrible ».
Beaucoup plus importants seront les retraits des services actifs opérés en 1997.
Ils concerneront :
. le SNLE « Le Foudroyant »
. le porte-avions « Clemenceau »
. les sous-marins d'attaque à propulsion diesel « Agosta » et « Sirène »
. la frégate anti-sous-marine « Aconit »
. l'aviso « Détroyat »
. le pétrolier-ravitailleur « Durance »
. les bâtiments de soutien « Rance » et « Rhône »
. ainsi que 4 chasseurs de mines.
Parallèlement n'entreront en service que la frégate « Courbet » et 2 patrouilleurs côtiers de gendarmerie.
La quasi-totalité des désarmements opérés en 1997 anticipent de plusieurs années sur l'échéance de fin de vie des bâtiments, telle qu'elle était prévue. C'est notamment le cas du pétrolier « Durance », retiré dix ans avant l'échéance normale, de la frégate « Aconit » (sept ans), des sous-marins « Agosta » (cinq ans) et « Sirène » (trois ans) ou de l'aviso « Détroyat » (cinq ans).
Compte tenu du potentiel de ces bâtiments, la question se pose de leur devenir. Certains pourraient être mis « en réserve », particulièrment les sous-marins, et on peut se demander si d'autres ne pourraient être vendus.
Le mouvement de retrait de service actif, particulièrement accentué en 1997, se poursuivra les deux années suivantes et concernera :
. 2 sous-marins et un chasseur de mines en 1998
. la frégate « Duguay-Trouin », 3 avisos, 1 bâtiment de soutien et 1 sous-marin en 1999.
Le choix des bâtiments concernés et des dates de retrait du service a tenu compte de l'âge des navires, de leur état et des échéances d'entretien programmé. Il s'agit notamment d'éviter que le coût d'entretien de bâtiments anciens ne dépasse trop fortement les dotations inscrites en loi de programmation, qui laissent très peu de marges de manoeuvre. Les désarmements permettront de rajeunir notablement l'âge de la flotte, actuellement proche de vingt ans.
En ce qui concerne l'aéronautique navale , les orientations retenues aboutiront certes à réduire le nombre d'appareils, mais surtout à rendre le parc beaucoup plus homogène qu'il ne l'est actuellement.
Les principales conséquences de cette évolution seront les suivantes :
. pour l'aviation embarquée, l'année 1997 verra le regroupement des avions de guet aérien Alizé sur la base de Nîmes-Garons, la flottille 4 F stationnée à Lann-Bihoué fournissant le détachement destiné à se former aux Etats-Unis, durant deux ans, sur les appareils Hawkeye. La flottille de Crusader de Landivisiau sera dissoute en 1999 (pour être reconstituée en 2002 avec le Rafale/Défense aérienne).
. pour l'aviation de patrouille maritime, 6 appareils « Atlantique 2 » seront « mis sous cocon », afin de se conformer au format prévu par le modèle d'armée 2015, et une flottille sera dissoute en 1998. Par ailleurs, l'escadrille 11S de Dugny-Le-Bourget étant dissoute en 1997, ses appareils seront transférés aux escadrilles 2S de Lann-Bihoué et 3S d'Hyères.
D'autre part, la formation de spécialisation sur avions multimoteurs actuellement assurée à Lann-Bihoué sera confiée, dès 1998, à une école commune à l'armée de l'air et à la Marine à Avord, dans le Cher. A cet effet, 7 Xingu I seront cédés l'an prochain à l'armée de l'air. L'école de chasse embarquée d'Hyères sera transférée à Landivisiau mais ne disposera plus, en propre, de Super Etendard.
Ces décisions interviennent alors qu'avaient déjà été entreprises depuis 1992 de nombreuses restructurations dans le cadre du plan Optimar 95, afin notamment de rationaliser les organismes de soutien et de regrouper les principaux moyens de combat de la Marine autour des ports de Brest et de Toulon.
3. Quelles conséquence sur l'activité de la flotte ?
La réduction du format intervient après une reprise de l'activité des forces navales (hors SNLE) qui, en 1995, s'est établie à plus de 330 000 heures de navigation, en progression de 10,4 % par rapport à celle de 1994.
Ce sont les bâtiments auxiliaires qui ont connu la plus forte augmentation d'activité (+ 26 %), liée notamment à la campagne d'essais du centre d'expérimentations du Pacifique, aux expérimentations menées par la Marine elle-même et aux travaux hydrographiques. L'activité des bâtiments de soutien a fléchi de 9 % en raison du ralentissement en cours d'année des opérations en Adriatique.
Quant aux bâtiments de combat , qui totalisent près de 65 % du nombre d'heures de navigation, leur activité a progressé de 8 % et se répartit en quatre grands types de missions : les missions opérationnelles (36,5 %), les missions d'entraînement (30,1 %), les missions de service public (16,7 %) et le soutien de l'activité marine (13,4 %).
Au rang des missions opérationnelles, il faut mentionner l'importance des opérations extérieures dans lesquelles la Marine est engagée. Depuis 1993, celles-ci ont principalement concerné la présence en mer Rouge (jusqu'en 1992 au titre de l'embargo contre l'Irak), au large de l'Afrique pour des opérations humanitaires (Somalie, évacuation de ressortissants étrangers au Yémen), au large d'Haïti jusqu'en 1994 et surtout en Adriatique.
L'année 1996 aura été marquée par la fin de l'opération Sharp Gua rd en Adriatique, à la suite de la levée de l'embargo sur les armes, les moyens correspondants demeurant néanmoins en alerte pour répondre à une éventuelle reprise de l'embargo.
Par ailleurs, la Marine a participé au printemps au transport et au soutien des troupes suite aux événements de Centrafrique (mission Almandin).
Actuellement, la Marine reste engagée dans les opérations extérieures suivantes :
. la protection des éléments français de l'IFOR en Adriatique, la mission Salamandre poursuivant la mission Balbuzard. Les bâtiments prévus pour cette opération restent en alerte à 72 heures et ne sont donc plus en permanence à la mer,
. la présence dans le golfe de Guinée,
. une mission d'observation au sud de la mer Rouge.
On observe donc un relatif fléchissement des contributions aux opérations extérieures en 1996, les prévisions d'activité pour 1997 restant tributaires de l'évolution de la situation internationale.
Aussi peut-on simplement constater que la réduction du format constituera une contrainte supplémentaire pour la participation à des activités opérationnelles, dans le cadre d'opérations extérieures.
B. LES QUESTIONS SOULEVÉES PAR L'ADÉQUATION DES MOYENS DE LA MARINE À SES MISSIONS
Les nouvelles orientations de la politique de défense n'ont pas fondamentalement changé les missions de la Marine. Sur elle repose désormais l'essentiel de la force de dissuasion qui, bien que révisée à la baisse, demeure l'élément central de notre stratégie de défense. La priorité donnée aux capacités de projection des forces, à la base de la décision de professionnaliser les armées, accentue le rôle du groupe aéronaval, organisé autour des porte-avions. La fonction de prévention , au travers notamment du renseignement, rend nécessaire la présence de bâtiments sur les espaces et les approches maritimes. Enfin, compe tenu de l'importance du domaine maritime de notre pays, le troisième du monde, la Marine demeure appelée à conserver l'intégralité de ses missions de protection des approches.
Dans ces conditions, comment concilier le maintien, voire le renforcement des missions de la Marine et la réduction du format de la flotte ?
On peut considérer qu'une partie de la réponse réside dans la modernisation de la flotte. Au retrait de nombreux équipements correspondra l'admission au services d'unités ou de matériels beaucoup plus performants, aux capacités d'action ou de défense accrues, qu'il s'agisse des bâtiments, de l'aéronautique navale ou des armes.
Il faut aussi promouvoir l'émergence d'une identité européenne de défense, qui, si elles se concrétisait, amèneraient nos unités à conduire plus fréquemment des opérations avec nos alliés, dans le cadre de forces multinationales, au sein desquelles pourrait jouer la complémentarité des équipements. Mais cette orientation trouve ses limites dans la nécessité ultime d'être en mesure de défendre les intérêts nationaux, qui ne recouvrent pas obligatoirement ceux de nos partenaires.
Votre rapporteur croit important d'examiner plus en détail les conséquences de la réduction du format de la flotte sur les deux missions les plus importantes assurées par la Marine : la dissuasion et la projection des forces.
1. L'évolution de la FOST dans le cadre de la « suffisance nucléaire »
L'abandon de la composante terrestre renforce mécaniquement la part de la Marine dans l'exercice de la dissuasion, au travers des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE).
Il était à cet égard indispensable que soit confirmée avant la fin de la programmation en cours, la commande du 4e SNLE/NG destiné à remplacer à l'horizon 2007 le dernier SNLE de la génération actuelle. En effet, après la réduction de cible à 4 SNLE/NG, contre 6 envisagés initialement, la remise en cause du 4e exemplaire n'aurait permis d'assurer la présence à la mer que d'un seul sous-marin, ce qui, en soi, représente une menace suffisante, mais ne constitue pas une assurance totale.
Il importait donc de pouvoir disposer de trois unités dans le cycle opérationnel, et donc de quatre exemplaires (dont un en entretien majeur), pour être capable, si nécessaire et pour de longues durées, de déployer deux sous-marins.
Le format de la FOST a été atteint en mars 1996 avec le retrait du « Terrible ». Il passe temporairement à 5 SNLE depuis l'admission au service actif du « Triomphant », premier SNLE de nouvelle génération, depuis octobre 1996 et jusqu'au retrait en mars prochain du « Foudroyant ». Les SNLE restants seront par la suite retirés dès l'entrée en service actif de chaque SNLE/NG.
La préservation de la capacité de dissuasion de la FOST ne doit cependant pas occulter le retard important déjà pris dans le calendrier de mise en service des SNLE/NG
S'agissant des armes nucléaires aéroportées, elles bénéficieront de l'amélioration de l'actuel missile ASMP, mais leur mise en oeuvre sera fonction de la disponibilié opérationnelles du groupe aéronaval.
2. Quelle sera la capacité opérationnelle du groupe aéronaval ?
Le groupe aéronaval répond à une mission majeure de la Marine tant en matière de dissuasion, que de prévention et surtout de projection. Le porte-avions « Charles de Gaulle » qui entrera en service en 1999 permettra à la France de disposer d'une véritable force de projection depuis la mer qui n'a guère d'équivalent en dehors des Etats-Unis.
Toutefois, des interrogations subsistent quant à la capacité de défense et surtout à la permanence du groupe aéronaval.
. Une capacité de défense moins complète que prévue
Les contraintes financières ont conduit à retarder l'acquisition des Rafale dont la première flottille, composée de 12 appareils en version interception, ne sera constituée qu'en 2002. En pratique, compte tenu du retrait des Crusader au plus tard en 1999, il ne sera pas possible de réunir un groupe d'intercepteurs à bord du porte-avions avant 2001, ce qui amoindrit durant 1 à 2 ans les capacités de défense du « Charles de Gaulle ».
Certes, le porte-avions disposera dès son entrée en service de deux avions de guet embarqués Hawkeye, aux capacités de détection très importantes. Mais le nombre d'appareils contraint à limiter les périodes de permanence aérienne.
Le problème restera d'ailleurs posé après la livraison du 3e et dernier Hawkeye, prévue en 2003 car seul un parc de 4 appareils aurait pu garantir sans difficulté la permanence du guet aérien.
Aussi faudra-t-il :
. soit gérer très attentivement le cycle d'entretien des Hawkeye pour être en mesure d'embarquer les trois appareils pour des missions prévisibles
. soit, en cas de mission non prévue, renoncer éventuellement à embarquer le 3e appareil et se satisfaire d'une permanence incomplète du guet aérien.
Quelle que soit par ailleurs la capacité opérationnelle du porte-avions, de ses équipements et des unités qui le soutiennent, la fragilité temporaire des moyens d'interception jusqu'en 2001, et en tout état de cause, les limites du guet aérien, seront des éléments à prendre en compte pour la mise en oeuvre du groupe aéronaval.
. La permanence du groupe aéronaval et la question du second porte-avions
On sait qu'après une période d'entretien de 18 mois (2004-2005) où il sera relayé par le « Foch »», le « Charles de Gaulle » restera opérationnel jusqu'en 2011. Par ailleurs, le modèle d'armée 2015 ne prévoit la présence d'un second porte-avions que si les conditions économiques le permettent.
Un porte-avions unique ne pouvant être disponible au mieux que les deux tiers du temps, comment assurer la permanence du groupe aéronaval sans disposer d'un second porte-avions ?
Dans une réponse à une question écrite de notre collègue Bertrand Delanoë, le ministre de la Défense évoque plusieurs hypothèses (JO Sénat - Questions du 12.9.1996) :
. la construction d'un porte-aéronefs transport de troupes d'assaut doté d'hélicoptères et d'avions à décollage court ou vertical a été mise à l'étude, mais les coûts ne seraient pas inférieurs à ceux du PAN Charles de Gaulle, en raison des dépenses d'acquisition et d'entretien d'un parc supplémentaire d'aéronefs d'un modèle différent du Rafale.
. le développement des capacités opérationnelles européennes paraît également envisagé, le ministre ayant précisé que « la construction d'une force navale multinationale permettrait de gérer les indisponibilités du PAN « Charles de Gaulle » liées aux contraintes de son entretien ».
Cette seconde hypothèse impliquerait le remplacement de notre porte-avions par un bâtiment britannique, italien ou espagnol. Toutefois, les équipements dont disposent ces marines alliées diffèrent très sensiblement du PAN car ils ne sont pas en mesure d'embarquer les mêmes types d'appareils et les capacités du groupe aéronaval ne seraient plus du tout équivalentes.
Faut-il alors envisager une troisième hypothèse, impliquant une intégration européenne beaucoup plus poussée, dans laquelle la France s'équiperait d'un second modèle de PAN, les flottes alliées fournissant l'accompagnement nécessaire et soulageant de ce fait d'autres programmes d'équipement français ?
En tout état de cause, dans le contexte économique actuel, l'accroissement des capacités opérationnelles communes, au sein d'une identité européenne de défense est indispensable et doit être évidemmment encouragée.
A ce stade du débat, il faut toutefois formuler deux observations :
. une force navale européenne, qu'elle s'organise autour d'un seul ou de deux porte-avions nucléaires français, dès lors qu'elle fait appel à des forces alliées, ne peut agir que dans le cadre d'opérations menées en coopération européenne ; elle ne répond pas aux exigences purement nationales et ne peut aucunement concerner la mise en oeuvre de l'arme nucléaire embarquée,
. quelle serait la cohérence de notre stratégie si, du fait de la présence d'un seul porte-avions, la capacité d'action aéronavale se trouvait, au moins un tiers du temps, subordonnée à une décision européenne ?
Ces interrogations sont à rapprocher du coût estimé de la construction à l'identique d'un second PAN (13 milliards de francs) et des ambitions affichées par notre pays quant à la possession en propre de capacités de projection à partir de la mer, sans équivalent dans les flottes européennes.