2. Un programme de requalification et de revalorisation des carrières

a) Les mesures de repydamidage : un nécessaire appel d'air dans des carrières ralenties

La progression des carrières s'est singulièrement ralentie en une décennie. Le taux de sélection pour l'avancement au grade de colonel est ainsi passé de 46 % en 1982 à 12 % en 1993 (244 pour un tableau de 31 proposables pour un tableau de 28) à 10 % en 1996. Parmi les sous-officiers, les blocages se concentrent surtout au niveau du grade des maréchaux des logis chefs auquel n'accèdent plus que 14,4 % des postulants en 1995 contre 55 % en 1990.

Plusieurs facteurs conspirent à susciter ces blocages et au premier rang, sans doute, la crise économique responsable du net ralentissement constaté des départs anticipés à la retraite malgré les mesures d'incitations (art. 5 et 6 de la loi 75-1000).

Départs à la retraite pour les sous-officiers

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Départs annuels

3 057

2 871

2 512

2 298

2 162

2 112

Départs à la retraite

2 432

2 294

1 850

1 677

1 577

1 526

dont avant la limite d'âge

1 502

1 417

1 256

1 095

1 028

965

Pour les officiers, la politique entreprise pour rajeunir les cadres, certes bénéfique à l'amélioration de la qualité du corps dans son ensemble, n'est pas étrangère naturellement à la constitution des goulets d'étranglement dans les perspectives de carrière.

Pour les sous-officiers, plusieurs éléments ont également joué. Ainsi, du fait de l'ouverture plus large des cursus formations aux candidats, le nombre de sous-officiers réunissant les conditions de diplôme pour postuler à l'avancement s'est notablement accru. En outre, les taux de réussite aux examens (notamment pour les officiers de police judiciaire) fixés selon une logique d'emploi nécessaire à l'intérêt du service a augmenté et partant, par un pur effet mécanique, le nombre des admis en attente d'une promotion au grade supérieur s'est accru. Enfin, certains verrous dans la gestion des carrières ont été levés : il n'est plus nécessaire ni d'appartenir à la première moitié de la liste d'ancienneté, ni d'avoir satisfait aux travaux de préparation au grade supérieur pour concourir.

L'allongement du temps passé dans les différents grades tant chez les officiers que chez les sous-officiers donne la mesure des difficultés rencontrées.

Temps moyen passé dans chaque grade pour les sous-officiers

ANNEE DE PROMOTION

ADC

ADJ

MDC

GND

1988

GD

GM

5 a 3 m

6 a 3 m

5 a 6 m

7 a 10 m

8 a 3 m

7 a 10 m

11 a 9

9 a 00 m

1989

GD

GM

5 a 3 m

6 a 2 m

5 a 4 m

6 a 10 m

8 a 1 m

8 a 1 m

11 a 9 m

8 a 11 m

1990

GD

GM

4 a 9 m

6 à 0 m

5 a 3 m

7 a 0 m

8 a 0 m

7 a 8 m

11 a 10 m

9 a 4 m

1991

GD

GM

4 a 2 m

5 a 7 m

4 a 9 m

6 a 2 m

7 a 10 m

7 a 2 m

11 a 5 m

9 a 3 m

1992

GD

GM

3 a 10 m

5 a 3 m

4 a 5 m

7 a 4 m

7 a 1 m

6 a 10 m

11 a 11 m

9 a 10 m

1993

GD

GM

3 a 10 m

4 a 8 m

4 a 9 m

7 a 2 m

7 a 8 m

10 a 11 m

12 a 1 m

9 a 10 m

1994

GD

GM

4 a 4 m

5 a 7 m

5 a 1 m

7 a 2 m

6 a 3 m

8 a 8 m

12 a 9 m

10 a 5 m

1995

GD

GM

4 a 6 m

5 a 0 m

4 a 11 m

6 a 8 m

5 a 10 m

7 a 2 m

12 a 9 m

11 a 1 m

GD : Gendarmerie départementale

GM : Gendarmerie mobile

ADC : Adjudant-chef

ADj : Adjudant

MCD : Maréchal des logis-chef

GND : Gendarme

Votre rapporteur reste toujours préoccupé par le nombre excessif de capitaines et de lieutenants colonels "hors créneau d'avancement" qui ont dépassé la limite supérieure du grade pour être proposables. En outre il déplore que l'exercice d'importantes responsabilités n'a pas toujours pour contrepartie le grade correspondant : le commandement de groupements de gendarmerie revient ainsi souvent à des lieutenants-colonels, parfaitement expérimentés, mais dont l'indice reste très en deçà de son "alter ego" au sein de la police, le directeur départemental de la sécurité publique.

Quels peuvent être les moyens de favoriser un retour à un rythme normal de déroulement de carrière ? Deux voies ont été jusqu'à présent suivies avec des succès inégaux : les incitations au départ, d'une part, les mesures de repyramidage, d'autre part. La loi de programmation militaire, sans remettre en cause ces solutions traditionnelles, les inscrit dans un nouveau cadre qui en modifie singulièrement la portée et qu'il importe maintenant de mieux préciser.

Aujourd'hui, parmi les incitations au départ, l'avancement conditionnel demeure l'un des plus prisés. D'abord réservé aux officiers puis étendu progressivement aux sous-officiers depuis 1984, il permet une promotion au grade supérieur en contrepartie de l'engagement à partir à la retraite dans les six mois qui suivent cet avancement. L'attrait de cette mesure ne joue guère cependant pour les gendarmes souhaitant accéder au grade de maréchal des logis-chef dont l'indice est inférieur, en fait, comme votre rapporteur a souvent eu l'occasion de le rappeler pour le regretter, à l'indice terminal de gendarme classé à l'échelon exceptionnel.

Le projet de loi sur la professionnalisation , conformément aux orientations tracées par la loi de programmation, pose le principe d'un pécule, non imposable, versé dans certaines conditions aux militaires qui choisissent de quitter les armes à partir de dix ans avant la limite d'âge de leur grade. Bien que destinée principalement à l'armée de terre, à l'armée de l'air et à la marine, toutes trois soumises à la déflation de leurs effectifs, cette mesure pourra également concerner à la gendarmerie.

Toutefois le bénéfice de cette mesure restera subordonnée à l'intérêt du service. Dans la mesure où le rôle de la gendarmerie est appelé à se développer, il apparaît peu probable que soit fixé au profit de l'arme un contingent particulier de "droits au départ".

A vrai dire, la loi de programmation privilégie pour la gendarmerie la requalification des emplois.

Elle prévoit, on le sait, une réduction du nombre des sous-officiers et une progression des effectifs d'officiers. Cette évolution passera principalement par la transformation d'emploi d'un grade donné dans le grade supérieur. La loi de programmation consacre ainsi le programme de requalification proposé par le groupe de travail réuni au cours de l'été 1995 sous la présidence du contrôleur général Sandras, et les inscrit dans une perspective plus large. Ces mesures bénéficieront aux militaires de la gendarmerie mais aussi aux militaires des autres armées.

La création d'emplois d'officiers au sein de la gendarmerie s'apprécie notamment au regard de la déflation qui affecte l'ensemble des effectifs du ministère de la défense : la gendarmerie accueillera ainsi sur la période de programmation, chaque année, 80 officiers venus des autres armées (60 recrutés par concours parmi les officiers d'active des grades de lieutenant ou de capitaine, 20 par voie de changement d'armée et destinés à s'intégrer au nouveau corps technique et administratif).

Le plan de requalification des militaires de la gendarmerie trouvera sa première traduction en 1997. Le projet de budget prévoit, en effet, les moyens nécessaires aux mesures suivantes :

- transformation de 205 emplois de sous-officiers en autant d'emplois d'officiers ;

- transformation de 804 emplois de gendarme en 60 emplois de major, 123 emplois d'adjudant-chef, 356 emplois d'adjudant, 265 emplois de maréchal des logis-chef.

En outre, les dotations de la loi de finances initiale permettront de poursuivre la mise en place d'un dispositif mis en place dès 1996 sur la base d'une provision de 20 MF et comprenant notamment trois types de repyramidage :

- transformation de 122 emplois de major en 122 emplois d'officier ;

- transformation de 250 emplois d'adjudant en 250 emplois d'adjudant-chef ;

- transformation de 650 emplois de gendarme en 650 emplois de maréchal des logis-chef.

Enfin, l'année 1997 verra également la mise en oeuvre de la dernière tranche du plan de repyramidage lié à la transposition aux militaires des dispositions du protocole du 9 février 1990 sur la rénovation de la grille de classification et des rémunérations des fonctionnaires (protocole Durafour), avec la transformation de 8 emplois d'adjudant et de 42 emplois d'adjudant-chef en 50 emplois de major.

L'ensemble des transformations d'emploi bénéficieront principalement aux sous-officiers (soit à travers les repyramidages au sein de cette catégorie, soit à travers la promotion dans le corps des officiers).

Le dispositif aussi nécessaire soit-il pour redonner au déroulement des carrières un rythme satisfaisant ne permet toutefois pas de lever les deux objections que suscitent le repyramidage.

En premier lieu, les mesures de repyramidage ne font parfois que déplacer les difficultés d'un grade à l'autre en gonflant à l'excès les effectifs dans le grade immédiatement supérieur, "bénéficiaire" de la transformation. Surtout, comme votre rapporteur l'avait déjà souligné dans ses rapports antérieurs, la logique du repyramidage ne saurait tenir lieu de principe de gestion des carrières et ignore les mérites et les compétences. C'est d'ailleurs pourquoi la gendarmerie a entrepris un effort considérable de formation destiné à accompagner le programme de requalification.

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