II. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE SPATIALE MILITAIRE
La loi de programmation consacre la pérennité des moyens affectés à la politique militaire spatiale. Les crédits prévus pour la période 1997-2002 sont de l'ordre de 3,5 milliards de F par an ce qui correspond à un maintien des dotations des dernières années. Les crédits consacrés à l'espace sont donc épargnés par la réduction très sensible qui affecte l'ensemble du titre V de la défense. Pour autant, ces crédits restent modestes, surtout si on les rapporte à l'ambition de notre pays de se doter dans le domaine satellitaire, des moyens nécessaires à son autonomie stratégique et à la conduite et au commandement d'opérations extérieures.
La réussite de partenariats européens apparaît donc indispensable à la réalisation dans des délais acceptables des objectifs que s'assigne notre pays.
A. LE BUDGET SPATIAL MILITAIRE FRANCAIS
La lecture du budget spatial militaire français au cours des dernières années a été rendue difficile par l'importance des transferts intervenus au profit du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) au titre du budget civil de recherche et de développement (BCRD). La loi de programmation militaire 1997-2002 a eu le mérite de clarifier la situation pour 1997 et les années suivantes.
1. Les dotations prévues par la loi de programmation
De 1990 à 1996, les dotations consacrées à l'espace militaire ont évolué comme suit :
(en millions de Francs courants)
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Crédits de paiement |
3010 |
3084 |
3623 |
3862 |
4066,4 |
5016 |
4573,5 |
dont BCRD |
- |
- |
- |
253 |
400 |
882 |
1120 |
hors BCRD |
3010 |
3084 |
3623 |
3609 |
3666,4 |
4134 |
3453,5 |
Il faut toutefois noter que l'évolution en dents de scie des exercices 1994, 1995 et 1996 est difficile à interpréter dans la mesure où pour ces années là, c'est la notion de crédits disponibles, incluant les reports, qui a été retenue.
Selon les informations fournies à votre rapporteur, les crédits de paiements inscrits en programmation pour la période 1997-2002 s'élèveraient à près de 21 milliards de F répartis comme suit :
(en millions de F 1995)
1997 (1) |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
Crédits de paiement |
3298 |
3387 |
3461 |
3556 |
3563 |
3726 |
(1) crédits inscrits dans le PLF pour 1997
L'enveloppe "espace" de la programmation se répartirait principalement comme suit :
- programme de télécommunications : 6.230 millions de F.
dont Syracuse II 2.254 millions de F
Syracuse III 3.976 millions de F
- programme d'observation : 11.614 millions de F
dont Helios I 2.837 millions de F
Helios II 6.379 millions de F
Horus 2.398 millions de F
Il faut noter que conformément à la loi de programmation, aucune contribution au CNES au titre du BCRD n'est prévue sur la période, sur cette enveloppe financière.
2. Les dotations prévues en 1997
L'ensemble des crédits consacrés à l'espace pour 1997 diminue nettement par rapport au budget voté de 1996 en raison de la suppression de la contribution au BCRD.
(en millions de F.)
Crédits consacrés à l'espace |
Budget voté 1996 |
Projet budget 1997 |
% |
Autorisation de programme |
3864,7 |
3407 |
- 11,8 |
Crédits de paiement |
4085 |
3298 |
- 19,3 |
L'essentiel de ces crédits relève de la délégation générale pour l'armement (DGA), puisque celle-ci est dotée de 3 191 millions de F en autorisations de programme (- 9,8 % par rapport au budget voté de 1996) et de 2 977 millions de F en crédits de paiement (- 22,4 %).
Un peu plus du dixième de ces crédits sont consacrés aux études amont , soit 393 millions d' AP (+ 6,8 %) et 340 millions de CP (- 9,1 %), le restant étant destiné aux réalisations.
La baisse des crédits "espace" de la DGA résulte essentiellement de la prise en compte, en 1996, de la contribution au CNES qui transitait par la direction des missiles et de l'espace (DME).
Outre la DGA, les autres bénéficiaires de crédits, au titre des réalisations exclusivement, sont :
• l'Etat-major des armées avec 29 millions d'AP (- 74,8 %) et 121 millions de CP (+ 5,2 %) ;
• la Marine, avec 127 millions d'AP (- 9,9 %) et 105 millions de CP (+ 61,5 %) ;
• l'Armée de terre, avec 14 millions d'AP (- 61,9 %) et 50 millions de CP ( + 138 %) ;
• et l'Armée de l'air, avec 46 millions d'AP (+ 35,3 %) et 45 millions de CP (- 10 %).
Sur le plan opérationnel, plus de 70 % des crédits sont gérés par la direction des missiles et de l'espace, le restant relevant quasi exclusivement de la direction des systèmes terrestres et d'information (DSTI).
Les dotations figurant dans le projet de budget pour 1997 sont conformes aux prévisions de la loi de programmation. Elles permettent donc de poursuivre, selon l'échéancier prévu, l'exploitation de systèmes déjà opérationnels tels que SYRACUSE II ou HELIOS I et les études concernant les autres programmes destinés à les remplacer ou à les compléter, à savoir HELIOS II et dans une moindre mesure SYRACUSE III et HORUS.
On doit toutefois constater que cette enveloppe budgétaire exclut tout lancement de nouveaux programmes dans les domaines de l'écoute électromagnétique ou de la détection des lancements de missiles et qu'elles ne permettra de réaliser les objectifs d'équipement en moyens d'observation optique et radar qu'à la double condition :
- de ne pas être affectée par des mesures de régulation budgétaire ou des transferts au titre du BCRD ;
- d'être assortie des cofinancements de nos partenaires européens prévus pour les programmes menés en coopération.
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE COOPÉRATION EUROPÉENNE ACCRUE
La nécessité d'une coopération européenne accrue apparaît à un triple point de vue :
• sur le plan financier , les moyens consacrés par la France aux programmes spatiaux militaires sont les plus importants en Europe mais leur niveau, 3,5 milliards de F par an en moyenne, apparaît bien faible en regard du budget spatial militaire américain, évalué à 18 milliards de dollars soit plus de 90 millions de F. Compte tenu du coût des équipements, il n'est guère possible de réaliser en Europe un ensemble cohérent de moyens satellitaires d'observation sans recours à la coopération, a fortiori en période de restriction budgétaire.
• sur le plan industriel , la coopération dans le domaine spatial militaire doit logiquement découler de celle qui s'est développée dans le domaine civil. A la différence des Etats-Unis où programmes civils et militaires ont été menés simultanément mais séparément, les programmes militaires européens ont bénéficié des apports des programmes civils qui les avaient largement précédés. Le renforcement de la synergie entre programmes civils et militaires procure d'importants bénéfices en termes technologiques et financiers, le développement combiné des programmes HELIOS et SPOT ayant par exemple permis de réaliser une économie estimée à 1 milliard de F. Elle doit également consolider l'industrie spatiale européenne.
• sur le plan politique enfin, le domaine de l'espace apparaît comme l'un des plus stratégiques, par l'autonomie qu'il permet dans la collecte du renseignement et l'appréciation des situations et par le rôle qu'il joue dans le commandement et la conduite des opérations. L'espace militaire se trouve donc au coeur de la concrétisation d'une Europe de la défense.
Le renforcement de la coopération en Europe implique nécessairement la consolidation de l'axe franco-allemand apparu lors du sommet de Baden-Baden en décembre 1995, avant que soit envisagée, dans le cadre de l'UEO notamment, une préfiguration de politique spatiale européenne.
1. Les perspectives d'une Europe spatiale militaire demeurent lointaines
L'évolution des programmes militaires spatiaux depuis une dizaine d'années montre qu'à partir d'initiatives nationales, l'on s'oriente de plus en plus vers des solutions bilatérales ou multilatérales. L'aboutissement logique de cette évolution consisterait à mettre en oeuvre une réelle politique spatiale militaire européenne, comparable par exemple à ce qui est réalisé, dans le domaine civil, par l'agence spatiale européenne.
Un certain nombre d'initiatives ont d'ores et déjà été prises dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale sous la forme tout d'abord d'un centre expérimental satellitaire d'observation, qui a été implanté à Torrejon en Espagne et dont le rôle est centré sur l'interprétation des images. L'UEO a également lancé une étude sur un éventuel système européen d'observation spatiale, mais celle-ci ne paraît pas actuellement en mesure de déboucher sur des réalisations concrètes.
On peut en revanche signaler que la France et l'Allemagne, dans la mesure où la coopération sera effectivement mise en place, pourraient proposer d'associer l'UEO à l'exploitation opérationnelle des systèmes d'observation HELIOS II et HORUS, dans des conditions améliorées par rapport à celles de l'accord de fourniture d'images provenant d'HELIOS I au centre de Torrejon dépendant de l'UEO.
Les résultats encore modestes obtenus au sein de l'UEO laissent à penser que seule une coopération franco-allemande active et solide peut donner l'impulsion nécessaire à la réalisation d'un système d'observation spatiale militaire capable de garantir l'autonomie stratégique de l'Europe et sa capacité opérationnelle en matière de défense.
2. L'indispensable consolidation de la coopération franco-allemande
Si la coopération avec le Royaume-Uni dans le domaine des télécommunications a déjà donné d'excellents résultats dans le cadre du programme SYRACUSE et si on ne peut que se féliciter de la participation de l'Italie et de l'Espagne au programme HELIOS, on doit néanmoins reconnaître que l'accord intervenu à Baden-Baden le 7 décembre 1995 fondant la coopération franco-allemande dans le domaine spatial militaire peut constituer un tournant décisif.
Cet accord de principe, s'il est suivi d'accords de coopération sur les programmes, rattachera définitivement l'Allemagne à l'Europe en matière de renseignement, alors qu'elle entretenait jusqu'alors une relation privilégiée avec les Etats-Unis sur ce terrain.
Mais surtout, cet accord représente en réalité la seule perspective réelle de développement d'un ensemble complet et cohérent de moyens spatiaux d'observation européens, seule l'Allemagne apparaissant en mesure, par sa contribution, d'assurer la réalisation de ces équipements, par des industriels européens, dans un délai raisonnable.
L'accord de Baden-Baden s'est heurté à de sérieuses difficultés d'application tenant à la définition de la participation financière et industrielle des deux partenaires et au projet de fusion des activités satellites de DASA et de l'Aérospatiale au sein d'une société commune.
Ses implications financières ont été jugées trop lourdes par certains responsables politiques allemands, dans un contexte de restriction budgétaire qui nécessiterait de sacrifier d'autres programmes. L'opportunité de réaliser un système radar européen a également été contestée, compte tenu de la possibilité de s'équiper en satellites américains.
Votre rapporteur note avec satisfaction que lors du débat du 23 octobre dernier, le ministre de la Défense, a fermement réaffirmé devant le Sénat la solidité de la coopération franco-allemande, l'accord cadre de coopération sur HELIOS II et HORUS devant être signé lors du sommet franco-allemand du 9 décembre 1996.
Il reste néanmoins préoccupé par les conditions de mise en oeuvre concrètes de cet accord politique, qui, sur le plan industriel notamment, ne semblent pas encore totalement clarifiées.