2. La remise en cause de l'exemplarité de l'enseignement agricole
L'enseignement agricole est aujourd'hui le seul enseignement technologique et professionnel qui « marche » : loin d'être perçu comme une voie d'échec et de relégation, il représente aujourd'hui, pour les jeunes qui y entrent, une orientation choisie et, parce qu'elle a été choisie, une orientation souvent réussie.
Il a, à ce titre, parfaitement rempli le rôle qui lui incombait en tant que composante du service public de l'éducation : il a contribué à assurer l'égalité des chances et la promotion de ses élèves en même temps qu'il améliorait le niveau général de formation dans des secteurs vitaux de l'économie nationale.
En limitant dans des proportions drastiques l'accès à l'enseignement agricole, le quota de 2 % remet aussi en cause ses performances, et la place d'excellence qu'il s'est acquise au sein du service public de l'éducation.
Un enseignement qui a renouvelé l'intérêt des jeunes pour les professions agricoles et para-agricoles
On dit souvent que l'enseignement agricole offre une « deuxième chance » à beaucoup de jeunes. C'est exact, mais si certains jeunes, qui étaient en situation d'échec dans l'enseignement relevant de l'éducation nationale (où ils sont, il convient de le rappeler, contraints de commencer leur scolarité), s'épanouissent et réussissent ensuite dans l'enseignement agricole, c'est tout simplement parce qu'ils y trouvent des formations conformes à leurs aspirations, débouchant sur des métiers qu'ils connaissent, et qui leur permettront d'exercer leur activité professionnelle dans un « milieu de vie » qu'ils ne souhaitent pas quitter.
C'est pourquoi votre rapporteur ne saurait considérer, comme le ministre de l'agriculture, que l'enseignement agricole « sort complètement de son rôle » lorsqu'il accueille des jeunes venus y tenter cette « deuxième chance ».
Quel serait en effet le rôle de l'enseignement agricole s'il n'était pas d'accueillir et de former au plus haut niveau de qualification possible les jeunes qui veulent s'orienter vers les professions des secteurs agricole et para-agricole et qui veulent rester ou revenir dans le monde rural ?
C'est en partie au nouvel attrait qu'il a suscité pour ces professions que l'enseignement agricole doit son succès actuel, et le ministre de l'agriculture devrait être le premier à s'en féliciter.
Une filière de réussite
Mais l'exemplarité de l'enseignement agricole tient aussi au fait qu'il est devenu une filière de réussite, ce qui en fait malheureusement une exception au sein de l'enseignement technologique et professionnel.
Deux indices en témoignent :
- le regain de faveur, que connaissent, dans l'enseignement agricole, les formations de niveau V, qui démontre que les formations professionnelles courtes, dès lors qu'elles sont bien intégrées dans l'environnement socio-économique, gardent tout leur intérêt, mais qui tient aussi au fait que ces formations représentent, dans l'enseignement agricole, une voie d'accès efficace à des qualifications plus élevées :
- les taux de poursuite d'études : le bon fonctionnement des « filières de promotion » mises en place dans l'enseignement agricole est aussi un des atouts et une des originalités de cet enseignement. Ces filières permettent à des élèves qui n'auraient peut-être pas atteint le niveau IV par l'entrée directe en seconde d'arriver, à leur rythme, au BTA ou au baccalauréat, voire au BTSA.
L'application du quota de 2 % ne pourra malheureusement que contrarier ces évolutions
D'une part, elle obligera -comme on l'a vu cette année- à « trier » les candidats à l'entrée dans l'enseignement agricole.
Outre que l'institution d'un numerus clausus à l'entrée en quatrième, en filière professionnelle courte ou en seconde paraît difficilement conciliable avec les principes d'organisation du service public de l'éducation, comme d'ailleurs avec l'intérêt bien compris des professions auxquelles prépare l'enseignement agricole, elle pose le problème des critères de cette « sélection ».
Ne retiendra-t-on, comme il paraîtrait logique, que les titulaires des meilleurs dossiers scolaires ? On risque fort alors d'écarter beaucoup d'élèves dont « l'échec » dans la scolarité générale n'est pas forcément, on l'a vu, un indice significatif de leur capacité de réussite dans les filières agricoles.
D'autre part, la sélection des nouveaux inscrits ne suffira peut-être pas, compte tenu de la tendance à l'allongement de la scolarité, à contenir l'augmentation des effectifs dans les 2 % fatidiques. Devra-t-on aussi envisager de limiter les poursuites d'études ? Ce serait à la fois porter une atteinte peu admissible au droit des élèves à poursuivre leur formation et risquer d'affaiblir les remarquables performances de l'enseignement agricole rénové en matière d'élévation des niveaux de qualification et de diversification des parcours de réussite.