EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le rapport pour avis de M. Albert Vecten sur les crédits de l'enseignement agricole inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au cours d'une séance tenue le mercredi 13 novembre 1996, sous la présidence de son président M. Adrien Gouteyron.
Un très large débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
Affirmant son attachement à la spécificité de l'enseignement agricole, M. Alain Gérard a relevé que dans le département du Finistère, en raison du regroupement des exploitations, il était très difficile de promouvoir l'installation de jeunes, malgré les efforts déployés en ce sens par le Conseil général. Il s'est donc demandé si la diminution du nombre des exploitations ne devait pas conduire à s'interroger sur les débouchés de l'enseignement agricole.
M. Jean-Claude Carle a dit partager entièrement les interrogations du rapporteur pour avis et a noté que s'il paraissait légitime de se préoccuper des débouchés de l'enseignement agricole, ce problème méritait d'être traité autrement que dans le cadre de la maîtrise des dépenses budgétaires. Rappelant que l'enseignement agricole réussissait mieux que les autres filières de l'enseignement technologique et professionnel, notamment en matière de qualification et d'insertion de ses élèves, il s'est étonné de la différence de traitement budgétaire de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, et a souligné que 250 à 300 millions de francs supplémentaires auraient suffi pour assurer à cet enseignement une évolution de ses moyens en rapport avec celle de ses effectifs.
Rappelant l'ancienneté du débat sur la spécificité de l'enseignement agricole et son rattachement éventuel à l'éducation nationale, M. James Bordas s'est pour sa part prononcé contre ce rattachement et a mis en relief le rôle que jouait l'enseignement agricole dans l'aménagement du territoire et la formation des jeunes en milieu rural. Il a cependant estimé impossible, compte tenu du contexte budgétaire général, de se prononcer contre l'adoption du budget de l'enseignement agricole, l'effort de maîtrise des dépenses publiques devant être partagé par tous.
M. Robert Castaing a exprimé son accord avec les préoccupations du rapporteur pour avis, en prenant l'exemple des centres de formation d'apprentis agricoles, qui accueillent beaucoup de jeunes dans le milieu rural dont ils sont issus, leur offrent des formations correspondant à leur environnement socioprofessionnel, et leur évitent de grossir les rangs des victimes de la « fracture sociale » en leur permettant souvent de trouver le chemin de la réussite et d'une insertion professionnelle dans le secteur agricole.
M. André Diligent s'est demandé si l'accroissement des effectifs de l'enseignement agricole ne constituait pas un paradoxe, compte tenu de la diminution du nombre des agriculteurs.
M. Marcel Vidal s'est associé aux critiques formulées par le rapporteur pour avis et a contesté que l'avenir de l'enseignement agricole puisse être envisagé selon des critères essentiellement budgétaires. Se déclarant partisan de la spécificité de l'enseignement agricole et de la poursuite des efforts consentis pour l'adapter à l'évolution de l'emploi et des besoins de formation du monde rural, il a également attiré l'attention sur le rôle qui devait être le sien dans le contexte européen, et a noté à cet égard que l'Office franco-allemand pour la jeunesse s'attachait à promouvoir les échanges et les stages destinés aux jeunes qui s'engagent dans les professions agricoles.
M. Jean Bernadaux a souhaité que soient précisées les raisons qui militent contre le rattachement de l'enseignement agricole à l'éducation nationale.
Tout en avouant n'être pas un spécialiste de l'enseignement agricole, dont il avait cependant constaté les résultats exemplaires en matière d'intégration professionnelle et sociale, M. Ivan Renar a estimé regrettable qu'à un débat structurel soit apportée une réponse conjoncturelle et budgétaire, et qu'il ne convenait pas que l'avenir de l'enseignement agricole soit tranché au détour du débat budgétaire. Il a également remarqué que ce n'était sans doute pas en fonction du nombre des exploitations qu'il fallait apprécier les effectifs de l'enseignement agricole, compte tenu des compétences très diverses et très techniques qu'exige le développement d'une profession de plus en plus difficile.
M. Guy Poirieux a estimé que l'élargissement du recrutement de l'enseignement agricole et la très large diversification des formations, notamment dans le secteur des services, pouvaient expliquer que le ministre se pose la question de son « recentrage » mais a regretté que ce débat ait lieu à l'occasion d'un débat budgétaire. Soulignant le rôle bénéfique de l'enseignement agricole dans le milieu rural, il a regretté que le ministre de l'agriculture n'ait pas été entendu par la commission sur le projet de budget de l'enseignement agricole.
M. André Egu, donnant l'exemple de l'Ille-et-Vilaine, où l'enseignement agricole a toujours cherché et réussi à s'adapter aux besoins en formation du monde rural, même s'ils n'étaient pas limités aux activités de production, a jugé que son rattachement à l'éducation nationale, au sein de laquelle il serait « noyé », le priverait de cette faculté d'adaptation et de cette capacité de réaction, et il a dit partager les inquiétudes exprimées par le rapporteur pour avis sur l'avenir de l'enseignement agricole.
Le président Adrien Gouteyron, après avoir précisé que la commission devrait entendre le ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation sur le volet « formation » du futur projet de loi d'orientation agricole, s'est demandé si les propos tenus par le ministre lors du débat sur l'agriculture n'avaient pas dépassé sa pensée au risque de faire douter, certainement à tort, de son attachement à l'enseignement agricole. Reconnaissant que le projet de budget de l'enseignement agricole posait un vrai problème, il a souhaité que le débat budgétaire permette au ministre de préciser sa position et ses intentions.
Se félicitant du nombre et de la qualité des interventions, M. Albert Vecten, rapporteur pour avis, est convenu de la situation difficile dans laquelle se trouvait le ministre de l'agriculture, confronté aux multiples « crises » qui ont secoué récemment le monde agricole et qui ajoutent à l'inconfort de la position, notamment dans la conjoncture actuelle, des ministres dits « dépensiers » lors de leurs négociations avec le budget. II s'est à cet égard étonné que certains représentants de la profession semblent considérer qu'une limitation des effectifs de l'enseignement agricole, voire son transfert à l'éducation nationale, puisse permettre d'augmenter les moyens d'intervention du ministère de l'agriculture, puisqu'en tout état de cause les charges pesant sur le budget de l'État ne seraient pas diminuées.
Il a cependant regretté qu'aucune explication de la limitation de la progression des effectifs à 2 % n'ait pu être donnée, et que les propos du ministre tenus au Sénat puissent rallumer le débat sur le rattachement de l'enseignement agricole à l'éducation nationale, et être interprétés comme une remise en cause de sa remarquable rénovation et de sa réussite.
M. Albert Vecten a noté qu'il paraissait en particulier difficile de dissocier l'enseignement agricole de « l'enseignement rural » : les professions para-agricoles, les services de proximité, les métiers de l'aménagement contribuent aussi à la vitalité de l'économie rurale, et à la création d'un environnement indispensable au développement des activités de production et de transformation. Si l'enseignement agricole se limitait aux métiers de la production et de la transformation, beaucoup de jeunes seraient dissuadés de rester dans le milieu rural et s'engageraient dans des filières dont les débouchés sont plus aléatoires encore, le coût budgétaire souvent plus élevé, et qui les détourneraient sans doute définitivement des métiers du secteur agricole et para-agricole. Si l'on veut sauver la ruralité, il faut bien permettre aux jeunes de rester dans le milieu rural et d'y exercer une activité.
Certes, a noté le rapporteur pour avis, personne ne soutient qu'il faille augmenter indéfiniment les effectifs sans se préoccuper des débouchés. C'est d'ailleurs dans ce souci qu'il a été décidé de créer un observatoire des formations agricoles. Mais le « quota » de 2 % procède d'un impératif budgétaire et non d'une analyse des débouchés, et il suscite de nombreuses inquiétudes sur l'avenir de l'enseignement agricole.
Reprenant la parole, le président Adrien Gouteyron est convenu qu'il serait nécessaire que le ministre puisse donner quelques apaisements et quelques explications supplémentaires, notamment en ce qui concerne la limitation à 2 % de la croissance des effectifs, qui correspond à une démarche tout à fait inhabituelle.
M. Guy Poirieux, affirmant s'associer à la plupart des interrogations formulées par le rapporteur pour avis, s'est demandé si, pour tenir compte du contexte budgétaire général, il ne serait pas préférable que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat pour exprimer ses inquiétudes et obtenir les éclaircissements nécessaires.
Rejoignant ces propos, M. Jean Bernadaux a noté que cette position serait cohérente avec celles prises par la commission sur d'autres budgets et avec l'effort de maîtrise des dépenses publiques.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis, a réaffirmé qu'il lui paraissait impossible, en conscience et compte tenu des positions qui avaient été prises sur de précédents budgets de l'enseignement agricole, de proposer à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits pour 1997 de l'enseignement agricole. Il est néanmoins convenu que le contexte de maîtrise de la dépense publique pouvait justifier que la commission ne donne pas un avis défavorable mais s'en remette à la sagesse du Sénat.
Suivant les propositions de son rapporteur, la commission a alors décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits pour 1997 de l'enseignement agricole, les commissaires du groupe communiste, républicain et citoyen s'abstenant et les commissaires du groupe socialiste ne prenant pas part au vote.