TITRE PREMIER - L'INTÉGRATION SOCIALE : MIEUX AJUSTER LES PRESTATIONS ET LES STRUCTURES AUX BESOINS
A. L'ÉVOLUTION DES PRESTATIONS ET DES ORGANISMES D'ATTRIBUTION DE CELLES-CI
1. L'évolution des organismes d'attribution
a) Les COTOREP vont-elles enfin devenir véritablement efficaces ?
En effet, l'on connaît les maux des COTOREP quasiment depuis l'origine : manque de moyens, lenteurs, engorgement progressif (cf. tableaux ci-après) par l'attribution de l'TP aux personnes âgées en état de dépendance et par les conséquences de l'amendement Creton. L'influence des dispositions prises à la suite du rapport de l'IGAS dit « Carcenac » a. incontestablement, été positive. L'informatisation des COTOREP évoquée de manière récurrente depuis plus d'une décennie ne semble pas totalement achevée. Par ailleurs, la perspective de la création d'une prestation d'autonomie offrait quelque espoir pour le désengorgement de ces structures. Ceci aurait, en effet, permis à celles-ci de se recentrer sur l'activité à laquelle elles doivent leur nom : le reclassement professionnel. Le report de cette prestation, même pour un temps très court, laisse le problème entier. L'efficacité des COTOREP ne sera, semble-t-il, pas améliorée en 1996, dans la mesure où ces commissions ne verront pas leurs moyens accrus.
En revanche, un élément important est intervenu au cours de l'année 1995 concernant ces commissions : la modification de leur composition par le décret du 6 mai 1995, modification fortement souhaitée par votre commission dans la mesure où les conseils généraux, financeurs de l'ACTP, étaient sous-représentés dans cette instance d'attribution. Désormais, l'État et les conseils généraux sont à parité avec six membres (pour les conseils généraux, trois élus et trois personnalités qualifiées désignées par eux). Ce texte étant très récent, il est bien trop tôt pour en appréhender les conséquences réelles sur la jurisprudence des COTOREP. Notamment, on peut tout au plus mentionner les craintes fortes exprimées par les plus importantes associations de handicapés dans ce domaine et le fait qu'elles fassent état de contentieux et de blocages dans ce domaine.
Décisions des COTOREP en 1989 Premières demandes et renouvellements
(en pourcentage)
Champ : Estimation pour les COTOREP informatisées ayant fourni les tableaux standards Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
Délégation à l'Emploi - Mission insertion professionnelle des travailleurs handicapés avec le concours du Laboratoire d'économie sociale de l'Université Paris I
COTOREP - Dossiers examinés
Champ : France métropolitaine
Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle Délégation à l'Emploi - Mission insertion professionnelle des travailleurs handicapés avec le concours du Laboratoire d'économie sociale de l'Université Paris I
COTOREP - Décisions d'orientation
1ère section
Champ : France métropolitaine
Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
Délégation à l'Emploi - Mission insertion professionnelle des travailleurs handicapés avec le concours du Laboratoire d'économie sociale de l'Université Paris I
COTOREP - Décisions d'attribution
2ème section
Champ : France métropolitaine
Source : Ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle Délégation à l'Emploi - Mission insertion professionnelle des travailleurs handicapés avec le concours du Laboratoire d'économie sociale de l'Université Paris I
b) Les CDES : informatisation de leur activité et évaluation de celles-ci
Ces commissions, qui sont sous la double tutelle de l'éducation nationale et des affaires sociales, connaissent également un accroissement de leur activité, certes non linéaire (cf. tableau ci-après).
Champ : France entière
Source : Ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville - SESI
Ainsi que cela avait été précisé l'an passé à votre rapporteur, l'informatisation de ces commissions, envisagée dès 1988, aurait dû être achevée fin 1995. Force est de constater que tel ne sera pas le cas. Certes, la procédure de consultation de la CNIL a pris du temps et a quelque peu retardé le projet. Mais on peut également imputer ce décalage aux manques de moyens. Selon les informations fournies à votre rapporteur, les pouvoirs publics, revenus à plus de modestie, espèrent seulement que les trois quarts des CDES seront informatisées à la fin de 1996.
Parallèlement, l'activité des CDES va faire l'objet d'un certain nombre d'évaluations. Cela va être le cas pour l'attribution de l'ensemble des allocations d'éducation spéciale et, notamment, du glissement d'un complément à un autre pour mieux appréhender les facteurs de dérives. Un tiers des CDES devrait être concerné et les informations utiles être connues dès le troisième semestre 1996. Parallèlement, les CDES verront leur rôle renforcé, ponctuellement, pour certaines régions, en cas de placements à l'étranger, et plus globalement, dans le cadre de la mise en oeuvre des circulaires du 17 mai 1995 relatives à l'intégration scolaire des préadolescents et adolescents handicapés dans les collèges et lycées.
Enfin, une étude effectuée à la demande de la Direction de l'Action sociale du ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, par un Directeur de recherches de l'INSERM visant à suivre l'évolution des pratiques des CDES en matière d'orientation des enfants et des adolescents handicapés est, selon les informations obtenues par votre rapporteur, en cours d'achèvement. Elle devrait notamment permettre une meilleure connaissance des populations concernées, quant aux relations avec la famille, la nature de la prise en charge et l'orientation en milieu scolaire ordinaire.
2. L'évolution des prestations : des situations contrastées
a) L'allocation aux adultes handicapés (AAH) : une forte croissance essentiellement due aux effets mécaniques de la hausse du 1er juillet 1995
L'allocation aux adultes handicapés (AAH) se répartit, traditionnellement, en deux masses d'ampleur inégale et qui, habituellement, varient dans un sens différent : celle qui est du ressort du Ministère de la solidarité entre les générations et celle qui est financée par le Ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Or, pour la première fois depuis plusieurs années, ces deux masses enregistrent toutes les deux une croissance positive, mais à un rythme très différent, + 10,80 % pour la première et + 0,68 % pour la seconde, pour donner une croissance globale de 10,50 %, soit + 2,029 milliards de francs par rapport à l'an passé.
Cette croissance s'explique en grande partie par les conséquences de la revalorisation du minimum vieillesse, et donc de l'AAH, de 2,8 % intervenue au 1er juillet 1995.
Cette revalorisation permettra à l'AAH financée par le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation -sise à l'article 30 du chapitre 46-32- de croître, en montant, de 4 millions de francs par rapport à 1994. Cette allocation passera, donc, de 582 millions de francs en 1995 à 586 millions en 1996. Mais le nombre de bénéficiaires continue, lui à décroître, de 3 % en 1995 par rapport à 1994. Il devrait également baisser de 2 % en 1996 par rapport à 1995.
Cependant, la part de l'AAH financée par le Ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation apparaît quasiment marginale par rapport à l'AAH acquittée par le Ministère de la solidarité entre les générations, à peine 2,82 % en 1996.
La part de ce qui est du ressort du Ministère de la solidarité entre les générations a crû de plus de 2,025 milliards soit comme on l'a dit plus haut 10,80 % par rapport à 1995, ce qui est considérable, passant de 18,739 milliards à 20,764 milliards. Cette augmentation devrait résulter de deux facteurs évoluant en sens contraire : d'une part, les conséquences de la revalorisation intervenue au 1er juillet 1995 et l'évolution du nombre des bénéficiaires, soit 2,425 milliards de francs et d'autre part, les effets attendus de l'application de l'article 95 de la loi de finances pour 1994, soit 400 millions de francs d'économie.
Il faut rappeler, en effet, que l'article 95 précité très contesté au moment de son adoption, a modifié l'article 35-2 de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des handicapés et qu'il prévoit notamment que, pour les nouvelles demandes d'AAH déposées à compter du 1er janvier 1994, les personnes qui, en raison de leur handicap, s'avèrent dans l'impossibilité de ce procurer un emploi et sont reconnues comme telles par les COTOREP, doivent de plus justifier d'un taux minimal d'incapacité que le ministre du budget de l'époque, M. Nicolas Sarkozy, avait défini lors des débats comme devant être de 50 %. Toutefois, le décret fixant ledit taux est daté du 16 mai 1994. Lors des débats à la Haute Assemblée, les sénateurs s'étaient inquiétés des possibles conséquences d'un transfert des personnes refusées pour l'AAH vers le RMI dont l'aspect « insertion » est financé par les départements. La commission des finances du Sénat avait donc amendé l'article qui est devenu l'article 95, afin de créer un paragraphe III pour demander un rapport sur les conséquences financières, pour les départements, de la mise en oeuvre d'une telle disposition, dans les six mois après l'entrée en vigueur dudit article. Or, fin novembre 1995, ce rapport n'est toujours pas paru...
De plus, une telle disposition avait été instaurée pour réaliser des économies : 300 millions de francs devaient être ainsi épargnés dès 1994. Or, l'effet de la mesure est limité aux premières demandes ce qui implique qu'un peu moins de la moitié des décisions d'attribution étaient concernées. De plus, le décret de fixation du taux n'est intervenu qu'à la mi-mai 1994. De facto, l'impact de la réforme n'a pu commencer à être appréhendé qu'à la fin de l'année 1994.
Selon les renseignements fournis à votre rapporteur, pour le premier semestre 1994, soit pendant la période de première application du nouveau guide barème dit barème Talon, et avant la parution du décret du 16 mai 1995, la proportion des AAH attribués au titre de l'article 35-2 a été de 36,1 % pour les premières demandes.
En ce qui concerne le second semestre 1994 où s'appliquent à la fois le nouveau guide barème et le taux de 50 %, la proportion de « 35-2 » a été de 37,3 %.
Enfin, le premier semestre 1995 a connu une proportion de 36,3 %.
L'impact de l'article 95 de la loi de finances pour 1994 s'avère donc indiscernable et les économies envisagées impalpables. L'économie attendue en 1995, soit 400 millions de francs, a également peu de chances d'être réalisée. Les prévisions d'économies de 400 millions de francs pour 1996 semblent donc plus qu'optimistes.
Il semble donc que la réforme, très contestée, de l'article 95 de la loi de finances pour 1994, n'ait pas eu d'influence réelle, au moins pour le moment, sur les ressources des personnes bénéficiaires de l'AAH et sur l'accès des personnes handicapées à cette prestation.
Si l'on souhaite analyser plus finement l'AAH qui est du ressort du ministère de la solidarité entre les générations, il faut souligner la part prise, dans ce montant, du « complément d'autonomie » institué par l'arrêté du 29 janvier 1993, devenu, après sa consécration législative par l'article 58 de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la sécurité sociale, le complément d'allocation aux adultes handicapés, égal à 16 % de l'AAH et donc revalorisé comme tel au 1er juillet 1995. D'un montant mensuel de 532 francs, il est d'un coût total de 520 millions de francs, soit presque autant que l'AAH du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Il concernait, en 1994, 95.000 personnes handicapées à au moins 80 % titulaires de l'AAH, que cela soit à taux plein ou à taux différentiel en complément d'un avantage d'invalidité, de vieillesse au d'une rente d'accidents du travail, disposant d'un logement indépendant, et percevant, à ce titre, une aide personnelle au logement. Or, comme votre rapporteur le mentionnait déjà l'an passé, ceci aboutit à exclure du bénéfice de ce complément certaines personnes tout aussi handicapées, comme les pensionnés d'invalidité ou les travailleurs handicapés percevant une AAH partielle.
Par ailleurs, votre rapporteur se doit de noter l'importance de la montée en charge de ce complément, en nombre de personnes concernées (+ 32,86 % de 1993 à 1994) et surtout en montants (+ 62,5 % toujours de 1993 à 1994), puisque l'on passe de 320 millions de francs en 1993 à 520 millions en 1994.
Enfin, l'on doit dire (cf. tableau ci-dessous) que, globalement, depuis dix ans, le nombre des personnes bénéficiaires de l'AAH connaît un rythme d'évolution modéré compris entre - 0,2 et 3,2. Selon les estimations, en 1994, le rythme de progression a été inférieur à celui de l'année précédente (2,4 % contre 2,5 %). Le nombre global des bénéficiaires est donc voisin de 600.000 personnes (597.000 exactement).
* Résultats provisoires (source ministère de la solidarité entre les générations)
Évolution du nombre des bénéficiaires de l'AAH (tous régimes)
Selon les régions, on peut constater des disparités importantes comme en témoignent le tableau ci-dessous.
Bénéficiaires de l'AAH selon les régions
b) L'allocation d'éducation spéciale : une progression des montants et du nombre des enfants handicapés concernés qui s'assagit et une interrogation qui subsiste concernant la réforme du troisième complément
Même si une « allocation d'éducation spécialisée » avait été créée en 1963, l'allocation d'éducation spéciale (AES), considérée comme une prestation familiale et donc, comme telle, financée par la branche famille n'a été instituée qu'à partir de la loi du 30 juin 1975 dite d'orientation en faveur des personnes handicapées. Il faut, cependant, préciser qu'à l'allocation seule ou assortie de son premier ou deuxième complément s'est ajouté un troisième complément créé par deux décrets du 23 septembre 1991 afin de répondre au cas de l'enfant atteint d'un handicap particulièrement grave, et justifiant, de ce fait, de soins continus de haute technicité.
Depuis le début des années quatre-vingt, aussi bien en montant qu'en nombre de bénéficiaires, l'allocation d'éducation spéciale a connu une évolution contrastée. En effet, les taux de croissance du montant de cette prestation ont été compris, de 1981 à 1994, dernier chiffre connu, entre 24,61 % et 3,57 %. Il faut, toutefois, noter que l'indice pour 1994, soit 3,57 % est le chiffre le plus bas recensé, alors que 1993 avait été une année de forte croissance avec - 10,10 %. En masse, l'AES représentait donc 1,625 milliard de francs en francs courants, contre 0,57 milliard en 1981 soit un quasi-triplement en l'espace de treize ans. Par contre, en nombre d'enfants concernés, l'augmentation sur la même durée est beaucoup moins impressionnante (+ 40 %), dans la mesure où les titulaires de l'AES sont passés de 63.445 à 89.905. Mais c'est une évolution contrastée, comme votre rapporteur l'a déjà souligné et comme on peut le voir sur le tableau ci-dessous, dans la mesure où certaines années ont connu des baisses du nombre des bénéficiaires aussi bien pour l'ensemble, que pour l'allocation seule, l'allocation avec le premier complément ou l'allocation avec le deuxième complément. En 1994, la croissance globale du nombre des titulaires de l'AES a été modeste. + 2,51, comme c'est le cas depuis 1989. Mais à l'intérieur de celle-ci. les amplitudes ont été relativement grandes quasi-stagnation de l'allocation seule ( + 0,88 %), hausse non négligeable des enfants concernés par le premier complément ( + 3,26 %) et par le deuxième (+ 4,68 %), montée en charge non encore complètement achevée pour le troisième complément (+ 30,84 %) avec 2.011 titulaires fin 1994. Toutefois, les enfants qui ne bénéficient que de l'AES seule restent majoritaires en 1994 en étant 53.18/8, alors que le total est de 89.905.
ÉVOLUTION DES MONTANTS AFFÉRENTS D'ALLOCATION D'ÉDUCATION SPÉCIALE
ÉVOLUTION DU NOMBRE DES BÉNÉFICIAIRES
(En valeur absolue et en %)
Votre rapporteur souhaite s'attarder sur les difficultés de mise en oeuvre du troisième complément et sur les éventuelles pistes de réforme.
Le montant du troisième complément s'avère très important par rapport aux deux autres puisqu'il est égal à la majoration pour tierce personne de la pension d'invalidité de troisième catégorie du régime général, soit 5.422 F au 1er juillet 1995. Le versement de ce complément, accordé par les commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) est subordonné à la cessation d'activité professionnelle de l'un des deux parents ou au recours effectif à une tierce personne rémunérée.
Créé, en septembre 1991, ce troisième complément a vu ses conditions d'attribution précisées par la circulaire n° 91-19 du 18 décembre 1991 puis assouplies, à peine un an après la création de cette prestation, par la circulaire additive du 16 septembre 1992, pour tenir compte du cas des enfants, qui, sans requérir des soins d'une haute technicité, ont besoin de soins constants, du fait de leur handicap particulièrement grave et de leur absence d'autonomie pour tous les actes ordinaires de la vie. Sur le plan de l'exigence de l'activité également, les conditions ont été grandement assouplies, puisque a été assimilé à une cessation d'activité le fait de ne pouvoir en prendre une en raison de l'état de l'enfant ou celui, pour chacun des deux parents, de ne pouvoir travailler qu'à temps partiel, en raison de l'état de leur enfant.
Si l'on cherche à dresser une classification des enfants concernés, d'après les demandes, 56 % sont polyhandicapés et 39 % sont malades. La ventilation n'a pas changé depuis l'an passé.
Selon les derniers chiffres disponibles, au 31 mai 1995, le troisième complément était versé à 2.424 enfants, contre 2.011 fin 1994 et 1.537 fin 1993. La montée en charge ne semble donc pas, de toute évidence, achevée.
Toutefois, existent certaines difficultés d'application, dont a, d'ailleurs, déjà témoigné la modification de la réglementation moins d'un an après l'instauration du troisième complément. On a ainsi pu constater des disparités dans les attitudes des différentes CDES pour l'attribution de cette prestation et l'émergence de certaines dérives, certes encore limitées, d'où la nécessité d'une plus grande clarté du dispositif qui pourrait mener à une nouvelle définition des règles applicables. C'est pourquoi, afin d'établir un état des lieux en ce domaine, une enquête a été lancée auprès d'un échantillon représentatif de CDES. Cette enquête aura un double objet : mieux appréhender la situation familiale et la nature de l'aide apportée pour mieux évaluer les contraintes entraînées par le handicap de l'enfant et tenter de définir des limites précises entre les conditions d'attribution de l'AES et celles de ses différents compléments. Les résultats définitifs de cette enquête devraient être connus au cours du quatrième trimestre 1996.
c) L'allocation compensatrice : le recentrage attendu sur la population handicapée et la publication du décret sur l'effectivité
La création d'une prestation relative à la dépendance des personnes âgées s'avère indispensable. C'est en tout cas non seulement le sentiment de votre rapporteur, mais aussi celui des conseils généraux et des principales associations de personnes handicapées auditionnées dans le cadre de la préparation de cet avis. Le report de l'entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 1997 pour les personnes résidant à domicile -ce qui au demeurant s'avère parfaitement compréhensible au regard des problèmes financiers de notre protection sociale- est regrettable à de nombreux titres. Tout d'abord, parce que l'allocation compensatrice va continuer de croître en montant et en nombre de personnes âgées concernées. Les départements vont donc continuer d'acquitter l'intégralité de cette charge qui a atteint des montants très difficiles à supporter, alors même que les sommes relatives au financement de l'ACTP pour les personnes handicapées, et non pour les personnes âgées, restent globalement stables (2,8 milliards en 1994 comme en 1993), de même que les personnes handicapées concernées (81.700 en 1994 et 80.700 en 1993) (cf. tableau ci-après). Le problème de la dérive de l'allocation compensatrice, servie en espèces, dans une proportion de plus en plus importante, mais qui est variable selon les départements (cf. tableaux ci-après), à des personnes âgées sans autre handicap que celui dû à l'âge, reste entier. Notamment, les quelque vingt départements qui ne respectent pas la législation et ne versent pas l'ACTP en établissement, lui préférant l'incitation au recours à l'aide sociale à l'hébergement, risquent encore d'être condamnés.
Certes, grâce à deux dispositions intervenues au cours du premier semestre 1995, prises par le Gouvernement précédent et fortement souhaitées par votre commission des Affaires sociales, notamment par la voix de M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, du projet de loi relatif à la sécurité sociale, les conseils généraux peuvent davantage agir et contrôler l'attribution de l'ACTP. Désormais, grâce à l'intervention du décret du 24 janvier 1995 pris pour l'application de l'article 59 de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, le président du conseil général peut désormais contrôler l'effectivité de l'aide de la tierce personne accordée. L'on sait que l'un des problèmes les plus importants concernant l'ACTP à destination des personnes âgées, est la thésaurisation de cette prestation ou le don de celle-ci à la famille du bénéficiaire (petits enfants, etc.).
Il faut noter, toutefois, que ce décret n'a pas donné entièrement satisfaction aux promoteurs de l'article 59 de la loi du 18 janvier 1994 à la Haute Assemblée, qui ont estimé que la volonté du législateur n'avait pas été respectée en excluant du contrôle de l'effectivité les allocations compensatrices d'un taux inférieur à 80 %. En effet, l'administration considère que le décret du 24 janvier 1995 ne modifie en rien les conditions d'attribution de l'ACTP telles qu'elles ont été définies à l'article premier du décret n° 77-1549 du 31 décembre 1977.
De plus, le décret du 24 janvier 1995 contient des termes non exempts d'ambiguïté. Ainsi, dans l'article premier de ce décret, il est indiqué que « postérieurement au versement initial de l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne, le bénéficiaire de cette allocation est tenu, sur demande du président du conseil général, qui peut être renouvelée, d'adresser à ce dernier une déclaration indiquant l'identité et l'adresse de la ou des personnes qui lui apportent l'aide qu'exige son état ainsi que les modalités de cette aide. Cette déclaration est accompagnée, le cas échéant, des copies des justificatifs de salaires si cette ou ces personnes sont rémunérées, ou des justifications relatives au manque à gagner subi, du fait de cette aide, par une ou plusieurs personnes de l'entourage du bénéficiaire ».
A cet égard, les expressions « le cas échéant » et « le manque à gagner subi » peuvent être sujettes à interprétation. L'administration a donc apporté un certain nombre de précisions. Tout d'abord, conformément au décret n° 77-1549 du 31 décembre 1977, l'ACTP au taux de 80 % n'est accordée que si l'aide est apportée par une tierce personne rémunérée ou subissant un manque à gagner. Dans ce cas, le président du conseil général est donc fondé à réclamer des justificatifs des salaires ou des attestations de manque à gagner. En revanche, l'administration considère que ces deux types de justificatifs ne sont pas exigibles lorsque l'ACTP est accordée à un taux qui est compris entre 40 % et 70 %, ce que certains membres éminents de la Haute Assemblée contestent. Toutefois, il faut préciser que les personnes concernées sont tout de même tenues, sur demande du président du conseil général, de fournir une déclaration indiquant l'adresse et l'identité de la ou des personnes leur apportant l'aide qu'exige leur état ainsi que les modalités de cette aide. Pour l'administration, la suspension ou l'interruption de l'allocation compensatrice ne se conçoit que lorsque la personne handicapée n'a pas fourni cette déclaration, accompagnée des justificatifs de salaire et du manque à gagner lorsque l'allocation a été accordée au taux de 80 %.
C'est bien évidemment la notion de manque à gagner qui apparaît la plus difficile à définir précisément.
L'administration présume ainsi la condition relative au manque à gagner « dès lors que vit auprès du handicapé une personne qui dispose de ressources insuffisantes qui la contraindraient à exercer une activité salariée ». Pour permettre aux services chargés du contrôle de l'effectivité de l'aide d'appréhender cette contrainte, il est évidemment opportun de leur transmettre le montant des ressources imposables. Cette preuve de manque à gagner ne peut être apportée par les personnes exclues du marché du travail pour d'autres raisons que l'aide à la personne âgée, comme le chômage, l'invalidité et la retraite. En revanche, celles qui auront arrêté leur activité professionnelle pour aider un membre de leur famille pourront en apporter la preuve par tous moyens, tel le dernier bulletin de salaire. Quant aux personnes n'ayant jamais exercé une activité salariée, elles auront la possibilité d'apporter la preuve de leur aptitude à exercer une activité professionnelle par l'envoi de copie de diplômes, d'attestation de stages ou de formations suivies.
A cet égard, il faut également remarquer que la contrainte subie par la tierce personne du fait de l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle est très variable selon qu'il s'agit d'accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne ou seulement d'exécuter certaines tâches ponctuelles ou certains soins particuliers. Au regard de cette notion très complexe à cerner de « manque à gagner », l'administration a précisé que le bénéficiaire de l'ACTP pourrait utilement indiquer le temps passé par la tierce personne à cette activité et les conditions de cette aide (aidant seul ou aidé par d'autres personnes ou même par des services d'aide et de soins à domicile). Le contrôle sur place pourra d'ailleurs confirmer ou non cette présomption de manque à gagner.
La mise en oeuvre de ce décret par, notamment, la difficulté de cerner cette notion de manque à gagner et la non prise en compte de l'ACTP octroyée à un taux inférieur à 80 %, ne semble donc pas apporter pour le moment de réponse suffisante au problème du contrôle de l'effectivité.
Avec le contrôle de l'effectivité, la deuxième demande forte de votre commission des Affaires sociales, lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité sociale, était la modification du décret sur la composition des COTOREP, afin que les financeurs de l'ACTP, à savoir les départements, y soient mieux représentés pour prendre part davantage aux décisions. C'est désormais chose faite avec le décret du 6 mai 1995, signé par Mme Simone Veil, Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, avant son départ du ministère. Ce décret prévoit désormais six membres relevant à des titres divers du conseil général, trois conseillers généraux et trois personnalités qualifiées choisies par le conseil général.
Les départements disposent donc désormais de deux garde-fous, en amont et en aval concernant l'attribution de l'ACTP.
Concernant les aspects statistiques de l'allocation compensatrice, votre rapporteur regrette que, selon le ministère du travail et des affaires sociales, on ne puisse pas distinguer l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'allocation compensatrice selon qu'elle est versée au titre de la compensation de frais professionnels ou de l'indemnisation d'une tierce personne ainsi que les bénéficiaires de l'ACTP hébergés en établissement et les autres. De même, il aurait souhaité, dans l'optique de la mise en oeuvre d'une allocation de dépendance, que l'on puisse distinguer tous ceux qui bénéficient de l'ACTP à plus de 60 ans, s'ils l'ont obtenue antérieurement ou non.
Votre rapporteur ne peut donc que vous présenter les tableaux suivants, retraçant respectivement l'évolution des montants de l'ACTP à destination des handicapés et des personnes âgées, l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'ACTP depuis dix ans et, enfin, pour 1993, la ventilation entre les moins et les plus de 60 ans, par département.
Allocation compensatrice en faveur des personnes handicapées Évolution en montants
Allocation compensatrice pour les personnes âgées en montant et nombre (source ODAS)
Évolution du nombre de bénéficiaires de l'ACTP depuis 1984
Ventilation par département des bénéficiaires de l'AAH (chiffres de 1993)
Pour certains départements, le ministère concerné n'a pu fournir de chiffres ou bien les a donnés de manière incomplète, ce qui augure, semble-t-il, mal du calcul des dépenses de référence dans le cadre d'un texte sur une prestation dépendance.
Sur ce dernier tableau, seuls Paris, la Seine-Saint-Denis et le Val de Marne conservent une majorité d'ACTP servies à des personnes de moins de 60 ans. Mais cette majorité s'amenuise d'année en année. Déjà douze départements ont dépassé 80 % de personnes âgées de plus de soixante ans pour l'octroi de l'ACTP, le taux le plus fort étant enregistré par les Landes avec 91,46 %. Toutefois, il faut rappeler que ces statistiques ne font pas la distinction entre les personnes qui ont obtenu l'ACTP avant 60 ans et qui sont désormais âgés de plus de 60 ans et ceux à qui on a octroyé cette prestation après cet âge.