N° 79
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XIV
LOGEMENT
Par M. William CHERVY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 et 77 (annexe n°28) (1995-1996).
Lois de finances.
Mesdames, Messieurs,
Les crédits destinés au logement dans le projet de loi de finances pour 1996 s'élèvent en moyens de paiement (dépenses ordinaires et crédits de paiement) à 42,2 millions de francs, soit à structure constante, 9 % de plus que ceux de la loi de finances initiale pour 1995, et 7,4 % de plus par rapport au budget voté de 1995.
Les dépenses en capital (crédits de paiement) représentent 14,2 milliards de francs, soit une progression de 12,4 % par rapport à la loi de finances pour 1995.
Dans un contexte de contraintes budgétaires, ces crédits traduisent la priorité reconnue au secteur du logement et la poursuite de l'effort engagé dans le collectif budgétaire de 1995 et dans le plan d'urgence en faveur du logement des plus démunis.
Les dotations qui figurent dans le projet de budget pour 1996 traduisent également une volonté de réforme de la politique du logement née à la fin des années 70, aujourd'hui manifestement inadaptée à la situation économique et sociale, et notamment à la précarisation de l'emploi.
La réforme de l'accession à la propriété, les actions en faveur du logement des plus démunis et les mesures prévues pour le logement locatif social, constituent les principales orientations du projet de budget.
L'évolution des crédits prévus pour 1996 devraient ainsi permettre de maintenir le niveau des aides à la pierre, et l'effort de construction en faveur des logements locatifs sociaux et d'améliorer le parc de logements existants, tandis que les aides personnelles devraient connaître une progression légèrement ralentie.
PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996
BUDGET LOGEMENT
PROGRAMMES PHYSIQUES
Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits budgétaires destinés au logement depuis cinq ans :
CRÉDITS MANDATÉS SUR LE BUDGET LOGEMENT DE 1990 À 1994 AIDES À LA PIERRE ET AIDES À LA PERSONNE
Dans le cadre de l'effort de réduction du déficit budgétaire, l'Assemblée nationale a réduit les crédits du ministère du logement de 38,63 millions de francs en première délibération.
Les crédits du titre V de l'état C ont été ainsi réduits de 2,97 millions de francs de crédits de paiement :
- 0,97 million de francs sur la ligne du chapitre 57-30 -article20- consacré au plan construction et architecture ;
- 2 millions de francs sur celle consacrée aux études locales (art. 40).
Cette réduction correspond à un ajustement des crédits aux besoins (reports de 4,87 millions de francs en 1994 et de 11,62 millions de francs en 1995).
Les crédits de paiement consacrés aux subventions d'investissement du titre VI de l'état C ont été également réduits de 35,66 millions de francs :
- une réduction de 17,32 millions de francs (art. 20, chapitre 65-48) pour le financement des PAP distribués jusqu'à l'entrée en vigueur des prêts à taux zéro ;
- une réduction de 18,34 millions de francs affectant le chapitre 65-49.
Dans le cadre de la majoration de crédits de 492 millions de francs adoptée au cours de la deuxième délibération, les crédits du ministère du logement ont été augmentés de 11,51 millions de francs en DO ou en AP, à l'initiative du Gouvernement :
- chapitre 44-30 (subvention à l'ANIL et aux ADIL) : 1,50 million de francs ;
- chapitre 65-48, article 10 (ligne fongible PLA-PALULOS) : 5,01 millions de francs ;
- chapitre 65-48, article 80 (prime à l'amélioration de l'habitat) : 5 millions de francs.
Au total, les moyens de paiement du ministère du logement sont réduits de 27,12 millions de francs, soit une somme symbolique par rapport au montant global de ce budget (0,6 %).
Après avoir rappelé la situation et les perspectives du secteur du bâtiment et de la construction, il conviendra d'analyser les principales orientations de la politique du logement que traduit le projet de budget pour 1996.
I. LA SITUATION DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT ET DE LA CONSTRUCTION : UNE REPRISE TIMIDE ET DES PERSPECTIVES PEU ENCOURAGEANTES
A. UNE DIFFICILE SORTIE DE RÉCESSION
1. Une crise amorcée en 1991
Le secteur du bâtiment est entré au milieu de l'année 1991 dans une période de récession. Celle-ci a été étroitement liée au ralentissement économique général et, en particulier, à la baisse de l'investissement des entreprises du secteur concurrentiel ainsi qu'à la hausse des taux d'intérêt. L'activité du bâtiment a alors reculé de 3,8 % en prix constants en 1992 et de 6,4 % en 1993, soit un repli supérieur à celui du PIB marchand.
La crise du secteur du bâtiment, qui s'est prolongée jusqu'au printemps de l'année 1994, est essentiellement une crise de la construction neuve. Les travaux d'entretien-amélioration ont continué à progresser en 1992, à un rythme toutefois moins soutenu qu'en 1990 et 1991, mais ont, en revanche, enregistré un net repli en 1993.
2. Le plan de relance du printemps 1993
a) Les mesures prévues
Le plan de relance en faveur du logement du printemps 1993 visait à relancer la production de logements et l'activité du secteur du bâtiment. Il comprenait à la fois des mesures pour la construction de logements locatifs sociaux, pour le développement de l'accession à la propriété, et des mesures fiscales pour encourager l'investissement dans la pierre.
- Le locatif social
Le plan prévoyait le financement complémentaire de 20.000 prêts aidés à l'accession à la propriété (PAP) et de 11.000 prêts locatifs aidés (PLA), dont 3.000 prêts locatifs aidés (PLA) d'insertion, portant les programmes pour 1993 à 55.000 PAP et 101.000 PLA dont 13.000 PLA d'insertion. Par ailleurs, ce plan de relance prévoyait la création d'une ligne budgétaire dotée de 100 millions de francs pour l'hébergement d'urgence et le financement de 10.000 prêts locatifs intermédiaires (PLI) complétant l'enveloppe initiale.
- L'accession à la propriété
Dans le cadre du plan de relance, le taux d'intérêt des PAP à taux fixe a été ramené à 6,95 % pour un prêt sur vingt ans au lieu de 8,97 % auparavant. Les plafonds de ressources ont été revalorisés de 20 à 27 % selon la zone et les montants maximaux de prêt ont été augmentés. De plus, une convention qui prévoyait des financements exceptionnels du 1 % logement pour les bénéficiaires de PAP et de prêts d'accession sociale (PAS), a été signée avec les partenaires sociaux.
- Les mesures fiscales
En outre, pour encourager les particuliers à investir leur épargne dans la pierre, plusieurs mesures fiscales ont été adoptées par le Parlement : amortissement des plus-values immobilières en vingt-deux ans au lieu de trente-deux ans, relèvement de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers de 8 % à 10 %, imputation des déficits fonciers sur le revenu global dans la limite de 50.000 francs par an. La loi de finances pour 1995 a porté de 50.000 F à 70.000 F à compter de 1995 le plafond d'imputation des déficits fonciers sur le revenu global (article 64). Par ailleurs, le taux de déduction forfaitaire sur les revenus fonciers a été porté de 10 % à 13 % par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 1995.
- Les mesures temporaires
Des mesures temporaires ont également été adoptées : exonération des plus-values de cessions réalisées entre le 1er octobre 1993 et le 1er octobre 1994 pour les titres d'OPCVM de capitalisation en cas de réinvestissement dans un logement et, pour faciliter la liquidation du stock de logements neufs invendus, exonération partielle de droits de mutation, lors de la première transmission à titre gratuit ou onéreux, des logements acquis neufs entre le 1er juin 1993 et le 1er septembre 1994. La mesure sur la cession de titres d'OPCVM a été prolongée une seconde fois jusqu'au 30 juin 1995 et la mesure sur l'exonération de droits de mutation a été rétablie pour les logements neufs achevés avant le 31 décembre 1994 et acquis entre le 1er août 1995 et le 31 décembre 1995.
Par ailleurs, pour développer une offre de logements à loyer intermédiaire, le Gouvernement a décidé d'améliorer sensiblement les conditions du PLI pour les investisseurs privés à compter du 1er juillet 1993, en réduisant son taux d'intérêt de 7 % à 6,5 % et en portant la quotité maximale du prêt pour l'ensemble des investisseurs de 60 % à 70 %.
b) Les effets du plan de relance
Les mesures du plan de relance en faveur du logement ont contribué à réanimer la demande en fin d'année 1993 et à freiner le mouvement de décrue de l'activité. Après la forte contraction enregistrée en 1991-1992, la dégradation de l'activité des marchés immobiliers résidentiels s'est sensiblement atténuée en 1993. La reprise amorcée mi-93 s'est confirmée en 1994 avec un nombre de logements mis en chantier de 302.000 en hausse de 17 % par rapport à 1993.
Cette forte reprise des mises en chantier provient pour plus de la moitié de la construction aidée.
Le nombre de logements aidés mis en chantier est passé de 92.000 en 1992 à 103.000 en 1993 et à 128.000 en 1994. La part des logements aidés (PLA et PAP) dans le nombre des mises en chantier est passée de 33 % en 1992 à 41 % en 1994. Le nombre de logements mis en chantier avec l'aide d'un PAP est en augmentation de 71 % de 1993 à 1994, passant de 31.000 à 53.000.
Le secteur des logements non-aidés enregistre en 1994 une progression de ses mises en chantier après quatre années de baisse successives de 1990 à 1993.
Le niveau attractif des taux d'intérêt des prêts au logement du secteur libre, entre l'automne 1993 et l'été 1994, ainsi que les différentes incitations fiscales, telle que l'exonération des droits de première mutation sur les achats de logements neufs ou celle des plus-values réalisées sur la vente de SICAV lorsque le produit est réinvesti dans le logement, ont fortement contribué à l'accroissement des ventes enregistrées à la fin de l'année 1993 et au cours du premier semestre 1994.
En ce qui concerne les travaux d'entretien, les mesures incitatives, tant budgétaires que fiscales, du plan de relance de 1993, conjuguées à la baisse des taux d'intérêt, intervenue à la fin de l'année 1993, et au début de l'année 1994, ont été les facteurs essentiels de la reprise de l'activité liée aux travaux d'entretien de logements. Le plan de relance de 1993 avait porté la dotation pour la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH) de 400 millions de francs et celle de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) de 2 à 2,3 milliards de francs.
Le nombre de logements ayant bénéficié des subventions de l'ANAH est passé de 123.500 en 1992 à 141.300 en 1993 et à 143.600 en 1994. En montant de subventions engagées, les aides de l'ANAH sont passées de 2.182 millions de francs en 1992 à 2.437 millions de francs en 1993 et à 2.741 millions de francs en 1994. Pour la PAH, le nombre de logements aidés est passé de 52.276 en 1992 à 60.802 en 1993 et à 68.771 en 1994. En montant de subventions, les primes versées représentent 559 millions de francs en 1992, 646,8 millions de francs en 1993 et 728,9 millions de francs en 1994.
L'activité liée aux travaux d'amélioration dans le secteur privé a bénéficié en 1994 des mesures incitatives contenues dans le plan de relance 1993. Les deux mesures essentielles concernent l'amélioration des déductions fiscales accordées aux ménages pour la réalisation de travaux dans leur logement et l'imputation partielle du déficit foncier sur le revenu global pour les propriétaires-bailleurs.
De plus, la forte progression constatée au premier semestre 1994 des acquisitions de logements anciens aura été aussi un facteur déterminant de l'accroissement des travaux d'entretien, puisque 36 % en moyenne des nouveaux propriétaires effectuent des travaux dans les trois ans qui suivent l'acquisition de leur logement.
3. Un léger fléchissement des mises en chantier de logements en 1995
Dans un contexte macro-économique plus porteur, l'activité du bâtiment enregistrerait une croissance identique à celle de 1994, soit de l'ordre de 1 % en prix constants.
L'activité liée à la construction neuve, résidentielle et non résidentielle, augmenterait d'un peu moins de 3 % en prix constants, grâce à la poursuite de la progression de l'activité enregistrée en 1994 dans le secteur du logement.
L'activité liée à la construction de logements croîtrait en 1995 d'environ 7 %, en prix constants. Cette croissance soutenue, supérieure à celle enregistrée en 1994, résulterait, d'une part, de la forte progression des mises en chantier de logements constatée en 1994 (+45 400 unités) qui induit encore de l'activité pour les entreprises de bâtiment, notamment de second oeuvre et d'autre part, de la poursuite de la hausse des mises en chantier de maisons individuelles en 1995.
Les mises en chantier de logements en 1995 pourraient se situer à un niveau probablement inférieur, mais pas très éloigné de celui de 1994.
Ce léger fléchissement résulterait du haut niveau des taux d'intérêt des prêts au logement au cours du premier semestre de l'année 1995, du climat d'attente créé par l'annonce, dès le printemps, d'une réforme à l'automne 1995 des mécanismes de l'accession sociale à la propriété, et de la légère remontée des stocks détenus par les promoteurs immobiliers.
Dans le secteur de l'entretien-amélioration de logements, la baisse des aides directes de l'État devrait peser sur l'activité de ce secteur qui connaîtrait un repli d'un point environ en 1995. Ce retrait interviendrait malgré un environnement économique général plus favorable aux travaux effectués par les ménages. En particulier, les mesures fiscales contenues dans le collectif budgétaire de juin 1995 devraient inciter à la réalisation de travaux d'entretien-amélioration de logements.
4. Une progression de l'activité du bâtiment encore moindre en 1996 ?
En 1996, dans un contexte macro-économique légèrement moins favorable qu'en 1995, l'activité du bâtiment pourrait croître d'environ 0,5 % en prix constants.
En effet, la progression de l'activité économique générale en 1996 devrait être moins soutenue (+2,8 % contre +2,9 % en 1995 pour le PIB, selon les prévisions contenus dans le projet de loi de finances pour 1996).
Par ailleurs, une poursuite de la diminution des taux d'intérêt des prêts à long terme est attendue au cours du second semestre 1995 et au début de l'année 1996, ce qui devrait influer favorablement sur l'activité des entreprises de bâtiment.
Dans le secteur du logement neuf, la réforme des mécanismes de l'accession sociale à la propriété devrait se traduire par une progression des autorisations de construire de maisons individuelles en 1996. Toutefois, compte tenu du repli des autorisations de construire enregistrées en 1995 (-20.000 logements au cours des huit premiers mois de l'année par rapport à la même période de l'année précédente), le nombre des logements mis en chantier progresserait légèrement en 1996 par rapport à 1995. Cette stabilisation du niveau de la construction neuve résulterait d'une nette augmentation des ouvertures de chantiers de maisons individuelles, de l'ordre de 10 000 unités, et d'un repli équivalent de celles de logements collectifs. En termes d'activité, une légère croissance du chiffre d'affaires lié à la construction de logements est attendue en 1996 (+ 0,5 % en prix constants par rapport à 1995).
Dans le secteur de l'entretien-amélioration de logements, le maintien des aides de l'État à leur niveau de 1995, la mise en place de la réforme de l'accession à la propriété et les différentes mesures fiscales devraient permettre à l'activité d'entretien-amélioration de logements de progresser de 0,5 % en volume en 1996 par rapport à 1995.
En ce qui concerne la construction neuve de bâtiments non résidentiels, son redressement devrait intervenir en 1996 pour le secteur privé qui enregistrerait une croissance de 1,8% en volume. Une stabilisation de l'activité liée à la construction de bâtiments publics est attendue par ailleurs. Au total, l'ensemble de l'activité de construction neuve de bâtiments non résidentiels progresserait alors de 0,5 % en prix constants.
B. LES COMPARAISONS EUROPÉENNES : UN RALENTISSEMENT GÉNÉRAL
En 1994, l'activité du BTP européen a progressé de 1,3 % grâce au logement neuf sans toutefois retrouver son niveau de 1992. En 1993, l'activité du BTP en Europe avait connu une baisse de 4,1 %. Pour 1995, il est prévu une augmentation de l'activité autour de +- 1,8 %.
1. Le bâtiment neuf
À la fin des années 80, ce secteur a connu un développement sans précédent dans toute l'Europe avec une croissance annuelle de 5 à 6 %. En 1990, le ralentissement économique général a affecté la construction de logements : l'activité du non-résidentiel privé s'est contractée en 1991, tandis que le non-résidentiel public s'est mieux maintenu jusqu'ici mais a connu un repli en 1993 et n'a pas bénéficié en 1994 de la reprise des investissements productifs. La demande de bâtiments privés est par ailleurs contrariée par l'existence de stocks et de surcapacités de production importantes.
Pour les bâtiments non résidentiels privés, en 1995, il n'y a plus que la France et l'Espagne qui devraient enregistrer une décroissance de l'ordre de 2,5 % de l'activité, alors qu'au cours des années 1993 et 1994, trois pays ont enregistré une décroissance à deux chiffres. Seule l'Allemagne a échappé à la récession et elle représente la moitié de la production nouvelle de bâtiments privés chez les cinq grands pays de l'Union européenne (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Espagne). Pour ces cinq pays, l'activité progresserait de 4,7 % en moyenne en 1996, la France et le Royaume-Uni étant largement en tête (+ 10,7 % en France).
Les bâtiments publics représentent moins de 5 % de l'activité BTP et sont affectés par les critères de convergence de l'Union européenne. Pour 1995 et 1996, l'activité sera stable en moyenne, masquant une légère croissance de l'ordre de 1 à 2 % par an en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie et une décroissance en Espagne (de l'ordre de 1 % par an) et en France (de -3 à -3,8 % selon le BIPE) du fait de l'achèvement des grands chantiers et de moindres investissements dans le secteur éducatif.
2. Le marché du logement neuf
En 1992, après la diminution d'activité constatée en 1991, le repli de la production de logements neufs s'est accentué dans la plupart des pays, à l'exception de l'Allemagne qui a connu une progression de 9 %, ce qui a conduit à une évolution globale légèrement positive.
Après une évolution négative de 0,8 % en 1993, la production de logements neufs en Europe a progressé en 1994. La croissance escomptée en 1995 s'essoufflera en 1996 en Allemagne et en Espagne. En France, selon le BIPE, la production en volume serait de + 5,3 % en 1995 et de - 2,2 % en 1996.
NOMBRE DE LOGEMENTS COMMENCÉS DANS LES CINQ GRANDS PAYS D'EUROPE
Source Euroconstruc
* pour l'Allemagne, il s'agit des logements terminés en Allemagne de l'Ouest
L'entretien-réhabilitation est un secteur qui a fortement crû au cours des années 80, jusqu'à représenter environ 34 % de celui de la construction, dont 20 % pour le logement. S'il est admis que ce secteur est moins sensible que les autres aux aléas conjoncturels, il semble cependant que, lors de la flambée de la construction neuve, la progression des travaux d'entretien-amélioration soit passée de 5 % annuellement à 2 ou 3 % seulement, avant une pause en 1991. En 1992 et 1993, l'activité a été légèrement positive, en particulier dans le bâtiment.
Après une faible reprise en 1994, les prévisions indiquent une légère progression de l'activité en 1995 et 1996 avec respectivement + 1,9% et + 2,3 % en moyenne.
La plus forte croissance annuelle, de l'ordre de 5 %, se situera en Espagne où l'entretien-amélioration du bâtiment est une activité relativement nouvelle. À l'inverse, une quasi-stagnation est prévue au Royaume-Uni, compte tenu du manque de soutien public. Une variation annuelle de l'ordre de + 2 % est prévue en France et en RFA, légèrement supérieure en Italie.
C. LES CARACTÉRISTIQUES DU PARC DE LOGEMENTS FRANÇAIS
Le parc de logements français comprenait fin 1992 près de 27 millions de logements. Il s'est accru de 10 % entre 1984 et 1992, soit un rythme moyen de 300.000 logements par an au cours des huit années considérées.
1. Les données globales
En 1992, selon l'enquête logement de l'INSEE, la France comptait 26.976.000 logements qui se répartissaient de la façon suivante :
- 22.131.000 résidences principales (82,1 % du parc),
- 2.544.000 résidences secondaires (9,4 % du parc),
- 1.997.000 logements vacants (7,4 % du parc),
- 304.000 logements « occasionnels » (1,1 % du parc).
Ce stock de logements n'évolue que lentement. Le solde des flux d'entrées (construction neuve, éclatement ou réaffectation de local) et de sorties (destruction, fusion ou changement d'usage) représente en effet moins de 1 % du parc chaque année.
Le parc a perdu en moyenne 62.000 logements par an entre 1982 et 1987, soit un taux de désaffectation annuelle moyen d'environ 0,25 %, en forte diminution par rapport à la décennie précédente du fait des efforts de réhabilitation et d'une tension sur certains marchés.
2. Le rajeunissement du parc
Le tableau ci-après confirme le rajeunissement du parc de résidences principales entre 1984 et 1992. La part des logements construits avant 1949 parmi les résidences principales a considérablement baissé, passant de 43 % en 1994 à 36,7% en 1992.
Ce « rajeunissement » du parc résulte essentiellement de la construction neuve et de la désaffectation de logements souvent anciens, vétustes et mal situés.
RÉPARTITION DES RÉSIDENCES PRINCIPALES SELON L'ÉPOQUE DE CONSTRUCTION
Il convient d'observer, en complément de ce tableau qui porte sur les seules résidences principales, qu'une part sans doute non négligeable de celles construites avant 1949 est devenue, durant la période considérée, logement vacant ou résidence secondaire.
3. La montée de l'accession à la propriété
Le fait marquant de la décennie passée est la montée de l'accession à la propriété. Il en résulte que les propriétaires sont désormais largement majoritaires : ils représentaient 53,8 % des ménages en 1992.
RÉSIDENCES PRINCIPALES SELON LE STATUT D'OCCUPATION
DE 1984 À 1992
Entre les deux enquêtes logement de 1984 et 1992, on observe une augmentation du nombre des propriétaires occupants au rythme moyen de 200.000 ménages par an. Ce chiffre résulte d'une croissance forte qui s'est infléchie entre 1988 et 1992 (plus 135.000 ménages par an en moyenne sur cette période).
En fait, si le nombre de propriétaires non accédants a continué à augmenter entre les deux dernières enquêtes logement de 1988 et 1992 (200.000 par an), le nombre d'accédants (propriétaires avec un emprunt en cours) a assez fortement décru (de 65.000 logements par an en moyenne). Le nombre d'accédants à la propriété est redevenu depuis 1992 très fortement inférieur à celui des propriétaires non-accédants.
En ce qui concerne les ménages locataires, ou sous-locataires, leur nombre s'est accru en moyenne de 50.000 par an au cours de la période 1984-1992. Cette croissance faible conduit à une réduction sensible de la part de cette catégorie qui ne représente plus que 37,7 % des ménages.
Au-delà de ce constat, s'opère une modification de structure du parc locatif, en liaison avec l'évolution divergente de ses différents éléments. D'un côté, le parc HLM croît de plus de 50.000 logements par an en moyenne entre 1984 et 1992, et de l'autre le parc privé reste d'importance identique de 1984 à 1992 après s'être réduit de 280.000 logements entre 1984 et 1988.
De fait, le parc social (logements HLM et logements sociaux non HLM) représentait, en 1992, 45,3 % du parc locatif loué vide et 17,1 % de l'ensemble des résidences principales. En ce qui concerne les seuls HLM, les chiffres sont de 40,5 % et 15,3 %.
Cette évolution s'accompagne d'une diminution des autres statuts entre 1984 et 1992 (meublés, sous-locataires, fermiers-métayers et logés gratuitement).
4. Les évolutions prévisibles
L'observation de la période 1984-1992 permet de dégager trois tendances fortes qui, inévitablement, auront des incidences dans le futur si elles se poursuivaient :
- la croissance de l'habitat individuel ;
- l'augmentation du nombre et du pourcentage de propriétaires, malgré une baisse de l'accession sociale aidée ;
- la part croissante du secteur social (HLM et autres logements locatifs sociaux) dans le parc locatif.
En ce qui concerne les statuts d'occupation, la situation actuelle, caractérisée par une majorité de propriétaires occupants et un équilibre entre locatif social et locatif privé, peut être jugée satisfaisante.
Toutefois, la volonté du Gouvernement de donner un nouvel élan à l'accession à la propriété, qui avait fléchi entre 1988 et 1922, pourrait entraîner une inflexion des tendances constatées : la réforme de l'accession sociale à la propriété et l'introduction de dispositif favorisant la mobilité dans le parc locatif social devraient contribuer à une reprise de l'accession à la propriété.
5. Les comparaisons européennes
Le tableau ci-après fait apparaître une proportion de propriétaires en 1991-1992 assez inégale selon les pays :
a) les pays à fort taux de propriétaires
- Belgique (65 %)
- Grande-Bretagne (66 %)
- Italie (67 %)
- Espagne (76 %)
b) les pays à faible taux de propriétaires
- Allemagne (38 % pour la partie Ouest)
- Pays-Bas (45 %)
La France, quant à elle, se trouve en 9ème position dans l'Europe des douze, avec 54 % de propriétaires en 1992.
ÉLÉMENTS DE COMPARAISONS DANS L'UNION EUROPÉENNE