CHAPITRE III - LES AXES PRINCIPAUX DE LA POLITIQUE ET DU BUDGET DU COMMERCE EXTÉRIEUR
I. LES FAIBLESSES DU COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE
Les bons résultats du commerce extérieur ne doivent pas masquer certaines faiblesses liées au recul de l'investissement français à l'étranger, à la modestie de la présence française dans les économies émergentes et au fait que les PME restent insuffisamment tournées vers l'international.
A. LE RECUL DE L'INVESTISSEMENT FRANÇAIS
1. Un repli depuis le début des années 1990
L'effort marqué de l'investissement à l'étranger à la fin des années 1980 a permis aux entreprises françaises de combler leur retard en matière d'internationalisation de leur production : entre 1985 et 1993, la part de la France dans le stock mondial d'investissement direct à l'étranger a été pratiquement multipliée par deux en passant de 5 % à 9 % Parallèlement, les effectifs des filiales d'entreprises françaises implantées à l'étranger est passé de 500.000 à 2,45 millions de salariés, entre 1980 et 1994, soit un niveau comparable à celui de l'Allemagne.
Mais, en 1994, l'investissement français à l'étranger a reculé pour la quatrième année consécutive. Avec 59 milliards de francs (- 15 % en un an), il atteint son plus bas niveau depuis 1987. Ce repli n'est pas propre à la France. Ainsi, à l'exception des États-Unis, les pays de l'OCDE ont enregistré au début de la décennie une baisse de leurs investissements à l'étranger, qui sont passés de 228 milliards de dollars en 1990 à 192 milliards en 1994.
En outre, la France demeure en 1994 le troisième investisseur mondial, selon le FMI, avec 12 % des flux mondiaux.
De plus, compte-tenu du retournement conjoncturel et de perspectives de croissance réduite, les entreprises françaises éprouvent le besoin de marquer une pause dans leur stratégie de développement international.
Cependant, la baisse de l'investissement direct à l'étranger de la France se distingue de celle observée chez ses partenaires du G 5 :
- par son ampleur : entre son point haut et son point bas, depuis le début de la décennie, l'investissement direct à l'étranger a reculé de 63 % en France, contre 57 % au Royaume-Uni, 48 % en Allemagne et 19 % aux États-Unis. Seul le Japon enregistre un repli plus marqué avec - 71 % ;
- par sa persistance : malgré le retour de la croissance en 1994, l'année est marquée par un nouveau recul de l'investissement à l'étranger (- 14 %), alors que l'investissement direct à l'étranger progresse à nouveau dès 1991 aux États-Unis, en 1992 au Royaume Uni et qu'il se stabilise en 1993, pour croître en 1994, en Allemagne et au Japon. Le recul des investissements français à l'étranger risque donc de remettre en cause l'effort de rattrapage accompli à la fin de la dernière décennie.
En outre, ce repli s'accompagne d'autres faiblesses liées au rôle limité des PME dans l'effort de l'investissement français à l'étranger et à une présence française insuffisante sur les marchés émergents.
2. Une faiblesse relative pour les PME-PMI et dans les régions à fort potentiel de croissance
• L'implantation française à
l'étranger est, en effet, le fait de quelques groupes très
internationalisés, répartissant entre plusieurs pays, voire
plusieurs continents, la conception, la fabrication et la commercialisation de
leurs produits dans le cadre de stratégies de mondialisation. Dix
groupes représentent ainsi le tiers des effectifs français
à l'étranger.
Ceci explique également la concentration des investissements d'un point de vue sectoriel.
Cinq secteurs d'activité (sur 29) représentent à eux seuls la moitié des investissements français à l'étranger : le crédit, les holdings, les produits chimiques, les assurances et l'énergie.
• Par ailleurs, on peut regretter une présence
insuffisante des investissements directs à l'étranger sur les
marchés émergents.
Le rattrapage des entreprises françaises en matière d'implantation à l'étranger s'est accompli essentiellement en Europe. Cette polarisation régionale montre aujourd'hui ses limites, compte tenu des perspectives de croissance européenne.
Depuis la fin des années 1980, la France a réorienté ses investissements à l'étranger en direction des pays en développement.
Mais, à l'inverse de ses partenaires du G 5, elle n'est pas engagée dans une relation privilégiée avec un marché émergent spécifique. Ses investissements hors de l'OCDE sont relativement dispersés entre Asie du Sud-est, Amérique Latine et Afrique. Dans un contexte de redistribution du potentiel de croissance vers les régions émergentes ou en transition, cette faible spécialisation peut être source de fragilité.
3. L'investissement à l'étranger est pourtant un levier pour les exportations et doit donc être soutenu
• Or, il est évident que, outre un
renforcement de la compétitivité des entreprises,
l'investissement à l'étranger a un rôle de levier pour les
exportations.
On note ainsi que les parts de marché à l'exportation des entreprises françaises sont fortes dans les pays de l'OCDE lorsqu'elles détiennent une fraction importante du stock d'investissement étranger dans un pays. À l'inverse, là où leur implantation est faible, les positions commerciales sont médiocres. Une enquête récente des services statistiques du ministère de l'Industrie confirme l'importance de l'investissement à l'étranger pour le développement des exportations françaises en l'appréhendant à travers les seuls flux d'échanges intra-firmes : en 1993, 26 % des exportations manufacturières françaises étaient réalisées par les entreprises en direction de leurs filiales implantées à l'étranger. Cette proportion est comparable à celle des grands pays investisseurs à l'étranger. Au total, le solde des échanges entre les maisons-mères et leurs filiales françaises à l'étranger est largement excédentaire (+151 milliards de francs en 1993).
De même, vis-à-vis des pays en développement, l'investissement dans ces pays constitue un point d'appui commercial souvent nécessaire pour aborder le marché le marché local ou régional.
• C'est pourquoi il faut soutenir l'investissement
français à l'étranger.
Dans ce but, coexistent au total une dizaine de procédures d'appui à l'investissement, gérées par autant d'organismes ou administrations publiques. Des mécanismes de financement direct (protocoles de partenariat, CODEX) côtoient des fonds de garantie (comme le fonds SOFARIS, pour les PECO) des aides au stade amont (fonds pour les pays de l'Est), un régime de provision fiscale (article 39 octies du code général des impôts) et un système d'assurance contre le risque politique (géré par la COFACE).
B. LA MODESTIE DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE DANS LES PAYS ÉMERGENTS
En dépit d'efforts récents -notamment, pour ce qui concerne les échanges avec les pays d'Asie en développement rapide- avec des parts de marché comprises entre 1 et 2 %, la France reste en retrait sur l'ensemble des économies émergentes, par rapport à ses grands compétiteurs européens.
Si l'on retient comme critère le poids des pays émergents dans les exportations totales, avec 7,6 %, la France se situe au 4e rang mondial, derrière l'Allemagne (13,1 %), l'Italie (10,6 %), le Royaume-Uni (7,8 %).
Ainsi, par exemple, la France a légèrement moins profité de l'ouverture des marchés des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) que ses partenaires allemand et italien. Sa part de marché sur la zone s'est, en effet, légèrement dégradée au sein de l'Union européenne, puisqu'elle est passée de 9,7 % en 1988 à 7,9 % en 1994.
Elle demeure cependant le troisième partenaire commercial des PECO, derrière l'Allemagne (55 % des échanges) -ce qui peut s'expliquer largement par des raisons historiques, géographiques et linguistiques- et l'Italie (14 % des exportations communautaires).
Il est vrai également que, déficitaire à l'égard des pays de la zone en 1990 (avec 24 % du déficit communautaire), la France est devenue excédentaire en 1994 (avec 14,4 % de l'excédent des Douze).
Les PECO ont donc contribué au redressement du commerce français. Il n'en reste pas moins que le développement des échanges des PECO avec la Communauté n'a pas directement profité à la France en termes de parts de marché et que la position de la France dans ces pays doit donc être confortée.
À cet égard, il faut souligner la nécessité d'une présence accrue des chefs d'entreprise français dans ces pays.
En effet, contrairement aux chefs d'entreprises allemands, qui sont physiquement très présents dans ces pays et pour des périodes assez longues, ces pays reprochent bien souvent aux chefs d'entreprises français de faire beaucoup de « visites éclairs », qui ne débouchent que sur des décisions lentes et tardives.
Par ailleurs, le redéploiement des moyens des postes d'expansion économique devrait privilégier davantage encore les pays émergents, ou les équipes en place font généralement un travail remarquable de soutien aux entreprises, mais avec des équipes trop restreintes.
C DES PME INSUFFISAMMENT TOURNÉES VERS L'INTERNATIONAL
En outre, contrairement à l'Allemagne et à l'Italie, les PME françaises restent encore insuffisamment tournées vers l'international.
C'est ainsi que les PME-PMI n'ont qu'un rôle modeste dans l'investissement français à l'étranger, avec seulement 14 % des filiales et 5 % des effectifs d'entreprises françaises à l'étranger.
La grande masse des exportations reste aussi le fait d'un nombre limité d'entreprises : 10 groupes industriels représentant 500 entreprises effectuent le quart des exportations ; 120 groupes rassemblant 1.900 entreprises en réalisent la moitié.
Plus d'un salarié de l'industrie sur deux travaille aujourd'hui dans une petite ou moyenne entreprise. Pourtant, les PMI ne réalisent qu'un peu plus du quart des exportations directes françaises de l'industrie manufacturière.
Au total, la part des PMI de plus de 20 personnes dans les exportations françaises est passée de 22,2 % en 1985 à 26 % en 1992.
Les PME-PMI doivent donc être davantage encouragées à exporter.
La politique de soutien au commerce extérieur prend en compte les faiblesses ainsi décrites, auxquelles elles tentent de remédier.