C. L'IMPACT DE LA LOI EVIN SUR LES RESSOURCES PUBLICITAIRES

La loi Evin du 10 janvier 1991 a prononcé l'interdiction totale de toute publicité en faveur du tabac pour l'ensemble de la presse écrite, à l'exclusion des publications éditées par les organisations professionnelles de la filière tabac et des douze publications professionnelles spécialisées figurant sur la liste établie par arrêté ministériel en date du 22 mars 1993, conformément à l'article 72 de la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social.

La loi précise aussi la notion de publicité indirecte. Elle élargit la définition des moyens indirects de promotion tels que l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif.

La publicité pour l'alcool ne demeure autorisée que dans la presse écrite pour adultes et à la radio, sous réserve du respect de certaines obligations.

Elle est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Toute publicité en faveur des boissons alcooliques doit, en outre, être assortie d'un message précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé.

Par voie de radiodiffusion, la publicité en faveur de l'alcool est autorisée pour les catégories de radios et dans les tranches horaires déterminées par le décret n° 93-1047 du 23 septembre 1992.

Divers assouplissements ont été apportés à ce dispositif d'interdiction.

Le législateur a ainsi adopté, dans le cadre du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social du 27 juillet 1993, un amendement autorisant exceptionnellement la retransmission télévisée des compétitions de sport mécanique qui se déroulent dans le pays où la publicité pour le tabac est autorisée. Cette réglementation vise à permettre la diffusion en France des compétitions de sport mécanique ayant lieu à l'étranger et qui comportent des publicités en faveur du tabac. Ce texte précise qu'une telle dérogation reste valable jusqu'à l'intervention d'une réglementation européenne.

En outre, alors que la loi prévoyait que seules les affiches et enseignes exposées dans les zones de production et les affichettes à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé demeuraient autorisées, un amendement adopté dans le cadre de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre social a supprimé toute référence à la notion de zone de production et autorise de ce fait la publicité par voie d'affichage pour les boissons alcoolisées.

Par ailleurs, un code de bonne conduite relatif à la retransmission télévisée des événements sportifs a été proposé aux professionnels ; élabore sous l'égide du ministère de la jeunesse et des sports à la fin mars 1995, il vise à assouplir les règles d'interdiction édictées par la loi Evin en opérant une distinction entre les rencontres multinationales et les rencontres franco-étrangères.

Dans le premier cas, le texte précise que « la présence de publicités pour des boissons alcooliques lors de manifestations sportives se déroulant à l'étranger, et dont la retransmission en France serait susceptible, si elle faisait preuve de complaisance, d'engendrer des risques de contentieux, doit susciter la vigilance. » Sous cette réserve, une « tolérance » de la publicité pour les marques d'alcool françaises sera donc reconnue dans le cadre des rencontres multinationales se déroulant à l'étranger. En revanche, dans le cas des rencontres franco-étrangères, le texte prévoit une obligation de vigilance des diffuseurs pour « éviter une mise en évidence télévisée indue des panneaux publicitaires en faveur des boissons alcooliques ».

Il convient de noter que tout élargissement ou assouplissement en faveur des seules retransmissions télévisées ne pourra être que critiqué par la presse qui s'est vue refuser l'élargissement de la dérogation des retransmissions télévisées aux reportages de la presse écrite sur les compétitions de sport mécanique au motif que l'éditeur de presse a toujours la possibilité d'intervenir sur la photographie.

En effet, tirant argument de ces dérogations, de nombreux éditeurs demandent le réexamen partiel de la loi qui a amputé de manière significative les recettes publicitaires (de 15 % à 40 %) de la presse écrite.

Le total des investissements publicitaires (hors petites annonces) s'élevait en 1991 dans la presse écrite à 19,46 milliards de francs, à 17,88 milliards de francs en 1993 et 18,53 milliards de francs en 1994 (source SJTI).

Les investissements publicitaires plurimédia pour les boissons alcoolisées ont représenté 1,16 milliard de francs en 1992, dont un tiers pour la presse écrite. Pour le tabac, ces investissements s'élevaient à 263,8 millions de francs en 1992, dont 255,3 millions de francs pour la presse et 8,4 millions de francs pour l'affichage (source Secodip).

En 1993, date d'application effective de la loi Evin, la publicité en faveur du tabac a représenté respectivement 4,2 millions de francs, elle s'est élevée à 3,3 millions de francs en 1994.

Le manque à gagner résultant pour la presse écrite de l'application de la loi Evin représenterait 240 millions de francs par an. Son incidence est plus Particulièrement sensible pour la presse magazine, car le tabac représentait, en 1991, 74 % de ses recettes publicitaires.

Par ailleurs, il importe de signaler que, selon le comité national contre le tabagisme, les publicités en faveur du tabac en infraction avec la loi auraient connu une recrudescence en 1994 et plus particulièrement dans les hebdomadaires (45,5 % des insertions) et les mensuels (40,4 %).

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