N° 337
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 avril 1996.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi sur l' air et l' utilisation rationnelle de l' énergie,
Par M. Philippe ADNOT,
Sénateur.
Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent. Henri Torre, René Trégouët
Voir les numéros :
Sénat : 304 et 366 (1995-1996).
Environnement
Mesdames, Messieurs,
L'impact de la pollution atmosphérique sur la santé et les "pics" de pollution enregistrés, tant à Paris que dans certaines grandes villes de province, sont à l'origine d'une forte sensibilisation de l'opinion publique à la qualité de l'air.
Annoncé pendant le mois de juillet dernier, nous sommes enfin saisis d'un projet de loi très attendu.
Ce texte est animé par une double ambition : mettre en oeuvre une politique de surveillance de la qualité de l'air et favoriser la réduction de la pollution atmosphérique.
Eu égard à la complexité de cette thématique, aux multiples ramifications, et malgré ses limites, ce projet constitue une avancée certaine.
Si votre commission des Finances n'est saisie que des aspects financiers de ce texte, elle n'en appelle pas moins l'attention sur certaines dispositions générales qui y sont contenues.
Des formules comme celle contenue à l'article premier, "Chacun à droit à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé" , peuvent éventuellement susciter l'ironie, mais il convient de prendre garde à leur éventuelle portée juridique ou financière.
Apparemment dénué de valeur normative, voire incantatoire, ce type d'énoncé pourrait fournir une base à des contentieux et faire naître des droits imprévus à l'occasion d'éventuelles jurisprudences "constructives".
Au regard de ses aspects financiers, le projet de loi qui vous est soumis recueille, dans son ensemble, l'approbation de votre commission des Finances car il n'entraîne ni taxation nouvelle, ni hausse d'un prélèvement existant. Ce respect de l'engagement pris par le chef de l'État de ne plus augmenter les prélèvements obligatoires, joint au caractère globalement acceptable des dispositions financières et fiscales proposées par ce texte, ont conduit la commission des Finances à émettre un avis favorable à l'adoption de son volet financier et fiscal, sous réserve des amendements qu'elle vous présente.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. L'AMORCE SÉRIEUSE D'UN RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE URBAINE
Abordant une problématique complexe, ce texte apporte un début de réponse à un sujet qui touche de près à la vie quotidienne des Français.
A. UN TEXTE ATTENDU
1. Une pollution atmosphérique urbaine très largement due à la croissance du parc automobile
• Les nombreuses alertes de pollution
atmosphérique qui ont été déclenchées, tant
à Paris que dans certaines grandes villes de province, pendant les
étés 1994 et 1995, et à nouveau à l'automne
dernier, sont à l'origine d'une forte sensibilisation du public.
Une telle préoccupation apparaît justifiée dans la mesure où, s'il existe un large débat sur les effets de cette pollution sur la santé, il est d'ores et déjà admis que celle-ci aggrave, voire provoque, des maladies cardio-vasculaires ou respiratoires ainsi que des allergies.
Potentiellement à l'origine d'un problème de santé publique, la pollution atmosphérique urbaine génère en outre une dépense médicale et hospitalière accrue.
La pollution atmosphérique urbaine globale a pourtant diminué en vingt ans grâce - notamment - à la loi du 2 août 1961 et à la loi du 19 juillet 1976. Cette réduction du niveau de pollution globale est essentiellement due à la diminution de la pollution atmosphérique d'origine industrielle, car dans le même temps, les émissions de polluants dues aux transports ont augmenté de 25 %. Ces polluants sont responsables avec le chauffage de près de 75 % de la pollution atmosphérique urbaine actuelle.
Les efforts des constructeurs pour réduire l'émission unitaire de polluants par véhicule sont en effet plus que compensés par la forte croissance de l'usage de la voiture individuelle. Cet essor du parc automobile (un doublement en vingt ans pour atteindre actuellement 25 millions de voitures particulières dans un parc total de plus de 30 millions de véhicules) est largement à l'origine du problème des oxydants (dioxyde d'azote - NOx - et ozone - 03 - ) ainsi que de celui des particules fines (dites "fumées noires"). Aussi, les efforts du gouvernement pour encourager le renouvellement du parc automobile, ainsi que ceux des constructeurs pour réduire le caractère polluant des véhicules, doivent-ils être salués et poursuivis. À ces polluants liés à la circulation automobile peuvent s'ajouter -ce qui s'est produit le 8 novembre 1995 à Paris - le dioxyde de soufre. Ce polluant, qui a largement régressé depuis vingt ans, est émis notamment par les installations de chauffage au charbon ou au fioul : sa "production" peut en conséquence augmenter fortement lors d'une vague de froid.
Les dépassements des seuils d'alerte, qui suscitent l'émoi médiatique, sont en général liés à une conjoncture météorologique défavorable à la dispersion des polluants émis sur une agglomération.
2. L'aspect global de la pollution atmosphérique
Si la mesure de la pollution atmosphérique à l'échelle locale est aussi sensible, c'est en raison de la perception immédiate qui peut être faite de ses inconvénients. Mais cette échelle locale de la pollution atmosphérique est complétée par des échelles régionales et planétaires. C'est un des éléments qui ressort du rapport de M. Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin, demandé par M. Édouard Balladur et de M. Michel Barnier en octobre 1994 sur "La surveillance de la qualité de l'air" dont ce tableau est extrait.
Les diverses formes de la pollution atmosphérique |
|||
Échelle d'espace |
Échelle de temps |
Problèmes rencontrés |
Principaux polluants concernés |
locale |
minutes ou heures |
|
S02, NOx, CO, COV, poussières, suies, etc. |
régionale |
jours jours |
|
|
planétaire |
années années |
|
|
Légende : S02 dioxyde de soufre, Nox oxydes d'azote, CO monoxyde de carbone, 03 Ozone, COV composés organiques volatils, CFC Chlorofluocarbures, N20 protoxyde d'azote, C02 dioxyde de carbone, CH4 méthane
Le caractère global de ces problèmes ne doit cependant pas dissuader la volonté d'agir. Il faut en effet étendre les dispositifs de surveillance ainsi que les dispositifs d'alerte et d'information du public tel que celui qui existe en Ile de France (Airparif). Tel est l'objet principal du projet de loi qui nous est soumis.
La surveillance de la qualité de l'air et le constat de son éventuelle dégradation ne peuvent cependant tenir lieu de politique. Une action à la source constitue la seule solution véritable, mais dans un tel domaine, il s'agit à l'évidence d'une démarche techniquement complexe et financièrement onéreuse. Le présent projet constitue à cet égard une tentative louable.
S'il ne traite pas de l'ensemble des points impliqués dans la pollution atmosphérique, le présent projet de loi est cependant loin de constituer un simple texte de circonstance.