CHAPITRE VI - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUIPEMENT COMMERCIAL
I. UNE NÉCESSAIRE RÉFORME DE LA LOI ROYER
A. EN DÉPIT DES AMÉLIORATIONS APPORTÉES AU DISPOSITIF EN MATIÈRE D'URBANISME COMMERCIAL, LA PRÉÉMINENCE DE LA GRANDE DISTRIBUTION S'AFFIRME TOUJOURS DAVANTAGE
La loi n 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, dite loi Royer, avait pour objectif de permettre un développement équilibré des différentes formes de commerce et de protéger le petit commerce d'une croissance désordonnée des nouvelles formes de distribution.
En soumettant à autorisation les ouvertures ou extensions de surfaces de ventes supérieures à 1.000 m 2 pour les villes de moins de 40.000 habitants et de 1.500m2 pour les villes de plus de 40.000 habitants, la loi Royer a certes permis d'éviter un « écrasement brutal » du petit commerce et de ralentir, en les étalant dans le temps, les implantations de grandes surfaces.
Les surfaces de vente ont cependant connu un développement très important et près de 15 millions de mètres carrés ont ainsi été autorisés depuis l'entrée en vigueur de la loi Royer, avec une croissance particulièrement importante jusqu'en 1993.
Le dispositif a, en réalité, entraîné des prises de décisions au coup par coup, sans réelle prise en compte par les commissions départementales d'urbanisme commercial (CDUC) de leurs conséquences en termes d'emplois, d'aménagement du territoire ou d'environnement.
La loi du 3 janvier 1993, dite loi Sapin, a substitué à ces instances des commissions départementales d'équipement commercial (CDEC), dont la composition est différente (4 élus pour 3 représentants des professionnels et des consommateurs). Elle a, par ailleurs, supprimé la procédure d'appel auprès du ministre chargé du commerce et institué la commission nationale d'équipement commercial (CNEC).
Elle a également eu pour mérite de mettre en place les observatoires départementaux d'équipement commercial, dont les travaux doivent être pris en compte par les CDEC pour émettre une décision sur les demandes d'autorisation.
Autre novation, a priori positive : l'étude d'impact, dorénavant exigée des demandeurs d'autorisation depuis le décret du 16 novembre 1993, aide les membres des commissions à apprécier l'impact économique et social des projets et leurs conséquences sur l'appareil commercial existant. Ce renforcement des conditions de dépôt des demandes a sans doute freiné quelques velléités.
Mais, on ne peut cependant qu'estimer décevant le bilan de ces réformes.
Au total, à l'issue de la pause décrétée par le Premier ministre, M. Edouard Balladur, le 25 avril 1993, le rythme des autorisations est reparti sur une base accélérée et inquiétante.
C'est ainsi que les commissions départementales ont autorisé la création de 1.500.000 m 2 de surfaces commerciales en 1994, auxquels sont venus s'ajouter 296.000 m 2 supplémentaires autorisés par la commission nationale.
Au cours du premier semestre 1995, les CDEC ont autorisé la création de 600.000 m2.
La France se trouve ainsi avoir l'équipement en grandes surfaces de commerce de détail le plus développé de l'ensemble de la communauté européenne, avec 1,5 hypermarché 1 ( * ) pour 100.000 habitants.
Ainsi, comme l'avait déjà souligné votre commission 2 ( * ) , « en dépit d'une politique qui s'est voulue malthusienne, la grande distribution a affirmé sa prééminence en France ».
Cette situation a favorisé le développement de pratiques commerciales abusives, ceci au détriment des producteurs, comme l'a remarquablement exposé le rapport Villain 3 ( * ) sur les relations entre l'industrie et la grande distribution.
Par ailleurs, si le développement de la grande distribution a eu pour double mérite de moderniser l'appareil commercial de notre pays et de contribuer fortement à la lutte contre l'inflation, il a eu des conséquences nettement plus négatives sur l'animation commerciale des centre-villes et des bourgs.
LES OUVERTURES D'HYPERMARCHÉS ET DE SUPERMARCHÉS DE 1.000 M 2 ET PLUS DE 1986 À 1984
B. PARALLÈLEMENT, LE DÉVELOPPEMENT DES « HARD DISCOUNT » REND INADÉQUAT LE NIVEAU DES SEUILS D'AUTORISATION FIXÉ PAR LA LOI ROYER
• Le « hard discount
»
est un magasin en libre-service d'une surface comprise entre 300 m
2
et 1.200 m
2
, la majorité se situant entre 600 et 800
m
2
. Ce type de magasin comporte entre 600 à 1.200
références, soit huit à dix fois moins qu'un
supermarché.
L'assortiment est limité aux produits de très grande consommation comprenant généralement peu de produits frais 1 ( * ) , pour la plupart à marque propre, présentés au consommateur le plus souvent dans leur conditionnement d'origine sur des palettes, dans le cadre d'une logistique rigoureuse, pratiquement industrielle, ce qui induit un minimum de manutention et réduit considérablement les frais de personnel, estimés à environ 5,5 % (contre 7 à 8 % dans un supermarché classique).
• Avec un chiffre d'affaires d'environ 40
milliards de francs en 1995, le poids du « hard discount » s'est
affirmé ces dernières années.
Si le nombre d'ouvertures de supermarchés de moins de 1.000 m 2 tend à se stabiliser, la proportion de « hard discount » s'accroît quant à elle. Ainsi, en 1994, ils ont représenté l'essentiel des ouvertures de supermarchés.
Depuis 1989, le poids de ce type de magasins n'a ainsi cessé de s'affirmer : 7 % des supermarchés ouverts en 1989, 22 % en 1990, 75 % en 1993, 82 % en 1994.
La contribution des « hard discounts » est plus faible en terme de surface : 75 % des ouvertures, contre 82 % en nombre de magasins. Les supermarchés de « hard discount » se caractérisent en effet par leur petite taille : ceux ouverts en 1994 ont une surface de vente moyenne de 680 m 2 contre 1.039 m 2 pour les supermarchés classiques.
Ainsi, le développement de cette forme de commerce a contribué à une nette modification des caractéristiques des nouveaux supermarchés, comme l'indiquent les graphiques ci-après. De 1986 à 1994, la part des magasins ayant une surface de vente inférieure à 1.000 m 2 s'est fortement accrue : elle est passée de 45 % à 86 % en nombre de magasins et de 27 % à 76 % en surface de vente.
La formule de « hard discount », introduite en France par des entreprises étrangères 2 ( * ) , allemandes pour l'essentiel, est aujourd'hui largement reprise par les distributeurs français. Ces derniers sont à l'origine de 54 % des ouvertures de supermarchés de ce type, contre 52 % en 1992.
La force de cette formule provient de l'achat en masse qu'ils effectuent. En effet, le volume des achats par article est accru du fait du nombre réduit de références.
Par ailleurs, dans la mesure où les produits distribués dans les magasins de « hard discount » le sont sans marque ou sous marque propre, ils sont acquis directement auprès des producteurs et à plus faible prix.
LES OUVERTURES DE SUPERMARCHÉS PAR SURFACE DE VENTE DE 1986 À 1994
Nombre de supermarchés ouverts par taille de magasin
Surface des supermarchés ouverts par taille de magasin
Source : Fichier INSEE - Division "Commerce" enrichi, pour les années 1993 et 1994, par les données de l'Institut Français du Libre Service (IFLS)
Le fait que des supermarchés de maxidiscompte, souvent situés en centre-ville, se situent généralement dans les tranches de surfaces inférieures à 1.000 m 2 , à l'inverse des supermarchés classiques, explique que les seuils d'autorisation actuellement retenus par la loi Royer soient devenus inadéquats et méritent donc d'être révisés à la baisse.
Tel est l'objet de la réforme proposée par le présent projet de loi, temporaire, mais qui est destinée pour l'essentiel à être pérennisée.
C. LE PROGRAMME DE MAÎTRISE DE L'ÉVOLUTION DE L'ÉQUIPEMENT COMMERCIAL
Lors de la présentation du plan de soutien en faveur des PME à Bordeaux le 27 novembre 1995, le Premier ministre a clairement manifesté sa volonté de réformer, dans un sens restrictif, le dispositif de la loi Royer.
Il a annoncé les six mesures suivantes :
- abaissement définitif à 300 m 2 du seuil des surfaces de vente nécessitant une autorisation préalable, afin notamment que les pouvoirs publics soient en mesure d'appréhender les conséquences potentielles de leur création sur l'équilibre des formes du commerce et sur l'emploi ;
- introduction d'une autorisation préalable pour les changements d'activité des grandes surfaces ;
- obligation d'une enquête publique préalable, spécifique à l'urbanisme commercial, et intégrant les dimensions économiques et environnementale, pour les unités de plus de 6.000 m 2 ;
- introduction de l'emploi parmi les critères d'appréciation des dossiers de demande d'autorisation ;
- renforcement de la répression des infractions en cas d'exploitation illégale de surfaces commerciales ;
- enfin, rééquilibrage de la représentation des professionnels dans la composition des CDEC, sans remettre en cause la présence du représentant des consommateurs. L'objectif de cette modification consisterait à obtenir une plus grande sélectivité des commissions et, en cas d'autorisation, à faciliter l'exercice des recours par les opposants éventuels au sein de la CDEC.
Toutefois, compte tenu de la double nécessité de réagir très rapidement contre la poursuite des créations de mètres carrés de surfaces commerciales, qui s'explique notamment par la « course » engagée par certaines enseignes après l'annonce ainsi faite par le Gouvernement, et de procéder au cours du printemps à une réforme de fond de ce secteur dans la plus grande sérénité, il a été jugé indispensable de passer par une phase transitoire de gel total des demandes d'autorisations pour une durée de six mois, en étendant ce gel aux surfaces commerciales de 300 à 1.000 m 2 , jusqu'alors non soumises à la procédure d'autorisation avant dépôt d'un permis de construire.
Tel est l'objet des articles 50 à 52 du présent projet de loi.
II. L'EXAMEN DES ARTICLES 50 À 52 DU PROJET DE LOI
Article 50 - Régime transitoire des ouvertures de surfaces commerciales
L'article 50 du projet de loi initial propose une série de mesures tendant à durcir de façon transitoire -pour une durée de six mois- les conditions d'autorisation des surfaces commerciales. Pour l'essentiel, ces mesures sont toutefois destinées à être pérennisées par le projet de loi « urbanisme commercial et identité de l'artisanat », qui devrait être adopté en Conseil des Ministres au début du mois d'avril prochain.
Il s'agit :
la réduction à 300 m 2 du seuil d'autorisation des surfaces commerciales ; le gel de toute création de magasin de commerce de détail soumise à autorisation ;
la généralisation de la soumission à autorisation des extensions de magasins existants et la soumission à autorisation des changements de secteur d'activités, des commerces de détail dépassant 300 m 2 ; l'allongement d'un mois du délai de réponse des commissions départementales d'équipement commercial ; le durcissement des sanctions applicables en cas d'utilisation illégale de surfaces commerciales. Au cours de l'examen du projet de loi en première lecture, l'Assemblée nationale a encore renforcé ce dispositif et adopté deux mesures supplémentaires :
|
Ces différentes dispositions méritent une présentation détaillée.
• Le 1°) de l'article 50
- Ce paragraphe vise, tout d'abord, à abaisser à 300 m 2 les surfaces de vente soumises, par la loi Royer, à l'autorisation des commissions départementales d'équipement commercial (CDEC).
L'article 29 de la loi, rappelons-le, fixe les surfaces actuelles à 1.500 m 2 pour les communes de plus de 40.000 habitants et 1.000 m 2 pour les communes comptant moins de 40.000 habitants.
Le présent projet de loi n'opère pas cette distinction.
Notons qu'il ne modifie pas les seuils de surface de plancher hors oeuvre, qui constituent des critères alternatifs aux surfaces de vente pour la soumission à autorisation. Ceux-ci restent donc en théorie applicables, mais la forte réduction du seuil de surface de vente opérée par l'article 50 les rend en pratique inopérants.
Ce nouveau seuil de 300 m 2 -destiné à être pérennisé- s'applique aux constructions nouvelles entraînant création de magasins de détail (visées au 1° de l'article 29 de la loi Royer), ainsi qu'indirectement aux transformations d'immeubles existants en établissements de commerce de détail (visées au 3° du même article, qui fait référence aux surfaces visées au 1°)).
Les extensions de surfaces commerciales ne sont, en revanche, pas visées, le régime qui leur sera applicable étant fixé par le 2° de l'article 50 du DDOEF.
- Le 1° de cet article organise, par ailleurs, le « gel » des enregistrements de demandes d'autorisation de construction nouvelle ou de transformation d'immeubles existants, pendant les six mois suivant la date de publication de la loi.
Il faut rappeler que, en vertu de l'article 29 de la loi Royer, ces projets sont soumis à autorisation « préalablement à l'octroi du permis de construire, s'il y a lieu, et avant réalisation dans le cas contraire ».
Par conséquent, le gel institué par le présent projet de loi s'applique aux projets de création de surfaces commerciales supérieures à 300 m 2 qui seront en cours d'instruction de leur demande de permis de construire par les mairies au jour de la publication de la loi.
Le 1° de l'article 50 aura donc pour effet d'interdire pour six mois tout dépôt d'un projet de création de surfaces commerciales ou de transformation d'immeubles existants non affectés au commerce, de plus de 300 m 2 .
Cette disposition permettra de bloquer la stratégie d'anticipation menée par certaines enseignes commerciales à la suite de l'annonce par le gouvernement de son souhait de mieux maîtriser l'évolution de l'appareil commercial de notre pays.
Il s'agit d'enrayer l'explosion des créations de surfaces de 300 à 1.000 m 2 liée notamment, on l'a vu dans la présentation générale, à la multiplication des magasins de « hard discount », dont l'activité a des conséquences aussi préjudiciables sur les commerçants et artisans de centre-villes que celles des surfaces plus grandes.
Il faut souligner que les extensions de magasins ne seront, quant à elles, pas visées par le dispositif de gel transitoire, bien qu'elles puissent avoir des conséquences similaires à celles d'une création de surface, notamment en terme d'emploi. Cependant, la décision inverse aurait abouti à interdire toute modernisation de l'appareil commercial et à risquer de rendre le dispositif inconstitutionnel car limitant trop fortement l'application du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
Mais, les extensions de magasins ne peuvent pas pour autant se réaliser hors de toute contrainte.
• Le dispositif qui les régira est
prévu par le 2°)
de l'article 50
- En effet, ce paragraphe renforce le dispositif auquel les extensions de magasins sont soumises, en leur appliquant le seuil de 300 m 2 .
Le droit en vigueur (2° de l'article 29 de la loi Royer) ne prévoit de soumettre à autorisation que les extensions de magasins ou augmentations de surfaces de vente des établissements commerciaux d'une surface supérieure au seuil ou conduisant à une surface dépassant ce seuil, dès lors que l'extension porterait sur plus de 200 m 2 . Le présent article propose de soumettre à autorisation tous les projets d'extension, quelle qu'en soit l'importance, dès lors qu'ils conduiraient à dépasser le seuil transitoire de 300 m 2 . Il intègre donc le cas des extensions de magasins dépassant déjà le seuil de 300 m 2 , y compris pour ceux de moins de 1.000 m 2 régulièrement créés dans le passé.
La suppression de la franchise de 200 m 2 entraîne une rigueur supplémentaire dans l'application du nouveau seuil de 300 m 2 . En effet, à l'heure actuelle, un projet de 999 m 2 peut être étendu à 1.199 m 2 sans la moindre formalité. Le seuil de 300 m 2 sera, quant à lui, appliqué de manière stricte.
- Par ailleurs, le 2°) de l'article 50 propose de placer sous le régime de l'autorisation les changements concernant les surfaces de plus de 300 m 2 , seuil qu'il porte cependant à 1.500 m 2 lorsque le magasin nouveau n'est pas à dominante alimentaire. On reviendrait ainsi pour ces derniers au seuil en vigueur pour l'ensemble des créations de surfaces commerciales dans les villes de plus de 40.000 habitants, ceci pour tenir compte des besoins spécifiques des commerces exigeant une surface d'exposition importante (équipement de la personne, meubles et électroménager, bricolage et entretien, culture et sports, automobiles et accessoires).
Cette disposition a pour but de lutter contre les détournements de la loi observés par le passé en ce domaine. En effet, le droit en vigueur (article 29 de la loi Royer) ne prévoit de soumettre à autorisation les changements d'activité et les modifications d'enseignes que lorsque le projet est en cours d'instruction ou de réalisation. Or, les exemples ne manquent pas de transferts d'activité ayant pour objet de contourner l'esprit de la loi, notamment lorsqu'ils concernent des transformations de surfaces commerciales qui exigent beaucoup d'espace (comme les meubles, les voitures, les bateaux) en grandes surfaces non spécialisées.
On a vu ainsi des magasins de grande surface autorisés au titre d'une activité donnée être transformés immédiatement en un commerce d'une autre nature, dont le dossier, s'il avait été examiné par la commission départementale, n'aurait pas nécessairement été autorisé.
De tels abus sont inacceptables. C'est pourquoi, votre commission soutient le dispositif proposé par le présent projet de loi, étant entendu qu'il ne s'agit pas ici de figer la nécessaire adaptation de l'activité commerciale à l'évolution du marché, mais de la mieux contrôler.
Se pose cependant le problème de la connaissance de l'activité des commerces d'une surface de 300 à 400 m 2 et des changements d'activité des magasins. Votre commission sera amenée à proposer un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 51 pour le résoudre.
- L'avant-dernier alinéa du 2°) de l'article 50 du DDOEF fait passer, de trois à quatre mois le délai d'examen des demandes d'autorisation par les commissions départementales d'équipement commercial, ceci de façon à leur permettre de faire face à l'accroissement prévisible du nombre de dossiers de demandes d'autorisation qui leur seront soumis, résultant des nouvelles règles établies.
Quand on sait que ce nombre devrait doubler, il n'apparaît pas certain que le mois supplémentaire accordé aux CDEC soit suffisant pour permettre à ces dernières de statuer dans des conditions satisfaisantes. Cependant, le « gel » des dossiers de création et de transformation institué pour six mois, devrait partiellement compenser le surcroît de travail des commissions pendant cette période. Il conviendra alors de reposer cette question du délai d'examen dans le cadre de la réforme en profondeur de la loi Royer qui sera entreprise prochainement.
- Le dernier alinéa du 2°) de l'article a pour objet de permettre le renforcement du régime des sanctions applicable en cas d'utilisation illégale des surfaces de vente en les rendant proportionnelles au nombre de mètres carrés illégalement exploités.
Les autorisations seront dorénavant accordées par mètre carré de surface de vente, ce qui permettra de fixer également les sanctions par mètre carré.
Précisons qu'à l'heure actuelle, les sanctions sont fixées quelle que soit la surface illégalement utilisée, et pour des montants très modestes puisqu'il s'agit des amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe (maximum 10.000 francs).
Elles peuvent certes être constatées pour chaque jour d'exploitation illégale, ce qui est illusoire dans la pratique dans la mesure où il faudrait alors dresser un procès verbal quotidiennement.
Cette sanction peut être complétée, si le tribunal en décide ainsi, par la confiscation totale ou partielle des meubles et des marchandises offertes à la vente sur cette surface. Mais cette possibilité n'est guère utilisée.
Le dispositif de sanction, défini par l'article 40 du décret du 9 mars 1993, apparaît donc très faiblement dissuasif.
La rédaction proposée par l'article 50 permettra d'appliquer les sanctions, qui demeureront des amendes pour contraventions de cinquième classe, donc du ressort du pouvoir réglementaire, autant de fois qu'il y aura de mètres carrés utilisés illégalement. Le pouvoir réglementaire modifiera le décret précité en conséquence. La sanction effective serait donc en pratique proportionnelle à la surface illégalement utilisée. Ainsi, pour une surface de 20.000 m 2 ne bénéficiant que d'une autorisation pour 19.000 m 2 , la sanction pénale pourra atteindre 1.000 fois 10.000 francs, soit 10 millions de francs.
Certes, cette somme reste faible au regard du chiffre d'affaires généré par une telle surface supplémentaire de 1.000 m 2 et qui s'élève à environ 70 millions de francs. Mais, son caractère dissuasif n'en reste pas moins sensiblement renforcé, d'autant plus que rien n'empêchera l'application de cette sanction par jour d'utilisation illégale constaté.
Ce nouveau régime de sanctions est applicable aux exploitations de surfaces méconnaissant les dispositions du présent article. Il vise donc, dans la limite de six mois après la publication de la loi, tous les cas où l'autorisation est requise par l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973, modifié par les dispositions spécifiques de l'article 50 du présent projet. Compte tenu du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, le nouveau régime de sanctions ne s'appliquera pas aux surfaces de 300 à 1.000 m 2 déjà exploitées sans autorisation avant la date de publication de la loi, ni aux infractions déjà constatées.
Votre commission se félicite de cette sévérité accrue du régime des sanctions, qui devrait davantage dissuader les cas, relativement fréquents, d'utilisations illégales de surfaces commerciales, non autorisées ou ne respectant pas les prescriptions de l'autorisation obtenue.
•
Le
3°)
de l'article
a pour objet d'annuler les autorisations de constructions nouvelles ou de
transformations d'immeubles existant entraînant la création de
magasins de commerce de détail faisant l'objet d'un contentieux
juridictionnel.
Il a été introduit par l'Assemblée nationale et résulte d'un amendement de M. Novelli ayant pour objectif de rendre le « gel » effectif et absolu dès la promulgation de la loi.
Une telle disposition poserait cependant un double problème :
- elle ne respecterait pas le principe de non rétroactivité et entraînerait l'annulation de droits réels acquis pour les acteurs économiques ayant bénéficié d'autorisations ;
- son application serait très large puisqu'il suffirait qu'une décision fasse l'objet d'un recours, quelle que soit sa date et sans que l'on sache si ce dernier est recevable ou non, pour qu'elle se voit annulée.
Si cette disposition répond à une intention louable de contrer les tentatives observées dans certains départements, de passer en force ou d'accélérer les procédures, elle ne peut cependant être retenue, sauf à prévoir de dédommager les acteurs économiques qui se verraient ainsi spoliés de leurs droits acquis.
À l'heure actuelle, trente décisions ont ainsi fait l'objet d'un recours en instance auprès du Conseil d'État et de nombreuses autres auprès des tribunaux administratifs. L'annonce de l'adoption d'une telle mesure par le Parlement ne manquerait pas d'entraîner une multiplication des recours d'ici à la publication de la loi.
Tant la commission des finances de l'Assemblée nationale que le ministre chargé des PME, du commerce et de l'artisanat ont d'ailleurs donné un avis défavorable.
Votre commission vous propose, par voie de conséquence, de supprimer le 3°) de l'article 50.
• L'Assemblée nationale a, par ailleurs,
adopté un amendement de M. Saint-Ellier, tendant à introduire un
4°) à l'article 50
. Celui-ci
tend à
soumettre à l'autorisation de la commission départementale
d'équipement commercial tout projet de complexe cinématographique
de plus de mille places,
la CDEC devant statuer en vertu de
critères qu'il précise et qui tiennent, notamment, à
l'offre et à la demande en ce domaine, à la densité
d'équipement dans la zone, à l'évaluation de l'impact
potentiel du projet et à la
« préservation d'une
animation culturelle et économique suffisante de la vie urbaine et
à l'équilibre des agglomérations
».
Cette disposition répond à l'inquiétude de certains, tenant au fleurissement de grands complexes cinématographiques bien souvent à la périphérie des villes. On en compterait aujourd'hui une dizaine, sans compter de nombreux projets, qui menacent souvent les salles de cinéma des centre-villes, facteurs importants d'animation et d'attractivité entraînant de multiples retombées sur les commerces de proximité.
Cette disposition a été adoptée contre l'avis du Gouvernement. Elle pose, en effet, un double problème :
- elle concerne des surfaces non pas commerciales mais destinées à la fourniture de prestations de services, soumise à des pratiques d'achat très différentes des grandes surfaces et ne posant pas dans les mêmes termes d'éventuels problèmes de commerce ;
- la composition et les modalités de l'information des CDEC ne permettent pas à ces dernières d'être correctement informées des données de l'exploitation cinématographique.
Le constat formulé ci-dessus n'en reste pas moins exact. Aussi, serait-il souhaitable de mener une réflexion approfondie sur les problèmes que peuvent poser les créations de complexes cinématographiques, voire d'autres grands centres d'activités culturelles ; Dans tous les cas, ce n'est pas au détour d'un amendement dans un DDOEF qu'il convient de régler ce type de problème, dont tous les aspects n'ont pu être examinés.
Sans doute serait-il souhaitable que le Gouvernement crée un groupe de travail pour ce faire. Au vu de ses travaux, le Parlement serait alors en mesure de juger si la création de tels équipements doit effectivement être soumise à un dispositif malthusien du type loi Royer, ou s'il ne convient pas plutôt de modifier les mécanismes d'aide financière du fonds de soutien aux industries cinématographiques, pour les consacrer exclusivement aux projets de centre-villes par exemple.
Votre commission vous demande donc de supprimer le 4°) de l'article 50.
Sous réserve des deux amendements qu'elle vous a présentés, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.
Article additionnel après l'article 50 - Instauration d'un régime déclaratif des surfaces commerciales comprises entre 300 et 400 m2
On a vu que l'article 50 soumettait à autorisation les extensions de magasins existants et les changements de secteur d'activité des commerces de détail, à partir du moment où ils dépassent 300 m 2 .
Mais encore faut-il connaître le parc existant des surfaces de vente au détail de plus de 300 m 2 au jour d'entrée en vigueur de la loi, et les secteurs d'activités qui les concernent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
On ne connaît, en effet, que le parc des magasins d'une surface supérieure à 400 m 2 . Ces derniers sont soumis au régime déclaratif institué par l'article 4 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, qui les assujettissent au paiement de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.
Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article 50 tendant à élargir le champ d'application des assujettis à ce régime déclaratif. Les magasins exploitants plus de 300 m 2 seraient ainsi tenus de déclarer annuellement à PORGANIC 1 ( * ) , la surface de leurs locaux destinés à la vente au détail, leur secteur d'activité, ainsi que la date d'ouverture de leur établissement, étant bien entendu qu'ils ne seront pas redevables de la taxe pour autant, celle-ci continuant à s'appliquer pour les commerces d'une surface supérieure à 400 m 2 .
Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce point. On peut prendre d'ailleurs, à titre d'exemple, celui de l'impôt sur le revenu, qui fait l'objet d'une déclaration de l'ensemble des français, alors même que seuls environ 50 % d'entre eux sont redevables de cet impôt.
La déclaration devra être effectuée à la date d'exigibilité de la taxe, c'est-à-dire le 1er février de chaque année, comme le prévoit l'article 6 de la loi de 1972 précitée et, au plus tard, le 15 avril, date limite du paiement de la taxe fixée par l'article 5 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, pour ceux qui ne sont assujettis qu'à la déclaration.
Relevons que le respect de ces dates n'est assorti de sanctions que pour les assujettis au paiement de la taxe.
Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.
Article 51 - Dérogations aux dispositions restrictives transitoires
Le projet de loi part du constat selon lequel, si l'équipement commercial doit être mieux maîtrisé -ce à quoi vise l'article 50-, il existe cependant des zones du territoire national où il doit être au contraire encouragé. C'est pourquoi, le projet de loi initial prévoyait deux dérogations à l'application des dispositions restrictives transitoires exposées précédemment, auxquelles l'Assemblée nationale en a ajouté une troisième.
II s'agit :
- des « zones de redynamisation urbaine » prévues par le second alinéa du paragraphe 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui n'ont pas encore été fixées mais dont la liste actualisée devrait être publiée au journal officiel d'ici la fin du mois de mars, et dont le nombre devrait être réduit à 350. Ces zones font l'objet de « politiques renforcées et différenciées de développement », se traduisant par des mesures dites de discrimination positive.
Ces ZRU font partie des zones urbaines sensibles caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartier d'habitat dégradé, dont la liste fixée par un décret du 5 février 1993 est en cours de réactualisation. Elles correspondent aux quartiers difficiles dans les seules communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine.
Le Pacte de relance pour la ville, annoncé par le Premier ministre en janvier dernier, prévoit diverses mesures en faveur de l'activité économique et de l'emploi dans ces quartiers, notamment des dispositions en faveur du commerce, qui feront l'objet d'un projet de loi spécifique. Un établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux devrait ainsi voir le jour, de même que des mesures relatives à la sécurité des commerçants et artisans.
Votre commission juge donc effectivement nécessaire de ne pas soumettre à un durcissement des conditions d'autorisation des surfaces commerciales ces quartiers où l'on déplore davantage la fermeture des magasins existants qu'une course effrénée aux ouvertures de magasins, petits ou grands... ;
- la seconde dérogation concerne les « villes nouvelles » et plus généralement les 56 communes situées à l'intérieur du périmètre de compétence des établissements publics d'aménagement des agglomérations nouvelles 1 ( * ) .
Elle se justifie par la nécessité de favoriser leur développement économique.
- L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Raoul Béteille, qui a reçu l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, et qui prévoit qu'une troisième dérogation à l'application de l'article 50 sera accordé pour un cas très spécifique : celui de l'opération d'aménagement pour la réalisation du Grand stade à Saint-Denis (en Seine-Saint-Denis), en vue de la coupe du monde de football de 1998.Cette dérogation se justifie par la nécessité de permettre au Grand stade de trouver des financements.
Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article.
Article 52 - Prorogation du mandat des membres de la commission nationale d'équipement commercial (CNEC)
Rappelons que depuis la réforme de la loi Royer intervenue en 1993, la CNEC constitue l'instance de recours des décisions des CDEC. Elle peut être saisie dans un délai de deux mois par le préfet, par le demandeur, ou par trois des membres de la CDEC. La commission nationale se prononce pour sa part dans un délai de quatre mois.
Le mandat des sept membres de la commission est fixé pour trois ans et n'est pas renouvelable.
La commission ayant été créée et ses membres nommés par l'arrêté du ministre chargé du commerce du 27 mars 1993, le mandat de ses membres viendrait donc à échéance le 26 mars 1996. Pour s'assurer d'une cohérence de la « jurisprudence » et de la continuité des prises de décision de la commission dans le cadre de l'opération de « gel » organisé par l'article 50 du présent projet de loi, le Gouvernement a estimé opportun que les actuels membres de la CNEC demeurent en fonction pour toute la durée de ce dispositif, c'est-à-dire pour six mois à partir de la date de la publication de la présente loi.
C'est pourquoi, l'article 50 du projet de loi initial proposait-il de proroger le mandat des membres de la commission nationale d'équipement commerciale pour une durée de six mois après la publication de la loi.
Faisant valoir que ce mandat venait à expiration le 26 mars 1996, date à laquelle il était peu probable que la loi serait publiée, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission des finances précisant que la prorogation du mandat des membres de la CNEC prendrait effet à compter du 26 mars prochain. Cette rédaction répond à la logique.
Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article.
* 1 Magasins de détail à prédominance alimentaire d'une surface supérieure à 2.500 mètres carrés.
* 2 Cf. avis de la commission des affaires économiques (session 1995-1996), présenté par M. Jean-Jacques Robert, sur le budget des PME, du commerce et de l'artisanat
* 3 Rapport présenté au ministre de l'économie par M. Claude Villain, inspecteur général des finances, en janvier 1995
* 1 Mais il existe également des « hard discountes » de produits frais, notamment dans le secteur de la boucherie. Or, en 10 ans, 60 % des boucheries ont disparu de notre territoire.
* 2 En 1992, les groupes étrangers réalisaient la moitié des ventes de ce type de magasins.
* 1 Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales.
* 1 En région Ile-de-France, les agglomérations nouvelles sont celles de Marne-la- Vallée, du Val-Maubuée, des Portes de la Brie, de Melun-Sénart et de Rougeau-Sénart, de Saint-Quentin en Yvelines, de Cergy-Pontoise, et d'Evry. En province, il s agit des agglomérations nouvelles de l'Etang de Berre et de l'Ile-d'Abeau.