EXAMEN DES ARTICLES
Article premier - Dispositions communes à l'ensemble des expérimentations
I. Commentaire du texte du projet de loi
Cet article qui n'intéresse pas spécifiquement la communication audiovisuelle et dont votre commission n'a par conséquent pas examiné le dispositif de façon détaillée, énonce les conditions générales de la délivrance des autorisations d'effectuer des expérimentations d'infrastructures et de services de télécommunications et de communications audiovisuelles dans les conditions dérogatoires précisées, pour chaque catégorie d'expérimentations, Par les articles 2 à 4 du projet de loi.
L'article premier prévoit ainsi :
- que les projets d'expérimentations doivent « présenter un intérêt général » ;
- les critères d'appréciation de cet intérêt général : de gré d'innovation, viabilité économique, impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie, association des utilisateurs à leur élaboration et à leur mise en oeuvre ;
- la limitation des autorisations à une durée maximale de cinq ans et leur adaptation en cas de modification des dispositions législatives en vigueur ;
- l'évaluation du résultat des expérimentations autorisées ;
- le renouvellement des autorisations dans les conditions prévues par le droit commun.
Ce dispositif soumet les expérimentations effectuées en application du projet de loi au droit commun applicable actuellement à chacune, exception faite des seuls dérogations expressément prévues aux articles 2 à 4. Le projet de loi ne modifie donc que de façon marginale et temporaire l'ordonnancement juridique existant. En ce qui concerne la communication audiovisuelle, le champ d'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, ainsi que les pouvoirs que celle-ci confère au CSA pour assurer la régulation du secteur de la communication audiovisuelle ne sont pas touchés. Ainsi, le CSA délivrera les autorisations nécessaires aux expérimentations et conventionnera les services ressortissant à sa compétence.
Une entorse paraît cependant faite à ce principe à l'article 4 qui soumet les expérimentations de vidéo à la demande au régime juridique des services de radiodiffusion sonore et de télévision en leur appliquant les articles 28 et 34-1 de la loi du 30 septembre 1986. Ceux-ci régissent en effet le conventionnement par le CSA des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne ou distribués par câble.
Cette assimilation pose problème au regard de la définition de la radiodiffusion télévisuelle donnée par l'article premier de la directive 89-552 du 3 octobre 1989, dite « télévision sans frontières ». Ce texte exclut en effet de la notion de radiodiffusion télévisuelle les « services de communication fournissant sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations, tels que les services de télécopie, les banques de données électroniques et autres services similaires », énumération dont il n'est pas contesté qu'elle couvre la vidéo à la demande.
Il convient afin de prévenir les problèmes que pourrait à terme susciter la contradiction apparente entre le dispositif de l'article 4 et la directive 89-552, de considérer que l'application des articles 28 et 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 à la vidéo à la demande n'a d'effet que pour les expérimentations réalisées en application du projet de loi, pendant la durée de leur mise en oeuvre et ne préjuge pas du régime juridique définitif de cette catégorie de services.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui rend obligatoire l'adaptation des conditions juridiques de réalisation des expérimentations en cas de modification de la législation des télécommunications ou de la communication audiovisuelle.
///. Position de votre commission
Votre commission a adopté deux amendements à cet article.
Le premier inclut parmi les critères d'appréciation de l'intérêt général des projets d'expérimentations, leur impact sur le développement de la production française et européenne de services de télécommunications et de communication audiovisuelle.
Il importe en effet de mettre en oeuvre tous les moyens possibles de favoriser la circulation de produits français et européens sur les réseaux de la future société de l'information. La création d'un fonds d'aide à l'édition de produits multimédias en ligne ne saurait constituer qu'un élément de la stratégie à mettre en place à cet égard.
Le second amendement adopté par votre commission prévoit que, dans le cas des expérimentations mentionnées aux articles 3 bis et 4, pour lesquelles le projet de loi ne mentionne pas la délivrance d'une autorisation, les conventions définissant les obligations particulières aux services expérimentaux seront conclues pour une durée maximale de cinq ans et seront adaptées en cas de modification des dispositions législatives en vigueur.
Il s'agit de prévenir toute ambiguïté sur la durée maximale et sur les conditions de retour dans le droit commun de l'ensemble des expérimentations menées en application du projet de loi.
Article 2 - Expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications
I. Commentaire du texte du projet de loi
Cet article qui n'intéresse pas spécifiquement la communication audiovisuelle et dont votre commission n'a donc pas examiné le dispositif de façon détaillée, détermine les conditions de réalisation de deux types d'expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications. Il s'agit d'une part de l'établissement et de l'exploitation d'infrastructures d'ampleur géographique limitée et fournissant à 20.000 utilisateurs au plus des services de télécommunications comprenant la téléphonie entre points fixes. Il s'agit d'autre part d'autoriser à titre expérimental la fourniture du service téléphonique entre points fixes sur les réseaux câblés. Il convient d'observer, du point de vue de la communication audiovisuelle, que cette disposition permettra de tester les conditions dans lesquelles la téléphonie pourrait rentabiliser l'exploitation des réseaux câblés.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté à cet article des amendements qui prévoient :
- la consultation des communes intéressées sur les expérimentations comportant la fourniture du service téléphonique sur un réseau câblé ;
- l'extension du champ d'application de l'article 2 aux réseaux câblés construits avant le lancement du plan câble ;
- la correction d'une erreur de décompte d'alinéa.
III.. Position de votre commission
Votre commission a adopté l'article 2 sans modification.
Article 3 - Diffusion de bouquets de programmes audiovisuels par voie hertzienne terrestre
I. Commentaire du texte du projet de loi
A. Les objectifs
L'article 3 règle les conditions dans lesquelles pourront être effectuées des expériences de diffusion par voie hertzienne terrestre de bouquets de programmes de radio ou de télévision.
• Le numérique terrestre
Le développement de la diffusion numérique hertzienne terrestre n'est pas sans poser problème.
Les opérateurs qui se lancent actuellement dans le pari de la diffusion numérique privilégient le satellite comme mode de diffusion le plus économique et le plus prometteur en termes d'audience.
En effet, la diffusion numérique hertzienne terrestre nécessite l'adaptation des quelque 11.000 émetteurs hertziens pour un coût estimé supérieur à celui des investissements nécessaires pour la diffusion par satellite ou par câble.
En outre, la transition de l'analogique au numérique sera difficile à organiser. Pendant une période qui devrait durer de dix à quinze ans, les chaînes devront diffuser en analogique pour le parc actuel de récepteurs et en numérique pour les nouveaux récepteurs et les anciens équipés de décodeurs. Il sera difficile de trouver les fréquences nécessaires compte tenu du fait que le spectre de fréquences attribuées à la radiodiffusion est presque entièrement utilisé pour la diffusion des six chaînes nationales existantes. En effet, la diffusion analogique terrestre nécessite l'utilisation d'un large spectre de fréquences afin d'éviter le brouillage des fréquences utilisées par des émetteurs voisins. Seul demeure actuellement disponible le réseau « multivilles », qui ne s'étend qu'à une vingtaine de sites ( ( * )1) .
Durant la phase de transition de l'analogique au numérique, il sera donc difficile aux programmes diffusés en numérique terrestre d'avoir une couverture de territoire comparable à celle de la diffusion analogique : 99 % pour TF1, France 2 et France 3, et de 80% à 85% pour les autres chaînes hertziennes nationales.
Il semble possible cependant d'obtenir un taux de couverture de 70 % en utilisant les « canaux tabous » actuellement gelés afin d'éviter le brouillage des émissions.
Par ailleurs, le numérique terrestre risque de contrarier les effets de la « seconde chance » que les techniques numériques représentent pour le développement du câble.
Est-il d'autre part souhaitable de susciter une concurrence à l'offre de programmes francophones par satellite, dans la mesure où ce mode de diffusion est le mieux susceptible de favoriser la diffusion des produits de notre industrie des programmes au-delà de l'étroit marché français ?
Il convient enfin d'observer que l'essor de la communication audiovisuelle en numérique terrestre limiterait les capacités disponibles pour la téléphonie mobile. Il sera nécessaire de tenir compte de ces divers éléments au cours de la réflexion sur la gestion des fréquences à laquelle devrait conduire la création envisagée d'une agence de gestion dans le cadre du projet de loi annoncé pour le printemps sur la réforme de la réglementation des télécommunications.
En dépit de ces interrogations, la diffusion hertzienne offre un potentiel qu'il a paru utile d'explorer dans le cadre des expérimentations lancées par le Gouvernement. Les raisons en ont été exposées à l'occasion d'une réunion de concertation présidée le 1er décembre 1994 par M. Philippe Olivier Rousseau, membre du CSA, et à laquelle ont participé des représentants des chaînes de télévision terrestres, des câblo-opérateurs, des chaînes au câble, d'industriels de l'audiovisuel ainsi que de TDF, de Havas et de la CLT.
Deux séries de facteurs justifient le lancement d'une réflexion sur la mise en place de services numériques en diffusion hertzienne terrestre.
Ainsi, le réseau hertzien terrestre restera en France, pour les dix à quinze ans à venir, compte tenu du parc de récepteurs existant et des habitudes des téléspectateurs, le mode de diffusion prépondérant. Il devrait donc nécessairement jouer un rôle dans l'expansion des techniques numériques.
Par ailleurs, les estimations présentées par M. Philippe-Olivier Rousseau au cours de la réunion du 1er décembre dernier fixent le nombre des foyers recevant dans cinq ans la télévision par câble ou par satellite entre 4 et 4,5 millions au plus, ce qui, compte tenu de la dispersion des bouquets sur les positions orbitales et du fait que le point d'équilibre des chaînes francophones est habituellement estimé à 3 millions d'abonnés, paraît vouer à l'anémie financière les chaînes du câble et du satellite.
Dans ces conditions, une spécificité du marché français de la communication audiovisuelle serait, contrairement à la situation allemande ou américaine, que la diffusion hertzienne terrestre, y compris numérique, continuera d'y jouer un large rôle pendant une période indéterminée.
Ces constatations et ces supputations justifient-elles qu'un encouragement soit donné à la diffusion numérique terrestre de programmes de radio et de télévision à travers les expérimentations qui seront lancées en application du projet de loi ?
Celles-ci auraient deux objectifs :
- tester les possibilités techniques. Un choix doit être fait entre l'utilisation d'une norme commune avec le câble, mais monoporteuse et celle d'une norme multiporteuse, spécifique au numérique terrestre et dont l'intérêt serait d'une part de ne nécessiter qu'un canal pour transmettre, sans brouillage de fréquences, une chaîne sur tout le territoire et d'autre part de rendre possible la réception sur un terminal mobile.
Il est apparu, au cours de la réunion précitée, que la préférence du CSA s'orientait vers les techniques monoporteuses, plus économiques, plus rapides à mettre en oeuvre et plus adaptées au marché dans son état actuel.
En tout état de cause, des expérimentations de diffusion de services de communication audiovisuelle en numérique terrestre vont être menées prochainement avec deux objectifs :
- tester le contenu de services proposés en bouquets, la réaction du public, et la possibilité de miser sur la complémentarité entre le numérique terrestre, dont les programmes resteraient limités en nombre, et le câble, susceptible de distribuer un nombre beaucoup plus important de services dotés d'une interactivité plus ou moins développée selon la configuration du réseau.
C'est ainsi que l'article 3 du projet de loi permet le lancement d'expérimentations de bouquets de programmes de radio ou de télévision en diffusion numérique hertzien terrestre.
L'expérimentation de bouquets de programmes était incompatible avec les règles d'attribution des fréquences hertziennes terrestres fixées par la loi du 30 septembre 1986.
En effet, l'autorisation d'user une fréquence est actuellement délivrée pour un seul programme. Ce principe, qui n'est pas expressément énoncé par la loi, ressort de son économie générale.
Ce schéma juridique correspondait à l'état des techniques au moment de l'élaboration de la loi du 30 septembre 1986. En diffusion analogique, il n'est en effet pas possible de diffuser plus d'un service sur chacune des fréquences hertziennes constituant le canal affecté à une chaîne de télévision. Il est dès lors inévitable que le titulaire de l'autorisation soit en même temps éditeurs du service diffusé. En revanche, la possibilité de démultiplier les services empruntant une fréquence ou un canal, la possibilité de constituer ainsi des bouquets de chaînes éditées par des opérateurs divers, conduit à distinguer le titulaire de l'autorisation d'usage des fréquences, l'« ensemblier », des services eux-mêmes, dont la responsabilité éditoriale peut appartenir à d'autres personnes.
Ce schéma a été retenu par la loi du 20 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, dans ses dispositions modifiant la loi du 30 septembre 1986, pour le câble dont les caractéristiques techniques permettaient la diffusion de plusieurs chaînes sur un canal (la numérisation ne fait qu'élargir cette possibilité) et dont la gestion impliquait une distinction entre l'autorisation d'établir un réseau, l'autorisation d'exploiter le réseau au vu d'un plan de service, et le conventionnement des chaînes diffusées (du moins celles dont le contenu n'est pas régi au titre de la réglementation de la diffusion hertzienne terrestre) par accord entre le CSA et l'éditeur de chaque chaîne.
L'expérimentation de bouquets numériques terrestres implique la mise en place d'un schéma identique distinguant le titulaire de l'autorisation d'user les fréquences. C'est le premier objectif de l'article 4.
Le second objectif est de favoriser la constitution des bouquets en ouvrant au CSA la possibilité de répartit sur l'ensemble des services diffusés sur un canal les obligations de contenu des programmes et d'investissement dans la production cinématographique et audiovisuelle dont la loi du 30 septembre 1986 prévoit la fixation service par service.
• La diffusion multiplexée sur canal micro-ondes (MMDS)
Le schéma juridique institué par l'article 3 sera aussi applicable aux bouquets de services de radio ou de télévision diffusés sur canal micro-onde en analogique ou en numérique.
La diffusion sur canal micro-ondes, appelée MMDS (microwave multichannel distribution system), permet de diffuser des programmes dans des bandes de fréquences supérieures aux fréquences actuellement utilisées en diffusion hertzienne terrestre (2 à 40 Ghz et au-delà), dans un rayon de l'ordre de 5 à 20 km compte tenu de la nécessaire visibilité optique de l'émetteur depuis l'antenne réceptive. En diffusion analogique, cette technique peut représenter localement une capacité d'une douzaine à une trentaine de programmes. La numérisation permettrait de quintupler cette capacité. Cette technique, utilisée aux États-Unis dans les zones mal desservies par le câble mais peu répandue en Europe, apparaît extrêmement prometteuse.
En effet, le MMDS, qui nécessite une installation de réception composée d'une petite antenne parabolique et des équipements de démodulation et de décodage identiques à ceux utilisés sur les réseaux câblés, peut être mis en oeuvre rapidement aux prix d'investissements initiaux très largement inférieurs à ceux du câblage. En outre, du fait de sa couverture locale, il permet de diffuser des programmes locaux. Le MMDS peut apparaître à terme comme un concurrent sérieux des réseaux câblés, mais surtout comme un substitut du câble dans les régions où celui-ci est économiquement non viable compte tenu de la dispersion de la population ou du caractère accidenté de la zone.
Cependant la loi du 29 décembre 1990 précitée a introduit dans la loi du 30 septembre 1986 une disposition qui limite de façon draconienne la diffusion de services de radiodiffusion sonore et de télévision sur canal micro-ondes. En effet, le troisième alinéa de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que dans les zones d'habitat dispersé, un réseau câblé peut comporter, « pour l'usage exclusif de la transmission interne à ce réseau, des services de radiodiffusion sonore ou de télévision, une ou plusieurs liaisons radioélectriques ». Ces liaisons se font en fait sur canal micro-ondes. L'objectif du législateur a été, en adoptant ces dispositions, d'une part d'interdire l'interconnexion de réseaux câblés par voie hertzienne dans des conditions qui n'auraient pas permis aux collectivités publiques concernées d'assurer le contrôle que leur reconnaît l'article 34 de la loi, et d'autre part d'autoriser en zone rurale les transmissions radioélectriques entre la tête de réseau et des groupes d'habitations reliées entre elles par le câble : la transmission de programmes par micro-ondes jusqu'aux antennes de réception des immeubles individuels et collectifs n'est pas autorisée. Ainsi limité dans son emploi, le MMDS ne devait pas concurrencer les réseaux câblés existants ou susceptibles d'être établis. Cependant, l'arrêt du câblage du territoire justifie le lancement d'expérimentations de services numériques sur canal micro-ondes afin de tester l'intérêt de cette technique pour assurer la desserte des zones rurales ou d'accès difficile.
B. Le dispositif
L'article 3 adapte de façon pragmatique les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 à la logique de fonctionnement d'un bouquet de programmes de radio ou de télévision.
Il est partagé en deux rubriques. La première (I) régit la délivrance des autorisations d'user les fréquences pour la diffusion de bouquets numériques, la seconde (II) régit le contenu des chaînes diffusées.
Le I prévoit que le CSA pourra octroyer les autorisations de diffuser des bouquets numériques en hertzien terrestre sans passer par la procédure d'appel de candidatures prévue aux articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre 1986. Cette procédure, destinée à assurer la transparence des attributions de fréquences est applicable aux services hertziens terrestres à l'exception des sociétés nationales de programmes, mentionnées à l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 (France Inter, France 2, France 3, RFO, RFI), de la chaîne éducative (article 45), de la chaîne culturelle européenne Arte et des chaînes parlementaires mentionnées à l'article 45-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 1er février 1994.
La dispense instituée par l'article 3 du projet de loi est justifiée par la nécessité de lancer rapidement les expérimentations de bouquets numériques terrestres, la procédure d'appel aux candidatures ne peut être accélérée sans que sa signification soit dénaturée, et par la logique de la démarche expérimentale qui suppose que les projets autorisés soient ceux auxquels le Gouvernement a accordé un label à la fin de 1995. Il faut observer cependant l'article 3 accorde au CSA la « faculté » de ne pas recourir à l'appel aux candidatures, il garde donc la possibilité de lancer cette procédure si des considérations particulières l'y incitent. On peut songer à des situations dans lesquelles seul l'appel aux candidatures lui semblerait susceptible de permettre l'exécution des missions que lui assigne l'article premier de la loi du 30 septembre 1986 : assurer l'égalité de traitement, favoriser la libre concurrence, veiller à la qualité et à la diversité des programmes.
L'article 3 du projet de loi précise d'ailleurs que la délivrance des autorisations doit respecter les critères de choix imposés par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 : le pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, la nécessité d'éviter les abus de position dominante et les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, l'expérience des candidats, les perspectives financières et économiques du service autorisé, les participations du candidat à l'autorisation dans le capital de régies publicitaires ou d'entreprises de presse.
Par ailleurs, le projet de loi soumet la délivrance des autorisations à plusieurs conditions spécifiques :
- elles ne peuvent être délivrées que pour un site géographique limité. Cette notion dont le texte ne précise pas la portée a pour but de garantir le caractère expérimental des projets autorisés : une couverture géographique excédant les nécessités du test de viabilité économique et financière d'un bouquet numérique terrestre apparaîtrait comme un détournement de la loi. Il appartiendra au CSA d'apprécier ces nécessités compte tenu des caractéristiques de chaque projet ;
- les bouquets diffusés sur canal micro-ondes ne pourront desservir une zone câblée, afin d'éviter de susciter au câble une concurrence inopportune, et devront utiliser des fréquences comprises dans les bandes attribuées aux services de radiodiffusion, ce qui coupe court à toute tentation de remettre en cause, à l'occasion des expérimentations, l'actuelle répartition des fréquences hertziennes entre les différentes catégories d'utilisateur.
Le troisième alinéa du premier paragraphe de l'article 3 prévoit l'application de la loi du 30 septembre 1986 à l'octroi des autorisations d'user les fréquences en écartant les dispositions de ce texte qui régissent le contenu des services diffusés. La loi de 1986 soumet en effet les titulaires d'autorisations à des obligations liées à la procédure d'autorisation et à des obligations intéressant le contenu des services. La distinction effectuée par l'article 3 du projet de loi entre les titulaires de l'autorisation et les services diffusés oblige à répartir ces obligations entre chaque catégorie d'opérateur selon leur rôle dans le montage d'un bouquet de programmes.
C'est ainsi que le troisième alinéa du I écarte l'application au titulaire de l'autorisation des obligations définies en application des dispositions suivantes de la loi du 30 septembre 1986 :
- l'article 27 qui prévoit la fixation par décret du contenu des programmes en matière de publicité et de parrainage, de diffusion aux heures de grande écoute d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et d'expression originale française, ainsi que de la contribution des chaînes au financement de la production cinématographique et audiovisuelle ;
- l'article 28 qui prévoit, de façon plus détaillée, la fixation des mêmes obligations et d'autres obligations de contenu dans les conventions passées entre le CSA et le titulaire de l'autorisation d'usage des fréquences ;
- l'article 28-1, qui prévoit les conditions de durée et de renouvellement des autorisations (l'article premier du projet de loi applique aux expérimentations des règles spécifiques à cet égard) ;
- l'article 70 qui prévoit la fixation d'obligations relatives à la diffusion des oeuvres cinématographiques ainsi que la contribution des diffuseurs au développement des activités cinématographiques nationales ;
- l'article 70-1 qui prévoit la fixation de délais entre l'exploitation en salle des oeuvres cinématographiques et leur diffusion par les diverses catégories de services de communication audiovisuelle.
Est aussi écartée l'application des articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui imposent aux services de communication audiovisuelle d'avoir un directeur de la publication et prévoient sa responsabilité en cas d'infraction à la législation de la presse. Ces dispositions ne peuvent en bonne logique être appliquées aux titulaires d'autorisations d'utiliser les fréquences, qui n'ont pas de responsabilité éditoriale sur les services diffusés.
Enfin si les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relatives à la concentration dans les médias sont applicables aux titulaires d'autorisation accordées en application de l'article 3 du projet de loi, celui-ci institue une dérogation à l'interdiction mentionnée au deuxième alinéa de l'article 41. Cet alinéa dispose que nul ne peut être simultanément titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre et d'une autorisation relative à un service de même nature autre que national. Cette disposition interdirait aux diffuseurs hertziens privés de lancer des bouquets numériques terrestres, aussi est-il prévu de ne l'appliquer que si l'autorisation demandée au titre de l'article 3 du projet de loi porte sur un service desservant une zone dont la population recensée est supérieure à 100.000 habitants. Les diffuseurs hertziens privés pourront donc effectuer chacun une expérimentation dans une zone dont la population est inférieure à 100.000 habitants.
Le II de l'article 3 du projet de loi régit le conventionnement par le CSA des services de communication audiovisuelle appartenant aux bouquets autorisés en application du I du même article.
Dans la mesure où, comme on l'a vu, les éditeurs de ces services ne seront pas nécessairement les titulaires des autorisations d'user les fréquences, il convenait de leur appliquer, parmi les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relatives aux services de communication audiovisuelle diffusés, les règles régissant le contenu des programmes et d'écarter l'application de celles qui régissent la procédure d'autorisation.
Il est donc précisé que les services des bouquets numériques terrestres relèvent de la procédure de conventionnement fixée par l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 à l'exception du premier alinéa de celui-ci qui prévoit que la convention est passée entre le CSA et le titulaire de l'autorisation. C'est avec l'éditeur de chaque service que devra naturellement être passée la convention précisant les obligations particulières applicables au programme diffusé.
Est exclu par ailleurs l'application des dispositions suivantes de la loi du 30 septembre 1986 :
- l'article 25 qui porte sur les conditions techniques de la diffusion, dispositions intéressant le titulaire de l'autorisation ;
- l'article 28-1 qui fixe, comme on l'a vu précédemment, la durée et les conditions de renouvellement des autorisations ;
- les articles 29 et 30 qui fixent la procédure d'autorisation des services de radio et de télévision ;
- l'article 39 qui institue des mesures relatives à la composition du capital des sociétés titulaires d'autorisations ;
- -les deuxième et cinquième alinéas de l'article 41 qui limitent le cumul par une personne d'autorisations relatives à des services de télévision par voie hertzienne terrestre.
En revanche, les services composant les bouquets numériques terrestres devront être dotés chacun du directeur de la publication mentionné, comme on l'a vu, aux articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
Le II de l'article 3 permet enfin, dans son dernier alinéa, au CSA de définir globalement dans les conventions passées avec les services, les obligations mentionnées au troisième alinéa (2°) et au cinquième alinéa (3°) de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986.
Il s'agit des quotas de diffusion d'oeuvres européennes et francophones ainsi que des investissement dans la production et la commande d'oeuvres imposées aux chaînes hertziennes terrestres diffusées en clair ou cryptées. Le CSA pourra répartir inégalement ces obligations entre les services diffusés sur un même canal d'un bouquet autorisé en application du I de l'article 3.
II. Modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté l'article 3 modifié par plusieurs amendements rédactionnels. L'un de ceux-ci corrige dans le premier alinéa de l'article une référence erronée aux huitième et neuvième alinéa de l'article 20 de la loi du 30 septembre 1986 : le texte vise en fait « les critères prévus du huitième au dernier alinéa de l'article 29 ».
III. Position de la commission
Votre commission approuve le lancement d'expériences de diffusion de bouquets audiovisuels en numérique terrestre. Elles permettront de mieux cerner le potentiel de ce mode de diffusion, la viabilité économique des services qu'il permettra de mettre à la disposition du public, ainsi que les conditions dans lesquelles pourra être envisagée sa coexistence avec les réseaux câblés.
Les problèmes que pourrait susciter la concurrence avec la diffusion satellite devront être résolus ultérieurement.
Votre commission approuve de même la faculté accordée au CSA de « globaliser » sur tout ou partie d'un bouquet les obligations de contenu des programmes. Elle estime qu'il appartiendra au CSA, en appréciant au cas par cas l'étendue des assouplissements susceptibles d'être consentis à tel ou tel service composant un bouquet, d'éviter des configurations dans lesquelles l'ensemblier à l'origine de l'élaboration du bouquet aurait la possibilité de se décharger de ses obligations de diffusion d'oeuvres européennes et francophones sur un service entièrement français mais de qualité médiocre en misant, pour le succès commercial de son offre, sur un service diffusant uniquement des oeuvres non européennes. Il appartiendra de même au CSA d'empêcher l'élaboration de bouquets de chaînes dans lesquels un seul service fonctionnerait réellement, son programme bénéficiant des dérogations à la réglementation des contenus grâce à la « globalisation » autorisée par l'article 3.
Au bénéfice de ces considérations, votre commission a adopté cet article sans amendement.
Article 3 bis nouveau - Fixation des obligations applicables aux bouquets numériques de services audiovisuels reprenant sur le câble ou en diffusion satellitaire des programmes ou parties de programme diffusés par voie hertzienne ou distribués par câble
/. Texte adopté par l'Assemblée nationale
A. Les objectifs
Cet article, qui résulte d'un amendement de l'Assemblée nationale, permet la « globalisation » des quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, en cas de « multiplexage » sur le câble ou en diffusion satellitaire de bouquets numériques composés de programmes ou parties de programmes provenant des services de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne ou distribués sur le câble, c'est-à-dire en cas de diffusion décalée de ces programmes ou parties de programmes par rapport à la diffusion originale. Tel est le sens donné par l'article 3 bis nouveau à la notion de multiplexage, l'objectif poursuivi étant de favoriser l'expérimentation de ce nouveau mode de commercialisation des services de radio et de télévision.
Canal Plus devrait être le premier bénéficiaire des possibilités ouvertes par l'article 3 bis nouveau en incluant dans son futur bouquet satellitaire trois services de télévision rediffusant, à des heures différentes, son programme hertzien ainsi que, séparément, certains éléments du même programme.
Notons par ailleurs que l'article 3 bis nouveau n'est pas applicable à d'éventuels bouquets numériques de chaînes multiplexées diffusés par la voie hertzienne terrestre. Ceux-ci relèveraient du régime juridique défini à l'article 3.
B. Le dispositif
Était-il nécessaire d'adopter l'article 3 bis nouveau pour permettre la commercialisation de bouquets de chaînes tel que celui préparé par Canal Plus dans des conditions moins rigoureuses que celles prévues par le droit commun des services câblés et satellitaires ?
Il convient d'observer que l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 fixe d'ores et déjà le régime juridique de la distribution par câble des « services de radiodiffusion sonore et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée » des programmes des chaînes hertziennes nationales.
Ces services ne peuvent être distribués sur les réseaux câblés qu'après avoir conclu avec le CSA une convention définissant leurs obligations particulières. La convention peut prévoir l'application progressive de ces obligations.
En dépit de cette possibilité, l'article 34-1 n'offre pas une base juridique suffisamment sûre pour le lancement d'expériences de multiplexage sur le câble de programmes ou parties de programmes des chaînes hertziennes. S'il permet en principe de constituer des bouquets numériques de chaînes multiplexées, la faculté qu'il accorde au CSA de permettre l'« application progressive » des obligations particulières à chaque service ne permet pas d'opérer la « globalisation » souhaitée par les opérateurs à l'instar de ce que l'article 3 du projet de loi permet en diffusion numérique terrestre. Ceci justifiait l'insertion dans le projet de loi d'un article additionnel permettant de consentir cet avantage au service novateur que constitue le multiplexage des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, ce texte a été modifié afin de faire entrer dans son champ d'application le multiplexage par satellite (et non plus seulement sur un réseau câblé) ainsi que le multiplexage de chaînes câblées (et non plus seulement de chaînes hertziennes terrestres).
II. Position de la commission
Votre commission approuve l'objectif de l'article 3 bis nouveau.
Le multiplexage de services audiovisuels en bouquets numérique apparaît en effet comme un mode novateur de commercialisation des services de communication audiovisuelle, dont il convient de tester la viabilité économique.
Si la substance de l'article 3 bis nouveau doit ainsi être maintenue, le libellé pour le moins obscur de ce texte impose cependant sa réécriture.
Il peut sembler juridiquement erroné de soumettre le multiplexage par satellite au régime de l'article 3 bis. Celui-ci prévoit en effet la définition des obligations applicables aux services multiplexés « selon les modalités précisées dans les conventions prévues à l'article 34-1 de la loi » du 30 septembre 1986. Or, comme on l'a vu ci-dessus, ces conventions ne s'appliquent qu'aux services distribués par câble. Il est regrettable que la réglementation des services diffusés par les satellites de télécommunications soit amorcée en appliquant à ces services le régime juridique des chaînes câblées au prix d'un brouillage des catégories juridiques instituées par la loi du 30 septembre 1986.
Cette solution peut toutefois être admise compte tenu du caractère expérimental du projet de loi, des limites fixées à sa durée ainsi qu'à son champ d'application, et de l'opportunité d'encourager la constitution rapide d'une offre française en diffusion satellitaire.
Dans la même intention, il convient de permettre la reprise de chaînes satellitaires dans les bouquets conventionnés en application de l'article 3 bis. Cette possibilité est exclue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Ainsi, les bouquets multiplexés pourront-ils à la fois être diffusés par satellite et comprendre des chaînes diffusées originellement par satellite.
Votre commission a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de cet article tenant compte des observations qui précèdent.
Article 4 - Expérimentation de services audiovisuels à la demande
I. Commentaire du texte du projet de loi
A. Les objectifs
L'article 4 crée un cadre juridique permettant la mise à disposition du public de services de vidéo à la demande par voie hertzienne ou par le câble.
Ce type de service permet à un consommateur de passer commande, sur catalogue, à un serveur de films ou d'émissions audiovisuelles. La commande est transmise instantanément sur le récepteur du demandeur. Quelques expérimentations de services de vidéo à la demande ont été lancées récemment aux États-Unis. A Denver, le câblo-opérateur TCI a monté en collaboration avec US West, compagnie de téléphone local et avec ATT une expérience permettant à 300 familles d'opérer chaque jour un choix parmi plusieurs dizaines de films au coût de 3 dollars le film. Menée selon une technique rudimentaire de chargement manuel de magnétoscopes desservant à distance les foyers participant à l'expérience, cette expérience a permis d'enregistrer une demande moyenne de 2,5 films par mois et par foyer. Une autre étude de marché menée par Time-Warner dans le quartier de Queens à New-York a par ailleurs démontré la possibilité d'augmenter de 10 $ la facture mensuelle des abonnés à des services de paiement à la séance.
Par extrapolation, certains analystes en déduisent que le chiffre d'affaires de ce marché pourrait être multiplié par huit d'ici l'an 2000.
Un service de vidéo à la demande figure aussi dans le « full service network » mis au point par Time Warner à Orlando en Floride.
En ce qui concerne la France, aucune expérience de ce type n'a encore été lancée. Plusieurs devraient être réalisées dans le cadre juridique prévu par le projet de loi. En particulier, TF1 a présenté un projet en deux
- le premier prévoit la mise en oeuvre dans des hôtels (chaîne Latitudes) de serveurs vidéo proposant des programmes diversifiés (films, documentaires, informations générales ou spécialisées) et accessibles sur demande par les clients de l'hôtel sur le téléviseur installé dans la chambre.
- second prévoit l'extension de l'expérience au grand public, en particulier sur réseau câblé. Tout abonné aux services du câble pourra accéder sur demande aux programmes disponibles dans un serveur placé en tête du réseau câblé. Les programmes disponibles seront réassortis régulièrement par téléchargement par satellite depuis un centre serveur principal situé au siège de la chaîne. TF1 devrait expérimenter ce service sur le réseau câblé de la ville de Metz.
Ces expériences permettront d'évaluer les conditions techniques de la mise en place des services de vidéo à la demande. La mise au point d'une base de données permettant de servir, sur appel, un nombre de films ou d'émissions suffisamment important pour offrir le même service qu'une grande surface vidéo sera en effet complexe.
Elles permettront aussi d'évaluer l'ampleur potentielle de la demande. Selon la Motion Picture Association American, la vidéo à la demande deviendra à terme la seconde source de revenus du cinéma américain, ce qui suppose un succès commercial que de nombreux opérateurs mettent en doute. Une des conditions de succès de la formule semble en tout état de cause être la mise à la disposition du public de certaines retransmissions sportives, de films récents très peu de temps après leur sortie en salle et de films pornographiques.
Si la vidéo à la demande avait effectivement un marché, elle deviendrait pour le câble un atout majeur. Elle requiert en effet la disponibilité d'un très grand nombre de canaux et ne peut donc être offerte sur le satellite. En diffusion hertzienne terrestre, la vidéo à la demande peut être offerte sur Canal micro-ondes par la technique du MMDS : la faible portée géographique des émetteurs permettra de mobiliser les quelque 150 canaux disponibles en MMDS numérisés pour diffuser à la population couverte un service suffisamment diversifié.
Le câble n'en sera pas moins le mode privilégié de distribution de la vidéo à la demande, celle-ci étant ainsi susceptible d'apparaître à terme, si l'existence d'un véritable marché est confirmée, le principal service de communication audiovisuelle différenciant le câble des autres réseaux de diffusion et l'un de ses principaux atouts avec le téléphone.
B. Le dispositif
Le texte initial de l'article 4 applique aux services de vidéo à la demande le régime juridique des services de communication audiovisuelle diffusés et celui des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribuée par câble. Il dispose en effet que les conventions prévues à l'article 28 (services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite) et celles prévues à l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 (services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble) peuvent adapter le droit commun du contenu des programmes en faveur des services de communication audiovisuelle « permettant la transmission à la demande, et le cas échéant contre rémunération, de programmes de radiodiffusion sonore et de télévision ».
L'article 4 règle ainsi, pour les expériences entrant dans le champ d'application du projet de loi, le problème controversé de la qualification juridique de la vidéo à la demande, comme on l'a noté dans le commentaire de l'article premier du projet de loi.
Le texte de l'article 4 permet d'ailleurs l'adaptation par les conventions d'un certain nombre de règles de contenu en dérogation aux dispositions édictées en application de plusieurs articles de la loi du 30 septembre 1986 :
- les règles prévues au troisième alinéa (2°) ainsi qu'au cinquième alinéa (3°) de l'article 27. Il s'agit pour la diffusion hertzienne de la fixation par décret des quotas de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et francophones ainsi que de la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et des dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres, il s'agit enfin des obligations concernant l'indépendance des producteurs ;
- les règles prévues au cinquième alinéa (3°) et au septième alinéa (5°) de l'article 33. Il s'agit, pour la distribution sur le câble, de la fixation par décret des conditions générales de production des oeuvres diffusées ainsi que du régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ;
- les règles prévues à l'article 70. Il s'agit des conditions de diffusion des oeuvres cinématographiques par les services de communication audiovisuelle.
Par ailleurs, l'application de l'article 4 aux services de téléachat est expressément écartée par le texte. Il s'agit d'éviter que ces services puissent se prévaloir des dispositions dérogatoires autorisées par le projet de loi.
Enfin, il est prévu qu'aucun message publicitaire ne peut interrompre les programmes transmis à la demande. Ceux-ci devront donc être intégralement financés par les usagers, solution qui présente une similitude avec le régime applicable aux services cryptés accessibles par abonnement (Canal Plus ne peut diffuser de publicité que dans les plages en clair).
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements à l'article 4.
• Le premier a modifié la rédaction du
premier alinéa sans en altérer la substance dans le souci de
limiter l'assimilation des services de vidéo à la demande
à des programmes de radiodiffusion sonore ou de télévision
tout en leur appliquant le régime juridique de ceux-ci. Cette tentative
ne paraît pas cependant couronnée de succès, aussi votre
commission renvoie-t-elle à cet égard aux remarques
effectuées dans son commentaire de l'article premier du projet de
loi.
Le premier alinéa de l'article 4 assimile par ailleurs expressément la vidéo à la demande aux services de communication audiovisuelle. Il importe là encore de préciser que cette assimilation n'a d'effet que pour les expérimentations autorisées au titre du projet de loi. Un service de vidéo à la demande non autorisé à ce titre ne saurait donc se prévaloir de la qualification de service de communication audiovisuelle pour bénéficier du régime de la déclaration préalable institué à l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986, et revendiquer sa diffusion sur le câble ou par voie hertzienne sans satisfaire aux obligations de contenu imposée par cette loi aux services autorisés.
• Le second amendement a précisé les
modalités d'application aux services de vidéo à la demande
du système de « chronologie des
médias »prévu à l'article 70-1 de la loi du 30
septembre 1986. Le délai minimum entre le début de l'exploitation
en salle d'une oeuvre cinématographique et sa diffusion par un service
de vidéo à la demande sera celui appliqué à la
vente ou à la location de vidéocassettes par le décret
n° 83-4 du 4 janvier 1983 qui prévoit un délai d'un an
à compter de la délivrance du visa d'exploitation du film, des
procédures de dérogation permettant en pratique de diminuer cette
durée à 6 mois.
L'objectif de cet amendement est de compléter la protection accordée par la loi à l'exploitation des films en salle. La diffusion par un service de vidéo à la demande est considérée comme un mode de commercialisation assimilable à vente ou location de vidéocassettes.
• Le troisième amendement adopté
prévoit que les conventions mentionnées au premier alinéa
de l'article 4 fixeront la contribution des services au développement de
la production cinématographique et audiovisuelle française et
européenne ainsi que les dépenses qu'ils devront consacrer
à l'acquisition de « droits d'oeuvres
cinématographiques ».
Ce texte n'apporte guère au dispositif du premier alinéa de l'article 4. Comme le soulignait à juste titre le rapporteur du projet de loi au moment de la discussion en séance, « c'est le CSA qui appréciera au cas par cas les modalités d'application de ces obligations lors du conventionnement des nouveaux services à la demande ».
C'est aussi ce que prévoit l'alinéa premier de l'article 4.
Celui-ci permet en effet au CSA d'adapter, dans les conventions fixant les obligations particulières de chaque service autorisé, les règles prévues :
- au troisième alinéa (2°) de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986. Il s'agit de la contribution des diffuseurs hertziens au développement de la production cinématographique et audiovisuelle, des dépenses minimales consacrées par eux à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres audiovisuelles ainsi que de l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs. Les règles correspondantes sont fixées par le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990, elles prévoient diverses modalités d'achat de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et de commande d'oeuvres audiovisuelles.
- au 3° de l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986. Il s'agit des conditions générales de production des oeuvres diffusées. Cette disposition a permis de fixer dans le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 modifié par le décret n° 95-77 du 24 janvier 1995 les conditions dans lesquelles les chaînes câblées diffusent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles consacrent une partie de leur budget de programmation à des oeuvres émanant de producteurs indépendants ainsi que les conditions dans lesquelles les services de télévision consacrés à la diffusion d'oeuvres cinématographiques consacrent une part de leur chiffre d'affaires à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques.
La possibilité reconnue au CSA d'« adapter » ces obligations « pour tenir compte de la nature particulière des services » ne saurait en aucun cas être comprise comme permettant leur suppression pure et simple. Il peut paraître utile de l'énoncer expressément dans le texte de l'article 4, ainsi d'ailleurs que de préciser les modalités d'adaptation des quotas de diffusion d'oeuvres européennes et francophones.
III. Position de la commission
Votre commission approuve le lancement d'expériences de vidéo à la demande sous le régime juridique de la loi du 30 septembre 1986.
Elle a adopté un amendement précisant les obligations dont les adaptations de la réglementation consenties en application du premier alinéa de l'article 4 devront tenir compte, à savoir :
- une proportion d'oeuvres européennes et francophones dans le catalogue des services diffusant des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;
- la contribution financière des services de vidéo à la demande à la production de programmes. A cet égard, votre commission a rectifié une imprécision du texte en prévoyant que seuls les services diffusant des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, à l'exclusion des services diffusant par exemple des retransmissions sportives, seront soumis aux obligations d'investissement dans la production.
Article 5 - Durée d'application du régime des autorisations et des conventions dérogatoires
I. Commentaire du texte du projet de loi
L'article 5 prévoit que les autorisations ne seront délivrées et que les conventions ne seront conclues que dans un délai de trois ans suivant la publication de la loi.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Votre commission a adopté cet article sans modification.
* (1) Amiens, Angers, Angoulême, Avignon, Bayonne, Bordeaux, Caen, Clermont, Grenoble, La Rochelle, Le Mans, Lens, Lille, Montluçon, Montpellier, Nantes, Nîmes, Orléans, Paris, St-Quentin, Toulon, Toulouse, Tours.