Avis n° 226 (1995-1996) de M. Pierre LAFFITTE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 15 février 1996
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INTRODUCTION
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I. L'AVANCÉE DE LA SOCIÉTÉ DE
L'INFORMATION
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II. LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE ET LA
SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article premier - Dispositions communes à
l'ensemble des expérimentations
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Article 2 - Expérimentations
dérogeant à la réglementation des
télécommunications
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Article 3 - Diffusion de bouquets de programmes
audiovisuels par voie hertzienne terrestre
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Article 3 bis nouveau - Fixation des obligations
applicables aux bouquets numériques de services audiovisuels reprenant
sur le câble ou en diffusion satellitaire des programmes ou parties de
programme diffusés par voie hertzienne ou distribués par
câble
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Article 4 - Expérimentation de services
audiovisuels à la demande
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Article 5 - Durée d'application du
régime des autorisations et des conventions dérogatoires
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Article premier - Dispositions communes à
l'ensemble des expérimentations
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EXAMEN EN COMMISSION
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AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA
COMMISSION
N° 226
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 février 1996. |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de /'information,
Par M. Pierre LAFFITTE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, Jean Delaneau, Jean-Louis Carrère , vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Ivan Renar, secrétaires ; François Autain, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, James Bordas, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Jean-Paul Hugot, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Pierre Lacour, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Mme Danièle Pourtaud, MM. Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10ème législ.) : 2358, 2487, 2502 et T.A. 456.
Sénat : 193 et 212 (1995-1996).
Communication .
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi soumis au Sénat est le premier d'une série de textes qui accompagneront l'entrée de la France dans la société de l'information. Pragmatique dans ses objectifs, modeste dans son champ d'application, il n'en apparaît pas moins comme une pièce indispensable sur l'échiquier où se joue, déjà, la partie dont les résultats consacreront les principaux acteurs de l'économie de demain et détermineront la capacité de notre pays de tirer le profit économique et social maximum des ressources de la société de l'information.
I. L'AVANCÉE DE LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
• L'évolution des
techniques
La société de l'information existe déjà : le téléphone, la télécopie, les visio-conférences, la radio, la télévision sont des outils familiers.
Mais elle se développe très vite et très fort. Les satellites, les fibres optiques et la numérisation bouleversent le paysage audiovisuel et celui des télécommunications. La numérisation et l'irruption des techniques informatiques dans ces secteurs sont en particulier des phénomènes clef. L'industrie informatique mondiale multiplie par mille, à prix constant, ses capacités de traitement. Ainsi, le centre de traitement informatique d'une grande banque, qui représentait il y a vingt ans un investissement de dix millions de francs, est désormais à la portée du consommateur pour quelque dix mille francs.
Les progrès très rapides de l'informatique permettent désormais la numérisation de l'image animée. Le procédé qui permet le codage sous une forme binaire, c'est-à-dire sous la forme d'une série de 0 et de l (cf. encadré ci-après), d'une information est depuis longtemps appliqué au transport et au traitement de la voix, des images fixes, des textes, des nombres. Son extension à l'ensemble des informations picturales et sonores permet de véhiculer et de traiter simultanément celles-ci sur le même support, ce qui a donné naissance au multimédia.
Une nouvelle génération de produits apparaît ainsi, dont les applications se substitueront progressivement à celles que nous connaissons aujourd'hui : le disque compact, la cassette audiovisuelle en analogique, etc. Déjà, le marché du CD-Rom, produit multimédia du micro-ordinateur, connaît une croissance remarquable.
Les supports de télécommunications progressent aussi, à un rythme plus lent : satellites, réseaux filaires, systèmes de commutation s'adaptent au transport à grands débits d'informations.
On peut désormais stocker et traiter des informations élémentaires en quantités insoupçonnées il y a moins d'une génération.
•
Quels usages
?
Comment tirer partie de ces techniques, dans quels domaines élaborer des applications, autrement dit quels besoins actuels et futurs permettront-elles de satisfaire ? Par ailleurs, quels seront leurs effets économiques et sociaux, leurs dangers éventuels, leurs effets sur l'emploi, sur l'aménagement du territoire ? Quelles seront, aussi, leurs conséquences, compte tenu du caractère planétaire des communications, sur l'identité culturelle des nations ?
Telles sont les questions qu'il est indispensable de cerner avec précision afin de prendre les mesures nécessaires pour maîtriser l'avancée dans la société de l'information.
Celle-ci est inéluctable et bouleversera nombre de nos habitudes, nécessitera l'adaptation de nos lois et de nos règlements, modifiera le potentiel de développement de nos régions en facilitant l'accès de chacun à l'information.
Veiller au plus large usage des techniques de la société de l'information est essentiel. Ceci implique fortement le pouvoir politique. Il est nécessaire d'y préparer le corps social, d'éviter la fracture entre ceux qui ont la capacité de s'en saisir et ceux qui risqueraient d'être exclus des nouveaux savoirs. Désormais, il faut considérer comme une priorité nationale de former, informer, distribuer à un coût raisonnable ce qui est nécessaire à tous, préparer nos concitoyens aux conséquences des mutations en cours dans l'accès aux connaissances et dans l'organisation du travail.
On ne peut donc poser la question des usages des produits et des services de la société de l'information sans mettre en avant la nécessité d'en orienter la production en vue de la satisfaction de l'intérêt général et d'une organisation de la société plus juste et plus efficace. L'avancée de la société de l'information ne doit donc pas être réduite à la question, certes fondamentale, mais pas exclusive, de l'existence de marchés solvables.
•
La place de la France
La France peut paraître disposer d'une appréciable avance dans le domaine de l'édition électronique. Quand on demandait il y a un an à New-York, San Francisco, Ottawa ou Osaka quelles expérimentations étaient en cours et quels services les inforoutes allaient diffuser en dehors de la télévision à la demande et du téléachat, on constatait qu'il s'agissait pour l'essentiel d'enseignement à distance et de services que les Français pratiquent depuis dix ans grâce au minitel (réservation de places de théâtre, de billets de train et d'avion, informations diverses fournies par les quelques 26.000 services accessibles par le minitel).
Les Français ont acquis grâce au minitel la pratique des services à distance. C'est un atout essentiel qu'il faut savoir valoriser. Mais le minitel est d'une conception ancienne. La durée des communications est excessive, la qualité des services insuffisante. Et pourtant, les fournisseurs ont augmenté de 47,1 % entre 1989 et 1995 le prix moyen de la minute, les temps de connexion ne progressant que de 11,2 %.
Par ailleurs, la limitation au territoire français de son emploi empêche le minitel de s'imposer concurremment aux stations de travail ou aux microordinateurs. Des réseaux tels qu'Internet, utilisés depuis plus de vingt ans par les scientifiques pour communiquer par messagerie électronique (à un coût nettement moins élevé que celui du fax) ou pour consulter des bibliothèques ou bases de données, n'utilisent pas le micro-ordinateur comme terminal alors que rien ne s'opposait à ce qu'un minitel évolué et bon marché s'impose sur ce marché.
Une occasion est-elle manquée ?
La réactivité du tissu social et économique français au progrès technique et à ses applications télématiques est élevée, comme le prouvent les 650 réponses à l'appel à proposition lancé par le Gouvernement de M. Édouard Balladur à la fin de 1994 en vue de lancer des expérimentations dans le domaine des technologies et des services de l'information. De très nombreux organismes, industriels, services de l'État et collectivités locales ont participé à l'élaboration de ces réponses.
Certains projets intéressants ne pouvaient être mis en oeuvre sans dérogations à la réglementation des télécommunications ou de l'audiovisuel. L'objet du projet de loi soumis au Parlement est de permettre l'octroi de ces dérogations. Il intervient dans un délai qui peut paraître long à ceux qui pensent que la France doit être à la pointe de l'innovation et ne pas se laisser distancer dans la compétition déjà engagée dans le secteur des inforoutes et surtout celui, stratégique, de l'industrie des contenus que véhiculeront les réseaux de diffusion.
D'autres projets nécessitaient un soutien public. Des crédits ont été dégagés dans les lois de finances pour 1995 et 1996 : 280 millions de francs pour 1996, une enveloppe totale de 500 millions de francs devant être engagée en trois ans. Ces chiffres compte tenu des enjeux paraissent très modestes à votre rapporteur : la société de l'information représente en particulier un gisement d'emplois dans la France rurale et dans les quartiers difficiles. Or des montants beaucoup plus élevés sont mobilisés dans la lutte contre le chômage avec des effets aléatoires. Malgré les efforts des ministères directement concernés, l'enjeu de la société de l'information ne paraît donc pas bien perçu au plus haut niveau de l'État.
Plus largement, on constate un réel manque d'information réel des médias dont ce serait pourtant le rôle d'éduquer le public, les élus locaux, voire les parlementaires.
L'une des questions que l'on pourrait se poser est l'excès de terminologie nouvelle pour la société de l'information. On parle de réalité virtuelle, de cyber-espace alors qu'il s'agit d'une réalité bien concrète, qui permet comme le téléphone, la télévision ou la radio d'abolir la distance.
Il faut aussi déplorer le retard, qui s'accentue, de l'équipement des établissements scolaires (au Canada, plus de 80 % des écoles sont reliées par télématique, et les micro-ordinateurs permettent aux enfants de communiquer avec le monde entier, hélas encore très peu avec des correspondants français).
Il est donc urgent de dissiper les faux mystères, d'informer de façon simple et de mobiliser nos concitoyens -en particulier les enfants et les étudiants- afin d'offrir un terrain favorable à l'élaboration de services et de produits susceptibles de s'imposer sur le marché mondial. L'État doit montrer la voie. Chaque ministère doit s'impliquer dans la préparation de services et de logiciels, à l'exemple de la Réunion des Musées nationaux dont le CD-Rom sur le Louvre connaît un remarquable succès commercial et du ministère de la culture qui met en route des projets de numérisation du patrimoine.
L'expérimentation des nouvelles techniques et des nouveaux services de l'information s'inscrit dans la même démarche. Elle allie le pragmatisme et le volontarisme. Le projet de loi crée la possibilité d'accorder de façon temporaire les dérogations nécessaires à certaines expérimentations. C'est un pas dans la bonne direction, même si la mobilisation de tous les acteurs susceptibles d'éclairer les choix, de diffuser l'information, de lancer des initiatives est encore insuffisante. Il conviendrait de nous inspirer sur ce plan de certains exemples étrangers qui montrent comment peut s'opérer une véritable prise en charge de la problématique de la société de l'information par l'ensemble des acteurs intéressés. C'est ainsi que le Conseil pour la recherche, la technologie et l'innovation allemand a publié en décembre 1995 un rapport dressant un état des lieux de la société de l'information. Ce rapport a été établi par un groupe qui comportait 5 ministres (dont le ministre de l'intérieur et celui de l'économie), des responsables syndicaux, des grands patrons et des universitaires. La NII task force lancée aux États-Unis par le Vice-président La Gore ou le groupe de concertation créé au Canada réunissent des responsables de qualité équivalente.
Une concertation de grande ampleur et à ce niveau de responsabilité permettrait seule d'assurer à l'avancement de la société de l'information le caractère prioritaire qu'il mérite. C'est indispensable pour accélérer la création de services et de produits, l'apparition de marchés, l'installation d'infrastructures qui permettront à la France de figurer parmi les grands acteurs mondiaux de la société de l'information et d'assurer ainsi la vitalité de son économie et de sa culture.
Quelques informations sur la numérisation
L'information élémentaire se traduit par une réponse binaire à une question (0 ou 1, blanc ou noir, ouvert ou fermé).
Une telle réponse -un bit- paraît rustique mais par le jeu des combinaisons possibles, une succession de huit bits successifs, un octet, donnera 256 possibilités de réponses. Une telle succession permet de remplacer une lettre de l'alphabet ou tout signe de machine à écrire par un octet.
On peut ainsi découper un écran carré ou une image en 512 colonnes (2 à la puissance 9) et 512 lignes, soit plus de 260.000 petits carrés que l'on appelle « pixels ». Chaque pixel est caractérisé par sa ligne et sa colonne. Il faudra 9 bits pour définir la ligne et 9 pour définir la colonne. Pour définir la teinte, par exemple les nuances de gris d'une image en noir et blanc, on peut affecter à chaque pixel un octet qui permettra de définir l'une des 256 nuances de gris. Au total, avec 9 + 9 + 8, soit 26 bits, on aura pu numériser une image en noir et blanc, stocker cette information sous forme numérique et la restituer. Le processus réel est un peu plus complexe car il faut repérer, contrôler, sécuriser, reconnaître les paquets d'information mais le principe du repérage et du contrôle numérique est le même.
La numérisation et la transmission numérique dans le domaine du son procèdent de techniques comparables.
Les techniques numériques bénéficient aussi, désormais, des progrès de logiciels spécialisés permettant de compacter les données et de les décompacter.
Le transport de l'information dans les télécommunications a fait lui-aussi des progrès considérables : fibres optiques, satellites, systèmes de communication et de routage s'adaptent et progressent. Des millions, voire des milliards de bits par seconde sont accessibles, d'où la terminologie « autoroutes » par analogie avec les réseaux routiers.
II. LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE ET LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
Les progrès des techniques numériques et spécialement leur application au transport de l'image fixe ou animée susciter un bouleversement, dont on discerne d'ores et déjà les prémisses, dans le secteur de la communication audiovisuelle.
•
Les réseaux de diffusion
La numérisation de la diffusion va en effet permettre, comme dans les autres secteurs du monde la communication, la multiplication des programmes et l'abaissement des coûts de diffusion. L'économie de la communication audiovisuelle a longtemps reposé sur la rareté des capacités de diffusion. Elle va désormais entrer progressivement dans une logique d'abondance où prévaudra la capacité d'élaborer une offre de programmes rencontrant un marché solvable ou une demande sociale d'intérêt général.
La numérisation des réseaux est le point de départ de cette évolution qui sera vraisemblablement très progressive. Elle va toucher tous les supports. Le satellite et les réseaux filaires en seront cependant sans doute les vecteurs privilégiés dans la mesure où, plus que la diffusion hertzienne terrestre, ils permettent de mettre rapidement de nouveaux services sur le marché.
Le satellite, en particulier, paraît avoir pris une avance notable en ce qui concerne à la fois les infrastructures et les programmes.
Le potentiel commercial de la diffusion numérique de programmes satellitaires a été révélé par le lancement en avril 1994 du bouquet de 150 chaînes de Direct TV aux États-Unis. Dès la fin de 1994, ce service comptait 600.000 abonnés, trois millions sont escomptés d'ici 1999. Ce succès, explicable par la facilité d'accès aux programmes (il suffit d'une petite antenne parabolique et d'un décodeur décompresseur numérique de la taille d'un magnétoscope) et le faible coût de l'abonnement, est d'autant plus remarquable que 30 % des abonnés sont des foyers câblés bien que les opérateurs du bouquet aient ciblé en priorité les zones rurales du sud des États-Unis. L'opérateur espère ainsi disposer en l'an 2000 de 40 % d'abonnés en zone urbaine et s'approprier 10 % à 15 % du marché du câble.
On comprend dès lors la priorité que de nombreux opérateurs donnent au satellite dans leur stratégie de diversification. Canal Plus doit bientôt lancer un bouquet numérique de vingt-cinq chaînes à partir du système satellitaire Astra, tandis que France Télévision et TF1 mettent au point, grâce a une société commune d'étude, un bouquet commun qui sera diffusé sur le système Eutelsat.
La diffusion numérique hertzienne terrestre pose des problèmes d'ordre différent, liés à la rareté de ces ressources essentielles que constituent les fréquences hertziennes. Le développement explosif de la téléphonie mobile pose le problème de la gestion du spectre de fréquence d'autant plus urgemment que le progrès vers la téléphonie mobile large bande est inéluctable et nécessite l'affectation de nouvelles bandes de fréquence. D'aucuns pensent qu'à terme les chaînes de télévision devraient pour l'essentiel être diffusées par câble et par satellite.
La numérisation des réseaux câblés est expérimentée depuis 1994. Face à la concurrence du numérique satellitaire, l'atout du câble est sa capacité de diffuser une offre de programme offrant l'interactivité et suscitant ainsi entre le consommateur et le serveur un « dialogue » du type de celui que permet actuellement la consultation de programmes sur un micro-ordinateur. Les services de vidéo à la demande, dont l'expérimentation est prévue par l'article 4 du projet de loi, seraient l'une des applications, dans le secteur de la radio et de la télévision, de cette possibilité. Il importe d'en connaître l'impact sur le public français. La possibilité de diffusion hautement interactive de services dont le caractère d'intérêt général est fort, tels que les services de téléenseignement et de télémédecine présente aussi un intérêt essentiel pour l'avenir des réseaux câblés.
L'interactivité restera en effet très sommaire en diffusion hertzienne terrestre et par satellite, compte tenu des hauts débits nécessaires pour la transmission de catalogues importants d'images animées et de l'inexistence de voies de retour intégrées.
•
L'évolution des produits
L'« appel d'air » provoqué par la numérisation des réseaux de diffusion va susciter l'apparition de nouveaux services de communication audiovisuelle souvent directement issus de l'offre traditionnelle de programmes de radio et de télévision, mais aussi de services se situant à mi-chemin de la communication audiovisuelle et des télécommunications.
Il conviendra de distinguer, au sein d'une offre se caractérisant avant tout par sa diversité, trois catégories de produits :
- les services diffusés. Il s'agit des chaînes généralistes actuelles, commerciales ou du secteur public, qui diffusent des programmes reçus passivement par le consommateur. De nouveaux services diffusés apparaissent actuellement, souvent compris dans des bouquets réunissant des chaînes thématiques payantes ou gratuites, des services de paiement à la séance, des services de vidéo quasi à la demande. Ils seront en grande partie financés par les usagers, soit émission par émission, c'est le cas du paiement à la séance, soit sous forme d'abonnement à un programme ;
- les services téléchargés à la demande, du type vidéo à la demande, pour lesquels les programmes stockés dans des serveurs seront sélectionnés sur catalogue par chaque consommateur. La notion de grille de programmes, actuellement au coeur de la communication audiovisuelle, disparaît alors ;
- les services commutés qui permettent le dialogue de personne à personne et offriront à plusieurs abonnés d'un service diffusant des programmes éducatifs, de formation, de jeu, la possibilité d'échanger des informations et d'agir simultanément sur le déroulement du programme.
•
La convergence de l'audiovisuel et des
télécommunications
Une autre conséquence de la numérisation de la diffusion sera l'utilisation de plus en plus indifférenciée des réseaux existants. Il est fort peu probable que s'impose un seul réseau, technologiquement plus perfectionné, diffusant « en ligne » la totalité des services à l'ensemble des consommateurs. Cette vision, sous-jacente dans le rapport Théry sur les autoroutes de l'information, faisait du réseau téléphonique équipé de fibre optique jusqu'au pied des immeubles le vecteur emblématique de la société de l'information. Le coût de l'investissement et les incertitudes qui pèsent sur l'ampleur véritable du marché des nouveaux services ont incité le Gouvernement à adopter une démarche pragmatique qui va conduire d'une façon différente la fusion de la communication audiovisuelle et des télécommunications. Les réseaux actuels subsisteront, chacun accueillant selon sa capacité de transport des données et selon le degré d'interactivité qu'il permet, des services issus indifféremment de la communication audiovisuelle et de l'informatique.
De même que les satellites de télécommunications sont utilisés pour la diffusion de services de télévision, les réseaux téléphoniques transporteront, quand l'avancée de la technique de l'ADSL le permettra, des programmes de télévision alors que les réseaux câblés distribueront des services de télécommunications tels que la visiophonie, et des services télématiques actuellement diffusés par le réseau téléphonique.
La séparation des régimes juridiques de la communication audiovisuelle et des télécommunications devra alors être réexaminée.
L'enclenchement de cette évolution apparaît dans les dispositions du projet de loi qui autorisent la fourniture sur les réseaux câblés de la téléphonie entre points fixes et qui appliquent aux services de vidéo à la demande les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le projet de loi contourne, il est vrai, le problème en appliquant les procédures de la loi du 30 septembre 1986 à des services dont la logique de fonctionnement s'accommode mal de l'ordonnancement juridique existant.
Il va rapidement falloir résoudre les problèmes plus fondamentaux que pose la rencontre des télécommunications et de la communication audiovisuelle sur les réseaux numériques de la société de l'information. On pense en particulier à la gestion rationnelle des fréquences hertziennes, évoquée ci-dessus, au contrôle du contenu des services, qu'il pourrait être nécessaire d'attribuer à une seule administration de tutelle sans tenir compte de l'incertaine distinction des télécommunications et de la communication audiovisuelle. Votre commission des affaires culturelles a commencé à réfléchir aux orientations qui pourraient être retenues à cet égard, dans le cadre d'un groupe de travail sur les services multimédia et les inforoutes. Elle poursuivra ses réflexions en vue de l'examen du projet de loi sur les télécommunications annoncé avant la fin de la session.
• L'évolution des
opérateurs
Exigeant la parfaite maîtrise de technologies développées par des secteurs encore cloisonnés bien que potentiellement convergents, le développement des nouveaux services de la société de l'information conduit au regroupement d'acteurs cherchant à compléter leurs compétences afin de se positionner sur les marchés en cours d'apparition.
Cette nécessité va donner une impulsion nouvelle au mouvement de diversification qui a conduit, au cours de la décennie écoulée, de grands groupes multimédia à investir des supports de communication connexes à leur métier de base. C'est ainsi que Fininvest détient en Italie cinq réseaux de télévision, plusieurs autres en Europe, un réseau de salles de cinéma, des entreprises de production cinématographique, des sociétés de droits audiovisuels, un quotidien de la presse écrite, une régie publicitaire. En Allemagne, Bertelsmann répartit ses activités entre la presse, le livre, le divertissement et l'industrie. En France, Havas est présent dans la publicité, la presse, la télévision et l'édition.
En dépit de l'inégale réussite des stratégies de diversification de ces grands groupes souvent surendettés et très sensibles aux à-coups de la conjoncture -on se souvient de l'effondrement du groupe Maxwell- la course à la diversification est repartie. Alors que les grands opérateurs des années 1980 avaient rarement réussi à dépasser leurs frontières nationales, les stratégies de développement sont désormais internationales. Un opérateur comme Rupert Murdoch est présent dans le Pacifique, en Amérique, en Asie et tente d'étendre ses activités à l'Europe à travers une alliance avec la CLT. En Europe, avec la CLT, Canal Plus, le groupe Bertelsmann et le groupe Kirsch mettent au point des stratégies régionales fondées sur la détention de catalogues et sur la mise au point de systèmes de contrôle d'accès.
Il faut rappeler à cet égard la réussite de Canal Plus dont la position de force provient non seulement d'une expérience déjà ancienne des relations avec une clientèle d'abonnés, mais aussi du contrôle du boîtier nécessaire à la réception des émissions cryptées. Propriétaire de son système de contrôle d'accès, Canal Plus a réussi à lui assurer une position dominante sur le marché européen en passant des accords avec Bertelsmann pour son exploitation.
Le développement des nouveaux produits et services de la société de l'information implique aussi de très nombreuses petites structures industrielles qui développent les produits innovants dont naîtront peut-être les marchés de masse de demain.
Là encore, toutefois, un mouvement de restructuration sélectionnera sans doute à terme un certain nombre d'entreprises disposant des ressources nécessaires pour assurer le développement des produits et capables de maîtriser les circuits de commercialisation. L'étroitesse actuelle du marché de l'édition électronique et du multimédia limite les perspectives de rentabilité à court terme et favorise le mouvement de concentration par l'établissement de partenariats entre constructeurs de matériels, producteurs, distributeurs. Il est trop tôt pour connaître les évolutions de ces partenariats vers des concentrations, des diversifications, ou des formules de coopération souples.
•
L'inconnue du marché
Nul en sait encore quelle sera l'ampleur du marché des nouveaux services et produits de la société de l'information : et ce sera l'un des apports les plus intéressants des expérimentations lancées par le Gouvernement que de fournir des éléments d'appréciation sur les réactions du public à l'offre qui va lui être présentée. Tout au plus peut-on observer aujourd'hui que la croissance des marchés très liés de la communication et au divertissement s'effectue habituellement par substitution entre produits ou services. C'est ainsi que le développement des jeux vidéo a eu des effets sur le taux d'audience des enfants de moins de 14 ans et que l'usage du magnétoscope a contribué à diminuer la fréquentation des salles de cinéma. Par ailleurs, la complexité relative de l'utilisation des services « en ligne » rendra nécessaire une formation du public, qui se heurtera non seulement au poids des habitudes de consommation mais aussi à la facilité d'usage de terminaux comme le téléviseur classique et le Minitel, dont les capacités limitées de transport et de traitement de l'information ne favoriseront pas la percée des services interactifs et multimédias.
En outre, les produits destinés à la consommation « hors ligne », sur micro-ordinateur par exemple, tels que les CD-ROM, connaîtront sans doute une croissance temporairement plus rapide que les services « en ligne » grâce à la progression actuellement remarquable du parc de micro-ordinateurs. Mais le progrès des modems, ainsi que le développement de structures telles que INFONIE peut infléchir très rapidement ce type de croissance.
L'avancée de la société de l'information est ainsi pleine d'incertitudes. Elle aura lieu, mais nul ne sait encore avec quels acteurs, quels produits, sur quels réseaux pour quels marchés. En raison du coût des nouvelles techniques, des délais de mise en place des réseaux et des équipements, du rythme des restructurations dont surgiront les opérateurs déterminants, l'évolution pourrait être plus lente qu'on ne l'envisage parfois, à moins bien sûr que le consommateur n'en décide autrement. Ce sera un des principaux mérites du projet de loi relatif aux expérimentations que de lui donner la parole avant que ne soit lancé tel ou tel programme en fonction d'un volontarisme politique et technologique ignorant des réalités socio-économiques.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier - Dispositions communes à l'ensemble des expérimentations
I. Commentaire du texte du projet de loi
Cet article qui n'intéresse pas spécifiquement la communication audiovisuelle et dont votre commission n'a par conséquent pas examiné le dispositif de façon détaillée, énonce les conditions générales de la délivrance des autorisations d'effectuer des expérimentations d'infrastructures et de services de télécommunications et de communications audiovisuelles dans les conditions dérogatoires précisées, pour chaque catégorie d'expérimentations, Par les articles 2 à 4 du projet de loi.
L'article premier prévoit ainsi :
- que les projets d'expérimentations doivent « présenter un intérêt général » ;
- les critères d'appréciation de cet intérêt général : de gré d'innovation, viabilité économique, impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie, association des utilisateurs à leur élaboration et à leur mise en oeuvre ;
- la limitation des autorisations à une durée maximale de cinq ans et leur adaptation en cas de modification des dispositions législatives en vigueur ;
- l'évaluation du résultat des expérimentations autorisées ;
- le renouvellement des autorisations dans les conditions prévues par le droit commun.
Ce dispositif soumet les expérimentations effectuées en application du projet de loi au droit commun applicable actuellement à chacune, exception faite des seuls dérogations expressément prévues aux articles 2 à 4. Le projet de loi ne modifie donc que de façon marginale et temporaire l'ordonnancement juridique existant. En ce qui concerne la communication audiovisuelle, le champ d'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, ainsi que les pouvoirs que celle-ci confère au CSA pour assurer la régulation du secteur de la communication audiovisuelle ne sont pas touchés. Ainsi, le CSA délivrera les autorisations nécessaires aux expérimentations et conventionnera les services ressortissant à sa compétence.
Une entorse paraît cependant faite à ce principe à l'article 4 qui soumet les expérimentations de vidéo à la demande au régime juridique des services de radiodiffusion sonore et de télévision en leur appliquant les articles 28 et 34-1 de la loi du 30 septembre 1986. Ceux-ci régissent en effet le conventionnement par le CSA des services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par voie hertzienne ou distribués par câble.
Cette assimilation pose problème au regard de la définition de la radiodiffusion télévisuelle donnée par l'article premier de la directive 89-552 du 3 octobre 1989, dite « télévision sans frontières ». Ce texte exclut en effet de la notion de radiodiffusion télévisuelle les « services de communication fournissant sur appel individuel, des éléments d'information ou d'autres prestations, tels que les services de télécopie, les banques de données électroniques et autres services similaires », énumération dont il n'est pas contesté qu'elle couvre la vidéo à la demande.
Il convient afin de prévenir les problèmes que pourrait à terme susciter la contradiction apparente entre le dispositif de l'article 4 et la directive 89-552, de considérer que l'application des articles 28 et 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 à la vidéo à la demande n'a d'effet que pour les expérimentations réalisées en application du projet de loi, pendant la durée de leur mise en oeuvre et ne préjuge pas du régime juridique définitif de cette catégorie de services.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui rend obligatoire l'adaptation des conditions juridiques de réalisation des expérimentations en cas de modification de la législation des télécommunications ou de la communication audiovisuelle.
///. Position de votre commission
Votre commission a adopté deux amendements à cet article.
Le premier inclut parmi les critères d'appréciation de l'intérêt général des projets d'expérimentations, leur impact sur le développement de la production française et européenne de services de télécommunications et de communication audiovisuelle.
Il importe en effet de mettre en oeuvre tous les moyens possibles de favoriser la circulation de produits français et européens sur les réseaux de la future société de l'information. La création d'un fonds d'aide à l'édition de produits multimédias en ligne ne saurait constituer qu'un élément de la stratégie à mettre en place à cet égard.
Le second amendement adopté par votre commission prévoit que, dans le cas des expérimentations mentionnées aux articles 3 bis et 4, pour lesquelles le projet de loi ne mentionne pas la délivrance d'une autorisation, les conventions définissant les obligations particulières aux services expérimentaux seront conclues pour une durée maximale de cinq ans et seront adaptées en cas de modification des dispositions législatives en vigueur.
Il s'agit de prévenir toute ambiguïté sur la durée maximale et sur les conditions de retour dans le droit commun de l'ensemble des expérimentations menées en application du projet de loi.
Article 2 - Expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications
I. Commentaire du texte du projet de loi
Cet article qui n'intéresse pas spécifiquement la communication audiovisuelle et dont votre commission n'a donc pas examiné le dispositif de façon détaillée, détermine les conditions de réalisation de deux types d'expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications. Il s'agit d'une part de l'établissement et de l'exploitation d'infrastructures d'ampleur géographique limitée et fournissant à 20.000 utilisateurs au plus des services de télécommunications comprenant la téléphonie entre points fixes. Il s'agit d'autre part d'autoriser à titre expérimental la fourniture du service téléphonique entre points fixes sur les réseaux câblés. Il convient d'observer, du point de vue de la communication audiovisuelle, que cette disposition permettra de tester les conditions dans lesquelles la téléphonie pourrait rentabiliser l'exploitation des réseaux câblés.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté à cet article des amendements qui prévoient :
- la consultation des communes intéressées sur les expérimentations comportant la fourniture du service téléphonique sur un réseau câblé ;
- l'extension du champ d'application de l'article 2 aux réseaux câblés construits avant le lancement du plan câble ;
- la correction d'une erreur de décompte d'alinéa.
III.. Position de votre commission
Votre commission a adopté l'article 2 sans modification.
Article 3 - Diffusion de bouquets de programmes audiovisuels par voie hertzienne terrestre
I. Commentaire du texte du projet de loi
A. Les objectifs
L'article 3 règle les conditions dans lesquelles pourront être effectuées des expériences de diffusion par voie hertzienne terrestre de bouquets de programmes de radio ou de télévision.
• Le numérique terrestre
Le développement de la diffusion numérique hertzienne terrestre n'est pas sans poser problème.
Les opérateurs qui se lancent actuellement dans le pari de la diffusion numérique privilégient le satellite comme mode de diffusion le plus économique et le plus prometteur en termes d'audience.
En effet, la diffusion numérique hertzienne terrestre nécessite l'adaptation des quelque 11.000 émetteurs hertziens pour un coût estimé supérieur à celui des investissements nécessaires pour la diffusion par satellite ou par câble.
En outre, la transition de l'analogique au numérique sera difficile à organiser. Pendant une période qui devrait durer de dix à quinze ans, les chaînes devront diffuser en analogique pour le parc actuel de récepteurs et en numérique pour les nouveaux récepteurs et les anciens équipés de décodeurs. Il sera difficile de trouver les fréquences nécessaires compte tenu du fait que le spectre de fréquences attribuées à la radiodiffusion est presque entièrement utilisé pour la diffusion des six chaînes nationales existantes. En effet, la diffusion analogique terrestre nécessite l'utilisation d'un large spectre de fréquences afin d'éviter le brouillage des fréquences utilisées par des émetteurs voisins. Seul demeure actuellement disponible le réseau « multivilles », qui ne s'étend qu'à une vingtaine de sites ( ( * )1) .
Durant la phase de transition de l'analogique au numérique, il sera donc difficile aux programmes diffusés en numérique terrestre d'avoir une couverture de territoire comparable à celle de la diffusion analogique : 99 % pour TF1, France 2 et France 3, et de 80% à 85% pour les autres chaînes hertziennes nationales.
Il semble possible cependant d'obtenir un taux de couverture de 70 % en utilisant les « canaux tabous » actuellement gelés afin d'éviter le brouillage des émissions.
Par ailleurs, le numérique terrestre risque de contrarier les effets de la « seconde chance » que les techniques numériques représentent pour le développement du câble.
Est-il d'autre part souhaitable de susciter une concurrence à l'offre de programmes francophones par satellite, dans la mesure où ce mode de diffusion est le mieux susceptible de favoriser la diffusion des produits de notre industrie des programmes au-delà de l'étroit marché français ?
Il convient enfin d'observer que l'essor de la communication audiovisuelle en numérique terrestre limiterait les capacités disponibles pour la téléphonie mobile. Il sera nécessaire de tenir compte de ces divers éléments au cours de la réflexion sur la gestion des fréquences à laquelle devrait conduire la création envisagée d'une agence de gestion dans le cadre du projet de loi annoncé pour le printemps sur la réforme de la réglementation des télécommunications.
En dépit de ces interrogations, la diffusion hertzienne offre un potentiel qu'il a paru utile d'explorer dans le cadre des expérimentations lancées par le Gouvernement. Les raisons en ont été exposées à l'occasion d'une réunion de concertation présidée le 1er décembre 1994 par M. Philippe Olivier Rousseau, membre du CSA, et à laquelle ont participé des représentants des chaînes de télévision terrestres, des câblo-opérateurs, des chaînes au câble, d'industriels de l'audiovisuel ainsi que de TDF, de Havas et de la CLT.
Deux séries de facteurs justifient le lancement d'une réflexion sur la mise en place de services numériques en diffusion hertzienne terrestre.
Ainsi, le réseau hertzien terrestre restera en France, pour les dix à quinze ans à venir, compte tenu du parc de récepteurs existant et des habitudes des téléspectateurs, le mode de diffusion prépondérant. Il devrait donc nécessairement jouer un rôle dans l'expansion des techniques numériques.
Par ailleurs, les estimations présentées par M. Philippe-Olivier Rousseau au cours de la réunion du 1er décembre dernier fixent le nombre des foyers recevant dans cinq ans la télévision par câble ou par satellite entre 4 et 4,5 millions au plus, ce qui, compte tenu de la dispersion des bouquets sur les positions orbitales et du fait que le point d'équilibre des chaînes francophones est habituellement estimé à 3 millions d'abonnés, paraît vouer à l'anémie financière les chaînes du câble et du satellite.
Dans ces conditions, une spécificité du marché français de la communication audiovisuelle serait, contrairement à la situation allemande ou américaine, que la diffusion hertzienne terrestre, y compris numérique, continuera d'y jouer un large rôle pendant une période indéterminée.
Ces constatations et ces supputations justifient-elles qu'un encouragement soit donné à la diffusion numérique terrestre de programmes de radio et de télévision à travers les expérimentations qui seront lancées en application du projet de loi ?
Celles-ci auraient deux objectifs :
- tester les possibilités techniques. Un choix doit être fait entre l'utilisation d'une norme commune avec le câble, mais monoporteuse et celle d'une norme multiporteuse, spécifique au numérique terrestre et dont l'intérêt serait d'une part de ne nécessiter qu'un canal pour transmettre, sans brouillage de fréquences, une chaîne sur tout le territoire et d'autre part de rendre possible la réception sur un terminal mobile.
Il est apparu, au cours de la réunion précitée, que la préférence du CSA s'orientait vers les techniques monoporteuses, plus économiques, plus rapides à mettre en oeuvre et plus adaptées au marché dans son état actuel.
En tout état de cause, des expérimentations de diffusion de services de communication audiovisuelle en numérique terrestre vont être menées prochainement avec deux objectifs :
- tester le contenu de services proposés en bouquets, la réaction du public, et la possibilité de miser sur la complémentarité entre le numérique terrestre, dont les programmes resteraient limités en nombre, et le câble, susceptible de distribuer un nombre beaucoup plus important de services dotés d'une interactivité plus ou moins développée selon la configuration du réseau.
C'est ainsi que l'article 3 du projet de loi permet le lancement d'expérimentations de bouquets de programmes de radio ou de télévision en diffusion numérique hertzien terrestre.
L'expérimentation de bouquets de programmes était incompatible avec les règles d'attribution des fréquences hertziennes terrestres fixées par la loi du 30 septembre 1986.
En effet, l'autorisation d'user une fréquence est actuellement délivrée pour un seul programme. Ce principe, qui n'est pas expressément énoncé par la loi, ressort de son économie générale.
Ce schéma juridique correspondait à l'état des techniques au moment de l'élaboration de la loi du 30 septembre 1986. En diffusion analogique, il n'est en effet pas possible de diffuser plus d'un service sur chacune des fréquences hertziennes constituant le canal affecté à une chaîne de télévision. Il est dès lors inévitable que le titulaire de l'autorisation soit en même temps éditeurs du service diffusé. En revanche, la possibilité de démultiplier les services empruntant une fréquence ou un canal, la possibilité de constituer ainsi des bouquets de chaînes éditées par des opérateurs divers, conduit à distinguer le titulaire de l'autorisation d'usage des fréquences, l'« ensemblier », des services eux-mêmes, dont la responsabilité éditoriale peut appartenir à d'autres personnes.
Ce schéma a été retenu par la loi du 20 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, dans ses dispositions modifiant la loi du 30 septembre 1986, pour le câble dont les caractéristiques techniques permettaient la diffusion de plusieurs chaînes sur un canal (la numérisation ne fait qu'élargir cette possibilité) et dont la gestion impliquait une distinction entre l'autorisation d'établir un réseau, l'autorisation d'exploiter le réseau au vu d'un plan de service, et le conventionnement des chaînes diffusées (du moins celles dont le contenu n'est pas régi au titre de la réglementation de la diffusion hertzienne terrestre) par accord entre le CSA et l'éditeur de chaque chaîne.
L'expérimentation de bouquets numériques terrestres implique la mise en place d'un schéma identique distinguant le titulaire de l'autorisation d'user les fréquences. C'est le premier objectif de l'article 4.
Le second objectif est de favoriser la constitution des bouquets en ouvrant au CSA la possibilité de répartit sur l'ensemble des services diffusés sur un canal les obligations de contenu des programmes et d'investissement dans la production cinématographique et audiovisuelle dont la loi du 30 septembre 1986 prévoit la fixation service par service.
• La diffusion multiplexée sur canal micro-ondes (MMDS)
Le schéma juridique institué par l'article 3 sera aussi applicable aux bouquets de services de radio ou de télévision diffusés sur canal micro-onde en analogique ou en numérique.
La diffusion sur canal micro-ondes, appelée MMDS (microwave multichannel distribution system), permet de diffuser des programmes dans des bandes de fréquences supérieures aux fréquences actuellement utilisées en diffusion hertzienne terrestre (2 à 40 Ghz et au-delà), dans un rayon de l'ordre de 5 à 20 km compte tenu de la nécessaire visibilité optique de l'émetteur depuis l'antenne réceptive. En diffusion analogique, cette technique peut représenter localement une capacité d'une douzaine à une trentaine de programmes. La numérisation permettrait de quintupler cette capacité. Cette technique, utilisée aux États-Unis dans les zones mal desservies par le câble mais peu répandue en Europe, apparaît extrêmement prometteuse.
En effet, le MMDS, qui nécessite une installation de réception composée d'une petite antenne parabolique et des équipements de démodulation et de décodage identiques à ceux utilisés sur les réseaux câblés, peut être mis en oeuvre rapidement aux prix d'investissements initiaux très largement inférieurs à ceux du câblage. En outre, du fait de sa couverture locale, il permet de diffuser des programmes locaux. Le MMDS peut apparaître à terme comme un concurrent sérieux des réseaux câblés, mais surtout comme un substitut du câble dans les régions où celui-ci est économiquement non viable compte tenu de la dispersion de la population ou du caractère accidenté de la zone.
Cependant la loi du 29 décembre 1990 précitée a introduit dans la loi du 30 septembre 1986 une disposition qui limite de façon draconienne la diffusion de services de radiodiffusion sonore et de télévision sur canal micro-ondes. En effet, le troisième alinéa de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que dans les zones d'habitat dispersé, un réseau câblé peut comporter, « pour l'usage exclusif de la transmission interne à ce réseau, des services de radiodiffusion sonore ou de télévision, une ou plusieurs liaisons radioélectriques ». Ces liaisons se font en fait sur canal micro-ondes. L'objectif du législateur a été, en adoptant ces dispositions, d'une part d'interdire l'interconnexion de réseaux câblés par voie hertzienne dans des conditions qui n'auraient pas permis aux collectivités publiques concernées d'assurer le contrôle que leur reconnaît l'article 34 de la loi, et d'autre part d'autoriser en zone rurale les transmissions radioélectriques entre la tête de réseau et des groupes d'habitations reliées entre elles par le câble : la transmission de programmes par micro-ondes jusqu'aux antennes de réception des immeubles individuels et collectifs n'est pas autorisée. Ainsi limité dans son emploi, le MMDS ne devait pas concurrencer les réseaux câblés existants ou susceptibles d'être établis. Cependant, l'arrêt du câblage du territoire justifie le lancement d'expérimentations de services numériques sur canal micro-ondes afin de tester l'intérêt de cette technique pour assurer la desserte des zones rurales ou d'accès difficile.
B. Le dispositif
L'article 3 adapte de façon pragmatique les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 à la logique de fonctionnement d'un bouquet de programmes de radio ou de télévision.
Il est partagé en deux rubriques. La première (I) régit la délivrance des autorisations d'user les fréquences pour la diffusion de bouquets numériques, la seconde (II) régit le contenu des chaînes diffusées.
Le I prévoit que le CSA pourra octroyer les autorisations de diffuser des bouquets numériques en hertzien terrestre sans passer par la procédure d'appel de candidatures prévue aux articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre 1986. Cette procédure, destinée à assurer la transparence des attributions de fréquences est applicable aux services hertziens terrestres à l'exception des sociétés nationales de programmes, mentionnées à l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 (France Inter, France 2, France 3, RFO, RFI), de la chaîne éducative (article 45), de la chaîne culturelle européenne Arte et des chaînes parlementaires mentionnées à l'article 45-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 1er février 1994.
La dispense instituée par l'article 3 du projet de loi est justifiée par la nécessité de lancer rapidement les expérimentations de bouquets numériques terrestres, la procédure d'appel aux candidatures ne peut être accélérée sans que sa signification soit dénaturée, et par la logique de la démarche expérimentale qui suppose que les projets autorisés soient ceux auxquels le Gouvernement a accordé un label à la fin de 1995. Il faut observer cependant l'article 3 accorde au CSA la « faculté » de ne pas recourir à l'appel aux candidatures, il garde donc la possibilité de lancer cette procédure si des considérations particulières l'y incitent. On peut songer à des situations dans lesquelles seul l'appel aux candidatures lui semblerait susceptible de permettre l'exécution des missions que lui assigne l'article premier de la loi du 30 septembre 1986 : assurer l'égalité de traitement, favoriser la libre concurrence, veiller à la qualité et à la diversité des programmes.
L'article 3 du projet de loi précise d'ailleurs que la délivrance des autorisations doit respecter les critères de choix imposés par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 : le pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, la nécessité d'éviter les abus de position dominante et les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, l'expérience des candidats, les perspectives financières et économiques du service autorisé, les participations du candidat à l'autorisation dans le capital de régies publicitaires ou d'entreprises de presse.
Par ailleurs, le projet de loi soumet la délivrance des autorisations à plusieurs conditions spécifiques :
- elles ne peuvent être délivrées que pour un site géographique limité. Cette notion dont le texte ne précise pas la portée a pour but de garantir le caractère expérimental des projets autorisés : une couverture géographique excédant les nécessités du test de viabilité économique et financière d'un bouquet numérique terrestre apparaîtrait comme un détournement de la loi. Il appartiendra au CSA d'apprécier ces nécessités compte tenu des caractéristiques de chaque projet ;
- les bouquets diffusés sur canal micro-ondes ne pourront desservir une zone câblée, afin d'éviter de susciter au câble une concurrence inopportune, et devront utiliser des fréquences comprises dans les bandes attribuées aux services de radiodiffusion, ce qui coupe court à toute tentation de remettre en cause, à l'occasion des expérimentations, l'actuelle répartition des fréquences hertziennes entre les différentes catégories d'utilisateur.
Le troisième alinéa du premier paragraphe de l'article 3 prévoit l'application de la loi du 30 septembre 1986 à l'octroi des autorisations d'user les fréquences en écartant les dispositions de ce texte qui régissent le contenu des services diffusés. La loi de 1986 soumet en effet les titulaires d'autorisations à des obligations liées à la procédure d'autorisation et à des obligations intéressant le contenu des services. La distinction effectuée par l'article 3 du projet de loi entre les titulaires de l'autorisation et les services diffusés oblige à répartir ces obligations entre chaque catégorie d'opérateur selon leur rôle dans le montage d'un bouquet de programmes.
C'est ainsi que le troisième alinéa du I écarte l'application au titulaire de l'autorisation des obligations définies en application des dispositions suivantes de la loi du 30 septembre 1986 :
- l'article 27 qui prévoit la fixation par décret du contenu des programmes en matière de publicité et de parrainage, de diffusion aux heures de grande écoute d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et d'expression originale française, ainsi que de la contribution des chaînes au financement de la production cinématographique et audiovisuelle ;
- l'article 28 qui prévoit, de façon plus détaillée, la fixation des mêmes obligations et d'autres obligations de contenu dans les conventions passées entre le CSA et le titulaire de l'autorisation d'usage des fréquences ;
- l'article 28-1, qui prévoit les conditions de durée et de renouvellement des autorisations (l'article premier du projet de loi applique aux expérimentations des règles spécifiques à cet égard) ;
- l'article 70 qui prévoit la fixation d'obligations relatives à la diffusion des oeuvres cinématographiques ainsi que la contribution des diffuseurs au développement des activités cinématographiques nationales ;
- l'article 70-1 qui prévoit la fixation de délais entre l'exploitation en salle des oeuvres cinématographiques et leur diffusion par les diverses catégories de services de communication audiovisuelle.
Est aussi écartée l'application des articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui imposent aux services de communication audiovisuelle d'avoir un directeur de la publication et prévoient sa responsabilité en cas d'infraction à la législation de la presse. Ces dispositions ne peuvent en bonne logique être appliquées aux titulaires d'autorisations d'utiliser les fréquences, qui n'ont pas de responsabilité éditoriale sur les services diffusés.
Enfin si les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relatives à la concentration dans les médias sont applicables aux titulaires d'autorisation accordées en application de l'article 3 du projet de loi, celui-ci institue une dérogation à l'interdiction mentionnée au deuxième alinéa de l'article 41. Cet alinéa dispose que nul ne peut être simultanément titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre et d'une autorisation relative à un service de même nature autre que national. Cette disposition interdirait aux diffuseurs hertziens privés de lancer des bouquets numériques terrestres, aussi est-il prévu de ne l'appliquer que si l'autorisation demandée au titre de l'article 3 du projet de loi porte sur un service desservant une zone dont la population recensée est supérieure à 100.000 habitants. Les diffuseurs hertziens privés pourront donc effectuer chacun une expérimentation dans une zone dont la population est inférieure à 100.000 habitants.
Le II de l'article 3 du projet de loi régit le conventionnement par le CSA des services de communication audiovisuelle appartenant aux bouquets autorisés en application du I du même article.
Dans la mesure où, comme on l'a vu, les éditeurs de ces services ne seront pas nécessairement les titulaires des autorisations d'user les fréquences, il convenait de leur appliquer, parmi les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relatives aux services de communication audiovisuelle diffusés, les règles régissant le contenu des programmes et d'écarter l'application de celles qui régissent la procédure d'autorisation.
Il est donc précisé que les services des bouquets numériques terrestres relèvent de la procédure de conventionnement fixée par l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 à l'exception du premier alinéa de celui-ci qui prévoit que la convention est passée entre le CSA et le titulaire de l'autorisation. C'est avec l'éditeur de chaque service que devra naturellement être passée la convention précisant les obligations particulières applicables au programme diffusé.
Est exclu par ailleurs l'application des dispositions suivantes de la loi du 30 septembre 1986 :
- l'article 25 qui porte sur les conditions techniques de la diffusion, dispositions intéressant le titulaire de l'autorisation ;
- l'article 28-1 qui fixe, comme on l'a vu précédemment, la durée et les conditions de renouvellement des autorisations ;
- les articles 29 et 30 qui fixent la procédure d'autorisation des services de radio et de télévision ;
- l'article 39 qui institue des mesures relatives à la composition du capital des sociétés titulaires d'autorisations ;
- -les deuxième et cinquième alinéas de l'article 41 qui limitent le cumul par une personne d'autorisations relatives à des services de télévision par voie hertzienne terrestre.
En revanche, les services composant les bouquets numériques terrestres devront être dotés chacun du directeur de la publication mentionné, comme on l'a vu, aux articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
Le II de l'article 3 permet enfin, dans son dernier alinéa, au CSA de définir globalement dans les conventions passées avec les services, les obligations mentionnées au troisième alinéa (2°) et au cinquième alinéa (3°) de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986.
Il s'agit des quotas de diffusion d'oeuvres européennes et francophones ainsi que des investissement dans la production et la commande d'oeuvres imposées aux chaînes hertziennes terrestres diffusées en clair ou cryptées. Le CSA pourra répartir inégalement ces obligations entre les services diffusés sur un même canal d'un bouquet autorisé en application du I de l'article 3.
II. Modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté l'article 3 modifié par plusieurs amendements rédactionnels. L'un de ceux-ci corrige dans le premier alinéa de l'article une référence erronée aux huitième et neuvième alinéa de l'article 20 de la loi du 30 septembre 1986 : le texte vise en fait « les critères prévus du huitième au dernier alinéa de l'article 29 ».
III. Position de la commission
Votre commission approuve le lancement d'expériences de diffusion de bouquets audiovisuels en numérique terrestre. Elles permettront de mieux cerner le potentiel de ce mode de diffusion, la viabilité économique des services qu'il permettra de mettre à la disposition du public, ainsi que les conditions dans lesquelles pourra être envisagée sa coexistence avec les réseaux câblés.
Les problèmes que pourrait susciter la concurrence avec la diffusion satellite devront être résolus ultérieurement.
Votre commission approuve de même la faculté accordée au CSA de « globaliser » sur tout ou partie d'un bouquet les obligations de contenu des programmes. Elle estime qu'il appartiendra au CSA, en appréciant au cas par cas l'étendue des assouplissements susceptibles d'être consentis à tel ou tel service composant un bouquet, d'éviter des configurations dans lesquelles l'ensemblier à l'origine de l'élaboration du bouquet aurait la possibilité de se décharger de ses obligations de diffusion d'oeuvres européennes et francophones sur un service entièrement français mais de qualité médiocre en misant, pour le succès commercial de son offre, sur un service diffusant uniquement des oeuvres non européennes. Il appartiendra de même au CSA d'empêcher l'élaboration de bouquets de chaînes dans lesquels un seul service fonctionnerait réellement, son programme bénéficiant des dérogations à la réglementation des contenus grâce à la « globalisation » autorisée par l'article 3.
Au bénéfice de ces considérations, votre commission a adopté cet article sans amendement.
Article 3 bis nouveau - Fixation des obligations applicables aux bouquets numériques de services audiovisuels reprenant sur le câble ou en diffusion satellitaire des programmes ou parties de programme diffusés par voie hertzienne ou distribués par câble
/. Texte adopté par l'Assemblée nationale
A. Les objectifs
Cet article, qui résulte d'un amendement de l'Assemblée nationale, permet la « globalisation » des quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, en cas de « multiplexage » sur le câble ou en diffusion satellitaire de bouquets numériques composés de programmes ou parties de programmes provenant des services de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne ou distribués sur le câble, c'est-à-dire en cas de diffusion décalée de ces programmes ou parties de programmes par rapport à la diffusion originale. Tel est le sens donné par l'article 3 bis nouveau à la notion de multiplexage, l'objectif poursuivi étant de favoriser l'expérimentation de ce nouveau mode de commercialisation des services de radio et de télévision.
Canal Plus devrait être le premier bénéficiaire des possibilités ouvertes par l'article 3 bis nouveau en incluant dans son futur bouquet satellitaire trois services de télévision rediffusant, à des heures différentes, son programme hertzien ainsi que, séparément, certains éléments du même programme.
Notons par ailleurs que l'article 3 bis nouveau n'est pas applicable à d'éventuels bouquets numériques de chaînes multiplexées diffusés par la voie hertzienne terrestre. Ceux-ci relèveraient du régime juridique défini à l'article 3.
B. Le dispositif
Était-il nécessaire d'adopter l'article 3 bis nouveau pour permettre la commercialisation de bouquets de chaînes tel que celui préparé par Canal Plus dans des conditions moins rigoureuses que celles prévues par le droit commun des services câblés et satellitaires ?
Il convient d'observer que l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 fixe d'ores et déjà le régime juridique de la distribution par câble des « services de radiodiffusion sonore et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée » des programmes des chaînes hertziennes nationales.
Ces services ne peuvent être distribués sur les réseaux câblés qu'après avoir conclu avec le CSA une convention définissant leurs obligations particulières. La convention peut prévoir l'application progressive de ces obligations.
En dépit de cette possibilité, l'article 34-1 n'offre pas une base juridique suffisamment sûre pour le lancement d'expériences de multiplexage sur le câble de programmes ou parties de programmes des chaînes hertziennes. S'il permet en principe de constituer des bouquets numériques de chaînes multiplexées, la faculté qu'il accorde au CSA de permettre l'« application progressive » des obligations particulières à chaque service ne permet pas d'opérer la « globalisation » souhaitée par les opérateurs à l'instar de ce que l'article 3 du projet de loi permet en diffusion numérique terrestre. Ceci justifiait l'insertion dans le projet de loi d'un article additionnel permettant de consentir cet avantage au service novateur que constitue le multiplexage des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, ce texte a été modifié afin de faire entrer dans son champ d'application le multiplexage par satellite (et non plus seulement sur un réseau câblé) ainsi que le multiplexage de chaînes câblées (et non plus seulement de chaînes hertziennes terrestres).
II. Position de la commission
Votre commission approuve l'objectif de l'article 3 bis nouveau.
Le multiplexage de services audiovisuels en bouquets numérique apparaît en effet comme un mode novateur de commercialisation des services de communication audiovisuelle, dont il convient de tester la viabilité économique.
Si la substance de l'article 3 bis nouveau doit ainsi être maintenue, le libellé pour le moins obscur de ce texte impose cependant sa réécriture.
Il peut sembler juridiquement erroné de soumettre le multiplexage par satellite au régime de l'article 3 bis. Celui-ci prévoit en effet la définition des obligations applicables aux services multiplexés « selon les modalités précisées dans les conventions prévues à l'article 34-1 de la loi » du 30 septembre 1986. Or, comme on l'a vu ci-dessus, ces conventions ne s'appliquent qu'aux services distribués par câble. Il est regrettable que la réglementation des services diffusés par les satellites de télécommunications soit amorcée en appliquant à ces services le régime juridique des chaînes câblées au prix d'un brouillage des catégories juridiques instituées par la loi du 30 septembre 1986.
Cette solution peut toutefois être admise compte tenu du caractère expérimental du projet de loi, des limites fixées à sa durée ainsi qu'à son champ d'application, et de l'opportunité d'encourager la constitution rapide d'une offre française en diffusion satellitaire.
Dans la même intention, il convient de permettre la reprise de chaînes satellitaires dans les bouquets conventionnés en application de l'article 3 bis. Cette possibilité est exclue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Ainsi, les bouquets multiplexés pourront-ils à la fois être diffusés par satellite et comprendre des chaînes diffusées originellement par satellite.
Votre commission a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de cet article tenant compte des observations qui précèdent.
Article 4 - Expérimentation de services audiovisuels à la demande
I. Commentaire du texte du projet de loi
A. Les objectifs
L'article 4 crée un cadre juridique permettant la mise à disposition du public de services de vidéo à la demande par voie hertzienne ou par le câble.
Ce type de service permet à un consommateur de passer commande, sur catalogue, à un serveur de films ou d'émissions audiovisuelles. La commande est transmise instantanément sur le récepteur du demandeur. Quelques expérimentations de services de vidéo à la demande ont été lancées récemment aux États-Unis. A Denver, le câblo-opérateur TCI a monté en collaboration avec US West, compagnie de téléphone local et avec ATT une expérience permettant à 300 familles d'opérer chaque jour un choix parmi plusieurs dizaines de films au coût de 3 dollars le film. Menée selon une technique rudimentaire de chargement manuel de magnétoscopes desservant à distance les foyers participant à l'expérience, cette expérience a permis d'enregistrer une demande moyenne de 2,5 films par mois et par foyer. Une autre étude de marché menée par Time-Warner dans le quartier de Queens à New-York a par ailleurs démontré la possibilité d'augmenter de 10 $ la facture mensuelle des abonnés à des services de paiement à la séance.
Par extrapolation, certains analystes en déduisent que le chiffre d'affaires de ce marché pourrait être multiplié par huit d'ici l'an 2000.
Un service de vidéo à la demande figure aussi dans le « full service network » mis au point par Time Warner à Orlando en Floride.
En ce qui concerne la France, aucune expérience de ce type n'a encore été lancée. Plusieurs devraient être réalisées dans le cadre juridique prévu par le projet de loi. En particulier, TF1 a présenté un projet en deux
- le premier prévoit la mise en oeuvre dans des hôtels (chaîne Latitudes) de serveurs vidéo proposant des programmes diversifiés (films, documentaires, informations générales ou spécialisées) et accessibles sur demande par les clients de l'hôtel sur le téléviseur installé dans la chambre.
- second prévoit l'extension de l'expérience au grand public, en particulier sur réseau câblé. Tout abonné aux services du câble pourra accéder sur demande aux programmes disponibles dans un serveur placé en tête du réseau câblé. Les programmes disponibles seront réassortis régulièrement par téléchargement par satellite depuis un centre serveur principal situé au siège de la chaîne. TF1 devrait expérimenter ce service sur le réseau câblé de la ville de Metz.
Ces expériences permettront d'évaluer les conditions techniques de la mise en place des services de vidéo à la demande. La mise au point d'une base de données permettant de servir, sur appel, un nombre de films ou d'émissions suffisamment important pour offrir le même service qu'une grande surface vidéo sera en effet complexe.
Elles permettront aussi d'évaluer l'ampleur potentielle de la demande. Selon la Motion Picture Association American, la vidéo à la demande deviendra à terme la seconde source de revenus du cinéma américain, ce qui suppose un succès commercial que de nombreux opérateurs mettent en doute. Une des conditions de succès de la formule semble en tout état de cause être la mise à la disposition du public de certaines retransmissions sportives, de films récents très peu de temps après leur sortie en salle et de films pornographiques.
Si la vidéo à la demande avait effectivement un marché, elle deviendrait pour le câble un atout majeur. Elle requiert en effet la disponibilité d'un très grand nombre de canaux et ne peut donc être offerte sur le satellite. En diffusion hertzienne terrestre, la vidéo à la demande peut être offerte sur Canal micro-ondes par la technique du MMDS : la faible portée géographique des émetteurs permettra de mobiliser les quelque 150 canaux disponibles en MMDS numérisés pour diffuser à la population couverte un service suffisamment diversifié.
Le câble n'en sera pas moins le mode privilégié de distribution de la vidéo à la demande, celle-ci étant ainsi susceptible d'apparaître à terme, si l'existence d'un véritable marché est confirmée, le principal service de communication audiovisuelle différenciant le câble des autres réseaux de diffusion et l'un de ses principaux atouts avec le téléphone.
B. Le dispositif
Le texte initial de l'article 4 applique aux services de vidéo à la demande le régime juridique des services de communication audiovisuelle diffusés et celui des services de radiodiffusion sonore et de télévision distribuée par câble. Il dispose en effet que les conventions prévues à l'article 28 (services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite) et celles prévues à l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 (services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble) peuvent adapter le droit commun du contenu des programmes en faveur des services de communication audiovisuelle « permettant la transmission à la demande, et le cas échéant contre rémunération, de programmes de radiodiffusion sonore et de télévision ».
L'article 4 règle ainsi, pour les expériences entrant dans le champ d'application du projet de loi, le problème controversé de la qualification juridique de la vidéo à la demande, comme on l'a noté dans le commentaire de l'article premier du projet de loi.
Le texte de l'article 4 permet d'ailleurs l'adaptation par les conventions d'un certain nombre de règles de contenu en dérogation aux dispositions édictées en application de plusieurs articles de la loi du 30 septembre 1986 :
- les règles prévues au troisième alinéa (2°) ainsi qu'au cinquième alinéa (3°) de l'article 27. Il s'agit pour la diffusion hertzienne de la fixation par décret des quotas de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et francophones ainsi que de la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et des dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres, il s'agit enfin des obligations concernant l'indépendance des producteurs ;
- les règles prévues au cinquième alinéa (3°) et au septième alinéa (5°) de l'article 33. Il s'agit, pour la distribution sur le câble, de la fixation par décret des conditions générales de production des oeuvres diffusées ainsi que du régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ;
- les règles prévues à l'article 70. Il s'agit des conditions de diffusion des oeuvres cinématographiques par les services de communication audiovisuelle.
Par ailleurs, l'application de l'article 4 aux services de téléachat est expressément écartée par le texte. Il s'agit d'éviter que ces services puissent se prévaloir des dispositions dérogatoires autorisées par le projet de loi.
Enfin, il est prévu qu'aucun message publicitaire ne peut interrompre les programmes transmis à la demande. Ceux-ci devront donc être intégralement financés par les usagers, solution qui présente une similitude avec le régime applicable aux services cryptés accessibles par abonnement (Canal Plus ne peut diffuser de publicité que dans les plages en clair).
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements à l'article 4.
• Le premier a modifié la rédaction du
premier alinéa sans en altérer la substance dans le souci de
limiter l'assimilation des services de vidéo à la demande
à des programmes de radiodiffusion sonore ou de télévision
tout en leur appliquant le régime juridique de ceux-ci. Cette tentative
ne paraît pas cependant couronnée de succès, aussi votre
commission renvoie-t-elle à cet égard aux remarques
effectuées dans son commentaire de l'article premier du projet de
loi.
Le premier alinéa de l'article 4 assimile par ailleurs expressément la vidéo à la demande aux services de communication audiovisuelle. Il importe là encore de préciser que cette assimilation n'a d'effet que pour les expérimentations autorisées au titre du projet de loi. Un service de vidéo à la demande non autorisé à ce titre ne saurait donc se prévaloir de la qualification de service de communication audiovisuelle pour bénéficier du régime de la déclaration préalable institué à l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986, et revendiquer sa diffusion sur le câble ou par voie hertzienne sans satisfaire aux obligations de contenu imposée par cette loi aux services autorisés.
• Le second amendement a précisé les
modalités d'application aux services de vidéo à la demande
du système de « chronologie des
médias »prévu à l'article 70-1 de la loi du 30
septembre 1986. Le délai minimum entre le début de l'exploitation
en salle d'une oeuvre cinématographique et sa diffusion par un service
de vidéo à la demande sera celui appliqué à la
vente ou à la location de vidéocassettes par le décret
n° 83-4 du 4 janvier 1983 qui prévoit un délai d'un an
à compter de la délivrance du visa d'exploitation du film, des
procédures de dérogation permettant en pratique de diminuer cette
durée à 6 mois.
L'objectif de cet amendement est de compléter la protection accordée par la loi à l'exploitation des films en salle. La diffusion par un service de vidéo à la demande est considérée comme un mode de commercialisation assimilable à vente ou location de vidéocassettes.
• Le troisième amendement adopté
prévoit que les conventions mentionnées au premier alinéa
de l'article 4 fixeront la contribution des services au développement de
la production cinématographique et audiovisuelle française et
européenne ainsi que les dépenses qu'ils devront consacrer
à l'acquisition de « droits d'oeuvres
cinématographiques ».
Ce texte n'apporte guère au dispositif du premier alinéa de l'article 4. Comme le soulignait à juste titre le rapporteur du projet de loi au moment de la discussion en séance, « c'est le CSA qui appréciera au cas par cas les modalités d'application de ces obligations lors du conventionnement des nouveaux services à la demande ».
C'est aussi ce que prévoit l'alinéa premier de l'article 4.
Celui-ci permet en effet au CSA d'adapter, dans les conventions fixant les obligations particulières de chaque service autorisé, les règles prévues :
- au troisième alinéa (2°) de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986. Il s'agit de la contribution des diffuseurs hertziens au développement de la production cinématographique et audiovisuelle, des dépenses minimales consacrées par eux à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres audiovisuelles ainsi que de l'indépendance des producteurs à l'égard des diffuseurs. Les règles correspondantes sont fixées par le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990, elles prévoient diverses modalités d'achat de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et de commande d'oeuvres audiovisuelles.
- au 3° de l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986. Il s'agit des conditions générales de production des oeuvres diffusées. Cette disposition a permis de fixer dans le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 modifié par le décret n° 95-77 du 24 janvier 1995 les conditions dans lesquelles les chaînes câblées diffusent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles consacrent une partie de leur budget de programmation à des oeuvres émanant de producteurs indépendants ainsi que les conditions dans lesquelles les services de télévision consacrés à la diffusion d'oeuvres cinématographiques consacrent une part de leur chiffre d'affaires à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques.
La possibilité reconnue au CSA d'« adapter » ces obligations « pour tenir compte de la nature particulière des services » ne saurait en aucun cas être comprise comme permettant leur suppression pure et simple. Il peut paraître utile de l'énoncer expressément dans le texte de l'article 4, ainsi d'ailleurs que de préciser les modalités d'adaptation des quotas de diffusion d'oeuvres européennes et francophones.
III. Position de la commission
Votre commission approuve le lancement d'expériences de vidéo à la demande sous le régime juridique de la loi du 30 septembre 1986.
Elle a adopté un amendement précisant les obligations dont les adaptations de la réglementation consenties en application du premier alinéa de l'article 4 devront tenir compte, à savoir :
- une proportion d'oeuvres européennes et francophones dans le catalogue des services diffusant des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;
- la contribution financière des services de vidéo à la demande à la production de programmes. A cet égard, votre commission a rectifié une imprécision du texte en prévoyant que seuls les services diffusant des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, à l'exclusion des services diffusant par exemple des retransmissions sportives, seront soumis aux obligations d'investissement dans la production.
Article 5 - Durée d'application du régime des autorisations et des conventions dérogatoires
I. Commentaire du texte du projet de loi
L'article 5 prévoit que les autorisations ne seront délivrées et que les conventions ne seront conclues que dans un délai de trois ans suivant la publication de la loi.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Votre commission a adopté cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a examiné, au cours d'une réunion tenue le 15 février 1996, le rapport pour avis de M. Pierre Laffitte, rapporteur, sur le projet de loi n° 193 (1995-1996) adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Franck Sérusclat a estimé que la fourniture sur les réseaux câblés d'un service téléphonique de point à point n'avait pas un caractère expérimental, que sa pertinence pouvait donc être mise en doute de même que le choix de développer des expériences de télévision numérisée par voie hertzienne terrestre en dépit de la concurrence ainsi faite au câble. De façon générale, le projet de loi apparaît dépourvu de cohérence et ne présente aucune stratégie collective de développement du secteur de l'information.
M. Alain Joyandet a manifesté son accord sur le lancement d'expérimentations permettant d'anticiper les besoins du marché et a exprimé la crainte que la rédaction de l'article 3, limitant la diffusion par micro-ondes aux bandes de fréquences actuellement attribuées au service de radiodiffusion, n'interdise dans les faits le développement de cette technique.
M. Jack Ralite a exprimé sa perplexité à l'égard d'un texte supposé permettre l'expérimentation de techniques dont la législation en vigueur n interdit nullement l'emploi. L'objectif essentiel du projet de loi est en fait d'octroyer aux opérateurs du câble la possibilité d'offrir le service téléphonique de point à point. Deux expériences se dérouleront ainsi à Annecy et à Nice, l'une avec la Compagnie Générale des Eaux, l'autre avec la Lyonnaise des eaux. Or, les implications qui en résulteront pour France Télécom ne sont pas réglées. Le projet de loi suscite ainsi une déréglementation incontrôlée dans des conditions défavorables à France Télécom.
Il a estimé que les conditions fixées par la Commission européenne Pour l'établissement d'un partenariat entre France Télécom, Deutsch-Telecom et Sprint avaient récemment montré la puissance de la tendance qui pèse en faveur d'une déréglementation incontrôlée. L'autorisation n'a été délivrée qu'en échange de la libéralisation avant le 1er janvier 1996 de la diffusion de service de télécommunications sur les infrastructures alternatives privées. Ces infrastructures étant la plupart du temps la propriété de services publics, ceux-ci seront amenés à livrer à France Télécom une concurrence susceptible de nombreux effets pervers.
Par ailleurs, on ignore le contenu, et par conséquent les effets sur la concurrence entre les réseaux, des expériences de téléport qui seront menées à Paris.
En définitive, le consommateur sera sans doute victime de ces initiatives dérégulatrices.
M. Jack Ralite a enfin estimé que le projet de loi ne pouvait être considéré comme l'initiative politique attendue pour permettre à la France d'entrer dans la société de l'information.
Mme Danièle Pourtaud a regretté que le texte ne présente aucune vision d'ensemble de l'évolution vers la société de l'information, envisagée par le détour de quelques modifications législatives ponctuelles qui susciteront la mise en concurrence de la diffusion hertzienne et des réseaux câblés, et dont le principal objectif est de permettre l'offre du service téléphonique sur les réseaux câblés sans contrepartie pour l'exploitant qui assume la charge du service public.
Si les accords passés dans le cadre de l'Union européenne obligent à achever la déréglementation du service téléphonique avant le 1er janvier 1998, il conviendrait que le Parlement discute au préalable des moyens de préserver le service public dans le cadre de cette nouvelle donne. Le ministère de l'industrie, de la Poste et des télécommunications a installé une commission d'experts qui fixera les conditions de la contribution des nouveaux exploitants au maintien du service universel. On peut craindre que les pratiques de dumping auxquelles les câblo-opérateurs se livreront sans nul doute d'ici-là ne soient contradictoires avec l'obligation qui devrait à terme peser sur eux de fixer leur prix compte tenu de leur contribution au financement du service public.
Mme Danièle Pourtaud s'est par ailleurs déclarée opposée à l'octroi d'autorisations de diffuser des services de télévision en numérique sur les fréquences hertziennes terrestres sans passer par la procédure de l'appel d'offre prévue par la loi du 30 septembre 1986. Elle a aussi regretté que le projet de loi rende possible la globalisation des quotas de diffusion sur l'ensemble des services figurant dans un bouquet de chaîne.
En réponse aux intervenants, M. Pierre Laffitte, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :
- l'article 2 du projet de loi prévoit expressément que les câblo-opérateurs offrant le service téléphonique contribuent au financement des obligations de service public ;
- l'offre du service téléphonique sur les réseaux câblés a un caractère expérimental et sera soumise à des limitations de durée et de couverture géographique. Elle testera non pas des techniques nouvelles mais l'organisation d'un marché concurrentiel de la téléphonie, ce qui permettra aux opérateurs français de se préparer à la déréglementation de 1998. Au demeurant, l'exemple de British Telecom montre qu'un opérateur public en situation concurrentielle peut conserver 90 % de son marché national tout en développant une stratégie de conquête des marchés mondiaux. Rien n'empêche France Télécom, confrontée à une situation identique, de devenir un des principaux opérateurs du marché mondial des télécommunications. Il lui appartient de nouer les alliances nécessaires.
Cette stratégie de conquête des marchés mondiaux est le seul moyen de compenser le repli possible de l'opérateur public sur le marché national. Elle aurait en outre le mérite de rassurer les personnels sur l'avenir de l'entreprise.
Le projet de loi ne va donc pas trop loin dans l'anticipation de la déréglementation des télécommunications : il favorise l'adaptation de France Télécom à une évolution que les progrès de la technique rendent de toute façon inéluctable quelle que soit l'orientation de la réglementation nationale ;
- les téléports ont vraisemblablement connu leur apogée avant que ne diminue le coût des communications à grande distance. Il ne semble pas que la formule conserve un véritable avenir. Si des projets d'enseignement à distance ne semblent pas avoir été présentés pour les téléports, de tels projets figurent dans d'autres expérimentations labellisées par le Gouvernement ;
- les critères de labellisation des projets d'expérimentations ont été complexes, ce qui a sans doute ralenti le processus de sélection. Le principal regret que l'on peut avoir à l'égard de la dynamique lancée par le Gouvernement est cependant la modestie des subventions inscrites aux budgets de 1995 et de 1996. Un montant de 500 millions de francs devrait être mobilisé en trois ans, chiffre dérisoire en comparaison des sommes dégagées pour la lutte contre le chômage, compte tenu du fait que les nouveaux services de la société de l'information sont un puissant facteur de création d'emplois, particulièrement en faveur des jeunes diplômés.
A cet égard, des pays comme le Canada et l'Allemagne ont adopté une démarche plus mobilisatrice que le processus lancé en France ;
- il y aura peu d'expériences de diffusion de programmes de télévision par micro-ondes. L'affectation des fréquences hertziennes terrestres pose un problème majeur dans la mesure où la répartition actuelle, si elle était considérée comme intangible, aurait avec la numérisation des conséquences défavorables au développement du satellite, du câble et de la téléphonie mobile. C'est un problème qu'il faudra envisager à l'occasion du prochain examen du projet de loi modifiant la réglementation des télécommunications. La nécessité d'opérer une gestion rationnelle des fréquences hertziennes terrestres pourrait par ailleurs amener à modifier la répartition actuelle des compétences entre les autorités administratives qui assurent la tutelle des télécommunications et de la communication audiovisuelle. ;
- le ministre de la culture a été associé à la préparation du projet de loi. En ce qui concerne l'article 2, aucune dérogation à la réglementation de la communication audiovisuelle n'était nécessaire, l'intérêt de ces dispositions est sans doute, en ce qui concerne la communication audiovisuelle, de favoriser la relance du câble ;
- il est logique et cohérent avec le caractère expérimental du projet de loi de permettre la globalisation des quotas de diffusion applicables aux services qui seront diffusés dans des bouquets numérisés.
M. Jacques Ralite a alors estimé que l'État devrait augmenter son engagement financier en faveur du développement des produits diffusés sur les réseaux à grand débit de la société de l'information, sans négliger cependant le développement de ces réseaux et des logiciels qui en permettront l'accès.
Par ailleurs, le projet de loi n'envisage pas l'organisation d'un partenariat entre les opérateurs français et des opérateurs de télécommunications non américains. Enfin, il ne règle pas de nombreux problèmes révélés par l'évolution de la communication audiovisuelle, tels que l'adaptation de la réglementation compte tenu de l'apparition du métier de multiplexeur numérique.
Il a demandé que la commission étudie ces différents problèmes.
M. Pierre Laffitte, rapporteur, a précisé que le groupe d'études mis en place par la commission sur le multimédia allait poursuivre ses réflexions dans ce sens.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.
AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
Article premier
Amendement
Au deuxième alinéa de cet article, après les mots :
de leur viabilité économique,
insérer les mots :
de leur impact sur le développement de la production française et européenne des services mentionnés à l'alinéa premier,
Article premier
Amendement
Après le troisième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les conventions conclues en application des articles 3 bis et 4 de la présente loi le sont pour une durée maximale de cinq ans et prévoient leur adaptation en cas de modification des dispositions législatives en vigueur.
Article 3 bis
Amendement
Rédiger comme suit cet article :
En application de l'article premier, les conventions prévues à l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 peuvent définir globalement les obligations prévues au septième alinéa (5°) de l'article 33 de la loi précitée lorsqu'elles sont formulées en pourcentage du temps de diffusion et celles prévues au quatrième alinéa (2°) de l'article 70 de la loi précitée, pour les ensembles de services constitués de services de radiodiffusion sonore ou de télévision consistant en la reprise totale ou partielle et non simultanée, selon des techniques numériques, de services déjà diffusés.
Les conventions mentionnées à l'alinéa premier prévoient que tous les services de radiodiffusion sonore ou de télévision composant un ensemble de services doivent être simultanément mis à la disposition du public.
Article 4
Amendement
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les conventions mentionnées à l'alinéa premier prévoient, pour tout service qui transmet à la demande des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, les proportions des oeuvres européennes et d'expression originale française devant figurer dans le catalogue de programmes mis à la disposition du public ainsi que la contribution du service au développement de la production cinématographique et audiovisuelle et les dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Article 4
Amendement
Supprimer le quatrième alinéa de cet article.
* (1) Amiens, Angers, Angoulême, Avignon, Bayonne, Bordeaux, Caen, Clermont, Grenoble, La Rochelle, Le Mans, Lens, Lille, Montluçon, Montpellier, Nantes, Nîmes, Orléans, Paris, St-Quentin, Toulon, Toulouse, Tours.