L'AFRIQUE DU SUD : UN ENJEU ESSENTIEL POUR NOTRE COOPÉRATIONLes besoins considérables de l'Afrique du Sud (logement, éducation, santé, transports...), mais aussi son potentiel économique sans comparaison sur le continent, désignent ce pays à la fois comme un destinataire de l'aide au développement mais aussi comme un réel partenaire économique. A ce titre l'Afrique du Sud constitue un cas inédit pour le ministère de la coopération mais aussi une gageure. Car la façon dont la France saura répondre aux attentes de l'Afrique du Sud, et c'est le rôle du ministère de la coopération de conduire notre politique dans ce sens, lui permettra de compter dans un pays où les perspectives de croissance intéressent au premier chef nos entreprises. Un potentiel économique considérable Quelques données résument à elles seules la place de l'Afrique du Sud dans la partie subsaharienne du continent : 6 % de la population, 4 % du territoire, mais 40 % de sa productioon de biens manufacturés, 30 % de l'électricité et 90 % de l'acier produits, 32 % du parc total de véhicules, 45 % des routes asphaltées. Par ailleurs après trois années de récession, l'Afrique du Sud a renoué avec la croissance depuis 1993 (+ 1,2 %), mouvement confirmé en 1994 (2,4 %) et sans doute en 1995 (2,5 à 3 %). La remontée des prix des matières premières, la fin de l'isolement économique, la pacification politique liée au succès du processus électoral, tous ces éléments se sont conjugués pour imprimer à l'économie un nouveau dynamisme. L'avenir se présente enfin sous des auspices plutôt favorables : une dette extérieure modérée (inférieure à 15 % du PIB), les orientations libérales de la politique économique (réduction des protections tarifaires, suppression du double marché des changes au printemps 1995), surtout la relance des investissements dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de reconstruction et de développement. La France ne peut se tenir à l'écart d'un marché aussi prometteur. Alors que nombre d'entreprises étrangères avaient contourné les mesures d'isolement international, les sociétés françaises s'étaient massivement retirées du marché sud-africain : elles doivent aujourd'hui redoubler d'effort pour retrouver les parts de marché perdues. Plusieurs entreprises (Total, Bull, Alcatel, Air liquide, Accor, Bureau Véritas, Schneider...) ont renforcé leur présence, d'autres ont décidé de s'y implanter (Lyonnaise des Eaux, Elf, Office général de l'air etc.). Sans doute le tableau de l'économie sud-africaine présente quelques ombres : accroissement du déficit budgétaire, coût du travail élevé, incertitudes politiques mais surtout sociales. |
Un pays caractérisé par ses fractures sociales Le revenu annuel par habitant (2 290 dollars) recouvre de fortes disparités : 12 000 dollars pour les Blancs (12 % de la population), soit quatre fois celui des Indiens et métis (11 % de la population) et dix fois celui des Noirs (77 % de la population). Les besoins de la population noire apparaissent considérables au regard de la dégradation de l'habitat, la surpopulation des écoles, l'insuffisance des structures médicales. Confrontés aux problèmes d'une violence endémique, les Noirs supportent également un taux de chômage (évalué à 45 % de la population active par la plupart des experts), beaucoup plus élevé que celui des Blancs. L'aide de la France doit appuyer le programme de reconstruction et de développement engagé par le gouvernement sud-africain. La politique française présente déjà à son actif les réalisations conduites par la Caisse française de développement dans les domaines suivants : - électrification, distribution d'eau, planification urbaine dans les townships (appui qu'il faudrait sans doute aussi étendre aux transports et aux télécommunications) ; - développement rural ; - secteur privé. La politique d'aide doit composer avec la complexité des circuits de décision d'un pouvoir qui reste encore fortement centralisé. Les projets initiés à la base par les municipalités ou les provinces, remontent ensuite au ministère de la reconstruction et du développement où ils font l'objet d'un contrôle d'opportunité (le projet de vente de frégates à l'Afrique du sud incluant la fabrication de plusieurs d'entre elles dans les chantiers de Durban a ainsi reçu l'appui de la province du Kwazulu Natal mais pas celui du pouvoir central). L'aide de la France à l'Afrique du sud (260 millions de francs en 1994) reste faible au regard des besoins manifestés par ce pays et mériterait un renforcement. La France dispose néanmoins auprès de l'Afrique du sud de plusieurs atouts : sa capacité de dialogue, son savoir-faire et sa haute technicité, une longue expérience en Afrique enfin. Les Sud-Africains à cet égard paraissent soucieux de développer des actions de partenariat avec notre pays en Afrique francophone. La politique d'aide française ne pourra ainsi se contenter de ses instruments traditionnels, elle devra imaginer de nouveaux cadres qui tiennent compte du degré de développement de l'Afrique du Sud et serviront d'exemple, il faut l'espérer, aux actions conduites à l'avenir avec d'autres pays africains. A l'évidence une partie décisive pour l'image de notre coopération se joue désormais en Afrique du sud . |
A. PLUSIEURS ACQUIS À PRÉSERVER
Outre l'importance accordée à la réforme de notre aide, la lettre de mission du Premier ministre fixait une seconde priorité, le recentrage sectoriel de l'aide sur trois domaines : la consolidation de l'état de droit, les investissements dans le secteur social, la relance de l'investissement et du secteur privé.
A cet égard il convient de développer une expérience fructueuse, le Fonds spécial de développement, et préserver un savoir-faire, la politique de soutien au secteur privé conduite par la Caisse française de développement.
1. Une expérience fructueuse
Le Fonds spécial de développement (FSD) destiné à atténuer les conséquences de la dévaluation constitue une expérience intéressante dont les leçons doivent être méditées pour l'avenir.
a) Un bilan satisfaisant
Le Fonds spécial de développement doté de 400 millions de francs se caractérise par trois traits :
- un soutien plus spécifique apporté à l'aménagement urbain (électrification, adduction d'eau, assainissement urbain) nécessitant des travaux à forte intensité de main-d'oeuvre
- une gestion déconcentrée dans le cadre de comités locaux associant les représentants de la CFD et ceux de la mission de la coopération
- une intervention rapide comme en témoigne un taux de décaissement supérieur à 60 % à la fin du mois de juin 1995.
b) Les enseignements pour l'avenir
L'action du Fonds spécial de développement a bénéficié d'un écho très favorable auprès de nos partenaires africains. Les projets, en effet, gérés sur le terrain, correspondent bien aux besoins des populations et bénéficient d'une mise en oeuvre souvent plus rapide que les actions financées par le Fonds d'aide et de coopération.
Ainsi le FSD a mis en valeur les mérites d'une gestion déconcentrée et concertée . Il a souligné également une lacune : la difficulté de trouver hors du cadre étatique les relais dotés du savoir-faire nécessaire : ainsi les communes, partenaires naturels des actions de soutien dans le domaine de l'aménagement urbain, n'ont pas toujours eu les moyens financiers ou techniques de prolonger les interventions initiées par le FSD.
Le renforcement des collectivités locales et des organisations intermédiaires apparaît donc comme une priorité.
L'intention manifestée par le ministre délégué à la Coopération, M. Godfrain, de prolonger cette expérience, témoigne du succès de l'entreprise et d'une orientation positive de notre coopération.
2. Développer l'action en faveur du secteur privé
a) Les instruments mis en oeuvre par la Caisse française de développement
Le soutien au secteur privé relève de la Caisse française de développement et de sa filiale, la Société de promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO).
. le soutien au système bancaire et financier repose sur un double instrument :
- l'octroi des lignes de crédit à des institutions bancaires, destinées à refinancer des crédits d'investissement au profit des entreprises privées (ces opérations représentent près de 60% des interventions de la PROPARCO) mais aussi la signature d'accords-cadres avec certaines banques ;
- la mise en place d'un fonds : « Assurance du risque des investissements en Afrique » (ARIA) garantissant à hauteur de 40 % avec un plafond de 4 millions de francs, le financement à moyen et long terme, par les banques des investissements des entreprises privées ; un second fonds de garantie des investissements privés en Afrique de l'ouest (GARI) créé à l'initiative de la coopération française permet de garantir, à hauteur de 50 %, un flux régulier de l'ordre de 200 millions de francs, les prêts accordés par les banques à plusieurs secteurs (industrie manufacturière, agro-industrie, pêche, mine, tourisme, services et agriculture) ; la Caisse française de développement et le ministère de la coopération ont doté conjointement le Fonds ARIA d'un total de 60 millions de francs. Quant au fonds GARI, la CFD (à laquelle s'est associé le ministère de la coopération) lui a apporté une dotation de 35 millions de francs, ce qui a permis, par un important effet de levier de susciter chez les bailleurs de fonds un apport global de 155 millions de francs.
. La création et l'animation de marchés financiers s'inscrit également dans le souci de dynamiser des circuits financiers trop souvent atones. A ce titre la CFD encourage les émissions obligataires publiques et sa filiale, la PROPARCO, a apporté sa garantie à plusieurs opérations de caractère privé.
La CFD met notamment en oeuvre un dispositif d'octroi de garantie à l'émission de titres obligataires par des syndicats de banques locales destinés à refinancer à des taux attractifs les investissements des entreprises ; ainsi en mars 1995 la CFD a octroyé sa garantie à une première émission obligataire de 5,4 milliards de francs CFA réalisée par un syndicat de deux banques ivoiriennes. La PROPARCO a pour sa part consenti trois garanties privées pour un montant global de 8,85 milliards de francs CFA.
Par ailleurs la CFD finance, en concertation avec le ministère de la coopération et la Banque Mondiale, la transformation de la bourse des valeurs d'Abidjan en bourse régionale pour l'Afrique de l'Ouest.
. L'aide directe aux entreprises bénéficie en particulier du Fonds d'appui direct aux entreprises (FADE) destiné à financer des actions préalables ou concomitantes à l'investissement (contacts, recherches de partenaire, formation, transfert de savoir-faire etc.) mis en oeuvre par la CFD. Ces interventions sont complétées depuis 1995 par des actions de proximité et des initiatives locales au profit des PME et microentreprises et une meilleure identification des recherches de partenariat, grâce notamment à des accords passés avec certaines régions françaises.
En second lieu les aides aux initiatives productrices de base assurent le financement en milieu rural ou urbain des entreprises artisanales ou des petites entreprises. A ce titre, en 1994, 28 prêts ont pu être accordés pour un montant de 37 millions de francs. Depuis 1993 parallèlement à cette procédure classique, un nouveau système permet, à partir d'une seule ligne de crédit accordée à une structure intermédiaire (ONG, coopérative, groupement de producteurs etc.) de soutenir plusieurs types de projets.
L'ensemble des concours du groupe de la CFD en faveur du secteur privé et du secteur productif concurrentiel se répartit de la façon suivante :
Concours du groupe de la CFD en faveur du secteur privé et du secteur productif concurrentiel
en millions de francs
Répartition sectorielle |
Nombre de projets |
Subventions |
PCS |
PCA |
PCO PCI |
PCPM |
2e guichet |
total |
Développement rural |
20 |
1,7 |
0,0 |
0,0 |
47,5 |
169,8 |
0,0 |
219,0 |
Mines-hydrocarbures |
3 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
167,6 |
0,0 |
167,6 |
Industrie-artisanat |
24 |
30,0 |
0,0 |
0,4 |
0,0 |
155,4 |
0,0 |
185,9 |
Energie |
3 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
228,0 |
0,0 |
228,0 |
Hôtellerie-Tourisme |
6 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
29,3 |
0,0 |
29,3 |
Transports |
3 |
0,0 |
0,0 |
37,0 |
0,0 |
33,0 |
0,0 |
70,0 |
Télécommunications |
2 |
22,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
58,0 |
0,0 |
80,0 |
Divers |
36 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
120,4 |
0,0 |
120,4 |
Lignes de crédit |
16 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
125,0 |
158,7 |
0,0 |
283,7 |
TOTAL |
113 |
53,7 |
0,0 |
0,0 |
172,5 |
1 120,3 |
0,0 |
1 383,9 |
PCS/PCA : prêt à conditions très concessionnelles -PCO/PCI : prêt à conditions concessionnelles- PCPM - prêt à conditions proches du marché - Prêts du 2ème guichet : prêts aux conditions du marché.
b) Le Fonds de conversion de créances
. La politique en faveur des privatisations pourrait désormais compter sur les ressources du fonds de conversion de créances (FEC) créé en 1982.
Le fonds repose sur un mécanisme doté de 4 milliards de francs permettant l'annulation de créances en contrepartie d'investissement inférieur à 50 millions de francs portant à l'origine sur trois secteurs (les productions de base, le développement local et les projets sociaux, la protection de l'environnement). Le Président de la République a manifesté son intérêt pour ce système dont les conditions de mise en oeuvre, sans doute trop restrictives au départ 9 ( * ) , n'ont pas facilité les annulations de créances (limitées à un montant de 1,2 milliard de francs). Aussi le fonds devrait-il couvrir désormais les dépenses engagées pour restructurer le secteur public avant privatisation. Le fonds, dont la CFD assure le secrétariat, ne disposera toutefois dans cette perspective d'aucune dotation nouvelle.
*
Le dispositif en faveur de l'investissement privé mérite, conformément à la politique annoncée par le gouvernement de M Juppé, un appui financier conséquent.
Dans le passé l'effort nécessaire n'a pas toujours été soutenu. Ainsi les concours de la CFD au secteur privé se sont réduits de 19% en 1994 par rapport à 1993.
La diminution de l'enveloppe accordée à la caisse française de développement pour 1996 (en particulier pour les dons-projets dont la dotation s'élève à 1,3 milliard de francs, soit une baisse de 22,3 % par rapport au montant disponible en moyenne annuelle sur la période de 1990 à 1995) suscite à cet égard certaines préoccupations. Or il faut rappeler en effet que la CFD met en oeuvre des prêts en partie accordés aux conditions de marché et en partie subventionnés sur ressources budgétaires qui se trouve ainsi dotée d'un fort effet de levier. Mais l'effet multiplicateur de ces « produits mixés » se trouve inversé quand le soutien public vient à manquer.
Ne l'oublions pas, l'aide que nous dispensons ouvre des marchés aux entreprises françaises et bénéficie directement à notre économie.
*
* *
* 9 alors que le contexte économique se caractérisait par une insuffisance de la demande.