B. MALGRÉ UN BUDGET EN APPARENTE HAUSSE, LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES CONTRIBUENT SIGNIFICATIVEMENT À L'OBJECTIF DE RÉDUCTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
1. Un budget en progression mais marquant une rupture par rapport aux fortes majorations des trois années précédentes
Pour 2025, les crédits de paiement consacrés au programme 165 demeurent en hausse, conséquence presque inévitable du fort accroissement de l'activité contentieuse. Ainsi, le projet de loi de finances, dans sa version transmise au Sénat, prévoit d'allouer 604 millions d'euros de crédits de paiement aux juridictions financières, soit 20,6 millions d'euros de plus que pour l'année 2024, ce qui représente une augmentation de 3,5 %, supérieure à la prévision d'inflation (1,8 %).
Toutefois, il s'agit d'une rupture assez nette avec la tendance des trois dernières années, qui ont vu les crédits de paiement croitre de 6,5 % en 2022, de 9,1 % en 2023 et de 11,1 % en 2024.
Cette progression des crédits de paiement
est principalement portée par la croissance des dépenses de
personnel, qui représentent 75,8 % des crédits de
paiement du programme et qui affichent une hausse de 21,6 millions d'euros,
soit 4,9 %. En effet, comme la Cour des comptes, le Conseil
d'État a engagé une revalorisation indemnitaire à
destination des magistrats administratifs, en conséquence
de la réforme de la haute fonction publique. Pour l'année 2025,
cette revalorisation représente un montant de 8,8 millions
d'euros, d'après les informations transmises par le Conseil
d'État au rapporteur. Comme pour les juridictions
financières, le rapporteur tient toutefois à souligner que, si
cette revalorisation est opportune pour maintenir l'attractivité et
l'expertise de la magistrature administrative, elle a eu pour
conséquence de creuser les écarts avec les agents du
greffe et les personnels
techniques et administratifs, qui
n'ont bénéficié que des mesures nationales (augmentation
de la valeur du point d'indice et attribution de cinq points d'indice à
tous les fonctionnaires).
Afin de contribuer à l'objectif fixé par le Gouvernement de réduction de la dépense publique, il a été en revanche demandé aux juridictions administratives de réduire leurs dépenses de fonctionnement, qui affichent une baisse de 6 millions d'euros pour 2025, soit 7,5 %. Cette baisse est - notamment - permise par la dématérialisation croissante des procédures, par exemple grâce à la montée en puissance de l'application Télérecours. Les dépenses d'investissement sont quant à elles en hausse de 8,3 %, le Conseil d'État ayant engagé de nombreux travaux lors des années précédentes (notamment sur le site du quai Voltaire à Paris et pour le nouveau siège de la CNDA à Montreuil) pour lesquels les paiements sont échelonnés.
Évolution des crédits de paiements du programme 165 depuis 2019 (en Md€)
FI 2019 |
FI 2020 |
FI 2021 |
FI 2022 |
FI 2023 |
FI 2024 |
LF 2025 |
Progression 2023/2024 |
||
(en M€) |
(en %) |
||||||||
Programme 165 |
420,2 |
439,7 |
451,7 |
481,1 |
525,0 |
583,4 |
604,0 |
+ 20,6 |
+ 3,5 % |
Source : commission des lois, d'après les documents budgétaires
Comme pour le programme 164, les montants alloués au programme 165 pour l'année 2025 pourraient cependant évoluer à la baisse au cours de la séance publique, le Gouvernement ayant déposé un amendement diminuant les crédits du programme à hauteur de 2,3 millions d'euros, par rapport aux crédits alloués au programme dans le texte initial. Si cet amendement était adopté par le Sénat, l'augmentation des crédits de paiement du programme 165 ne s'établirait plus qu'à 18,3 millions d'euros, soit 3,1 %.
2. À rebours de la programmation pluriannuelle, la création de 40 emplois pour les juridictions administratives a été reportée, voire annulée
Après une hausse de 41 ETP en 2022 et 2023, et de 46 ETP en 2024, dont un membre du Conseil d'État, 25 magistrats, 15 agents du greffe et, pour 2024, 5 agents de la CCSP, le plafond d'emplois pour 2025 est, hors mesures de transfert entre programmes, neutre, aucune création n'étant autorisée. Ce gel des créations d'emplois constitue une mesure contraire à la dernière loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait 40 créations d'emplois en 2025 pour le programme 165 (25 pour les magistrats et 15 pour les agents de greffe). Ce gel constitue donc, avec la baisse des dépenses de fonctionnement, la principale contribution du programme 165 à l'objectif de réduction de la dépense publique affiché par le Gouvernement.
L'absence de créations d'emplois est d'autant plus significative que le programme 165 affiche un taux de consommation de ses plafonds d'emplois très élevé, de 98,4 % en 2023, la prévision pour 2024 atteignant 99,8 %.
Une fois retranché le transfert de 7 ETP vers le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » au titre de la création d'un centre de gestion financière, le plafond d'emploi demandé pour 2025 s'élève à 4 506 ETP, dont 235,77 membres du Conseil d'État et 1 333,17 magistrats de l'ordre administratif.
Interrogé par le rapporteur, le Conseil d'État n'a pas été en mesure de confirmer si les 40 créations d'emplois attendues pour 2025 étaient reportées à 2026 ou annulées. Si la situation actuelle des finances publiques exige effectivement des efforts compréhensibles voire souhaitables, le rapporteur appelle de toutefois ses voeux le Gouvernement à maintenir, éventuellement dans un avenir moins proche qu'initialement prévu, la création de ces 4 emplois, qui apparait indispensable compte tenu l'activité croissante de la justice administrative, de plus en plus sollicitée par le justiciable. Le rapporteur s'interroge notamment sur l'atteinte des objectifs fixés dans le projet annuel de performances qui ne pourra se faire, dans ce contexte de gel des effectifs, qu'à travers une mobilisation soutenue du personnel des juridictions administratives.
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La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » et du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » inscrits au projet de loi de finances pour 2025.
Ce programme sera examiné en séance publique le 11 décembre 2024.