II. FAIRE DU SERVICE CIVIQUE LE PILIER DES POLITIQUES EN FAVEUR DE L'ENGAGEMENT DES JEUNES
A. APRÈS 5 ANNÉES D'EXPÉRIMENTATIONS INFRUCTUEUSES, IL EST TEMPS DE METTRE FIN AUX DÉBOIRES DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL
1. Loin de la montée en charge progressive promise à sa création, le SNU s'essouffle déjà
Pour la première fois depuis son lancement, la cible de jeunes pour l'année à venir est en baisse, tout comme les crédits accordés au dispositif au sein du projet de loi de finances.
Ce coup d'arrêt qui paraissait inévitable au vu du faible succès rencontré par le dispositif depuis sa création pose la question de sa pérennisation à long terme, dans un contexte de restriction budgétaire.
Financement du SNU : la Cour des comptes tire la sonnette d'alarme
Dans un rapport publié le 13 septembre 2024, la Cour des comptes dénonce « un dispositif sans pilotage budgétaire » et « dont le coût est sous-estimé ». La Cour cible notamment le coût par jeune, qui s'élevait à environ 2 300 euros en 2022 selon le ministère. Or, « l'ampleur des erreurs et omissions identifiées en la matière conduit à mettre en doute la fiabilité » de ce coût ; il s'élèverait en réalité à environ 2 900 euros. Le rapport précise par ailleurs que ce chiffrage reste « incomplet », se limitant d'une part au coût de la phase 1, et ne prenant d'autre part pas en compte l'implication des autres financeurs (comme les collectivités territoriales).
Ainsi, la Cour estime que le coût d'une potentielle généralisation s'élèverait, pour les trois phases, non pas à 2,5 milliards d'euros comme l'estime le ministère mais plutôt à « 3,5 à 5 milliards d'euros, sans compter les coûts d'investissement à venir dans les centres d'hébergement, les éventuels surcoûts liés au changement d'échelle, ainsi que les coûts portés par les autres financeurs publics. ».
Face à l'ampleur des montants concernés et des conséquences en matière de dépense publique, et « s'agissant de surcroît d'un dispositif structurant pour l'avenir de la jeunesse », la Cour souligne qu'il est essentiel qu'un débat parlementaire soit organisé au plus vite pour décider de l'avenir du dispositif.
2. Un élargissement du dispositif au temps scolaire qui ne parvient pas à pallier les difficultés auxquelles se heurtent les séjours de cohésion
Au cours de l'année scolaire 2023/2024, des séjours de cohésion ont pour la première fois été organisés sur le temps scolaire à travers les « classes et lycées engagés » (CLE), à destination des élèves de seconde et de première année de CAP.
L'objectif pour le premier semestre était de 21 000 élèves et de 984 classes labellisées. Or, seulement 12 128 jeunes ont effectué un séjour CLE, soulignant là encore le faible attrait du dispositif, cinq ans après son lancement.
Par ailleurs, les séjours CLE avaient pour ambition de répondre à deux faiblesses auxquelles sont confrontés les séjours de cohésion depuis leur création : d'une part, le fort taux de désistement des jeunes avant le début du séjour, et, d'autre part, le manque de mixité sociale parmi les participants.
Or, le SNU est manifestement toujours le mauvais élève de la mixité sociale en 2024 : seulement 6,4 % des jeunes ayant participé à un séjour CLE au premier semestre étaient issus d'un quartier prioritaire de la ville (contre 8 % des 15-17 ans). Ces séjours ont toutefois le mérite d'avoir mobilisé une forte proportion de jeunes issus de lycées professionnels : 40,7 % au premier semestre 2024 (contre 35 % des 15-17 ans au niveau national). Ce taux ne parvient toutefois pas à compenser la faible proportion de jeunes issus de lycées professionnels parmi les participants aux séjours organisés en dehors du temps scolaire, qui s'élevait à 13,1% au premier semestre.
Par ailleurs, les séjours organisés sur le temps scolaire font état d'un nombre de désistements important, notamment « au pied du bus », à hauteur de 22 %, contre 12,6 % pour les séjours organisés en dehors du temps scolaire en 2024.
Malgré ses multiples évolutions au cours des cinq dernières années, force est de constater que le Service national universel ne parvient toujours pas à atteindre les ambitions qui lui avaient été données à son origine.
Dans ce contexte, la commission invite le Gouvernement à faire preuve de lucidité et ainsi sonner le glas du SNU au profit d'autres dispositifs en faveur de l'engagement de la jeunesse qui ont fait leurs preuves, à l'instar du Service civique.