N° 149

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME VI

Fascicule 2

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Jeunesse et vie associative

Par M. Yan CHANTREL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

AVANT-PROPOS

Les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » augmentent de 36,2 millions d'euros pour atteindre plus de 937 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025. Par rapport à l'année dernière, il s'agit d'une progression de plus de 4 %.

Pour autant, cette hausse est très majoritairement absorbée par la reconstitution de la trésorerie de l'Agence du service civique et dissimule en réalité une diminution des crédits de chacune des autres actions du programme.

Si la commission se félicite de la baisse des crédits en faveur du service national universel, elle invite le Gouvernement à aller plus loin en actant définitivement la suppression de ce dispositif qui ne parvient pas à trouver sa place depuis sa création.

La commission sera également attentive à l'évolution des crédits consacrés au développement de la vie associative dans les années à venir. La stagnation des crédits pour 2025 est rassurante dans un contexte de fortes restrictions budgétaires, mais la situation du secteur reste préoccupante, alors que l'inflation continue de frapper durement le secteur.

Enfin, l'attention du rapporteur s'est portée sur le développement de la mobilité internationale des jeunes. Les derniers chiffres semblent indiquer une timide reprise des départs. Toutefois la mobilité des jeunes demeure marquée par des inégalités d'accès persistantes. Pourtant, les séjours à l'étranger sont particulièrement enrichissants pour ceux qui en bénéficient et doivent plus que jamais être encouragés.

I. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 163 EN TROMPE-L'OEIL

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE DE PLUS DE 4 %

Les crédits du programme 163 progressent pour la septième année consécutive, avec une hausse de 36,2 millions d'euros pour 2025.

Actions

LFI 2024
(millions €)

PLF 2025 (millions €)

Évolution
(millions €)

Évolution (%)

Développement du service civique

518,8

600

+ 81,2

+ 15,6 %

Développement de la vie associative

57,9

55,6

- 2,3

- 4,1 %

Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire

164,4

153,5

- 10,9

- 6,6 %

Service national universel

160

128,3

- 31,7

- 19,8 %

Total

901,1

937,4

+ 36,2

+ 4,02 %

B. UNE AUGMENTATION TRÈS LARGEMENT ABSORBÉE PAR LA RECONSTITUTION DE LA TRÉSORERIE DE L'AGENCE DU SERVICE CIVIQUE

Depuis 2022, l'accueil annuel de 150 000 engagés en Service civique reposait sur le modèle de financement suivant : une subvention pour charge de service public limitée à 519 millions d'euros en loi de finances initiale complétée par une mobilisation progressive de la trésorerie accumulée au moment du plan de relance (atteignant 327 millions d'euros fin 2021).

En 2024, l'écart entre les recettes et les dépenses a à nouveau été financé par une mobilisation importante de la trésorerie de l'Agence, qui atteindra le seuil critique des 5 millions d'euros à la fin du mois de décembre. La hausse de 81,2 millions d'euros prévue pour 2025 tire donc les conséquences de cet assèchement de la trésorerie de l'Agence : elle permettra à la fois de maintenir le nombre de missions financées à 150 000 et de ramener la trésorerie de l'Agence à un niveau prudentiel satisfaisant pour assurer la continuité des versements d'indemnités aux volontaires.

C. UNE DIMINUTION BIENVENUE MAIS ENCORE INSUFFISANTE DES CRÉDITS CONSACRÉS AU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

Les crédits en faveur de la mise en oeuvre du Service national universel s'élèvent à 128,3 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025, soit une baisse de 31,7 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Ce niveau de dotation vise à financer 66 000 séjours, soit un niveau équivalent à 2023 et à la prévision actualisée pour 2024.

Si le rapporteur se réjouit de la diminution des crédits en faveur d'un dispositif qui ne parvient pas à trouver sa place depuis sa création, il déplore l'acharnement du Gouvernement à vouloir maintenir un programme extrêmement couteux et inopérant et l'invite à acter au plus vite l'arrêt complet de l'organisation de séjours pour 2025 dans un contexte de restrictions budgétaires particulièrement fort.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur propose en lien avec le rapporteur pour avis des crédits du sport un amendement visant à supprimer la totalité des crédits consacrés au SNU et à en transférer une partie en faveur du développement de la vie sportive.

D. DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA VIE ASSOCIATIVE PRÉSERVÉS

1. Un réajustement attendu des crédits consacrés au compte d'engagement citoyen

Le compte d'engagement citoyen (CEC) valorise l'engagement des bénévoles associatifs sous forme d'heures de formation. Celles-ci sont adossées au compte personnel de formation.

En diminution constante depuis 2022, le CEC voit à nouveau sa dotation baisser de 3,1 millions pour 2025, afin de l'adapter à sa consommation réelle. En effet, le dispositif est encore trop souvent méconnu par les bénévoles éligibles et la validation des droits acquis demeure particulièrement lente, nuisant à son efficacité.

Le rapporteur rappelle toutefois que la loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative a ouvert plus largement le CEC aux bénévoles qui s'engagent auprès d'associations déclarées depuis au moins une année (contre trois précédemment). Par ailleurs, en 2025, les personnes en situation de détention réalisant des activités bénévoles au sein des prisons devraient également être rendues éligibles au CEC, conformément aux dispositions de l'ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues.

Le rapporteur appelle le Gouvernement à simplifier le fonctionnement du dispositif pour le rendre plus accessible et à s'engager à abonder le CEC dans les cas où les crédits alloués pour 2025 se révéleraient insuffisants.

2. La poursuite du déploiement du réseau Guid'Asso, plébiscité par le monde associatif

Le réseau Guid'Asso, qui se développe progressivement depuis 2021 sur l'ensemble du territoire, a vocation à être un service de proximité d'accueil, d'orientation, d'information et d'accompagnement des associations entièrement gratuit, quels que soient leur domaine d'intervention et leur territoire d'implantation. Pour s'assurer de la qualité de l'accompagnement proposé, les organismes composant le réseau doivent au préalable obtenir une autorisation de l'État, ouvrant le droit à l'utilisation de la marque Guid'Asso.

Le déploiement de la réforme est progressif depuis son lancement en 2020. Fin 2023, Guid'Asso était effectif dans six régions : Hauts-de-France, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Normandie et Bretagne. Avec 856 points d'appui Guid'Asso identifiés dans ces six régions, le maillage territorial s'est considérablement amélioré, avec en moyenne un point d'appui pour 477 associations (contre 1 pour 1 300 auparavant). 2024 a été une année de forte montée en puissance du réseau Guid'Asso : cinq nouvelles régions sont en train d'organiser leurs réseaux (Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Réunion et Mayotte) et cinq autres s'y préparent (Grand Est, Bourgogne Franche Comté, Corse, Martinique, Guadeloupe).

La généralisation du dispositif est prévue pour la fin 2025, avec 800 000 euros supplémentaires inscrits au projet de loi de finances au profit des deux dernières régions (Île-de-France et Guyane) et des collectivités d'Outre-Mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, St-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna) - soit un budget total de 7,4 millions d'euros en 2025.

Particulièrement plébiscité par les acteurs du monde associatif, le réseau a été pérennisé par la loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative.

Au cours des auditions menées, les acteurs du monde associatif se sont montrés unanimement très satisfaits par l'efficacité du réseau Guid'Asso.

3. Situation financière des associations : un avenir à surveiller

La forte inflation observée sur la période 2022-2023 a mis en lumière une crise profonde et complexe du financement du secteur associatif. Un rapport sur le renforcement du financement des associations publié par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) le 28 mai 2024 alerte sur la nécessité d'accompagner au plus vite le secteur, fragilisé par des contraintes budgétaires au niveau de l'État et des collectivités territoriales de plus en plus présentes.

Les associations se retrouvent confrontées à deux grandes difficultés : obtenir des financements pour des projets à long terme et pour leur fonctionnement. Or, il leur est souvent difficile d'allouer du temps à la recherche de financement, une contrainte ressentie d'autant plus fortement au sein des structures de petite taille qui reposent entièrement sur le bénévolat.

Comme le montrent les travaux du CESE, les subventions de fonctionnement ont tendance à être remplacées par des subventions accordées en réponse à des appels à projets (plus souvent de courte durée). En 15 ans, les associations ont vu la part des subventions dans leurs ressources diminuer de 41 %, passant de 34 % en 2005 à 20 % en 2020. Parallèlement, les subventions publiques ont tendance à se transformer en commande publique. En 2005, la commande publique représentait 17 % des ressources des associations, cette part est passée à 25 % en 2017, puis à 29 % en 2023.

Pour faire face à la baisse des subventions, les associations sont contraintes d'adopter d'autres stratégies, toutes n'ayant pas forcément les moyens de répondre à des marchés publics, qui peuvent aller jusqu'au renoncement de certains projets.

Ces transformations du modèle de financement des associations sont très préoccupantes à long terme, alors que l'inflation continue de frapper durement le secteur. Dans ce contexte, le rapporteur appelle à une nouvelle augmentation de l'enveloppe annuelle du FDVA volet Fonctionnement et Innovation (FDVA 2) pour préserver la spécificité des associations et renforcer le soutien aux projets associatifs1(*).

E. UNE STAGNATION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION POPULAIRE À SURVEILLER

1. La reconduction bienvenue du financement des « Colos apprenantes »

Initié en 2020 pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire de la Covid-19 sur les publics jeunes, le dispositif « Colos apprenantes » poursuit l'objectif de faire partir un maximum de jeunes de 3 à 17 ans dans le cadre de séjours éducatifs labellisés par les services de l'État.

Pour ces mineurs, les inscriptions sont financées localement par les services de l'État ou des associations, le montant de cette aide pouvant atteindre jusqu'à 100 % du coût du séjour (plafonné à 100 € la nuitée par mineur, pour un séjour de 8 nuitées maximum). Le dispositif a facilité le départ de 80 000 mineurs en 2023.

Pour la première fois, les crédits nécessaires au financement des « Colos apprenantes » avaient été inscrits en loi de finances initiale pour 2024. Le rapporteur encourage le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour permettre à davantage d'enfants et adolescents de participer à des séjours collectifs.

En complément des « Colos apprenantes », la mise en place du Pass colo en 2024 constitue également un véritable atout pour favoriser les départs en séjours de vacances collectifs et relancer durablement le secteur

Créé dans le cadre du  Pacte des solidarités, le Pass colo est un dispositif de l'État permettant de rendre accessibles les départs en colonies de vacances des enfants l'année civile de leurs 11 ans grâce à une aide financière allant de 200 à 350 euros. Ce dispositif est cumulable avec l'aide « colos apprenantes » pour l'inscription à un séjour éligible de tout enfant pendant l'année de ses 11 ans et permet le cas échéant de réduire le reste à charge de sa famille.

Le dispositif Pass colo est doté d'une enveloppe de 9 millions d'euros en 2024 financés par le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » relevant du ministère du Travail, de la santé et de la solidarité. Le montant de ces crédits sera augmenté tous les ans jusqu'en 2027 pour accompagner la montée en charge du dispositif, avec pour objectif d'accompagner au moins 20 % de la classe d'âge des 11 ans. En juillet 2024, le nombre de bénéficiaires s'élevait à 12 000 enfants.

Le rapporteur se félicite du succès de ce dispositif essentiel pour garantir à chaque enfant l'accès à des loisirs de qualité, alors que les départs en colonies de vacances n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant crise. Si le nombre de départs de mineurs progresse encore pour s'établir à 980 000 à l'été 2023 après 960 000 à l'été 2022, il s'établissait, pour rappel, à plus de 1,09 million en 2019.

2. La baisse préoccupante des crédits consacrés au Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep)

Les postes Fonjep constituent des aides annuelles de 7 164 euros versées par l'intermédiaire du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) pour le compte de l'État à des associations de jeunesse et d'éducation populaire. Ces aides viennent soutenir un projet qui nécessite l'emploi d'un salarié qualifié, et sont attribuées pour 3 ans renouvelables deux fois.

Les crédits consacrés au Fonjep en 2025 s'élèvent à 37,4 millions d'euros, en diminution de 7,2 millions d'euros par rapport à 2024. Cette baisse correspond à l'extinction de l'enveloppe complémentaire dite « Fonjep Jeunes », octroyée dans le cadre du plan de relance pour financer 2 000 postes supplémentaires. Le dispositif retrouve ainsi son niveau d'avant-crise en 2025. Le Fonjep demeure pourtant un dispositif efficace pour soutenir l'emploi associatif qualifié. Aussi, il est regrettable que les postes « Fonjep jeunes » n'aient pas été pérennisées.

Par ailleurs, le montant de la part financée par poste Fonjep stagne depuis 2011. La Cour des comptes soulignait déjà, en 2016, que l'effet levier des postes Fonjep s'était dégradé en raison d'une diminution constante du poids relatif du poste dans le coût total de l'emploi subventionné. Aujourd'hui, son montant ne représenterait que 10 à 15% du coût global d'un salarié correctement rémunéré, portant indéniablement atteinte à l'efficience du dispositif.

Dans ce contexte, le rapporteur réitère son appel au Gouvernement à revaloriser au plus vite le montant des postes Fonjep afin de porter la subvention annuelle à 10 000 euros, comme cela a été fait pour les postes relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères l'année dernière.

II. FAIRE DU SERVICE CIVIQUE LE PILIER DES POLITIQUES EN FAVEUR DE L'ENGAGEMENT DES JEUNES

A. APRÈS 5 ANNÉES D'EXPÉRIMENTATIONS INFRUCTUEUSES, IL EST TEMPS DE METTRE FIN AUX DÉBOIRES DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

1. Loin de la montée en charge progressive promise à sa création, le SNU s'essouffle déjà

Pour la première fois depuis son lancement, la cible de jeunes pour l'année à venir est en baisse, tout comme les crédits accordés au dispositif au sein du projet de loi de finances.

Ce coup d'arrêt qui paraissait inévitable au vu du faible succès rencontré par le dispositif depuis sa création pose la question de sa pérennisation à long terme, dans un contexte de restriction budgétaire.

Financement du SNU : la Cour des comptes tire la sonnette d'alarme

Dans un rapport publié le 13 septembre 2024, la Cour des comptes dénonce « un dispositif sans pilotage budgétaire » et « dont le coût est sous-estimé ». La Cour cible notamment le coût par jeune, qui s'élevait à environ 2 300 euros en 2022 selon le ministère. Or, « l'ampleur des erreurs et omissions identifiées en la matière conduit à mettre en doute la fiabilité » de ce coût ; il s'élèverait en réalité à environ 2 900 euros. Le rapport précise par ailleurs que ce chiffrage reste « incomplet », se limitant d'une part au coût de la phase 1, et ne prenant d'autre part pas en compte l'implication des autres financeurs (comme les collectivités territoriales).

Ainsi, la Cour estime que le coût d'une potentielle généralisation s'élèverait, pour les trois phases, non pas à 2,5 milliards d'euros comme l'estime le ministère mais plutôt à « 3,5 à 5 milliards d'euros, sans compter les coûts d'investissement à venir dans les centres d'hébergement, les éventuels surcoûts liés au changement d'échelle, ainsi que les coûts portés par les autres financeurs publics. ».

Face à l'ampleur des montants concernés et des conséquences en matière de dépense publique, et « s'agissant de surcroît d'un dispositif structurant pour l'avenir de la jeunesse », la Cour souligne qu'il est essentiel qu'un débat parlementaire soit organisé au plus vite pour décider de l'avenir du dispositif.

2. Un élargissement du dispositif au temps scolaire qui ne parvient pas à pallier les difficultés auxquelles se heurtent les séjours de cohésion

Au cours de l'année scolaire 2023/2024, des séjours de cohésion ont pour la première fois été organisés sur le temps scolaire à travers les « classes et lycées engagés » (CLE), à destination des élèves de seconde et de première année de CAP.

L'objectif pour le premier semestre était de 21 000 élèves et de 984 classes labellisées. Or, seulement 12 128 jeunes ont effectué un séjour CLE, soulignant là encore le faible attrait du dispositif, cinq ans après son lancement.

Par ailleurs, les séjours CLE avaient pour ambition de répondre à deux faiblesses auxquelles sont confrontés les séjours de cohésion depuis leur création : d'une part, le fort taux de désistement des jeunes avant le début du séjour, et, d'autre part, le manque de mixité sociale parmi les participants.

Or, le SNU est manifestement toujours le mauvais élève de la mixité sociale en 2024 : seulement 6,4 % des jeunes ayant participé à un séjour CLE au premier semestre étaient issus d'un quartier prioritaire de la ville (contre 8 % des 15-17 ans). Ces séjours ont toutefois le mérite d'avoir mobilisé une forte proportion de jeunes issus de lycées professionnels : 40,7 % au premier semestre 2024 (contre 35 % des 15-17 ans au niveau national). Ce taux ne parvient toutefois pas à compenser la faible proportion de jeunes issus de lycées professionnels parmi les participants aux séjours organisés en dehors du temps scolaire, qui s'élevait à 13,1% au premier semestre.

Par ailleurs, les séjours organisés sur le temps scolaire font état d'un nombre de désistements important, notamment « au pied du bus », à hauteur de 22 %, contre 12,6 % pour les séjours organisés en dehors du temps scolaire en 2024.

Malgré ses multiples évolutions au cours des cinq dernières années, force est de constater que le Service national universel ne parvient toujours pas à atteindre les ambitions qui lui avaient été données à son origine.

Dans ce contexte, la commission invite le Gouvernement à faire preuve de lucidité et ainsi sonner le glas du SNU au profit d'autres dispositifs en faveur de l'engagement de la jeunesse qui ont fait leurs preuves, à l'instar du Service civique.

B. LE SERVICE CIVIQUE EST UN DISPOSITIF D'ENGAGEMENT, DE CITOYENNETÉ ET DE MIXITÉ SOCIALE RECONNU QUI DOIT ÊTRE DAVANTAGE ACCOMPAGNÉ

En 2023, 148 500 jeunes ont effectué un service civique, soit plus de 4 fois plus qu'en 2014. Au cours de son audition, la directrice de l'Agence du Service civique a indiqué que face à l'ampleur de la demande, l'objectif de 150 000 jeunes aurait pu être facilement dépassé : elle a d'ailleurs dû limiter les recrutements de fin d'année par manque de missions financées. En 2023, environ 11 % d'une génération de jeunes réalisent un service civique, témoignant du succès du dispositif.

D'après les chiffres de l'Injep, l'objectif d'accessibilité du service civique à tous se traduit par une large hétérogénéité sociale des profils : en 2023, au moment de leur entrée en service civique, 29 % des volontaires n'ont pas le baccalauréat, 41 % ont un baccalauréat comme plus haut diplôme, et 30 % sont diplômés du supérieur.

Par ailleurs, la proportion de volontaires vivant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (13 %) est plus élevée que dans la population générale des 15-24 ans (9,2 % en 2018 d'après l'INSEE). Enfin, les volontaires sont souvent issus de familles dont les parents sont employés (53 % des mères de volontaires et 32 % des pères) et travaillent dans le secteur public (pour 51 % des mères et 39 % des pères).

Le rapporteur réaffirme son soutien au Service civique, vecteur fort d'engagement sur le long terme. Il invite le Gouvernement à faire de ce dispositif le fer de lance des politiques d'engagement à destination des jeunes en encourageant sa montée en charge dans les années à venir.

Par ailleurs, le Service civique est un outil modulable, aux prises avec les enjeux actuels. Prenant acte du fait que les jeunes sont bien souvent aux avant-postes de la mobilisation sur les questions environnementales, Gabriel Attal, alors Premier ministre, a annoncé en janvier 2024 l'objectif de proposer d'ici 2027 à 50 000 jeunes (en cumulé) de s'engager concrètement pour le climat dans le cadre d'un « Service Civique Écologique ». Avant cette annonce, le Service civique recouvrait déjà la thématique environnementale avec 5 600 entrées en mission par an (6,5 %). Pour 2024, l'objectif de 6 600 volontaires en Service Civique Écologique devrait largement être atteint.

Si ces nouvelles missions répondent aux aspirations des jeunes, le rapporteur regrette que le recrutement des 50 000 volontaires en Service Civique Écologique ne fasse pas l'objet d'une enveloppe supplémentaire.

L'Agence doit identifier de nouvelles structures d'accueil et cibler des missions adaptées dans des champs encore inexplorés ou sous-exploités, objectifs difficilement atteignables à moyens constants.

III. LA MOBILITÉ EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE DES JEUNES DOIT FAIRE PARTIE INTÉGRANTE DES POLITIQUES DE JEUNESSE

La mobilité internationale, formelle (stage, études secondaires, enseignement supérieur...) ou non formelle (volontariat, bénévolat...) est un enjeu majeur en matière de politiques publiques de jeunesse. Elle permet aux jeunes qui en bénéficient de développer tant leurs compétences et leur ouverture au monde, que leur citoyenneté et leur employabilité. Par ailleurs, il s'agit aussi d'un levier essentiel pour renforcer la coopération entre les acteurs de la jeunesse, les institutions, les associations et les entreprises.

A. UNE REPRISE DES DÉPARTS EN MOBILITÉ À ACCOMPAGNER SUR LE LONG TERME

En 2016, selon l'Eurobaromètre, la France ne se classait qu'en 24ème position parmi les 28 pays de l'UE concernant la proportion de jeunes de 16 à 30 ans ayant déjà étudié ou travaillé dans un autre pays européen.

La crise sanitaire a fortement freiné la mobilité internationale : selon les données de l'Injep, un tiers des jeunes interrogés en 2021 déclaraient avoir dû renoncer à un projet de mobilité. En 2021, à peine 17 % des 25-30 ans interrogés déclaraient avoir déjà passé au moins 6 mois dans un pays européen, soit un niveau encore très éloigné de l'objectif d'une moitié d'une classe d'âge fixé par le Gouvernement pour 2024. Quant à 2022, si une reprise de la mobilité est constatée - 44 % des jeunes entre 18 et 30 ans ont effectué un séjour à l'étranger, soit +13 points depuis 2016 - celle-ci doit être nuancée : cette hausse serait en grande partie liée au report en 2021 des séjours annulés en 2020 en raison de la crise2(*).

Par ailleurs, force est de constater que la mobilité internationale est marquée par des inégalités d'accès persistantes. Les études successives de l'Injep démontrent que les plus diplômés sont surreprésentés parmi les jeunes effectuant une mobilité (33 % des détenteurs d'un bac + 5 et plus contre 15 % des titulaires d'un BEPC, brevet des collèges). Du fait notamment de la forte concentration des diplômés du supérieur dans les grandes aires urbaines, les Franciliens sont plus nombreux à partir en mobilité (23 %) que les jeunes ruraux (13 %), par exemple. Par ailleurs, la mobilité internationale des 18-30 ans reste principalement inscrite dans un parcours de formation. En 2022, plus de la moitié (58 %) des séjours à l'étranger sont motivés par les études ou la réalisation d'un stage de fin d'études ou professionnel.

La démocratisation de la mobilité doit figurer parmi les priorités des politiques en faveur de la jeunesse dans les années à venir. Dans cette perspective, l'accès à l'information constitue un enjeu majeur : un jeune sur deux (50 %) considère ne pas être suffisamment informé sur les opportunités de séjour à l'étranger.

Le rapporteur encourage le Gouvernement à intensifier ses campagnes de communication en faveur de la mobilité des jeunes pour accompagner durablement la reprise du secteur.

B. LES PROGRAMMES DE MOBILITÉ INTERNATIONALE EN FAVEUR DES JEUNES SONT PLURIELS ET MÉRITENT D'ÊTRE DAVANTAGE CONSIDÉRÉS

Le programme 163 est doté de 18,8 millions d'euros en faveur des échanges internationaux des jeunes, au service d'une pluralité de dispositifs.

1. L'Agence du Service civique participe activement aux programmes de mobilité à l'échelle européenne

Le volet jeunesse et sport d'Erasmus+, mis en oeuvre depuis 2016 par l'Agence du service civique, permet aux jeunes de 13 à 30 ans de participer à des échanges de courte durée avec d'autres jeunes de l'Union européenne autour d'un thème (environnement, culture, sport...). L'Agence met également en oeuvre le Corps européen de solidarité (CES) qui a succédé au service volontaire européen et permet aux jeunes de 18 à 30 ans de partir en volontariat dans un pays européen ou voisin de l'Europe, pour une durée de 2 semaines à 1 an.

Ces programmes sont financés par la Commission européenne, complétés par des crédits nationaux alloués par l'État. Ainsi, en 2023, l'Agence a bénéficié au total de plus de 32 millions d'euros pour permettre à plus de 26 000 jeunes de bénéficier du volet jeunesse du programme Erasmus+3(*), et environ 13 millions d'euros pour permettre à 2 676 jeunes de bénéficier des programmes du CES.

Toutefois, les crédits versés par l'État pour la mise en oeuvre des programmes européens n'ont pas été réévalués depuis 2014. Or, le budget du CES ne permet plus de répondre aux besoins de l'écosystème du volontariat. À titre d'exemple, les structures françaises labellisées CES ont formulé en 2023 des demandes de subventions à hauteur de 16,2 millions d'euros pour organiser des mobilités, alors que le budget disponible n'était que de 9,1 millions d'euros.

Alors que les discussions budgétaires européennes s'ouvrent pour la période 2028-2034, il est essentiel d'accompagner davantage l'Agence dans le financement des programmes du Corps européen de solidarité, pour permettre à l'ensemble des jeunes qui le souhaitent d'effectuer des séjours longs à l'international dans un cadre sécurisé.

1 702 volontaires ont effectué un Service civique à l'étranger en 2023

Le service civique international est reparti à la hausse de 15 % par rapport à 2022 pour atteindre 1 702 volontaires répartis dans 115 pays volontaires, retrouvant ainsi son niveau d'avant crise.

Si la barre des 2 000 volontaires apparait comme un objectif crédible pour l'Agence, elle constituerait un plafond difficile à dépasser dans les années à venir. En effet, le vivier d'associations expertes demeure restreint, tandis que les récentes crises géopolitiques (Ukraine, Israël, Liban, etc.) ont fragilisé bon nombre de partenariats internationaux. Or, la mise en oeuvre d'une mission à l'étranger requiert de pouvoir assurer la sécurité du volontaire à l'étranger. De plus, la plupart des organismes labellisés ne dispose pas des ressources humaines suffisantes pour garantir un accompagnement de qualité au volontaire envoyé auprès d'un partenaire étranger.

2. Les offices de coopération bilatéraux proposent également une variété de programmes au service de la jeunesse qu'il convient d'encourager

Deux offices de coopération bilatéraux participent à encourager les mobilités : l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), financé côté français à hauteur de 13 millions d'euros sur le programme 163, et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), financé côté français à hauteur de 2,1 millions d'euros pour 2024. Ces offices ont accompagné respectivement plus de 188 000 et 2 500 jeunes en 2023.

Depuis sa création, plus de 9,5 millions de jeunes ont bénéficié
des programmes de l'OFAJ

Créée en 1963 suite au Traité de l'Élysée, l'OFAJ se donne pour mission de renforcer les liens entre les jeunes de France et d'Allemagne à travers des programmes d'échange et de coopération.

L'Office propose ainsi un large éventail de programmes qui s'adressent aux jeunes de tous âges, des élèves du secondaire aux étudiants universitaires, en passant par les jeunes professionnels. L'OFAJ soutient également les jeunes qui souhaitent s'engager dans des actions de volontariat ou des projets culturels et sociaux dans le pays partenaire. À titre d'exemple, le « Volontariat Franco-Allemand » offre aux jeunes une expérience de service civique dans des domaines variés, tels que la culture, l'éducation, le développement durable ou le sport.

Après une forte baisse du nombre de bénéficiaires suite à la pandémie, l'OFAJ a désormais retrouvé son niveau d'avant-crise. En outre, le nombre de « JAMO »* participant aux programmes de l'OFAJ en 2023 a progressé pour atteindre 22,63 % en 2023.

Pour autant, au cours de son audition, la secrétaire générale française de l'OFAJ, Anne Tallineau, a indiqué être confrontée à de multiples défis.

La pandémie de covid-19 a fortement affecté les échanges en personne, nécessitant la mise en oeuvre de nouvelles formes de coopération pour maintenir les liens entre les jeunes. Par ailleurs, l'effet de l'inflation contraint également la mise en oeuvre de ses programmes de mobilité. Pour autant, son niveau de financement est stable depuis 2019, alors que sa trésorerie s'épuise, sous l'effet notamment des efforts de communication effectués depuis la pandémie pour accompagner la reprise. Le rapporteur alerte le Gouvernement sur la nécessité de revaloriser la dotation octroyée à l'OFAJ dans les années à venir, pour s'assurer que l'Office puisse poursuivre la montée en charge de ses programmes.

* JAMO : « jeunes ayant moins d'opportunités » 

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2024, un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 26 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent les crédits relatifs à la jeunesse et à la vie associative.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la jeunesse et à la vie associative. - Le programme 163 « Jeunesse et vie associative » est doté de 937 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Les crédits connaissent une augmentation de 36 millions d'euros, soit plus de 4 % par rapport à l'année dernière. Cette hausse s'avère cependant en trompe-l'oeil, car elle est très majoritairement absorbée par la reconstitution de la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC). Elle dissimule en réalité une diminution des crédits de chacune des autres actions du programme.

Les crédits à destination de l'Agence augmentent de plus de 15 %. Depuis 2022, l'écart entre les recettes et les dépenses est financé par une mobilisation importante de la trésorerie accumulée au moment du plan de relance. Or celle-ci va atteindre le seuil critique des 5 millions d'euros à la fin du mois de décembre prochain. L'augmentation de 81,2 millions d'euros des crédits en faveur de la mise en oeuvre du service civique n'est donc pas destinée à permettre la montée en charge du dispositif. Elle maintient simplement le nombre de missions financées à 150 000 par an, tout en ramenant la trésorerie de l'Agence à un niveau prudentiel satisfaisant.

À l'inverse, les crédits consacrés au service national universel (SNU) diminuent fortement, pour la première fois depuis son lancement. Le PLF pour 2025 porte les crédits consacrés à sa mise en oeuvre à 128,3 millions d'euros. C'est une baisse de près de 32 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Ce montant doit néanmoins permettre de financer 66 000 séjours. Je me réjouis de la diminution des crédits destinés à ce dispositif coûteux et inopérant. Dans un contexte de restrictions budgétaires particulièrement prégnant, je m'interroge d'autant plus sur l'entêtement du Gouvernement à vouloir malgré tout maintenir le SNU. J'y reviendrai.

En ce qui concerne les crédits relatifs à la vie associative, la dotation du compte d'engagement est réajustée pour l'adapter à sa consommation réelle. Par ailleurs, le déploiement du réseau Guid'Asso se poursuit, alors que la généralisation du dispositif est prévue pour la fin 2025 : 800 000 euros supplémentaires sont inscrits au PLF en vue de parachever le déploiement de ce réseau sur l'ensemble du territoire. Au cours des auditions qui ont été menées, les acteurs du monde associatif se sont montrés unanimement très satisfaits par l'efficacité de ce réseau.

Les crédits en faveur de la vie associative sont en baisse de 4,1 %. J'attire votre attention sur la situation financière du secteur. Un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur le renforcement du financement des associations indique que les subventions de fonctionnement ont tendance à être remplacées par des appels à projets, le plus souvent de courte durée. En quinze ans, les associations ont vu la part des subventions dans leurs ressources diminuer de 41 %. En parallèle, la commande publique représentait 17 % des ressources des associations en 2005 ; cette part est passée à 29 % en 2023.

Pour faire face à la baisse des subventions, les associations sont contraintes d'adopter d'autres stratégies. Or toutes n'ont pas les moyens ou les compétences pour répondre à des marchés publics et doivent parfois renoncer à certains projets. Ces transformations du modèle de financement des associations s'avèrent très préoccupantes à long terme, alors que l'inflation continue de frapper durement le secteur.

Comme l'année dernière, j'attire également votre attention sur la nécessité de revaloriser au plus vite le montant des postes Fonjep (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire), qui n'a connu aucune revalorisation depuis leur mise en place en 2011. Aujourd'hui, son montant ne représente plus que 10 % à 15 % du coût global d'un salarié correctement rémunéré, portant indéniablement atteinte à l'efficacité du dispositif. La subvention annuelle pourrait être portée à 10 000 euros ; pour rappel, c'est le montant des postes Fonjep revalorisé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la période 2024-2026.

J'en reviens maintenant au SNU. Pour la première fois depuis son lancement, la cible de jeunes pour l'année à venir est en baisse, tout comme les crédits accordés au dispositif au sein du PLF. Dans son rapport de septembre dernier, la Cour des comptes estime que le coût d'une potentielle généralisation s'élèverait, pour les trois phases, non à 2,5 milliards d'euros comme l'évalue le ministère, mais plutôt entre 3,5 milliards et 5 milliards d'euros.

L'addition finale sera encore plus salée : cette estimation ne tient pas compte des coûts d'investissement à venir dans les centres d'hébergement, des éventuels surcoûts liés au changement d'échelle, ainsi que des financements portés par les autres acteurs publics. 

Par ailleurs, les séjours mis en oeuvre sur le temps scolaire en 2024 n'ont pas été un franc succès. L'objectif de 21 000 élèves participant aux séjours de cohésion au premier semestre n'a pas été atteint : seulement 12 128 jeunes ont effectué la première phase du SNU.

Ces séjours avaient pour ambition de répondre à deux faiblesses constatées depuis la création des séjours de cohésion : le fort taux de désistement des jeunes avant le début du séjour, mais également le manque de mixité sociale parmi les participants. Or force est de constater que, là encore, les résultats sont très décevants : seulement 6,4 % des jeunes ayant participé à un tel séjour au premier semestre étaient issus d'un quartier prioritaire de la ville, contre 8 % des 15-17 ans à l'échelle nationale.

Plus encore, les séjours organisés sur le temps scolaire font état d'un nombre de désistements très important « au pied du bus ». Celui-ci est de 22 %, un taux deux fois supérieur à celui constaté lors des séjours classiques, organisés en dehors du temps scolaire en 2024.

C'est pour toutes ces raisons, comme l'évoquait à l'instant Jean-Jacques Lozach, que nous vous avons proposé un amendement visant à supprimer la majeure partie des crédits consacrés au développement du SNU, en lien avec l'amendement adopté par la commission des finances, et à transférer une partie de ces crédits au programme Sport.

J'ai une conviction, partagée par mon groupe : le service civique doit devenir le pilier des politiques en faveur des jeunes. Il s'agit d'un dispositif qui fonctionne : en 2023, 148 500 jeunes ont effectué un service civique, soit plus de quatre fois plus qu'en 2014.

Au cours de son audition, la directrice de l'ASC nous a indiqué que, face à l'ampleur de la demande, l'objectif de 150 000 jeunes aurait pu être facilement dépassé ; elle a malheureusement dû limiter les recrutements de fin d'année par manque de missions financées. C'est un signe clair du succès du dispositif.

Le service civique est un outil modulable, en prise avec les enjeux actuels. Prenant acte de la mobilisation et de l'engouement des jeunes pour les questions environnementales, le Gouvernement avait annoncé en janvier 2024 l'objectif de proposer d'ici à 2027 à 50 000 jeunes, en cumulé, de s'engager concrètement pour le climat dans le cadre d'un « service civique écologique ». Pour 2024, l'objectif de 6 600 volontaires sera largement atteint. Je regrette toutefois que le recrutement de ces 50 000 volontaires se fasse à budget constant, sans enveloppe supplémentaire.

Face à la hausse de la demande et au succès rencontré par le service civique, l'Agence doit plus que jamais être soutenue pour permettre sa montée en charge.

Pour terminer mon propos, je souhaiterais aborder les problématiques liées à la mobilité européenne et internationale des jeunes.

La crise sanitaire a fortement freiné la mobilité internationale : selon les données de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), un tiers des jeunes interrogés en 2021 disait avoir dû renoncer à un projet de mobilité. À peine 17 % des 25-30 ans interrogés déclaraient avoir déjà passé au moins six mois dans un pays européen. Ce niveau est encore trop éloigné de l'objectif d'une moitié d'une classe d'âge fixé par le Gouvernement pour 2024.

Certes, en 2022, une reprise de la mobilité a été constatée. Ainsi, 44 % des jeunes entre 18 et 30 ans ont effectué un séjour à l'étranger, soit une augmentation de treize points depuis 2016. Mais cette hausse doit être nuancée : elle est en grande partie liée au report en 2021 des séjours annulés en 2020 en raison du covid.

La démocratisation de la mobilité doit figurer parmi les priorités des politiques en faveur de la jeunesse dans les années à venir. L'accès à l'information constitue un enjeu majeur : un jeune sur deux considère ne pas être suffisamment informé sur les opportunités de séjour à l'étranger.

Dans cette perspective, le programme 163 est doté de 18,8 millions d'euros pour favoriser les échanges internationaux des jeunes. L'ASC participe elle-même activement aux programmes de mobilité à l'échelle européenne, au travers de la mise en oeuvre du volet jeunesse et sport d'Erasmus+. Celui-ci permet aux jeunes de 13 à 30 ans de participer à des échanges de courte durée avec d'autres jeunes de l'Union européenne depuis 2016.

L'Agence met également en oeuvre le corps européen de solidarité (CES) qui permet aux jeunes de 18 à 30 ans de partir en volontariat dans un pays européen ou voisin de l'Europe, pour une durée de deux semaines à un an.

Toutefois, les crédits versés par l'État pour la mise en oeuvre des programmes européens n'ont pas été réévalués depuis dix ans. Or le budget du corps européen de solidarité ne permet plus de répondre aux besoins de l'écosystème du volontariat. À titre d'exemple, les structures françaises labellisées CES ont formulé en 2023 des demandes de subventions à hauteur de 16,2 millions d'euros pour organiser des mobilités, alors que le budget disponible n'était que de 9,1 millions d'euros.

Alors que les discussions budgétaires européennes s'ouvrent pour la période 2028-2034, il est essentiel d'accompagner davantage l'Agence dans le financement des programmes du corps européen de solidarité, afin de permettre à l'ensemble des jeunes qui le souhaitent d'effectuer des séjours longs à l'international dans un cadre sécurisé.

Je souhaiterais également souligner le dynamisme des offices de coopération bilatéraux - qu'il s'agisse de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) ou de l'Office franco-québécois pour la jeunesse - qui proposent également une variété de programmes de mobilité à destination des jeunes.

Comme dans d'autres domaines, la pandémie de covid a fortement affecté les échanges en personne. Aujourd'hui, la trésorerie de l'Ofaj s'épuise. Il me paraît essentiel de revaloriser au plus vite la dotation qui lui est octroyée, pour lui permettre de poursuivre le développement de ses programmes.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, en cohérence avec l'avis que nous venons d'adopter, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits du programme 163.

M. Cédric Vial. - Le programme « Jeunesse et vie associative », doté d'un peu moins de 1 milliard d'euros, n'est que la partie émergée des crédits d'intervention en direction de la jeunesse. Nous soutiendrons la proposition du rapporteur d'émettre un avis défavorable sur ces crédits, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons.

Nous faisons aujourd'hui le constat de l'échec du SNU, qui partait d'une idée intéressante, et dont les objectifs étaient louables. Il est impossible de le généraliser au vu de son coût très important : le budget doit être revu pour procéder à une extinction de ce dispositif, qu'il faudra réinventer.

Pour le rapporteur, l'accent doit être mis sur le service civique, qui est une réussite. Néanmoins, on peut s'interroger sur ses modalités de mise en oeuvre. On affiche un objectif de 150 000 jeunes pour 2025 - le même qu'en 2024 ou 2023, mais il faut savoir que les chiffres sont biaisés. En 2024, il y a eu en réalité 89 000 nouveaux contrats, car sont également pris en compte les jeunes qui ont signé leurs contrats à la fin de 2023 mais qui n'avaient pas fini leur mission au début de cette année. On se glorifie de chiffres fallacieux...

Par ailleurs, pour le même objectif de 150 000 jeunes l'année prochaine, on augmente le budget de 83 millions d'euros afin, soi-disant, de reconstituer une trésorerie qui aurait disparu. Mais où est-elle passée ? Le gel budgétaire de 71 millions d'euros par Bercy aurait été un peu trop important cette année. C'est en fait un emprunt déguisé : Bercy supprime cette somme en 2024 et la reporte sur le budget 2025... Ce n'est pas une bonne façon de gérer l'argent public ! D'autant que nous n'avons aucune lisibilité sur les fonds qui ont été prélevés.

Ainsi, pendant le covid, des fonds avaient été versés pour des objectifs qui n'ont pas été atteints ; idem dans le plan de relance. Nous avions réclamé ces fonds aux différents ministres du budget qui se sont succédé. La présidente de l'ASC, lors de son audition, a évoqué le fait qu'une partie d'entre eux servait à financer des politiques d'autres ministères. Je serais curieux de savoir où est passé cet argent... Pourquoi devons-nous aujourd'hui prévoir plus de 80 millions d'euros pour mener une politique identique à celle des années précédentes, dans le contexte budgétaire que l'on connaît ?

J'en viens au service civique écologique. L'environnement faisait déjà partie des objectifs du service civique. À budget constant, qu'est-ce que cela signifie ? On fait comme avant, mais on communique davantage : pour faire la promotion du service civique écologique, 3,2 millions d'euros sont ainsi affectés à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et 1 000 postes d'ambassadeurs sont créés. Tout cela est quelque peu dérisoire !

On constate un manque de transparence concernant la gestion des fonds du service civique : or, on parle tout de même de 600 millions d'euros ! Peut-on dire, vu la situation budgétaire, que ce budget augmenté de près de 100 millions d'euros par rapport à l'année précédente, alors que - je le redis - l'objectif est le même, est justifié ?

Pour résumer, il faudrait récupérer une enveloppe de 100 millions d'euros sur le SNU et une enveloppe d'un montant presque équivalent sur le service civique. Nous suivrons donc l'avis défavorable du rapporteur, tout en nous réservant la possibilité, en fonction des amendements qui pourront être votés en séance, de changer notre avis final.

Mme Colombe Brossel. - Je tiens à remercier Yan Chantrel pour le travail qu'il a effectué et les auditions qu'il a menées, lesquelles étaient de grande qualité. Je me réjouis de sa proposition d'acter, de fait, la fin du SNU, qui n'a pas de sens et ne repose sur rien. Les sénateurs socialistes avaient souligné depuis longtemps cette forme d'absurdité et d'entêtement à maintenir un tel dispositif, surtout dans une période où nous devons poser un diagnostic lucide sur l'état des finances de la Nation et nos priorités.

Patrick Kanner évoquera les éléments concernant la jeunesse. Pour ma part, je voudrais m'arrêter sur la vie associative. Cédric Vial l'a dit, nous n'examinons qu'une toute petite partie du budget des associations de notre pays. C'est pour cela que ce projet de budget est inquiétant, car on pourrait s'arrêter aux chiffres, mais les associations, ce n'est pas seulement le programme 163 ! On relève des baisses des crédits dans les domaines du sport, de l'aide numérique - elle est pourtant importante dans les territoires relevant de la politique de la ville ou dans les territoires ruraux -, de l'intégration, de l'économie sociale et solidaire (ESS), du fonds vert... Bref, l'avenir est assez morose pour les acteurs associatifs de notre pays, comme ils l'ont relevé lors des auditions. Nous suivrons donc l'avis du rapporteur.

On ne peut pas se contenter en 2024 de continuer à dire que la situation n'est pas satisfaisante s'agissant du montant des postes Fonjep - je pense à la subvention de 7 000 euros non revalorisée depuis 2011 -, et ne rien faire. Nous sommes collectivement responsables, et pas seulement le ministère. Nous allons tuer un dispositif fondamental pour les associations. Les demandes portées par le mouvement associatif ne sont pas déraisonnables.

Je veux aussi évoquer les crédits consacrés à la formation. Nous avons adopté une proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative, alors même que nous avions, les uns et les autres, des points de vue différents sur le sujet. Mais rien n'est fait pour soutenir la formation de ces bénévoles, qui représente aujourd'hui, en moyenne, 50 centimes d'euro par bénévole. Nous allons pourtant être confrontés à un problème de gouvernance associative : sans soutien pour la formation, nous n'aurons que nos yeux pour pleurer quand les associations continueront à avoir des bénévoles- car les Français sont comme cela -, mais n'auront plus ni trésorier, ni secrétaire, ni président. Cet effort n'exige pas des sommes colossales : ce n'est pas cela qui mettra en péril le budget de la Nation.

Un point de satisfaction : le mentorat, un bon dispositif qui est toujours soutenu.

Je conclurai en disant qu'il manque beaucoup de choses dans ce petit budget, dont la mauvaise appréciation par le ministère peut avoir des conséquences extrêmement fortes dans nos territoires.

Mme Mathilde Ollivier. - Merci à Yan Chantrel pour cet avis, que nous suivrons. Je tiens à mentionner - même si ce point ne relève pas de cette mission - la réduction des crédits consacrés à l'ESS de 25 %, qui aura un impact sur l'emploi associatif.

L'une des autres raisons de notre avis défavorable tient au constat partagé de l'échec du SNU et de la nécessité d'abandonner ce dispositif. J'ajoute d'ailleurs aux remarques précédentes que les stages liés au SNU entrent en concurrence avec les recrutements d'animateurs de colonies et de centres de vacances - le problème est le même pour l'occupation desdits centres.

Quant au service civique, je partage pour une fois une partie des constats dressés par Cédric Vial. Je suis très favorable au maintien du budget alloué à ce dispositif, qui favorise l'engagement des jeunes dans la vie associative, ainsi qu'un engagement citoyen et solidaire, dans une démarche d'éducation populaire.

En revanche, j'alerte sur le niveau d'indemnisation du service civique, qu'il conviendra de revaloriser si nous souhaitons soutenir ce dispositif.

Enfin, le service civique écologique semble s'apparenter à une forme de greenwashing de la part du Gouvernement : un véritable investissement serait préférable à des opérations de communication ou de « verdissement ».

M. Pierre Ouzoulias. - J'aimerais comprendre les causes de l'échec du SNU, malgré les rallonges budgétaires à répétition qui étaient censées déboucher sur une extension dont nous connaissions pourtant le caractère illusoire. Cette démarche ne manque pas d'évoquer les Shadoks : on ne sait pourquoi on pompe, mais il faut continuer, car la situation pourrait s'aggraver si on arrête de pomper... Il me semble désormais raisonnable d'adopter une logique de Gibis et de dire au Gouvernement qu'il est temps d'arrêter, l'acharnement thérapeutique ne fonctionnant pas en la matière.

N'étant guère familier de cette mission, j'avoue me perdre dans la myriade de dispositifs qu'elle porte et dans la façon dont ils s'intègrent dans d'autres politiques de la jeunesse ou de l'éducation : on a l'impression de faire face à un saupoudrage sans cohérence ni projet politique.

En tant qu'élu de terrain, il me semble que tous les acteurs s'accordent pour souligner les très grandes difficultés des associations à mobiliser des bénévoles, alors qu'elles sont essentielles pour la cohésion sociale. Les causes de ce phénomène sont bien évidemment liées à une forme d'individualisme, mais elles ne s'y résument pas.

La commission de la culture gagnerait donc à prendre du recul et à analyser la logique d'un système qui a fonctionné par stratification, car on ne comprend plus la raison d'être de ses différentes couches.

Sur le fond, nous suivrons l'avis du rapporteur.

Mme Laure Darcos. - Je remercie à mon tour le rapporteur pour son avis, que notre groupe suivra. Deux éléments me semblent inquiétants, à commencer par une baisse des dotations aux associations, laquelle s'ajoute aux réductions - voire aux annulations - que sont contraintes de décider les collectivités.

S'agissant du SNU, je regrette un déficit de mixité sociale, les jeunes impliqués étant souvent des enfants de pompiers, de médecins, d'élus ou de parents ayant pratiqué le scoutisme. Il aurait fallu rendre le SNU obligatoire pour assurer cette mixité sociale, mais le coût aurait alors été bien supérieur.

J'ai surtout un regret : pourquoi avoir décidé d'envoyer ces jeunes en dehors de leur département ou de leur région ? Nous avons ainsi accueilli en Essonne des jeunes du Grand Est, ce qui ne présentait aucun intérêt, d'autant que ce choix a dû nettement augmenter les coûts.

Enfin, je ne suis pas opposée à la réallocation des crédits correspondants au service civique, sa superposition avec le SNU étant liée à la volonté de chaque président de la République de laisser sa marque. Il faudra cependant débattre des contours d'un modèle unique, afin d'éviter d'exploiter des jeunes dans des collectivités qui auraient besoin d'un stagiaire pour apporter le café.

M. Claude Kern. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son excellent travail. Un examen sommaire du budget laisse apparaître une hausse de 36 millions d'euros, bienvenue dans la mesure où l'enjeu consiste à rénover en profondeur et à revaloriser l'enseignement moral et civique, dans le but de développer de manière pérenne le sens de la citoyenneté et le goût de l'engagement. De la même manière, la préservation des dispositifs des volontaires du service civique et des volontaires du mentorat est à saluer.

Pour ce qui est du SNU, la généralisation n'est clairement plus à l'ordre du jour et nous pensons qu'il est grand temps d'envisager de mettre un terme à l'expérience, afin de réaffecter les fonds, par exemple, à l'amélioration de l'insertion professionnelle des jeunes.

Enfin, les associations emploient 1,8 million de salariés et près de 15 millions de bénévoles qui font vivre les valeurs d'engagement, de citoyenneté et de solidarité, et il est primordial de maintenir une dynamique de soutien en leur faveur. Le ministre nous avait d'ailleurs assuré qu'il s'agissait d'une priorité, mais force est de constater que ce budget est en baisse de 3,9 %.

Nous ne pouvons pas nous en tenir à ce constat : il serait nécessaire de mobiliser différents outils en capitalisant sur le formidable élan qu'ont déclenché les jeux Olympiques et Paralympiques en matière de volontariat et de bénévolat, et d'accompagner cette dynamique visant à susciter l'engagement tout en sécurisant le financement de la vie associative.

Pour toutes ces raisons, nous suivrons l'avis du rapporteur.

M. Patrick Kanner. - Le SNU n'est ni national ni universel. Il est également inutile, l'obstination à le maintenir ne pouvant perdurer alors que nous avons besoin de ressources pour d'autres politiques, et notamment pour le service civique.

Cédric Vial a évoqué non pas ses réserves, mais ses attentes par rapport à ce dispositif. En réalité, si on y consacrait les moyens nécessaires en termes de communication et d'ouverture de nouveaux services, notamment en reprenant la proposition de loi visant à renforcer le service civique votée à l'unanimité par cette assemblée, je vous assure que nous pourrions atteindre 200 000 jeunes - voire plus - insérés dans ce dispositif.

Tous s'accordent à dire qu'il s'agit d'une politique vertueuse, car elle est à la fois utile aux jeunes et aux collectivités ou associations qui bénéficient de ce renfort. La rémunération reste insuffisante, je le concède, mais le service civique ouvre le droit à la protection sociale.

Imaginée par un gouvernement de droite et soutenue par Martin Hirsch, cette politique avait permis d'atteindre 10 000 services civiques lorsque j'ai repris le dossier ; nous avons ensuite atteint un flux de 130 000 services civiques à la fin du quinquennat de François Hollande. S'il a été préservé par les gouvernements successifs, le dispositif n'a néanmoins plus été une priorité, et notamment pas pour Gabriel Attal, qui voulait absolument mettre en oeuvre l'engagement du président de la République consistant à faire basculer une génération entière vers le SNU.

Par ailleurs, le Fonjep, outil majeur, est maltraité, tout comme le compte d'engagement citoyen (CEC), dont le budget est amputé de 70 % alors qu'il s'agit d'un élément clé de reconnaissance des activités bénévoles.

En conclusion, mes chers collègues, j'espère que nous n'aurons pas à rétablir le service militaire obligatoire suspendu par Jacques Chirac en octobre 1997 pour des raisons extérieures à notre volonté.

M. Jean-Gérard Paumier. - Ce rapport me fournit l'occasion de rappeler que le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ne redistribue que 50 % du montant des anciennes réserves parlementaires, qui s'élevait à 148 millions d'euros, dont 90 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et 58 millions d'euros pour le Sénat.

Dans mon département, nous n'avons ainsi distribué que 800 000 euros contre environ 1,4 million d'euros précédemment, avec un saupoudrage qui a bien moins d'effet de levier sur les projets aidés que la précédente réserve parlementaire.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis. - Les convergences sont nombreuses, notamment sur le SNU. Concernant le service civique, je tiens à rappeler que 536 millions d'euros sont alloués au paiement des indemnités des jeunes engagés, ainsi qu'à leur protection sociale et à l'aide aux organismes d'accueil.

Si le plan de relance avait porté la trésorerie de l'Agence du service civique à 327 millions d'euros en 2022 par une hausse très significative de sa dotation, cette trésorerie n'a pas été uniquement utilisée pour le service civique dans la mesure où l'État a procédé à des ponctions régulières dans le cadre de redéploiements budgétaires.

Mis en place par le président Nicolas Sarkozy, le service civique permet de répondre en partie aux difficultés que rencontrent les jeunes pour s'insérer sur le marché de l'emploi, en particulier dans le contexte économique que nous connaissons. Il s'agit en effet d'un outil très utile pour leur permettre de disposer de la première expérience qui leur fait souvent défaut.

Par ailleurs, je précise que je n'ai pas proposé, en tant que rapporteur, de redéployer les 100 millions d'euros dédiés au SNU vers le service civique : en cohérence avec l'amendement - que j'ai cosigné - proposé par le rapporteur précédent, Jean-Jacques Lozach, il est question de redéployer la moitié de ces crédits vers le programme « Sport ». Conscients de la nécessité de résorber le déficit public, nous proposons donc de ne réaffecter qu'une partie des crédits qui seraient dégagés par la suppression du SNU.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

MERCREDI 23 OCTOBRE 2024

- Agence du service civique : Mme Nadia BELLAOUI, présidente, M. Grégory CAZALET, directeur général.

- Maisons des jeunes et de la culture : MM. Jean-Yves MACÉ, président, Patrick CHENU, directeur général, et Antoine PETITMANGIN, responsable de plaidoyer et de communication.

LUNDI 28 OCTOBRE 2024

Ø Table ronde des acteurs du monde associatif :

Le mouvement associatif : MM. Vincent CLIVIO, secrétaire général, et David RATINAUD, responsable du plaidoyer ;

France générosités : Mmes Sarah BERTAIL, responsable juridique et affaires publiques, et Pauline HERY, chargée d'affaires publiques ;

France bénévolat : M. François BOUCHON, président, Mme Florence BOITTIN, responsable partenariats.

Ø Office franco-allemand pour la jeunesse : Mme Anne TALLINEAU, secrétaire générale, M. Benjamin KURC, responsable du fonds citoyen franco-allemand, Mme Alina-Victoria DEUTSCH, coordinatrice du Bureau.

MARDI 29 OCTOBRE 2024

Haut Conseil à la Vie Associative : Mmes Chantal BRUNEAU, vice-présidente, et Delphine MOREL, secrétaire générale.

MERCREDI 30 OCTOBRE 2024

Ministère de l'Éducation nationale - Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative : M. Yves BOERO, adjoint au directeur, Mme Christelle KETE, adjointe budget-achats à la cheffe de la division des ressources humaines, des finances et de la logistique.

ANNEXE

Audition de M. Gil Avérous, ministre des sports
de la jeunesse et de la vie associative

MERCREDI 30 OCTOBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission dans vos nouvelles fonctions de ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

Au nom des membres de la commission, je vous souhaite la bienvenue au Sénat ainsi qu'un plein succès dans vos missions. Nous serons soucieux de travailler conjointement avec vous et vos services, et sommes engagés de longue date sur les questions relevant désormais de vos compétences.

La commission ne s'est pas économisée ces derniers temps sur l'ensemble de ces sujets. Je pense notamment au rapport sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football français, adopté hier à l'unanimité par la commission, mais aussi aux travaux entrepris par Claude Kern et Jean-Jacques Lozach sur le suivi de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris. En matière de jeunesse et de vie associative, je rappellerai les propositions de loi sur le service civique déposée par Patrick Kanner et celle visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative adoptée par le Sénat en avril dernier. Vous aurez peut-être l'occasion de nous préciser comment vous entendez faire vivre ces différentes initiatives parlementaires dans les semaines à venir.

L'année 2024 a été une grande année pour l'exposition du sport en France avec la réussite, dont nous nous félicitons tous, des jeux Olympiques sur le plan tant de la performance sportive que de l'organisation et de l'adhésion de nombreux Français. Se pose désormais la question de leur héritage dans un contexte budgétaire contraint, pour le ministère des sports comme pour les collectivités.

Avant que vous nous présentiez vos priorités et leurs traductions budgétaires en 2025, une première question : dans son discours de politique générale fin janvier, Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait annoncé la création d'un service civique écologique, ouvert à 50 000 jeunes. Cet objectif est-il maintenu ? S'agit-il de missions supplémentaires ou de nouvelles missions se substituant à celles déjà existantes ?

M. Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - C'est un honneur pour moi que d'être devant vous pour la première fois, dans mes nouvelles fonctions, pour vous présenter la feuille de route de mon ministère et répondre à vos questions.

Mon ministère - de plein exercice - regroupe les sports, la jeunesse et la vie associative, à la demande du Premier ministre, qui souhaitait considérer ces trois composantes avec une attention toute particulière au regard de leur impact sur la société, au lendemain de jeux Olympiques et Paralympiques dont on peut saluer la bonne organisation, l'effet de concorde qu'ils ont suscité et l'image extraordinaire de la France qu'ils ont donnée à l'étranger. J'étais, il y a quelques jours, à la conférence du conseil de l'Europe des ministres responsables du sport à Porto et l'ensemble de ceux qui se sont succédé à la tribune se sont félicités de l'image que la France avait donnée de l'Europe à l'occasion des jeux. C'est une fierté.

La diminution des crédits du ministère est très largement faciale. En réalité, j'ai les moyens de préserver nos politiques et de maintenir nos ambitions.

Comme je vous l'indiquais dans mon courrier du 15 octobre dernier, les moyens de la jeunesse et de la vie associative progressent de 36 millions d'euros par rapport à 2024. On peut donc maintenir la cible de 150 000 volontaires du service civique par an. Nous abondons les crédits de l'Agence du service civique, qui manquait de trésorerie.

Les crédits du sport baissent de 268 millions d'euros. Trois éléments l'expliquent : tout d'abord l'extinction des dépenses liées à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques pour 151 millions d'euros, répartis en 86 millions d'euros sur le programme 350 dédié aux infrastructures des jeux et 65 millions d'euros sur le programme 219, qui finançaient les primes aux médaillés, des animations ponctuelles et la billetterie populaire. Cette baisse des crédits ne fragilise en rien la défense de l'héritage des jeux.

Autre cause de cette baisse, l'ajustement des prévisions de décaissement pour le plan « Génération 2024 » qui finance les équipements sportifs. En effet, seuls 4 millions des 100 millions d'euros ont été dépensés à ce jour, ce qui laisse 96 millions d'euros de report sur 2025. Le ministère du budget nous alloue donc 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement, mais les crédits de paiement ne sont pas abondés en raison du report des crédits de 2024. Cela ne mettra pas l'Agence nationale du sport (ANS) en difficulté, car elle a une trésorerie importante. Elle pourra répondre aux demandes des collectivités.

Un troisième poste de réduction de dépenses est le Pass'Sport, avec 10 millions d'euros de crédits non consommés en 2024. Nous réaffectons, en 2025, les crédits à la hauteur de la consommation de 2024. C'est un pari, car on peut légitimement craindre, ou espérer, qu'il y ait plus de demandes de Pass'Sport du fait d'une hausse des inscriptions dans les clubs sportifs ce qui imposerait de recentrer le nombre de bénéficiaires en cours d'année.

Enfin, une baisse de 4 millions d'euros est liée aux deux heures de sport au collège, dont le coût réel est plus faible que ce qui avait été prévu. La consommation, en 2024, a donc été moindre que ce qui avait été voté en loi de finances.

Mon budget s'articule autour de trois grandes priorités : faire vivre l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques ; soutenir l'engagement et l'autonomie des jeunes citoyens ; maintenir le soutien à la vie associative et au bénévolat.

Les JOP ont été un formidable succès populaire et sportif, qu'il nous appartient désormais de faire vivre pour que la France soit une nation sportive. Nous devons aussi nous tourner dès maintenant vers les jeux de 2030. Hors mesures exceptionnelles liées aux Jeux Olympiques, le soutien à la performance sera stabilisé à hauteur de 108 millions d'euros, comme en 2024, afin d'ancrer durablement la France dans le top 5 des nations olympiques et le top 8 des nations paralympiques. J'ai demandé à l'Agence nationale du sport de chercher des marges dans son budget afin d'accroître les moyens dédiés à la performance et éviter toute perte de dynamique dans la préparation des futures compétitions mondiales.

Nous avons des établissements publics d'excellence : les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps), l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et les écoles nationales. Leur budget progresse, de 142 millions à 146 millions d'euros, hors mesures exceptionnelles liées aux JOP.

Faire de la France une nation sportive, c'est aussi encourager la pratique du sport pour le plus grand nombre. Nous continuerons à encourager l'opération « Bouge 30 minutes chaque jour » et à poursuivre un effort particulier auprès des publics les plus éloignés du sport : ce sont notamment les jeunes. Nous les atteignons avec le Pass'Sport, dont 3,5 millions de personnes ont bénéficié depuis sa création, et qui est préservé à hauteur de 75 millions d'euros. Nous encourageons le sport féminin, en nous appuyant sur les jeux Olympiques, premiers jeux paritaires de l'histoire. Quant aux personnes en situation de handicap, nous poursuivons en 2025 le programme de 30 minutes d'activités sportives quotidiennes dans les établissements sociaux et médicosociaux. On pourrait aussi parler de l'accompagnement des clubs vers l'intégration des sportifs porteurs de handicap.

La stratégie nationale du sport santé sera poursuivie, avec un budget stabilisé à 7,5 millions d'euros. Un nouveau plan sport santé couvrira la période 2025-2030. Nous devons poursuivre les efforts en matière d'équipements sportifs pour les collectivités territoriales : c'est le sens du plan « Génération 2024 » qui fait suite au plan « 5 000 terrains de sport ». Les niveaux d'engagement sont préservés, à 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2025, comme en 2024.

Nous travaillerons avec les élus, dont l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), pour réformer le modèle des subventions en faveur des équipements sportifs, le but étant de simplifier les procédures pour les porteurs de projets, créer une plus grande cohérence avec les projets territoriaux et fédéraux, améliorer l'articulation avec les autres crédits d'État que sont le fonds vert, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Il faudra sans doute décharger l'Agence nationale du sport de l'instruction des subventions et confier cette tâche ainsi que les enveloppes budgétaires à l'échelon départemental, afin que les préfets et sous-préfets y décident de la meilleure répartition, et ce pour éviter les déceptions actuelles des collectivités territoriales. Je souhaite mettre fin à la multiplication des dossiers administratifs et améliorer l'identification de l'aide de l'État sur ces projets.

Pour répondre à la demande urgente des clubs de disposer de créneaux de pratique, je souhaite que l'on travaille avec les départements ainsi qu'avec les lycées, dont les gymnases sont inoccupés après le temps scolaire. Cela nécessite de travailler des dispositifs de contrôle d'accès voire de sécurisation du périmètre lorsque l'établissement scolaire dispose d'un internat. Actuellement, un quart des gymnases sont mutualisés : allons plus loin ! Il s'agit d'équipements publics, même s'ils ne relèvent pas de la collectivité la plus locale.

La qualité de notre politique sportive passe aussi par le maintien de ses moyens humains. Les effectifs du ministère sont préservés avec 1 442 conseillers techniques sportifs (CTS). En 2025, nous renforcerons les liens entre le monde sportif et le service civique, en affectant prioritairement des volontaires aux clubs qui en ont besoin.

Nous soutiendrons l'autonomie des jeunes citoyens par une feuille de route interministérielle. J'ai demandé au Premier ministre que mon ministère en soit le chef de file, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, celui du travail ou encore celui en charge du logement au titre de la politique de la ville, pour élaborer un plan « Jeunesses ». Il n'y a pas, dans notre pays, une seule jeunesse, mais plusieurs, qui ont des besoins spécifiques.

L'Agence du service civique bénéficiera de 600 millions d'euros en 2025, soit une hausse de 81 millions d'euros, pour être à la hauteur de l'objectif de 150 000 volontaires. Le service civique écologique sera poursuivi en 2025. Je vous donnerai plus de précisions dans un instant.

Le mentorat, déployé depuis 2021, verra la majoration de 5 millions d'euros de sa dotation pérennisée en 2025.

Enfin, les moyens des « colos apprenantes » seront reconduits en 2025 à hauteur de 40 millions d'euros, comme en 2024.

Les finalités du service national universel (SNU) sont indiscutablement louables : engagement, cohésion autour des valeurs de la République, mixité sociale. Toutefois, comme la Cour des comptes le relève, il convient de s'interroger sur son format, ses contours et son coût. Les crédits pour 2025 ne permettront pas d'aller au-delà de ce qui a été réalisé en 2024.

J'en viens au soutien à la vie associative et au bénévolat. Les moyens dédiés aux associations sont préservés. La dotation du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) est stabilisée à 37 millions d'euros. Les moyens du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sont reconduits à hauteur de 33 millions d'euros, complétés de 35 millions d'euros liés à une quote-part des comptes bancaires inactifs récupérés par l'État.

Pour simplifier la vie des associations, nous continuerons à nous appuyer sur le réseau Guid'Asso pour offrir un service de proximité, d'accueil et de conseil aux associations. Ses moyens seront portés à 7,4 millions d'euros, soit 800 000 euros de plus, pour le déployer sur l'ensemble des régions, notamment ultramarines.

Nous nous appuierons aussi sur les outils numériques que sont « Le Compte Asso » et la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, mettant en relation bénévoles de plus de 16 ans et structures qui en ont besoin. Je souhaite m'appuyer sur le formidable élan suscité par les jeux en matière de volontariat et accompagner cette dynamique.

Je ne serai pas plus long, laissant la place aux questions auxquelles je répondrai de manière détaillée.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis sur les crédits du sport. - Félicitations pour votre nomination, monsieur le ministre. Je salue le fait que vous soyez un ministre de plein exercice, mais aussi la simplification qui résultera du fait que votre portefeuille correspond très exactement au périmètre de la mission budgétaire correspondante.

À la lecture du PLF pour 2025, nous avons l'impression que le triptyque composé des jeux Olympiques et Paralympiques, de la grande loi annoncée depuis près de deux ans sur l'héritage olympique et de la trajectoire budgétaire correspondante, a du plomb dans l'aile. Tout le monde le reconnaît, nous avons connu des JOP exceptionnels. Le meilleur moyen de prolonger leur effet était de disposer d'un budget du sport à la hauteur. Or les crédits du programme 219 reculent de 170 millions d'euros, hors sommes allouées à la préparation des JOP.

Ma première série de questions portera sur la grande loi sur l'héritage des jeux, censée servir de passerelle entre la mise en place de l'ANS en 2019, la loi de démocratisation du sport de 2022 et la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Est-elle toujours à l'ordre du jour ? Si oui, quelles en seront les priorités ? Quelle méthodologie sera appliquée à sa préparation ?

Par ailleurs, vous ouvrez la porte à un déplafonnement partiel ou total du prélèvement en faveur du sport sur les paris sportifs en ligne. Nous le souhaitons, car cette recette n'a jamais été aussi dynamique. Cette année, l'Euro de football et les jeux ont engendré plus de 1 milliard d'euros de mises. Un déplafonnement total permettrait d'engranger 113 millions d'euros de recettes supplémentaires. Êtes-vous défavorable à ce déplafonnement ?

Dans une interview, le 6 octobre, le Premier ministre a déclaré vouloir : « rapprocher les agences du sport et le ministère des sports ». Une tutelle du ministère sur l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) constituerait un recul inacceptable. Nous nous sommes en effet battus pour que l'AFLD bénéficie d'une autonomie. Que signifie la phrase du Premier ministre ?

Une de vos priorités est la haute performance. Aurez-vous les moyens de maintenir l'aide individualisée aux sportifs inscrits sur la liste des sportifs français de haut niveau ? Leur garantissez-vous 40 000 euros par an ?

Ce qui vous sauve, monsieur le ministre, c'est que le sport est transversal et financé par d'autres ministères que le vôtre - éducation nationale, santé, affaires étrangères, travail... Disposez-vous d'une estimation fine de la baisse des crédits alloués au sport en 2025, tous ministères confondus ? En 2024, la totalité des interventions ministérielles était évaluée à 6,5 milliards d'euros - dont seulement 2 milliards d'euros en provenance du ministère des sports.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la jeunesse et la vie associative. - Je m'associe aux félicitations exprimées pour votre nomination, monsieur le ministre.

La hausse de 36 millions d'euros dont bénéficie le programme 163 « Jeunesse et vie associative » paraît en trompe-l'oeil : comme vous l'avez indiqué, elle est principalement due à l'augmentation de 81 millions d'euros pour le service civique et à la revalorisation de la trésorerie de l'Agence pour le service civique. Celle-ci avait bénéficié de 250 millions d'euros dans le cadre du plan de relance en 2020 et sa trésorerie a depuis fondu comme neige au soleil. Cette revalorisation est appréciée - elle était plus que nécessaire -, mais d'autres postes diminuent en parallèle.

Parmi ceux-ci, si je me réjouis de la baisse des crédits alloués au service national universel au sein du projet de loi de finances pour 2025, je m'interroge tout de même sur le maintien de ce dispositif très coûteux, dans un contexte marqué par de très fortes restrictions budgétaires. Pourriez-vous nous indiquer les perspectives de déploiement du dispositif dans les années à venir ? Votre prédécesseur souhaitait généraliser le SNU. Irez-vous dans le même sens ?

Le contexte inflationniste inquiète toujours fortement les acteurs du monde associatif. De nombreuses structures, notamment d'éducation populaire, alertent sur la pérennité à très court terme de leurs activités et de leurs emplois. Le milieu associatif souffre encore également de la complexité des démarches administratives. Dans ce contexte, nous avons adopté une loi en avril dernier pour soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative. Au cours des débats, avait été évoquée la possibilité pour les associations d'être éligibles au régime du groupe TVA. Avant toute modification législative, le Gouvernement doit au préalable consulter le comité TVA européen, ce que votre prédécesseur s'était engagée à faire. Où en est cette consultation ? J'en profite pour vous signaler que plus de six mois après la promulgation de cette loi, aucun décret d'application n'a pour le moment été publié. Quand cette loi sera-t-elle pleinement applicable ?

Enfin, la mobilité internationale des jeunes est un facteur majeur d'intégration sociale et professionnelle qui doit être encouragé. Dans son discours sur l'Europe de septembre 2017, le Président de la République se donnait pour objectif que 50 % d'une classe d'âge ait passé au moins six mois dans un autre pays européen en 2024. Cet objectif sera-t-il atteint à la fin de l'année ?

Le budget de votre ministère n'est pas le seul à porter les actions concernant la vie associative ; il y a aussi celui des collectivités territoriales, lesquelles jouent un rôle majeur de cohésion sociale, qu'il ne faut pas ignorer.

M. Michel Savin, président du groupe d'études Pratiques sportives et grands événements sportifs. - La loi relative à l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques aurait, à nos yeux, dû être débattue en amont pour être effective dès le lendemain de leur clôture pour faire de la France une grande nation sportive. Nous sommes loin de cet objectif.

Vous avez précisé que seuls 4 millions des 100 millions d'euros prévus pour les équipements structurants avaient été consommés. C'est difficilement audible pour un parlementaire. L'Agence nationale du sport a répondu favorablement à l'ensemble des collectivités, en fonction du budget qui lui était alloué. Le gouvernement précédent a gelé les crédits, ce qui a empêché leur déblocage par l'agence. Les collectivités qui ont reçu une notification d'éligibilité sont maintenant dans l'attente de ces crédits. L'ANS a peut-être les fonds propres suffisants, mais elle risque d'être en grande difficulté en cas d'année blanche du financement des équipements structurants. Sur le terrain, nombre de communes nous sollicitent, car elles attendent une réponse. Nous ferons tout pour abonder la ligne budgétaire correspondante.

J'ai à ce propos une proposition à vous faire. À une époque, le Parlement avait voté le relèvement du taux des prélèvements sur les paris sportifs afin de financer les stades, en préparation de l'Euro de football. Cette taxe supplémentaire de 25 à 30 millions d'euros par an était fléchée en ce sens. Seriez-vous prêt à relever le taux pour affecter le produit aux équipements structurants ?

Cela permettrait de cibler un équipement dont, chaque année, on débat au Parlement : les piscines. Cette année encore, on a dénombré dans notre pays plus de 1 400 noyades, dont 361 mortelles. La politique d'apprentissage de la natation exige des équipements de qualité. D'où la question que je viens de vous poser.

Par ailleurs, si l'ANS a répondu présent sur la haute performance, les procédures de subventions en faveur des collectivités territoriales sont particulièrement complexes. Confier leur arbitrage aux préfets apporterait bien plus de transparence.

Enfin, je partage les propos tenus sur le SNU. Il faut revoir à la baisse le montant correspondant. Peut-être doit-on garder les crédits nécessaires pour les engagements déjà pris en 2025 ; pour le reste, il y a là des gisements d'économies que l'on pourrait flécher vers les équipements structurants.

M. Gil Avérous, ministre. - Monsieur le président, vous m'avez interrogé sur la façon dont je souhaite faire vivre les différentes initiatives parlementaires. Très concrètement, en sortant de cette audition, je rencontre le sénateur Dominique Théophile sur le sport outremer. Je veux prendre les préconisations des rapports les plus récents et faire le point avec leurs auteurs, afin de voir quelles sont les marges de progression. On gagnerait à mener ce travail en commun.

En 2024, 6 000 volontaires, sur les 150 000 en service civique, ont réalisé un service civique écologique. Ce ne sont donc pas des missions supplémentaires. Nous visons un objectif de 10 000 volontaires en 2025, avec une montée en charge progressive.

Le projet de loi relatif à l'héritage des JOP n'a pas été examiné en amont de leur tenue. Prenons-en acte. Si l'on prévoit une telle loi, il faut reconsulter tout le monde. De nombreuses commissions sur l'héritage des jeux se sont tenues. Mais, outre la période dans laquelle nous sommes d'examen du projet de loi de finances, les instances sportives sont en cours de renouvellement jusqu'au 31 décembre. J'ai proposé de demander à tous ceux qui ont déjà travaillé sur le sujet de nous envoyer leurs propositions d'ici Noël. Puis nous réunirons tous les contributeurs d'ici à la mi-janvier, dont les nouvelles instances sportives. Ensuite, nous ouvrirons le débat. Nous avons déjà noté la nécessité de certaines évolutions législatives et réglementaires : par exemple des fédérations souhaitent des modifications dans la relation avec les ligues ou des moyens juridiques pour les consolider.

La notion d'héritage implique une transmission aux générations futures. Il faut donc peut-être un plan jeunesse au coeur duquel nous placerions le sport comme élément fédérateur. Cela répondrait aux attentes de notre population et donnerait une vision de ce que nous souhaitons pour la prochaine olympiade.

Un projet de loi n'est pas forcément enthousiasmant pour la population, contrairement à un plan jeunesse. Nous devons inclure la jeunesse dans la Nation. Or nous n'avons aucun programme ciblant les collégiens, qui pourraient apprendre les valeurs du vivre ensemble, du mérite, de l'effort et du respect des horaires via le sport. La question est : comment accompagner notre jeunesse pour l'insérer dans la Nation et éviter que se reproduisent les émeutes urbaines de 2023 ? En fonction de ce que l'on aura décidé en commun, on pourrait achever les travaux à l'été 2025.

Nous serons aussi amenés à travailler sur une loi olympique pour les jeux de 2030 pour évoquer les sujets environnementaux et urbanistiques, comme cela a été fait en amont des Jeux de Paris 2024.

Quand l'Agence nationale du sport a été créée, il était prévu que son fonctionnement soit évalué dans l'année suivant les JOP. Les résultats des travaux de la mission de l'inspection générale en cours seront rendus au premier semestre 2025. Mon a priori est que l'on peut simplifier les procédures de subventions aux clubs et aux collectivités territoriales. La commission régionale des financeurs est-elle vraiment utile ? Peut-être faut-il réintégrer au sein du ministère des sports toute la partie relative au financement. On aurait sans doute intérêt à centrer l'ANS sur le sport, c'est-à-dire la performance, l'accompagnement des clubs et le développement du sport sur le territoire, et à lui retirer toute la partie administrative, qui est chronophage et n'apporte pas de plus-value - au contraire, elle est vue comme dysfonctionnant. Toutefois, on ne peut pas dire que l'ANS ne fonctionne pas quand on voit les résultats sportifs.

Il n'est pas prévu de réintégrer l'AFLD dans le giron du ministère. On revient à son dimensionnement pré-JOP. Deux postes sont supprimés, ce qui est l'épaisseur du trait.

Saluons le travail sur la haute performance de Claude Onesta et, désormais, de Yann Cucherat qui lui succède. Une marche arrière sur les 40 000 euros serait incompréhensible.

Je n'ai pas d'estimation des moyens du sport, tous ministères confondus.

La volonté du Président de la République de maintenir le SNU est louable. Les retours des participants sont bons. En 2024, on a dénombré 80 000 séjours. Il y en aurait 66 000 en 2025, sauf coup de rabot supplémentaire demandé au ministère. Or, mon ministère pourrait être concerné par celui-ci à hauteur de 55 millions d'euros. Nous ferions alors porter l'effort à hauteur de 49 millions d'euros sur le SNU ce qui nous conduirait à réduire ce nombre à 40 000. Les inscriptions pour 2025 sont de 35 700, dont 22 400 jeunes issus des classes et lycées engagés et 13 300 inscrits par eux-mêmes. Vous connaissez les critiques de la Cour des comptes sur le manque de mixité sociale du SNU. La solution pour développer celle-ci est de généraliser le dispositif, ce que nous ne pouvons pas faire faute de moyens financiers.

Nous faisons face à une démotivation en matière de bénévolat. Ponctuellement, nous n'avons pas manqué de bénévoles pour les jeux ; la difficulté concerne plus la fidélisation et l'engagement à moyen ou long terme. En outre, des bénévoles ont pu être découragés par la multiplication des contraintes pour les structures. Par exemple, ils doivent demander des subventions en ligne sur plusieurs plateformes, puisque chaque financeur a la sienne. Je souhaite travailler avec les associations d'élus pour tout centraliser sur « Le Compte Asso », qui donne satisfaction. Nous devons aussi nous interroger sur les incitations à s'engager pour la première fois. Le Pass'Sport soutient efficacement les acquisitions de licence : il pourrait être étendu à ceux qui s'engagent pour la première fois dans le bénévolat et qui doivent parfois prendre leur licence non pour pratiquer, mais juste pour aider le club.

Le sujet de la TVA relève de Bercy, avec des implications européennes. On peut donc dire que ce n'est pas un sujet simple, mais nous avons saisi le ministère et j'étudierai cette question de près, notamment sur l'aspect de l'impact financier.

Effectivement les collectivités territoriales soutiennent beaucoup le sport, particulièrement en dépenses de fonctionnement. J'ai exprimé à l'Assemblée nationale mon inquiétude à l'égard de l'évolution de leurs finances. Il ne faudrait pas que les arbitrages budgétaires liés au fonds de précaution prélevé sur les recettes de 450 collectivités se fassent au détriment du sport, sachant qu'il s'agit plutôt de villes moyennes aux besoins sportifs importants. Le ministère disposant néanmoins de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, il pourra toujours accompagner celles qui en feront la demande.

Il existe 6 348 bassins de pratique aquatique sur l'ensemble du territoire national. Ils ont une ancienneté moyenne de 35 ans, et n'ont pas été rénovés significativement, en moyenne, depuis plus de 15 ans. Sur les 200 derniers projets de piscine soutenus, on recense 78 constructions et 132 rénovations. Depuis 2019, la subvention moyenne était de 620 000 euros par construction de piscine, pour un coût de construction moyen de 10 millions d'euros. Or, en 2023, alors que l'aide moyenne a diminué, passant à 456 000 euros, le coût moyen des projets est passé à 14,5 millions d'euros, soit plus de 40 % d'augmentation. Pour une opération de rénovation, la subvention moyenne s'élève à 400 000 euros, pour un coût moyen de travaux de rénovation de 4 millions d'euros.

Comment arriver à diminuer le coût de construction des équipements sportifs ? Dans les années 1970, lors du lancement de l'opération « Mille piscines » qui a conduit au déploiement des premières piscines Tournesol, une consultation nationale a été organisée auprès des constructeurs potentiels, à l'issue de laquelle plusieurs modèles ont été retenus, les collectivités pouvant faire leur choix parmi eux en fonction de leur coût. Ce système est peut-être à étudier, de nombreuses collectivités n'ayant plus les moyens de rénover leurs piscines. De manière générale, le coût de construction des équipements sportifs ne cesse d'augmenter.

Nous pourrons redistribuer des subventions, par ailleurs, pour les équipements structurants. Si on réintègre le portage des opérations de l'ANS au sein du ministère, nous aurons la gestion directe, et non plus déléguée, de ces crédits. Le problème de la trésorerie de l'ANS ne se posera donc plus.

Je suis favorable à une hausse de la fiscalité sur les paris sportifs. La question se pose toutefois de savoir si la recette supplémentaire qui en découlera devra être fléchée vers le plan « piscines ». Il me semble préférable d'éviter de se contraindre, et de déléguer plutôt aux préfets et aux sous-préfets la charge de choisir les priorités de financement de leurs territoires. Sortons des plans uniformes nationaux, pour les remplacer par des boîtes à outils mises à la disposition des territoires. J'ai d'ailleurs dit aux délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes) qu'elles seraient évaluées, non pas sur le déploiement de dispositifs nationaux, mais plutôt sur les réponses qu'elles apportent aux acteurs locaux.

Mme Annick Billon. - Auditrice à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), j'ai été amenée à réfléchir au sujet suivant : quelle stratégie pourrait conduire au rétablissement du service militaire et sous quelle forme ? Le comité 6 avait alors imaginé un contrat défense appuyé sur la généralisation du SNU.

Un rapport de la Cour des comptes ayant dressé un bilan sévère de ce programme, pointant ses objectifs incertains, son coût largement sous-estimé et un nombre d'inscriptions largement inférieur aux prévisions, en avez-vous imaginé une suppression sèche ?

Par ailleurs, les crédits dédiés à l'ANS sont en baisse dans le PLF 2025. Ils passent de 270 millions d'euros à 159 millions d'euros. Le fonctionnement de l'ANS est estimé à 12 millions d'euros. Avez-vous imaginé supprimer l'ANS ? Comme vous l'avez rappelé, un certain nombre de ses tâches incombait auparavant au ministère des sports.

Mme Karine Daniel. - La diminution du budget des collectivités locales, estimée entre 8 milliards d'euros et 10 milliards d'euros, entraînera probablement des licenciements dans nombre d'associations, dont le fonctionnement est largement financé par des subventions de ces collectivités. Or ces licenciements seront compensés par une hausse du temps de bénévolat. De plus, les fortes contraintes budgétaires ont tendance à augmenter le recours aux appels à projets pour l'allocation des subventions. Or répondre à ces appels prend du temps, alors même que le nombre de projets sélectionnés est restreint. En outre, les réponses positives accordées valent pour une période déterminée et ne peuvent donc alimenter le fonctionnement des associations. Celles-ci ont pourtant besoin de subventions de fonctionnement lisibles, stables et pérennes. Je pense particulièrement aux associations qui agissent dans le domaine de la solidarité.

Des plans sociaux sont donc à attendre dans le champ associatif, dommageables pour l'emploi comme pour la cohésion sociale.

Mme Mathilde Ollivier. - Votre venue ce jour, monsieur le ministre, est l'occasion pour moi d'obtenir des réponses à un courrier que je vous ai adressé le 4 octobre dernier, pour l'instant resté sans réponse. Il portait notamment sur l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques. Je regrette que nous n'ayons pas eu ce débat il y a six mois. Vous parlez d'un travail de concertation qui aboutirait, un an après les jeux, à un potentiel travail parlementaire. Il est regrettable de ne pas mener ce travail dès maintenant, a fortiori lorsqu'on parle de nation sportive, pour répondre à la hausse du nombre d'inscriptions dans les clubs, estimée entre 5 % et 10 %, et même à 20 % pour des sports comme le tennis, le badminton, l'escrime ou le handisport. Il faut en effet des ressources matérielles, comme des équipements ou des terrains. Encourager la concertation sur la mutualisation d'équipements sportifs entre associations serait également bienvenu. Cela aurait déjà dû être fait, car la motivation sera retombée dans un an. Nous avons besoin des équipements maintenant, pour encourager la pratique sportive chez les jeunes et les moins jeunes et accroître la durée de l'engagement dans les clubs.

Par ailleurs, la gauche et les écologistes, en demandant la suppression du SNU, avaient comme souvent raison avant les autres. Il nous paraissait en effet difficile que cette initiative touche réellement toutes les catégories socioprofessionnelles. Le rapport de la Cour des comptes s'est avéré assez sévère sur ce point. Le coût par participant est en outre très élevé par rapport à d'autres séjours collectifs. Je me joins donc à mes collègues pour vous demander s'il ne serait pas temps de faire entendre raison au Président de la République, pour qu'il accepte d'arrêter ce programme et de rediriger cette ressource vers des dispositifs réellement favorables à l'engagement des jeunes, comme le service civique ou les colonies de vacances.

Enfin, combien de services civiques étaient axés sur des actions écologiques avant la création de la labellisation « service civique écologique » ?

M. Pierre Ouzoulias. - L'organisation des jeux Olympiques suscite notre fierté, tout comme les résultats de nos sportifs. La France a donné une magnifique image d'elle-même, ce dont nous pouvons nous féliciter. Les jeux ont constitué un moment exceptionnel, au cours duquel nous avons déclaré à la face du monde quel était notre projet politique et sportif, et ce que nous étions.

Les collectivités ont joué une part essentielle dans cette réussite. Vous le savez, monsieur le ministre, en tant que maire de Châteauroux, car cette ville a accueilli le centre national du tir sportif. L'agglomération de Châteauroux a participé à hauteur de 4,5 millions d'euros à l'organisation de ce succès. En région parisienne, les départements ont pris à leur charge le surcoût lié aux équipements. C'est le cas notamment du département des Hauts-de-Seine. Le procès qui est fait en ce moment aux collectivités territoriales me paraît donc fortement injuste, car la réussite des jeux tient particulièrement à leur investissement.

Cette réussite tient également à l'absence d'éléphant blanc. L'héritage des jeux est exceptionnel, et l'on n'a pas hésité à construire des équipements provisoires pour éviter de laisser à la charge des collectivités des équipements surdimensionnés par rapport à leurs pratiques habituelles.

En revanche, le SNU est un éléphant blanc pour le Président de la République, tout comme le pass Culture. Il faut enterrer ce dispositif, qui est une mauvaise expérience.

Enfin, les fédérations souhaitent obtenir un éclaircissement de la part du Gouvernement sur leur mission de service public. Il faudra repasser par la voie législative pour apporter cette précision, notamment pour la dimension éducative de leur action. Cette clarification remédierait aux difficultés qu'elles rencontrent pour interpréter leur responsabilité en matière de respect de la laïcité.

M. Bernard Fialaire. - Je partage ce qui a été dit sur le coût et les objectifs non atteints du SNU. Néanmoins, les séjours de SNU qui ont été organisés dans mon territoire, le Rhône, ont tous été remarquables. Il est en revanche regrettable que ce dispositif ne soit pas davantage fléché vers les élèves peinant à trouver des stages, car ils comptent parmi ceux qui en auraient le plus besoin.

Par ailleurs, il faudrait valoriser et promouvoir davantage le sport universitaire. Alors que des athlètes et sportifs milliardaires, marques des dérives financières du sport, sont régulièrement mis en avant, montrer des universitaires qui font du sport constituerait un bel exemple pour la jeunesse. Quel regard portez-vous sur les masses financières considérables dirigées ainsi vers le sport au détriment du bénévolat ?

L'activité physique quotidienne (APQ) est à distinguer de l'activité sportive quotidienne. On ne mobilise pas les mêmes compétences dans l'un et l'autre cas.

Je voudrais enfin revenir sur les piscines. Le coût de rénovation de la piscine de la collectivité que je gérais auparavant a été estimé à plus de 50 millions d'euros. La collectivité s'est alors lancée dans un projet de piscine à énergie positive, impliquant un investissement sur trente à quarante ans. Il ne faut pas décourager ce genre d'initiative. Les études sont presque terminées. Nous sommes capables de concevoir des équipements remarquables, moyennant des emprunts largement compensés par les économies futures.

Mme Colombe Brossel. - Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il fallait rediscuter du contour, du format et du coût du SNU. La position des sénateurs socialistes à son sujet est connue. Peut-être est-il temps de sortir de l'ambiguïté et de prendre acte du fait que ce dispositif, bien que découlant de la volonté du Président de la République, ne fonctionne pas et n'a pas trouvé sa place. Il existait des dispositifs efficaces, notamment le service civique. Le SNU est arrivé comme un ovni. Je comprends que votre position soit délicate, mais il faudra faire un choix. On ne peut pas entendre, d'un côté, des discours de responsabilisation sur les finances publiques et, de l'autre, des circonlocutions comme celle que je viens de citer. Admettons plutôt qu'il s'agit d'un échec, et misons sur l'accompagnement du service civique et le soutien à l'éducation populaire pour renforcer l'engagement citoyen des jeunes.

Par ailleurs, nous constatons tous que le monde associatif se porte mal. Toutefois, je ne suis pas sûre que la démotivation des bénévoles soit aussi globale que vous semblez le présenter. En réalité, les bénévoles ne sont plus les mêmes qu'avant, et on observe un véritable épuisement de l'engagement bénévole pour la présidence d'association ou l'exercice de la fonction de trésorier.

Le contrat d'engagement républicain n'a été voulu ni soutenu par aucun des acteurs du monde associatif, qui l'ont perçu comme un signe de défiance. Il a fait peser la suspicion sur eux et mis en défaut la liberté d'expression et la liberté associative. Cela a créé de la tension. Permettez-moi de citer à ce sujet les travaux de nos collègues de la commission des lois. Des solutions pragmatiques pourraient être envisagées pour y remédier, par exemple l'utilisation de la charte des engagements réciproques.

Le réseau Guid'Asso, dont vous vantiez la réussite, est exactement l'inverse du contrat d'engagement républicain, car il a été travaillé avec les acteurs du monde associatif. Il est préférable d'agir ainsi plutôt que d'imposer un principe de défiance.

Mme Pauline Martin. - Une partie indécente des cotisations des licenciés est redirigée vers les fédérations pour abonder l'aspect administratif du sport. Serait-il possible de réguler le système au profit des clubs sportifs ?

M. Stéphane Piednoir. - Merci, monsieur le ministre, de votre réponse à ma question d'actualité de ce jour, que j'interprète comme une ouverture pour un examen favorable de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport de Michel Savin.

Nous étions nombreux, dès l'émergence du SNU, à émettre plus que des réserves à son sujet. La gauche et les écologistes n'étaient pas seuls sur cette ligne, tant s'en faut !

Les communes rurales sollicitent les dotations de l'État, DETR et DSIL, pour pouvoir installer de petits équipements sportifs, des city stades. Si l'on veut une vraie nation sportive, il est important de dire à tous que l'activité physique quotidienne ne suffit pas. Il faut avoir près de chez soi un terrain de sport, pour diffuser les valeurs du sport et éveiller la curiosité des plus petits. Cela limiterait en outre l'exposition aux écrans. Le ministère des sports a-t-il prévu de flécher les dotations pour aider les collectivités, notamment les petites communes, à s'équiper ?

Enfin, en matière de sport universitaire, le décalage entre la France et les États-Unis est criant. Un champion universitaire américain est déjà un quasi-champion olympique ! Nous en sommes loin. Avez-vous prévu une action dans ce domaine ?

M. David Ros. - On observe un écart entre les conclusions de la mission d'information sénatoriale sur les 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école et celles qui découlent des auditions menées à l'Assemblée nationale concernant le déploiement réel de l'APQ. Les premières font état d'une mise en oeuvre dans la moitié des écoles, quand les secondes parlent d'un déploiement du dispositif à 100 %. Il faudrait préciser le cadre de cette initiative et mettre davantage en perspective la pratique du sport et de l'activité physique, de l'école à l'université.

La baisse du budget de l'ANS concernera 360 000 associations et vient s'ajouter aux difficultés financières des collectivités locales.

Dans mon département, l'Essonne, deux piscines ont fermé ces dernières années. Celle d'Orsay, qui a mon âge, vieillit comme moi. Le budget de rénovation était estimé à 15 millions d'euros. Or la commune n'avait pas les moyens de l'inscrire sur le budget communal. Un travail pourrait être mené avec Bercy sur le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou sur les ratios d'emprunts des budgets communaux pour remédier à ce type de situation. Il y va des bassins de vie où l'on apprend à nager aux enfants. À ma connaissance, Léon Marchand ne s'entraîne pas dans des piscines françaises.

Le budget lié aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques aurait pu à cet égard être préservé. Je pense également aux pavillons sport que j'ai visités dans le cadre du rapport d'information « Science et sport » que m'a confié l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) : ils sont apparus comme un vecteur puissant de sensibilisation au sport. Il est regrettable que ce type d'infrastructure ne soit pas pérennisé.

Le fait que la loi d'héritage n'ait pas encore été rédigée nous donne la possibilité de le faire. Ce pourrait être une véritable chance, à condition qu'elle s'appuie sur les constats des collectivités locales, ainsi que sur les acteurs des mondes économique et sportif, pour élaborer une véritable planification.

Par ailleurs, les crédits de la recherche autour du sport sont en forte baisse dans le budget 2025. Or ils sont importants, non seulement en vue des prochaines Olympiades, mais également pour toutes les retombées qu'ils peuvent avoir sur la pratique quotidienne du sport et la santé. Plus qu'une loi d'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques, c'est une véritable loi d'avenir sur le sport qu'il nous faut.

M. Laurent Lafon, président. - Vous aurez compris que le SNU fait débat, et que des amendements seront sans doute déposés à ce sujet.

M. Gil Avérous, ministre. - Nous n'envisageons pas la suppression sèche de ce dispositif, car 94 % des participants trouvent qu'il s'agit d'une bonne formule et 90 % le conseilleraient à d'autres personnes. Il n'est donc pas inutile, mais il a un coût.

De même, nous n'envisageons pas de supprimer l'ANS, qui a prouvé son utilité pour le développement du sport. De plus, son intégration au sein du ministère des sports n'entraînerait pas une économie de 12 millions d'euros de frais de fonctionnement, car les personnels resteraient en place. L'ANS a également l'avantage d'associer le monde privé et le monde de l'entreprise, impulsant ainsi une dynamique nationale pour le rapprochement du monde économique avec le monde du sport, dont j'ai voulu faire une priorité de mon ministère. C'est une réalité dans nos villages et villes avec la pratique du sponsoring des clubs sportifs locaux par les entreprises du territoire. Mon cabinet a d'ailleurs récemment intégré une personne venue du Mouvement des entreprises de France (Medef), qui sera exclusivement chargée des relations avec le monde économique et les entreprises.

Concernant les risques de licenciement dans les associations, le FDVA ne diminue pas. Il n'est pas question que l'État réduise son soutien au monde associatif. J'ai dit en revanche mon inquiétude concernant une possible diminution du soutien des collectivités locales aux associations en matière d'investissement. Il en va autrement pour le fonctionnement. Les maires sont conscients de l'importance de la vie associative. J'imagine mal les collectivités territoriales couper les ressources des associations à dix-huit mois des élections municipales !

Madame Ollivier, mon cabinet venant seulement de s'installer, nous n'avons pas encore eu le temps de consulter votre courrier. Mais je vous apporterai une réponse circonstanciée prochainement, conformément à la consigne qui nous a été donnée par le Premier ministre de répondre à tous les courriers qui nous sont envoyés.

Je ne crois pas, comme vous, qu'il soit trop tard pour une loi liée aux jeux Olympiques et Paralympiques. Il faut laisser la nouvelle gouvernance du sport s'installer.

La mutualisation des équipements sportifs sera par ailleurs une réponse immédiate à la hausse du nombre de licenciés. J'évoquais tout à l'heure le fait que 25 % des équipements départementaux sont mutualisés ; il y a quelques années ce pourcentage était proche de zéro. On ne peut donc pas dire que rien n'a été fait.

Nous ne connaissons pas le nombre de services civiques consacrés à des enjeux écologiques avant la création du label spécifique des services civiques écologiques.

J'ajouterai à la fierté évoquée par le sénateur Ouzoulias la fierté relative à l'organisation des jeux Paralympiques. Comme l'a souligné Tony Estanguet, c'est le samedi 7 septembre que l'on a recensé le plus grand nombre de billets vendus au Stade de France, ce qui est un bel indicateur de réussite. La part des collectivités territoriales est effectivement essentielle pour la réussite des politiques sportives nationales, au plus près du terrain, car elles financent la quasi-intégralité des équipements.

La révision prochaine des contrats de délégation passés avec les fédérations sportives sera l'occasion de reparler de leur mission de service public. Ce travail courra sur l'ensemble du premier semestre 2025, et inclura les sujets régaliens que sont la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que le respect de la laïcité. Il faudra faire aboutir sur ce dernier point la proposition de loi de Michel Savin, ne serait-ce que pour fixer un cadre uniforme pour toutes les fédérations.

Le sport universitaire est effectivement trop souvent oublié. Nos universités n'ont certes pas les mêmes moyens que les universités américaines. L'Union nationale du sport scolaire (UNSS) a cependant prouvé son utilité. Les professeurs sont très engagés, y compris bénévolement. Il faut leur donner davantage de visibilité et renforcer l'UNSS pour donner plus d'impulsion en général au sport universitaire.

Près de 94 % des enseignants pratiquant les 30 minutes d'APQ constatent une amélioration du bien-être des élèves, 91 % estiment que ce dispositif réduit la sédentarité et 82 % encouragent une pratique d'activité physique et sportive en dehors de l'école. Ils observent également des conséquences positives sur le climat de la classe et le bien-être des professeurs en classe. Nous avons donc l'ardente obligation de poursuivre ce dispositif.

La pertinence des deux heures de sport supplémentaires au collège, dispositif coûteux qui n'est pas diffusé uniformément partout, est en revanche davantage sujette à caution.

Madame Brossel, le SNU fonctionne bien, puisque ceux qui y participent en sont satisfaits ! Il faudra par ailleurs repartir du bilan qui avait été établi concernant le contrat d'engagement républicain. On ne peut passer à côté de l'obligation de rappeler nos valeurs. Je dois recevoir prochainement le milieu associatif, pour qui la remise en cause de ce contrat est un point essentiel. Si cette remise en cause advenait, un autre dispositif, coconstruit, prendrait sa suite. Le ministère dispose de 56 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour effectuer les contrôles, indispensables, relatifs à la radicalisation, au respect de la laïcité ou encore aux violences sexistes et sexuelles. Certaines associations dans lesquels de tels faits se sont déroulées n'avaient pas été contrôlées depuis 10 ans. Peut-être qu'un jour il faudra envisager certification par un organisme extérieur si nous n'arrivons pas à le faire.

Madame Martin, j'évoquerai le sujet complexe de la part fédérale perçue sur les licences avec les fédérations. Il est difficile néanmoins de faire de l'ingérence sur ces enjeux financiers. Par ailleurs, elles ont besoin de soutien pour fonctionner.

Monsieur Piednoir, la proposition de loi de Michel Savin est en accord avec la volonté du Gouvernement.

Par ailleurs, près de 68 % des 5 000 terrains de sport récemment financés ont été déployés en milieu rural. Toutefois, il faut également traiter le problème des déplacements. La mobilité en milieu rural est un enjeu essentiel pour les clubs.

Enfin, monsieur Ros, les 30 minutes d'APQ sont pertinentes, comme je l'ai souligné. En revanche, la question de la quantité de piscines en Île-de-France se pose, des difficultés pouvant se présenter notamment par rapport à leur classification environnementale. Dans de précédentes fonctions, alors membre du conseil d'administration du groupe La Poste, société à mission de service public, je me souviens d'une intervention visant à dire que la Banque postale ne devait plus financer de piscines sous prétexte qu'il s'agissait d'investissements non vertueux. Or c'est dans les piscines qu'on apprend à nager ! Pénaliser les piscines comme un investissement non vert n'aurait pas de sens. Il faut s'assurer néanmoins que ces équipements entrent dans les charges de centralité et que les frais de fonctionnement associés sont pris en compte par les DGF.

Enfin, les mondes économique et sportif ainsi que le monde de la recherche ne devront effectivement pas être oubliés dans la préparation de la loi d'héritage.

M. Laurent Lafon, président. - Merci, monsieur le ministre. Vous voyez que nos questions sont nombreuses. Nous aurons l'occasion d'échanger de nouveau durant l'examen du PLF.


* 1 En 2023, 60 % des demandes des associations ont été satisfaites, représentant 16 138 associations et 17 563 projets.

* 2 Baromètre DJEPVA.

* 3 Le volet Jeunesse d'Erasmus+ est complété par un volet Éducation, financé en dehors du programme 163, qui a permis à 139 000 jeunes d'effectuer une mobilité formelle dans l'Union européenne en 2023.

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