I. EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 20 NOVEMBRE 2024
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement scolaire. - Les crédits de la mission « enseignement scolaire » hors enseignement agricole sont en hausse de 1,6 milliard d'euros. Je suis conscient de la spécificité de cette mission : 92 % de ses crédits sont consacrés à des dépenses de personnel. Le glissement vieillesse technicité ainsi que l'augmentation du taux de contribution de l'État aux pensions expliquent une large partie de cette augmentation.
Hors enseignement agricole, et hors CAS pension, le budget est de 63 milliards d'euros. C'est une hausse de 98 millions d'euros, soit de 0,2 %. Cette augmentation est symbolique mais réelle. Nombreux de mes collègues rapporteurs budgétaires se réjouiraient d'une hausse d'un montant similaire !
Avant d'évoquer la suppression d'ETP, qui est le fait saillant de ce PLF, je souhaite vous indiquer les 3 principales mesures d'augmentation et de diminution au sein de cette mission.
Au titre des augmentations, il y a tout d'abord 82 millions d'euros pour le renouvellement des manuels de 6ème en français et en mathématiques. Cette mesure s'inscrit dans le cadre du choc des savoirs. Elle fait suite à une mesure similaire pour les manuels de CP l'année dernière.
Par ailleurs, 19 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux bourses sociales. Il s'agit de tenir compte de la revalorisation des échelons ainsi que de l'automatisation de l'attribution des bourses depuis la rentrée 2024 pour les élèves du public. Cette mesure sera étendue aux élèves du privé sous contrat en 2025.
Enfin 10 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à la part collective du pass Culture.
J'en viens maintenant aux principales diminutions - hors suppression des postes enseignants.
Le PLF 2025 acte l'extinction du fonds de soutien au développement des activités périscolaires à partir de la rentrée 2025, soit une économie de 22 millions d'euros.
Par ailleurs, l'augmentation de 30 millions d'euros en faveur de la médecine scolaire que nous avions votée l'année dernière n'est pas reconduite.
Enfin, les crédits de formation diminuent de 8 millions d'euros. Cela ne signifiera pas une diminution des formations proposées aux personnels de l'éducation nationale : en effet, les crédits de formation souffrent d'une sous-consommation chronique importante : en 2023, 63 % n'ont pas été consommés. Cette sous-utilisation doit nous interroger sur l'écart entre le discours affiché par les gouvernements successifs de renforcer la formation des enseignants et la consommation réelle des crédits. Or, nous sommes tous convaincus de la nécessité d'un renforcement de la formation initiale et continue de nos enseignants.
J'en viens maintenant à la suppression de 4 035 ETP d'enseignants sur fond de baisse démographique scolaire. Le premier degré est le niveau le plus fortement mis à contribution avec plus de 90 % des suppressions.
Comme vous le savez, les effectifs sont en forte baisse. Près de 74 000 élèves dans le premier degré en moins sont attendus entre la rentrée 2024 et la rentrée 2025. Le nombre d'élèves dans le primaire a baissé de 522 000 entre 2017 et 2024. Sur la même période, le nombre d'équivalent temps plein travaillé a augmenté de 6 100.
Il me semble important d'avoir une attention toute particulière pour les écoles rurales. Si le nombre d'élèves par classe y est légèrement plus faible que la moyenne nationale, la fermeture d'une classe dans des écoles de petite taille entraîne une forte hausse du nombre d'élèves par classe l'année suivante.
Par ailleurs, l'école est souvent le dernier service public présent dans de nombreuses communes. Prenons garde à ne pas donner l'impression d'abandonner ces territoires et leurs populations.
C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement pour revenir partiellement sur les suppressions de poste dans le premier degré.
J'en viens maintenant à l'école inclusive : le PLF pour 2025 prévoit la création de 2 000 ETP d'AESH qui s'ajoute aux fortes progressions des années précédentes. Dans le même temps, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés a progressé de 5,6 % en 2024 par rapport à la rentrée 2023.
Vous le savez, l'année dernière, nous nous étions opposés à la transformation des PIAL en PAS - les pôles d'appui à la scolarisation. Depuis la rentrée 2024, les PAS sont expérimentés dans 4 départements. S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan, des éléments seront connus en février 2025 - il nous appartiendra d'être attentifs à ces premiers retours.
Nous devrons également être vigilants au taux de couverture en matériel pédagogique, essentiel pour apporter la réponse de premier niveau souhaitée par les PAS. Or ce taux, déjà faible en 2022, s'est effondré en 2023.
Quant à l'objectif d'une couverture des besoins en matériel pédagogique fixé à 85 %, celui-ci ne cesse de reculer d'année en année. Il est désormais fixé à 2027.
Deux points appellent mon attention concernant les réformes annoncées par le Gouvernement.
Le premier concerne la mise en oeuvre des groupes de besoins. Leur déploiement pour les classes de sixième et de cinquième en mathématiques et en français a mobilisé 2 330 ETP. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé de la mise en oeuvre de cette mesure. À titre personnel, j'y suis favorable. Je conviens toutefois qu'elle a conduit à des difficultés organisationnelles pour les collèges, similaires d'ailleurs à celles que connaissent les lycées pour la mise en oeuvre des spécialités. Tous les cours de mathématiques et de français de sixième et de cinquième doivent avoir lieu en même temps afin de regrouper les élèves de plusieurs classes. Pour les établissements de petite taille, où les enseignants interviennent dans plusieurs collèges, cela implique une organisation coordonnée des emplois du temps entre les différents établissements.
La ministre vient d'annoncer l'extension partielle du dispositif aux classes de quatrième et de troisième : des groupes de besoins seront créés, à raison d'une heure par semaine, en alternant les mathématiques et le français.
Il me semble préférable de prévoir une organisation souple, à la main des principaux et des équipes pédagogiques, dans le respect des autonomies des établissements.
Mon deuxième point d'attention concerne le diplôme national du brevet. Celui-ci deviendrait obligatoire à partir de la session 2027.
Comme vous le savez, le ministère a créé des classes « prépa-seconde ». Elles ont vocation à accueillir pendant un an des élèves n'ayant pas eu leur brevet. Une de ces classes a été créée dans chaque département. 1 500 places ont été ouvertes, pour 150 ETP. Or lors de la session 2024, plus de 120 800 élèves n'ont pas eu leur brevet. Les 1500 places actuellement ouvertes seront insuffisantes. Par ailleurs, il est urgent de définir un programme et un volume horaire communs à ces classes. Aujourd'hui, ceux-ci varient dans chaque établissement en fonction des moyens et enseignants disponibles.
Je m'interroge également sur l'opportunité de rendre obligatoire l'obtention du brevet pour les élèves se destinant à la voie professionnelle. Si tel est le cas, il conviendra de prévoir une obligation similaire pour les lycéens professionnels faisant le choix de l'apprentissage. Comme ils ne relèvent plus du statut scolaire, la condition du brevet ne s'y appliquerait pas.
Ce budget est pour moi l'occasion d'évoquer un sujet majeur : il devient urgent d'anticiper le choc démographique à venir.
Comme vous le savez, le nombre de naissances est en forte diminution depuis 2010. Deux chiffres illustrent mon propos : en 2006, soit l'année de naissance de lycéens qui ont passé leur bac en 2024 et viennent de sortir du système scolaire, le nombre de naissances était de 829 000. La génération née en 2023, qui entrera en maternelle en 2026, comptabilise 678 000 naissances. Ce sont 151 000 naissances de moins en l'espace d'une génération scolaire.
Entre 2022 et 2028, 360 000 élèves en moins fréquenteront les bancs des écoles primaires. Cette baisse atteint désormais le collège. Sur cette même période, il y aura 139 000 collégiens en moins. Des collèges pourraient ainsi être amenés à fermer : pour rappel, aujourd'hui environ 345 collèges ont moins de 200 élèves.
Ce constat appelle à une réflexion sur le futur maillage territorial scolaire. Toutes les académies, à l'exception de Mayotte, sont concernées.
Il faut désormais sortir d'une construction court-termiste de la carte scolaire. Un premier pas a été fait en 2023 dans le cadre du plan France ruralités : Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé vouloir changer de méthode et donner une vision à trois ans.
Des observatoires des dynamiques rurales devaient être déployés dans chaque département. Ils ont vocation à mettre autour de la table élus locaux, préfecture et rectorat, afin de partager un constat et établir conjointement une carte scolaire pluriannuelle sur trois ans.
Or, le déploiement de ces observatoires est inégal selon les territoires. L'ensemble de ces instances doivent devenir une réalité et constituer un véritable espace de dialogue.
Par ailleurs, il me semble important d'étendre cette démarche pluriannuelle à tous les territoires, y compris urbains et périurbains. Les départements et régions doivent également être davantage associés : les collèges et lycées vont être concernés très rapidement par la baisse de leurs effectifs. En outre, les transports scolaires seront sollicités par la modification de la carte scolaire.
Enfin, faisons de la baisse démographique un levier pour une meilleure mise en réseau des établissements scolaires. Vous connaissez mon attachement pour l'école du socle. Profitons des réflexions actuelles sur les mutualisations et sur le maillage territorial pour penser le rapprochement école-collège ainsi qu'une meilleure articulation de services entre professeurs des écoles et de collèges.
L'une des missions du Pacte enseignant permet aux enseignants du premier degré de s'engager pour une mission de soutien ou d'approfondissement en mathématiques et en français en 6ème. J'y vois un premier renforcement de cette articulation qu'il faut encourager.
Chers collègues, les crédits de la mission « enseignement scolaire » sont en augmentation de plus de 1,6 milliard d'euros, dans un contexte de forte contrainte sur nos finances publiques et de baisse importante du nombre d'élèves.
Pour ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de cette mission. Au regard de la baisse démographique scolaire qui va s'accentuer ces prochaines années, nous risquons de nous retrouver face à des débats similaires lors des prochains PLF. Aussi, il me parait essentiel de penser dès à présent avec l'ensemble des acteurs concernés le maillage territorial scolaire de la prochaine décennie.
Mme Annick Billon. - Merci au rapporteur pour son travail. Avec une hausse symbolique de 98 millions d'euros, le budget de l'enseignement scolaire se maintient à 63 milliards d'euros. Je soulignerai quelques points positifs et des points de vigilance.
L'effort budgétaire est constant malgré un contexte contraint. Parmi les points positifs, je note l'accent mis sur les manuels scolaires et sur les bourses, ainsi que la création de 2 000 postes d'AESH. La revalorisation du métier d'AESH, grâce aux travaux du Sénat et notamment à la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, est une bonne nouvelle, de même que l'extension des « territoires éducatifs ruraux » et le soutien aux internats thématiques.
Toutefois, ce budget acte la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Le gouvernement invoque la baisse démographique. Mais ces suppressions risquent d'affaiblir les dynamiques éducatives locales. J'espère que nous parviendrons à les réduire de façon significative.
Par ailleurs, le métier d'AESH reste précaire, peu attractif. Les postes créés ne sont pas tous pourvus alors qu'il y a une augmentation de la demande. La prise en charge des enfants pendant la pause méridienne peine à se mettre en place en raison de contraintes organisationnelles et de lourdeurs administratives imposant des conventions tripartites.
Le Pacte enseignant demeure controversé. Certains syndicats dénoncent sa complexité et l'existence d'une pression hiérarchique. Il est plus utilisé dans l'enseignement privé sous contrat que dans les établissements publics. La formation continue des enseignants reste sous-financée et sous-utilisée. Enfin, nous partageons les remarques du rapporteur sur les expérimentations des PAS.
Ce budget est stable. Dans le contexte de recherche d'économies, le groupe UC le soutiendra, avec toutefois la volonté de revoir à la baisse le nombre de suppressions de postes. Quatre ministres de l'éducation nationale se sont succédé en un an. La stratégie est difficilement lisible alors que l'enseignement scolaire a besoin d'une vision.
Mme Catherine Belrhiti. - Il est à mon sens important de souligner que le budget de l'éducation nationale reste le principal poste de dépenses de l'État. Depuis 2017, ce poste a connu une augmentation significative de 30 %, passant de 48,8 milliards d'euros à 63 milliards d'euros. Cette hausse traduit notre volonté collective de miser sur l'enseignement qui est un investissement pour le futur. D'après les calculs du ministère, la baisse démographique, avec près de 100 000 élèves en moins, aurait justifié une réduction de 5 000 postes d'enseignants en 2025. Finalement, le projet de loi de finances prévoit la suppression de 4 000 postes, principalement dans le premier degré. Il va sans dire que nous sommes dans une situation financière sans précédent et que les efforts budgétaires doivent être partagés par tous les secteurs. Cependant les inquiétudes sont parfaitement légitimes, je les entends et je les partage.
Le budget pour l'école inclusive a doublé depuis 2017, atteignant 4,6 milliards d'euros en 2025. Cette augmentation permettra la création de 2 000 postes d'AESH, portant à 13 000 le nombre de postes créés depuis 2022. Il faut aussi saluer des augmentations de rémunérations dans certains secteurs comme l'enseignement professionnel ou encore l'augmentation d'un million d'euros en faveur des « territoires éducatifs ruraux ».
Je souhaite alerter sur l'impact des suppressions de postes sur les conditions d'enseignement. Nous savons que le personnel enseignant est déjà sous tension : quel message envoie-t-on aux futurs enseignants alors que l'attractivité de ce métier est déjà remise en cause ?
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaitais avant tout remercier notre rapporteur pour le travail et les auditions menées dans le cadre de ce rapport.
D'une année sur l'autre, nous pointons l'inadéquation de ce budget aux besoins de notre école. Un nouveau cap a été franchi. Le gouvernement nous propose un nombre de suppressions de postes inédit depuis 2012. L'éducation nationale est le principal budget mis à contribution, à hauteur de 90 %, s'agissant des coupes prévues par ce budget 2025 dans la fonction publique.
Rappelons que pour le second degré, les 181 ETP supprimés s'inscrivent à la suite de 7500 suppressions d'emplois effectuées de 2018 à 2021, alors même que les effectifs ont enregistré une hausse de 68 000 élèves sur la période.
L'éventualité de nouveaux postes créés dans le cadre de l'extension des groupes de besoins aux élèves de quatrième et troisième ne saurait être une perspective satisfaisante, étant donné notre opposition à la logique de tri des élèves qu'incarne cette politique publique qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucun bilan réel.
Exercice budgétaire après exercice budgétaire, les pertes sèches dans le second degré étaient jusqu'ici justifiées par une priorité allouée au premier degré : cette illusion s'estompe aujourd'hui, au regard des 3155 suppressions de postes prévues dans le premier degré. Nous connaissons l'argument de la baisse démographique. Ce dernier ne tient pas, dans un contexte où la France est l'un des pays de l'Union européenne dont les effectifs par classe sont les plus élevés. Dans le premier degré, en dépit des dédoublements de classes en éducation prioritaire, on compte toujours en moyenne 21,4 élèves par classe, contre 19 dans l'UE ; plus d'un quart des classes de maternelle et d'élémentaire dépassent encore les 25 élèves. Dans le second degré, les effectifs moyens par classe n'ont jamais été aussi élevés depuis 1980.
L'argument démographique ne tient pas non plus si nous sommes sincères dans notre volonté d'améliorer les conditions de travail de nos professeurs, alors que la crise d'attractivité est sans précédent : en 2024, ce sont, à nouveau, 3 000 postes qui n'ont pas été pourvus à l'issue des concours enseignants.
Sur le plan de la revalorisation salariale des professeurs, aucun nouvel effort significatif n'est prévu : avec un salaire médian de début de carrière de 30 935 euros bruts pour un enseignant du secondaire, la France reste en queue de peloton au sein des pays d'Europe de l'ouest. Nous sommes opposés à la logique du « travailler plus pour gagner plus » qu'incarne le Pacte enseignant, auquel ne peuvent souscrire des personnels qui travaillent déjà, pour plus de la moitié d'entre eux, plus de quarante-trois heures par semaine et dont le temps d'enseignement annuel est parmi les plus élevés des pays de l'UE. La mise en oeuvre du Pacte s'est accompagnée de dysfonctionnements notables. Je regrette que le gouvernement se soit borné dans son premier bilan à une approche purement quantitative et non qualitative. La surreprésentation des enseignants du privé sous contrat parmi les signataires du Pacte doit nous interroger, alors qu'un rapport de l'Assemblée nationale a alerté sur un potentiel détournement du dispositif.
Enfin, les lacunes de l'inclusion scolaire ont été pointées par un récent rapport de la Cour des comptes. Si nous saluons le recrutement de 2 000 AESH, la marche reste encore haute pour répondre à l'ensemble des notifications émises par les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH).
Les PAS, censurés par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif à l'issue du dernier projet de loi de finances, sont actuellement expérimentés dans quatre départements. Toute réorganisation profonde de l'école inclusive devra faire l'objet d'un débat parlementaire et ne saurait faire l'impasse sur une meilleure articulation avec le médico-social et une amélioration significative des conditions de travail des AESH.
Pour toutes ces raisons, le groupe SER se prononcera contre l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
M. Pierre Ouzoulias. - Merci au rapporteur qui a bien mis en évidence les points de faiblesse de ce budget. Je souhaiterais insister sur l'extrême fragilité du corps enseignant et sur sa vulnérabilité, alors que la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires est remise en cause par un nombre croissant d'élèves, dans un climat communautariste. Je regrette les attaques dont sont victimes les enseignants ces derniers mois. Nous devons les soutenir beaucoup plus fortement. Je suis peiné de la baisse de l'attractivité de ce métier. Il y a une perte de sens. Jusqu'à présent, on devenait enseignant pour défendre la connaissance, le savoir et la République. Aujourd'hui, ce métier est considéré comme un parmi d'autres, avec une forte proportion de contractuels susceptibles de partir du jour au lendemain.
Dans les Hauts-de-Seine, je constate qu'il y a beaucoup d'établissements où il manque encore des enseignants, trois mois après la rentrée. La gestion des remplacements est catastrophique. Comment faire comprendre aux élèves et aux parents qu'il faut respecter les valeurs de la République si la République n'est pas exemplaire ? Je ne peux pas comprendre que l'on puisse envisager des suppressions de postes alors que le ministère de l'éducation nationale est dans l'incapacité d'assurer les remplacements.
Sur la réforme du lycée, on accumule les incohérences. Je comprends qu'une épreuve anticipée de mathématiques pourrait être organisée en classe de première. La classe de terminale risque d'être vidée de son sens. Seul le contrôle continu comptera pour Parcoursup et encore, pour le premier trimestre seulement. Cette impasse montre l'incapacité du gouvernement à penser le continuum bac-3 à bac+3. Si le baccalauréat n'a plus d'intérêt, il faut nous dire par quel dispositif on le remplace. Au lieu de cela, on nous propose tous les ans une réforme qui ajoute de la complexité. Sur Parcoursup, la ministre Sylvie Retailleau était favorable à l'anonymisation du lycée d'origine, mais l'éducation nationale est incapable de définir une cohérence des notes en première et en terminale.
Je regrette que vous n'évoquiez pas suffisamment l'enseignement privé : combien coûte-t-il à l'État ? On parle de 8 à 15 milliards d'euros. La diminution du nombre d'enseignants est-elle appliquée à l'enseignement privé avec la même rigueur que dans l'enseignement public ?
En conclusion, le groupe CRCE-K salue le travail du rapporteur mais ne votera pas ce budget.
Mme Monique de Marco. - Merci, Monsieur le rapporteur. En quatre ans, nous avons eu six ministres de l'éducation nationale... Les crédits proposés sont stables. Mais la médecine scolaire régresse. Les formations ne correspondent pas aux attentes des enseignants. Pour rappel, le budget de l'Éducation nationale a subi une baisse de 700 millions d'euros par décret en février dernier.
Ce budget reste très largement insuffisant. Il n'y a aucune nouvelle mesure salariale, alors que c'est la question qui pèse le plus sur l'attractivité. Cette année encore, 3 000 enseignants manquaient à l'appel des concours de recrutement pour la rentrée 2024. Si l'OCDE indique que cette pénurie ne touche pas que la France, particulièrement en mathématiques et en sciences, elle pointe une solution dans la revalorisation des salaires et des allocations ainsi que dans l'amélioration des conditions de travail. Fait nouveau, une forte hausse des démissions en cours de carrière conduit à une déperdition du savoir-faire.
Surtout, ce budget est malheureusement marqué par la suppression historique de 4 000 postes d'enseignants, justifiée par l'évolution démographique, alors que le taux d'encadrement des élèves français est l'un des plus mauvais de l'OCDE.
La ministre de l'éducation nationale ne tient donc pas les promesses de sa prédécesseure, qui souhaitait sanctuariser le budget de l'éducation nationale et refuser toute suppression de postes. L'incohérence est flagrante avec le discours de Gabriel Attal, qui voulait faire de l'éducation la « mère des batailles ».
Si la création de 2 000 postes d'AESH est à saluer, elle ne permettra malheureusement pas un accompagnement satisfaisant de l'ensemble des élèves en situation de handicap, dont le nombre ne cesse d'augmenter chaque année. Le métier d'AESH est toujours extrêmement précaire. Le séparatisme scolaire demeure. Les écoles privées continuent d'être sous perfusion publique sans aucune contrepartie en termes de mixité sociale et scolaire. Le « choc des savoirs » semble être remis en cause. Le Conseil d'État tient une audience aujourd'hui au sujet des groupes de besoins. La ministre a une position prudente, s'agissant du prolongement des groupes de besoins en quatrième et en troisième. Le brevet obligatoire, la création de classes préparatoires à la seconde et l'orientation vers des filières professionnelles en fonction des résultats et non des appétences constituent un tri social indigne des jeunes dès l'âge de 16 ans.
Le Premier ministre a affirmé que l'école resterait sa priorité. Ce budget n'en est pas l'illustration. C'est pourquoi le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne le votera pas.
Mme Béatrice Gosselin. - Je souhaite également féliciter le rapporteur pour son travail. Je tiens toutefois à souligner, à la suite de l'intervention de mon collègue que le budget de l'enseignement privé sous contrat est en diminution de 1,07 %. C'est le seul budget en baisse. Par ailleurs, lors de son audition, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique nous a confirmé être favorable aux contrôles des établissements catholiques.
En ce qui concerne l'école inclusive, je me félicite de la création de nouveaux postes. Toutefois, la complexité des contrats pour la prise en charge des élèves en situation de handicap sur la pause méridienne rend le processus difficile à mettre en oeuvre. C'est un point de vigilance que nous devons avoir.
La formation doit se moderniser pour l'enseignement professionnel, notamment par un renforcement des partenariats entre les établissements et les entreprises : les élèves rencontrent de nombreuses difficultés pour trouver des stages.
Enfin, le PLF prévoit 4 035 suppressions de postes. Cela m'inquiète, notamment pour les territoires ruraux. Certes les services de l'éducation nationale nous indiquent qu'il y a une baisse démographique. Mais les chiffres qui nous sont transmis sont des moyennes. Celles-ci ne reflètent pas la réalité des territoires ni les conditions de travail des enseignants : pour pouvoir garder des postes dans une école, les classes seront surchargées dans une autre avec des doubles voire des triples niveaux.
Par ailleurs, certains de nos enseignants sont en grande difficulté : la formation initiale doit être changée. Je suis favorable à une formation à bac+3 complétée par deux ans de formation sur le terrain afin qu'ils s'approprient le métier.
Mme Colombe Brossel. - Je félicite le rapporteur pour son travail et sa présentation tout en subtilité. Nous souhaiterions pouvoir vous accompagner sur votre position ; toutefois nous ne pourrons pas voter ce budget.
Nous avons voté l'année dernière un budget qui a été ensuite détricoté avec des annonces sur le choc des savoirs postérieures à l'examen du PLF par le Parlement. Cela m'interroge sur notre rôle vis-à-vis du premier budget de la Nation. Cette année, la situation n'est pas malheureusement pas si différente.
Ce budget n'est pas construit pour le temps long : d'ailleurs il est accueilli par les personnes que nous avons auditionnées avec tristesse ou colère.
Il justifie la diminution du nombre d'enseignants par la démographie. Cet argument est utilisé uniquement lorsque cela va dans le sens du gouvernement. Je note d'ailleurs un manque de cohérence car les ETP baissent également pour l'enseignement privé sous contrat alors que ses effectifs augmentent.
Par ailleurs, lorsque l'on évoque la démographie scolaire, une donnée est systématiquement oubliée : en 2030, 320 000 enseignants seront partis à la retraite. Peut-être est-il temps que le ministère s'empare de ce sujet, à moins qu'il attende le budget 2030 pour s'en préoccuper ?
La détresse et le sentiment de dénigrement des enseignants, notamment du fait de l'absence totale de revalorisation salariale, a déjà été évoqués. J'ajoute que cela touche également les personnels administratifs, qui sont eux aussi pas assez nombreux et en souffrance.
Je ne comprends pas la baisse des fonds sociaux collégiens et lycéens. On ne peut pas dans le même temps s'inquiéter du niveau de paupérisation de certaines familles et baisser les fonds sociaux. L'année dernière, ce sont les crédits alloués aux bourses qui ont été baissés, sans aucune explication de la part du ministère ; au final, ils ont dû être réévalués a posteriori.
Enfin on ne peut pas avoir un premier ministre qui annonce comme grande cause nationale pour 2025 la santé mentale et avoir une baisse des financements au sein du premier budget de la Nation sur la médecine scolaire.
Les politiques publiques ne peuvent pas être que des annonces.
Enfin, Monsieur le rapporteur, vous nous avez annoncé un amendement pour limiter la baisse du nombre de postes dans le premier degré. Nous serons ravis de le soutenir. Toutefois, j'ai entendu la ministre dire faire confiance aux débats parlementaires pour accompagner l'étape II du choc des savoirs. Or, il me semble que votre amendement porte uniquement sur le premier degré. Il ne faudrait pas que ces ETP préservés soient au final basculés sur le second degré. Dans le cas contraire, la raison même du débat parlementaire serait remise en question.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Je souhaite remercier l'ensemble des collègues qui ont participé aux auditions.
Concernant mon amendement, j'aurai besoin de la mobilisation de l'ensemble de la commission pour le défendre en séance. À ce jour, la position du Gouvernement n'est pas tranchée. Nous avons besoin de l'unanimité pour envoyer un signal clair afin d'essayer de faire infléchir les positions actuelles. Nous montrons également notre sérieux car nous ne revenons pas sur l'intégralité des suppressions - nous prenons en compte la démographie.
Nos enseignants ont besoin du soutien de la Nation. Je crois que les propos d'un ancien Président de la République sont maladroits. Les enseignants travaillent bien plus de 24 heures par semaine - celle-ci dure plutôt 38, 40 voire 43 heures -, ils travaillent pendant leurs vacances ; par ailleurs, les années de maternelle sont fondamentales pour la suite du développement de l'enfant. Il me parait important de le souligner : nous avons besoin d'unité dans notre pays fracturé.
La question de la rémunération a été évoquée. Certes, la désaffection vis-à-vis des concours est due aux salaires, mais aussi à la déconsidération du métier.
En ce qui concerne l'inclusion scolaire, la ministre est consciente des difficultés dans la mise en oeuvre de la loi Vial. Celles-ci sont dues dans certains territoires à des pratiques d'accompagnement antérieures sur la pause méridienne qui allaient au-delà de la notification des MDPH alors que l'éducation nationale se limite strictement à celles-ci. Enfin, en cas de manque d'AESH, le ministère fait parfois des arbitrages entre accompagnement sur le temps scolaire et hors temps scolaire. La loi Vial est une première étape. Le combat n'est pas encore gagné à ce jour.
La vulnérabilité du corps enseignant est une réalité, tristement mise en lumière au moment où se déroule le procès de l'attentat contre Samuel Paty. En 2015, j'étais rapporteur de la commission d'enquête pour faire revenir la République à l'école - vous étiez plusieurs à avoir participé à ses travaux. Nous avions déjà dénoncé certaines pratiques qui sont toujours d'actualité.
J'avais été rapporteur de la loi mettant en place de Parcoursup. Celui-ci devait créer un continuum entre le bac-3 et le bac+3. Malheureusement ce n'est toujours pas le cas.
En ce qui concerne l'enseignement privé sous contrat, permettez-moi d'apporter une précision : si les effectifs de l'enseignement privé sous contrat augmentent dans certains territoires, comme à Paris, à l'échelle nationale, ils sont en diminution. Le programme 139 « enseignement privé du premier et du second degrés » diminue de 1,07 %. Ceux pour l'enseignement scolaire public - premier et second degrés - augmentent de plus de 2 %. Le projet de budget prévoit une suppression de 700 postes dans l'enseignement privé sous contrat privé, pour 12 000 élèves de moins. Dans le public, il y a 3 155 postes en moins dans le premier degré pour 74 000 élèves de moins. Comme vous le voyez, l'enseignement privé sous contrat n'est pas avantagé dans ce projet de loi de finances.
La médecine scolaire ne connait pas une baisse de crédits. Toutefois, la prime accordée l'année dernière n'a pas été reconduite cette année. Nous sommes dans un contexte budgétaire difficile. Je rappelle que le budget prévoit malgré tout 98 millions d'euros de plus.
Il est nécessaire de revoir la formation initiale des enseignants. La formation purement universitaire est parfois déconnectée du terrain. Ce rapprochement avec l'université a permis la masterisation mais désormais la pratique pédagogique doit être renforcée.
Avant de vous présenter mon amendement, j'insiste sur la nécessité d'avoir votre appui, car la partie est loin d'être gagnée. La position de notre commission sera un signal fort pour tous nos territoires.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, je vous propose de revenir partiellement sur la suppression des postes dans le premier degré public. Actuellement, la suppression de 3 155 postes est prévue. Je vous propose de réduire cette suppression de 2 000 ETP.
Le nombre d'ETP supprimés dans le premier degré public s'établirait ainsi à 1 155.
Pour respecter les règles de recevabilité financière, cet amendement doit être gagé, mais nous demanderons au gouvernement de lever le gage.
Mme Marie-Pierre Monier. - Le groupe socialiste votera cet amendement. Toutefois, il s'agit pour nous d'un amendement de repli. Nous déposerons en séance des amendements pour revenir sur l'ensemble des suppressions d'ETP.
L'amendement est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement scolaire au sein de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2025.