N° 149

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME III

Fascicule 1

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Enseignement scolaire

Par M. Jacques GROSPERRIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Virginie Lucot Avril, Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Maurice Perrion, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

AVANT-PROPOS

Avec près de 88,9 milliards d'euros, la mission « Enseignement scolaire » demeure l'une des premières missions de l'État derrière les « Remboursements et dégrèvements » et la Défense. Elle enregistre dans le projet de loi de finances pour 2025 une hausse de 1,68 milliard d'euros hors enseignement agricole par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, malgré la suppression de 4 035 équivalents temps plein (ETP) enseignants.

Si le contexte de forte baisse démographique - entre la rentrée 2024 et la rentrée 2025 le nombre d'élèves du primaire devrait baisser de 75 000 unités et celui du second degré entamer une décrue qui devrait s'accentuer dans les prochaines années - justifie mathématiquement ces suppressions, la commission s'inquiète du sort réservé aux écoles rurales dans un contexte marqué par un recul des services publics dans ces territoires. Aussi, elle a adopté un amendement visant à réduire de 2 000 le nombre d'ETP supprimés dans le premier degré public.

Par ailleurs, face au déclin constaté du nombre annuel de naissances - inférieur à 680 000 par an, loin des 830 000 naissances enregistrées en 2010 -, le rapporteur estime urgent de mettre fin à une élaboration court-termiste de la carte scolaire et penser dès à présent le maillage scolaire territorial de la prochaine décennie pour en faire le levier d'une meilleure mise en réseau des établissements scolaires.

I. UN BUDGET EN HAUSSE MÉCANIQUE DU FAIT DU GLISSEMENT VIEILLESSE-TECHNICITÉ

A. UN BUDGET EN HAUSSE SYMBOLIQUE PAR RAPPORT À L'ANNÉE DERNIÈRE

Évolution des crédits par programme entre la loi de finances initiale 2024
et le PLF 2025

Programme

Loi de finances initiale 2024 (M€)

PLF 2025
(M€)

Évolution

Pourcentage d'évolution

P. 140 : enseignement scolaire public du premier degré

26 873

27 491

+ 618 M€

+ 2,3 %

P. 141 : enseignement scolaire public du second degré

38 424

39 523

+ 1 099 M€

+ 2,8 %

P. 230 : vie de l'élève

8 129

8 143

+ 14 M€

+ 0,17 %

P. 139 : enseignement privé du premier et du second degrés

9 035

8 938

- 97 M€

- 1,07 %

P. 124 : soutien de la politique de l'éducation nationale

2 946

3 000

+ 57 M€

+ 1,93 %

Total

85 407

87 095

+ 1 688 M€

+ 1,98 %

Source : PLF 2025 - PAP enseignement scolaire

Les crédits sont en augmentation, hors enseignement agricole, de plus de 1,688 milliard d'euros.

Toutefois, spécificité de la mission « Enseignement scolaire », 92 % des crédits sont consacrés à des dépenses de personnel (titre 2). Cela induit une hausse mécanique des dépenses. Le glissement vieillesse-technicité explique ainsi une augmentation des crédits à hauteur de près de 649 millions d'euros à laquelle s'ajoute une augmentation du taux de contribution de l'État au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions.

Hors enseignement agricole1(*) et hors CAS Pensions, les crédits de cette mission s'élèvent à 63,011 milliards d'euros au PLF 2025 contre 62,913 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2024. La hausse est symbolique mais réelle : par rapport à l'année dernière, ils augmentent de 0,2 %.

B. UN BUDGET MARQUÉ PAR UNE FORTE DIMINUTION DU NOMBRE D'ETP

1. Une diminution du nombre d'ETP enseignants sur fond de baisse démographique scolaire

La mission « Enseignement scolaire » connait une suppression de 4 035 ETP d'enseignants, principalement dans le premier degré.

Évolution du nombre d'ETP et prévision d'effectifs d'élèves à la rentrée 2025
par rapport à la rentrée 2024

 

Premier degré public

Second degré public

Enseignement privé sous contrat

(premier et second degrés)

ETP supprimés dans le PLF 2025

- 3 155 ETP

- 180 ETP

- 700 ETP

Évolution des effectifs

- 74 258 élèves

- 9 300 élèves

- 12 362 élèves

Source : PAP 2025 et notes direction de l'évaluation, de la prospective
et de la performance (DEPP) n°s 24.08 et 24.09

Le ministère justifie ces suppressions de postes par la baisse démographique scolaire. Le nombre d'ETP supprimé dans le primaire public répond d'ailleurs à une logique mathématique : la DEPP prévoit une diminution de 74 258 élèves au primaire entre les rentrées 2024 et 2025, soit exactement 3 155 classes de 24 élèves.

Quant au second degré, on dénombre pour la première fois depuis plusieurs années une baisse sensible du nombre de collégiens : 7 700 élèves de moins en cette rentrée scolaire par rapport à l'année dernière.

Les établissements privés sous contrat connaissent également une baisse de leurs effectifs. Le nombre d'élèves accueillis au primaire sera le plus bas constaté depuis 2012. Quant au secondaire, la baisse cumulée des rentrées 2024 et 2025 atteindra plus de 3 000 élèves. Au total, ce sont plus de 12 300 élèves de moins qui devraient être accueillis dans les établissements privés sous contrat à la rentrée 2025.

2. La position de la commission : préserver l'école en milieu rural

À la rentrée 2023, les écoles rurales représentent 39 % des écoles françaises et accueillent 22 % des élèves.

Si le nombre d'élèves par classe y est légèrement plus faible - en moyenne 1 à 2 élèves de moins - que la moyenne nationale, la fermeture d'une classe dans des écoles de petite taille entraîne mécaniquement une forte hausse du nombre d'élèves par classe l'année suivante. Par ailleurs, elle peut également entraîner la fermeture d'écoles, dans des communes où l'éducation nationale est le dernier service public présent.

Aussi, dans un contexte marqué par un recul des services publics dans ces territoires et un sentiment de déclassement de leurs populations, la commission appelle à une vigilance particulière sur les écoles rurales. Dans ce contexte, elle a adopté un amendement visant à réduire l'ampleur des suppressions d'ETP dans le premier degré public. Celles-ci s'établiraient à 1 115 au lieu de 3 155.

Des dispositifs éducatifs en faveur des territoires ruraux

Le PLF 2025 prévoit l'extension du dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER) qui sont désormais au nombre de 201 à la rentrée 2024. À terme, l'ensemble des académies sera concerné et leur nombre devrait atteindre 300. Les TER doivent permettre une plus grande différenciation des politiques éducatives ainsi qu'une meilleure prise en compte des spécificités des territoires ruraux et éloignés dans la mise en oeuvre des politiques éducatives.

L'extension des « Cordées de la réussite » aux collèges ruraux et la volonté de revitaliser les internats en zone rurale, notamment par la mise en place de thématiques (artistique, numérique, sportif, ouverture internationale, biodiversité, sciences et métiers), participent aussi à la reconnaissance de la spécificité scolaire des territoires ruraux et visent à lutter contre l'autocensure.

La commission salue cette politique : en effet, si les élèves des territoires ruraux réussissent en moyenne mieux jusqu'à la fin du collège, « les parcours scolaires post-collège et post-baccalauréat d'une partie des jeunes résidant dans les territoires ruraux sont marqués par des écarts à la moyenne voire des difficultés, selon une ampleur comparable à ceux qui caractérisent les élèves de l'éducation prioritaire »2(*).

3. Une augmentation du nombre d'AESH dans un contexte de hausse constante du nombre d'élèves en situation de handicap

Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisé est en constante augmentation. Il a progressé de 52,4 % entre 2017 et 2024.

Les chiffres pour l'année scolaire 2024-2025 ne sont pour l'instant pas stabilisés - des notifications interviennent tout au long de l'année -, toutefois les services du ministère de l'éducation nationale estiment que 513 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, soit une progression de 5,6 % par rapport à la rentrée 2023.

Une expérimentation des pôles d'appui à la scolarisation dans 4 départements

La commission avait dénoncé lors de l'examen du PLF 2024 la volonté du gouvernement de substituer, sans concertation avec les acteurs et via un véhicule législatif limitant le débat parlementaire, les pôles d'appui à la scolarisation (PAS) aux pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

Quatre départements - l'Aisne, la Côte-d'Or, l'Eure-et-Loir et le Var - ont mis en place ces PAS à titre expérimental. 100 PAS sont en cours de déploiement sur ces territoires. Chacune de ces structures est dotée de deux temps pleins de personnels médico-sociaux et d'un enseignant déchargé à temps plein. Pour le ministère, alors que les PIAL sont une structure de gestion des moyens, les PAS ont vocation à proposer une première réponse coordonnée entre l'éducation nationale et les services de santé avant notification, ainsi qu'à aider les parents à constituer un dossier de demande auprès de la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) si le premier niveau de réponse apportée n'est pas suffisant.

Sceptique lors de la présentation de ce nouveau dispositif lors du PLF 2024, la commission sera attentive aux premiers retours sur la mise en oeuvre des PAS qui seront disponibles à partir de février 2025.

Le PLF 2025 prévoit la création de 2 000 ETP d'AESH. Celle-ci fait suite à des hausses significatives ces dernières années.

Par ailleurs, en application de la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH, ceux qui exercent pendant trois ans peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée (CDI) - au lieu de 6 ans auparavant. En juin 2024, 63 % des AESH bénéficient d'un CDI, soit trois fois plus qu'en 2022.

Une mise en oeuvre difficile de la prise en charge des AESH
sur le temps méridien par l'État

La loi d'initiative sénatoriale du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne est entrée en vigueur à la rentrée 2024. Or, de nombreuses communes rencontrent des difficultés dans la mise en oeuvre de ce dispositif. La circulaire du 24 juillet 2024, publiée quelques semaines seulement avant la rentrée scolaire, est source de nombreuses interrogations et de complexités pour les collectivités locales : elle rend nécessaire la conclusion préalable d'une convention entre l'État et la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent pour permettre l'intervention d'un accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) pendant la pause méridienne.

Source de complexité supplémentaire, les services du ministère ont indiqué au rapporteur que certains critères d'accompagnement mis en place par les communes les années précédentes allaient au-delà des recommandations des MDPH. Or, la prise en charge par l'État de l'élève se limite strictement à ces recommandations, pouvant conduire à un accompagnement moindre de l'élève par rapport à l'année précédente. D'autre part, face à la pénurie d'AESH, le ministère est contraint à des arbitrages et indique « être vigilant à ce que les élèves ne se trouvent pas dépourvus d'accompagnement sur le temps d'apprentissage au privilège du temps méridien ».

Interpellée par la commission, Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale, a reconnu l'application « très imparfaite de cette loi ». La commission appelle à sa mise en oeuvre rapide et simplifiée.

Le taux de couverture en matériel pédagogique adapté reste en revanche un point faible. La commission ne peut que constater l'effondrement du taux de couverture en 2023 : alors que les documents budgétaires avaient fixé une cible à 78 %, seuls 61,9 % des prescriptions ont été couvertes. Cette proportion est même inférieure à celle constatée en 2022 (63 %).

Quant à l'objectif d'atteindre un taux de couverture des prescriptions de 85 %, celui-ci ne cesse de reculer année après année : fixé l'année dernière à 2026, le ministère a désormais 2027 en ligne de mire. Pour atteindre cette cible, le budget pour 2025 prévoit la fourniture de 7 000 ordinateurs supplémentaires.

C. DES RÉFORMES DU SYSTÈME ÉDUCATIF SUSPENDUES AUX ARBITRAGES MINISTÉRIELS

1. Vers un élargissement des groupes de besoins en 4ème et 3ème ?

La rentrée 2024 a été marquée par la mise en place des groupes de besoins en 6ème et 5ème. Ils nécessitent 2 330 ETP, notamment par un redéploiement des heures consacrées à l'accompagnement personnalisé en 6ème et 5ème.

Les auditions réalisées par le rapporteur ont mis en lumière une unanimité des organisations syndicales contre cette mesure : « les groupes de besoins impliquent que les élèves ne fassent pas la même chose, ni au même rythme tout en devant tous arriver in fine au même endroit ».

Les représentants des chefs d'établissement ont également souligné les complexités organisationnelles engendrées par cette réforme, la comparant à celle rencontrées par les lycées au moment de la mise en place des enseignements de spécialité : afin de pouvoir former des groupes de différentes classes, les enseignements de mathématiques de 6ème et de 5ème doivent avoir lieu en même temps. Il en est de même pour les enseignements de français.

L'organisation est particulièrement complexe dans les établissements de petite taille où les enseignants de mathématiques ou de français interviennent dans plusieurs collèges : cela implique une organisation coordonnée des emplois du temps au sein du collège, mais aussi entre différents établissements scolaires.

Selon les informations transmises par la FSU3(*), les groupes de besoins se sont mis en place dans les collèges selon les modalités suivantes :

- 26 % ont créé des groupes de besoins homogènes ;

- 8 % n'ont créé aucun groupe ;

- 35 % ont créé des groupes de besoins hétérogènes

- 23 % ont créé des groupes de besoins homogènes et hétérogènes ;

- 7 % ont choisi une autre forme d'organisation.

Pour sa part, le secrétariat général de l'enseignement catholique a regretté la mise en place d'une mesure « allant à l'encontre de la révolution copernicienne annoncée par le Président de la République qui évoquait l'autonomie des établissements scolaires ».

La faisabilité technique de l'extension du dispositif à l'ensemble des niveaux de collège pose question - à moyen constant. Interrogé sur les alternatives possibles, le SNPDEN propose la mise en oeuvre de groupes sur une partie des heures hebdomadaires à la discrétion des chefs d'établissement en fonction des besoins de l'établissement.

Dans le cadre de la phase II du « choc des savoirs », Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale, a annoncé le 12 novembre dernier une extension des groupes de besoins aux classes de 4ème et de 3ème, à raison d'une heure par semaine, en alternant les mathématiques et le français.

La commission plaide pour une organisation souple à la main des principaux et des équipes pédagogiques des collèges dans le respect de l'autonomie des établissements scolaires.

2. Faire du diplôme national du brevet un sésame obligatoire pour le lycée ?

En décembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, avait annoncé dans le cadre du choc des savoirs, sa volonté de faire du diplôme national du brevet (DNB) un prérequis nécessaire pour le passage en seconde. Cette réforme devait intervenir pour la session 2025. Elle entrera finalement en vigueur à partir de la session 2027.

En lien avec cette réforme, les classes « prépa-seconde » doivent être mises en place dans chaque département. Ces classes de remise à niveau ont vocation à accueillir pendant un an des élèves n'ayant pas obtenu le DNB, avant leur entrée en seconde. Les premières classes ont été lancées dès la rentrée 2024 - une dans chaque département - sur la base d'une participation volontaire des élèves. 150 ETP y sont dédiés. De l'aveu des services du ministère, le taux d'adhésion est mitigé. Sur les 1 500 places ouvertes, on dénombre entre 1 000 et 1 300 élèves. Par ailleurs, il s'agit principalement de lycéens de la voie professionnelle ayant obtenu le brevet mais en attente de place dans la filière de leur choix.

Aux vues des notes obtenues en français et en mathématiques, les 1 500 places actuellement ouvertes risquent d'être insuffisantes en cas de généralisation du système. La création de nouvelles classes « prépa-seconde » sera alors nécessaire. Par ailleurs, il est urgent de définir un programme et un volume horaire communs à ces classes. Aujourd'hui, ceux-ci varient dans chaque établissement en fonction des moyens dont il dispose et des enseignants qui peuvent y intervenir.

Le rapporteur s'interroge sur l'opportunité de rendre obligatoire l'obtention du brevet pour les élèves se destinant à la voie professionnelle. Si tel était le cas, il serait alors nécessaire, a minima, de prévoir une obligation similaire pour les lycéens professionnels faisant le choix de l'apprentissage : comme ils ne relèvent plus du statut scolaire, ils n'y seraient pas soumis sans modification du droit.

II. UNE URGENCE : ANTICIPER LE CHOC DÉMOGRAPHIQUE À VENIR

A. UNE FORTE BAISSE DÉMOGRAPHIQUE QUI TOUCHE AUSSI BIEN LE PREMIER QUE LE SECOND DEGRÉ

Le nombre de naissances est en forte diminution en France depuis 2010. Cette chute de la natalité se traduit mécaniquement quelques années plus tard dans la démographie scolaire.

Année de naissance

Nb de naissance (milliers)

Année des 3 ans

Entrée en CP

Entrée
au collège

Entrée
au lycée

Sortie
du lycée

2006

829*

2009

2012

2017

2021

2024

2010

832,1*

2013

2016

2021

2025

2028

2014

817,4

2017

2020

2025

2029

2032

2018

757,3

2021

2024

2029

2033

2036

2023

678,3

2026

2029

2034

2038

2041

* hors Mayotte

Les effectifs sont ainsi en forte baisse dans le primaire depuis la rentrée 2016.

Longtemps épargné, le collège a connu sa première baisse d'effectifs à la rentrée 2023 (- 6 810 collégiens). Cette baisse devrait s'accélérer à partir de la rentrée 2025 et entraîner la fermeture de certains établissements de petite taille : actuellement 6,5 % des collèges - soit environ 345 - accueillent moins de 200 élèves.

Évolution des effectifs dans le premier degré
entre 2022 et 2028

Évolution des effectifs de collégiens
entre 2022 et 2028

- 359 400 écoliers

- 139 300 collégiens

 

Source : DEPP

Ce constat appelle à une réflexion sur le futur maillage territorial scolaire. En effet, toutes les académies - à l'exception de celle de Mayotte - sont concernées.

B. SORTIR D'UNE CONSTRUCTION COURT-TERMISTE DE LA CARTE SCOLAIRE, SOURCE DE CONFLITS SUR LES TERRITOIRES

1. Une procédure annuelle dénoncée à plusieurs reprises par le Sénat

L'épée de Damoclès que constituent l'élaboration annuelle de la carte scolaire et les éventuelles suppressions de classes est de nature à tendre les relations entre les élus locaux, les parents d'élèves et les services de l'État. Elle met également à mal le projet d'école si l'un des membres de l'équipe pédagogique risque tous les ans de voir son poste supprimé.

Les modalités d'élaboration de la carte scolaire résultent :

- des prévisions d'évolution d'effectifs d'élèves ;

- d'une répartition académique des moyens définis en fonction des orientations nationales (dédoublement des classes en éducation prioritaire ; ou pour le second degré : choc des savoirs et évolution de la voie professionnelle ...) ;

- d'un rééquilibrage en emplois pour prendre en compte la difficulté scolaire et l'hétérogénéité des situations sociales et territoriales des académies ;

- pour le second degré, du rapport au sein de l'académie entre l'estimation de ses besoins théoriques et de son potentiel d'enseignement en tenant compte de la diversité des parcours possibles (collèges, options et spécialités au lycée général, voie professionnelle) ;

- de critères sociaux et ruraux.

Face au déclin démographique scolaire qui s'accentue chaque année, il est urgent de penser dès à présent le maillage scolaire territorial de la prochaine décennie.

Modalité d'élaboration de la carte scolaire : une procédure basée sur le court terme

L'élaboration de la carte scolaire répond à une logique court-termiste.

Pour le premier degré, dès octobre, les directions académiques de services de l'éducation nationale doivent indiquer les prévisions d'effectifs pour la rentrée suivante. En décembre, le ministère notifie à chaque académie le nombre de postes dont elle disposera à la rentrée suivante. Chaque rectorat répartit alors les postes entre les départements. Il appartient au directeur des services départementaux de l'éducation nationale de procéder à une répartition intra-départementale. Celle-ci est présentée en comité technique paritaire académique puis en comité technique paritaire départemental. Les maires sont ensuite consultés sur les mesures qui concernent leurs communes. En février, le conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN), composé du préfet, du président du conseil départemental, d'élus, des représentants des personnels, des parents d'élèves et des associations se réunit pour donner un avis sur le projet de carte scolaire. Mi-mai, une fois les inscriptions pour la rentrée prochaine closes, les directeurs d'école transmettent les effectifs définitifs. Un nouveau CDEN se tient début juin pour procéder à des ajustements à la suite de la transmission des effectifs définitifs. Enfin, il est procédé en septembre aux derniers ajustements au regard des effectifs constatés le jour de la rentrée. Un mois plus tard, le processus se réenclenche pour la rentrée suivante.

Pour le second degré, la procédure et le calendrier sont similaires, à une exception : les chefs d'établissement ne sont pas informés du nombre de postes d'enseignants dont ils disposent mais d'une dotation globale horaire qu'ils répartissent entre les différentes disciplines. Cette proposition doit être présentée à la commission permanente et au conseil d'administration de leur établissement fin janvier/début février. Elle est ensuite transmise au directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) - le CDEN est également consulté en février. Les propositions de créations, suppressions, transformations d'emplois sont soumises au comité technique paritaire départemental fin mars.

2. Une première réflexion sur la pluriannualité de la carte scolaire à poursuivre

À l'occasion de la présentation du plan France Ruralités en juin 2023, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé sa volonté de « changer de méthode » pour les territoires ruraux afin de « donner une vision à trois ans des fermetures de classes ». Dans ce cadre, des observatoires des dynamiques rurales devaient être créés dans chaque département. Ceux-ci ont vocation à réunir autour de la table les élus locaux et les services préfectoraux et académiques pour « partager un constat existant et des paramètres à prendre en compte pour l'élaboration de la carte scolaire ; favoriser la cohérence des politiques publiques en termes d'aménagement du territoire éducatif ; établir avec les élus une vision prospective d'évolution de la carte scolaire sur trois ans ».

Or, de l'aveu de Nicole Belloubet, alors ministre de l'éducation nationale, devant le Sénat en avril 2024, soit près d'un an après l'annonce de leurs mises en place, leurs déploiements demeurent inégaux et ce dispositif est loin d'être généralisé dans chaque département. Pour la commission, il est urgent que ces instances soient effectivement mises en place dans tous les départements concernés et deviennent un véritable espace de dialogue.

Le rapporteur juge opportun de ne pas limiter cette démarche pluriannuelle aux seuls territoires ruraux. En effet, tous les territoires - à de rares exceptions - perdent des élèves à court et moyen termes. Par ailleurs, il estime nécessaire d'y associer les départements et les régions, tant en raison de leurs compétences scolaires (les collèges et lycées vont également être confrontés très rapidement à une baisse de leurs effectifs) que de celles des transports scolaires.

3. Faire de la baisse démographique un levier pour une meilleure mise en réseau des établissements scolaires

Favorable depuis de nombreuses années à l'école du socle, le rapporteur a pris connaissance avec attention des récentes déclarations de Bernard Beignier, recteur de l'académie de Paris, à l'occasion de la rentrée 2024. Celui-ci indique réfléchir au « développement de cités scolaires » face à la baisse du nombre d'élèves. Elles permettent un rapprochement école-collège ou encore une meilleure articulation de services entre professeurs des écoles et de collèges afin de faciliter la transition des élèves de CM1 et CM2 vers le collège.

De telles mesures permettraient de concrétiser la réalité d'un cycle 3 à cheval entre le primaire et la sixième. Dans ce domaine, le pacte enseignant a permis un premier renforcement de cette articulation : les enseignants du premier degré peuvent s'engager pour une mission de soutien ou d'approfondissement en mathématiques ou en français en 6ème (volume de 18 heures).

Pour l'année scolaire 2023-2024, cette mission représentait 5 % des thématiques des missions choisies (« briques ») dans le cadre du Pacte enseignant. Elle représente en moyenne 20 heures par an par collège privé et 84 heures par an pour les collèges de l'enseignement public.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 20 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2025.

I. EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2024

___________

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement scolaire. - Les crédits de la mission « enseignement scolaire » hors enseignement agricole sont en hausse de 1,6 milliard d'euros. Je suis conscient de la spécificité de cette mission : 92 % de ses crédits sont consacrés à des dépenses de personnel. Le glissement vieillesse technicité ainsi que l'augmentation du taux de contribution de l'État aux pensions expliquent une large partie de cette augmentation.

Hors enseignement agricole, et hors CAS pension, le budget est de 63 milliards d'euros. C'est une hausse de 98 millions d'euros, soit de 0,2 %. Cette augmentation est symbolique mais réelle. Nombreux de mes collègues rapporteurs budgétaires se réjouiraient d'une hausse d'un montant similaire !

Avant d'évoquer la suppression d'ETP, qui est le fait saillant de ce PLF, je souhaite vous indiquer les 3 principales mesures d'augmentation et de diminution au sein de cette mission.

Au titre des augmentations, il y a tout d'abord 82 millions d'euros pour le renouvellement des manuels de 6ème en français et en mathématiques. Cette mesure s'inscrit dans le cadre du choc des savoirs. Elle fait suite à une mesure similaire pour les manuels de CP l'année dernière.

Par ailleurs, 19 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux bourses sociales. Il s'agit de tenir compte de la revalorisation des échelons ainsi que de l'automatisation de l'attribution des bourses depuis la rentrée 2024 pour les élèves du public. Cette mesure sera étendue aux élèves du privé sous contrat en 2025.

Enfin 10 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à la part collective du pass Culture.

J'en viens maintenant aux principales diminutions - hors suppression des postes enseignants.

Le PLF 2025 acte l'extinction du fonds de soutien au développement des activités périscolaires à partir de la rentrée 2025, soit une économie de 22 millions d'euros.

Par ailleurs, l'augmentation de 30 millions d'euros en faveur de la médecine scolaire que nous avions votée l'année dernière n'est pas reconduite.

Enfin, les crédits de formation diminuent de 8 millions d'euros. Cela ne signifiera pas une diminution des formations proposées aux personnels de l'éducation nationale : en effet, les crédits de formation souffrent d'une sous-consommation chronique importante : en 2023, 63 % n'ont pas été consommés. Cette sous-utilisation doit nous interroger sur l'écart entre le discours affiché par les gouvernements successifs de renforcer la formation des enseignants et la consommation réelle des crédits. Or, nous sommes tous convaincus de la nécessité d'un renforcement de la formation initiale et continue de nos enseignants.

J'en viens maintenant à la suppression de 4 035 ETP d'enseignants sur fond de baisse démographique scolaire. Le premier degré est le niveau le plus fortement mis à contribution avec plus de 90 % des suppressions.

Comme vous le savez, les effectifs sont en forte baisse. Près de 74 000 élèves dans le premier degré en moins sont attendus entre la rentrée 2024 et la rentrée 2025. Le nombre d'élèves dans le primaire a baissé de 522 000 entre 2017 et 2024. Sur la même période, le nombre d'équivalent temps plein travaillé a augmenté de 6 100.

Il me semble important d'avoir une attention toute particulière pour les écoles rurales. Si le nombre d'élèves par classe y est légèrement plus faible que la moyenne nationale, la fermeture d'une classe dans des écoles de petite taille entraîne une forte hausse du nombre d'élèves par classe l'année suivante.

Par ailleurs, l'école est souvent le dernier service public présent dans de nombreuses communes. Prenons garde à ne pas donner l'impression d'abandonner ces territoires et leurs populations.

C'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement pour revenir partiellement sur les suppressions de poste dans le premier degré.

J'en viens maintenant à l'école inclusive : le PLF pour 2025 prévoit la création de 2 000 ETP d'AESH qui s'ajoute aux fortes progressions des années précédentes. Dans le même temps, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés a progressé de 5,6 % en 2024 par rapport à la rentrée 2023.

Vous le savez, l'année dernière, nous nous étions opposés à la transformation des PIAL en PAS - les pôles d'appui à la scolarisation. Depuis la rentrée 2024, les PAS sont expérimentés dans 4 départements. S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan, des éléments seront connus en février 2025 - il nous appartiendra d'être attentifs à ces premiers retours.

Nous devrons également être vigilants au taux de couverture en matériel pédagogique, essentiel pour apporter la réponse de premier niveau souhaitée par les PAS. Or ce taux, déjà faible en 2022, s'est effondré en 2023.

Quant à l'objectif d'une couverture des besoins en matériel pédagogique fixé à 85 %, celui-ci ne cesse de reculer d'année en année. Il est désormais fixé à 2027.

Deux points appellent mon attention concernant les réformes annoncées par le Gouvernement.

Le premier concerne la mise en oeuvre des groupes de besoins. Leur déploiement pour les classes de sixième et de cinquième en mathématiques et en français a mobilisé 2 330 ETP. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé de la mise en oeuvre de cette mesure. À titre personnel, j'y suis favorable. Je conviens toutefois qu'elle a conduit à des difficultés organisationnelles pour les collèges, similaires d'ailleurs à celles que connaissent les lycées pour la mise en oeuvre des spécialités. Tous les cours de mathématiques et de français de sixième et de cinquième doivent avoir lieu en même temps afin de regrouper les élèves de plusieurs classes. Pour les établissements de petite taille, où les enseignants interviennent dans plusieurs collèges, cela implique une organisation coordonnée des emplois du temps entre les différents établissements.

La ministre vient d'annoncer l'extension partielle du dispositif aux classes de quatrième et de troisième : des groupes de besoins seront créés, à raison d'une heure par semaine, en alternant les mathématiques et le français.

Il me semble préférable de prévoir une organisation souple, à la main des principaux et des équipes pédagogiques, dans le respect des autonomies des établissements.

Mon deuxième point d'attention concerne le diplôme national du brevet. Celui-ci deviendrait obligatoire à partir de la session 2027.

Comme vous le savez, le ministère a créé des classes « prépa-seconde ». Elles ont vocation à accueillir pendant un an des élèves n'ayant pas eu leur brevet. Une de ces classes a été créée dans chaque département. 1 500 places ont été ouvertes, pour 150 ETP. Or lors de la session 2024, plus de 120 800 élèves n'ont pas eu leur brevet. Les 1500 places actuellement ouvertes seront insuffisantes. Par ailleurs, il est urgent de définir un programme et un volume horaire communs à ces classes. Aujourd'hui, ceux-ci varient dans chaque établissement en fonction des moyens et enseignants disponibles.

Je m'interroge également sur l'opportunité de rendre obligatoire l'obtention du brevet pour les élèves se destinant à la voie professionnelle. Si tel est le cas, il conviendra de prévoir une obligation similaire pour les lycéens professionnels faisant le choix de l'apprentissage. Comme ils ne relèvent plus du statut scolaire, la condition du brevet ne s'y appliquerait pas.

Ce budget est pour moi l'occasion d'évoquer un sujet majeur : il devient urgent d'anticiper le choc démographique à venir.

Comme vous le savez, le nombre de naissances est en forte diminution depuis 2010. Deux chiffres illustrent mon propos : en 2006, soit l'année de naissance de lycéens qui ont passé leur bac en 2024 et viennent de sortir du système scolaire, le nombre de naissances était de 829 000. La génération née en 2023, qui entrera en maternelle en 2026, comptabilise 678 000 naissances. Ce sont 151 000 naissances de moins en l'espace d'une génération scolaire.

Entre 2022 et 2028, 360 000 élèves en moins fréquenteront les bancs des écoles primaires. Cette baisse atteint désormais le collège. Sur cette même période, il y aura 139 000 collégiens en moins. Des collèges pourraient ainsi être amenés à fermer : pour rappel, aujourd'hui environ 345 collèges ont moins de 200 élèves.

Ce constat appelle à une réflexion sur le futur maillage territorial scolaire. Toutes les académies, à l'exception de Mayotte, sont concernées.

Il faut désormais sortir d'une construction court-termiste de la carte scolaire. Un premier pas a été fait en 2023 dans le cadre du plan France ruralités : Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé vouloir changer de méthode et donner une vision à trois ans.

Des observatoires des dynamiques rurales devaient être déployés dans chaque département. Ils ont vocation à mettre autour de la table élus locaux, préfecture et rectorat, afin de partager un constat et établir conjointement une carte scolaire pluriannuelle sur trois ans.

Or, le déploiement de ces observatoires est inégal selon les territoires. L'ensemble de ces instances doivent devenir une réalité et constituer un véritable espace de dialogue.

Par ailleurs, il me semble important d'étendre cette démarche pluriannuelle à tous les territoires, y compris urbains et périurbains. Les départements et régions doivent également être davantage associés : les collèges et lycées vont être concernés très rapidement par la baisse de leurs effectifs. En outre, les transports scolaires seront sollicités par la modification de la carte scolaire.

Enfin, faisons de la baisse démographique un levier pour une meilleure mise en réseau des établissements scolaires. Vous connaissez mon attachement pour l'école du socle. Profitons des réflexions actuelles sur les mutualisations et sur le maillage territorial pour penser le rapprochement école-collège ainsi qu'une meilleure articulation de services entre professeurs des écoles et de collèges.

L'une des missions du Pacte enseignant permet aux enseignants du premier degré de s'engager pour une mission de soutien ou d'approfondissement en mathématiques et en français en 6ème. J'y vois un premier renforcement de cette articulation qu'il faut encourager.

Chers collègues, les crédits de la mission « enseignement scolaire » sont en augmentation de plus de 1,6 milliard d'euros, dans un contexte de forte contrainte sur nos finances publiques et de baisse importante du nombre d'élèves.

Pour ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de cette mission. Au regard de la baisse démographique scolaire qui va s'accentuer ces prochaines années, nous risquons de nous retrouver face à des débats similaires lors des prochains PLF. Aussi, il me parait essentiel de penser dès à présent avec l'ensemble des acteurs concernés le maillage territorial scolaire de la prochaine décennie.

Mme Annick Billon. - Merci au rapporteur pour son travail. Avec une hausse symbolique de 98 millions d'euros, le budget de l'enseignement scolaire se maintient à 63 milliards d'euros. Je soulignerai quelques points positifs et des points de vigilance.

L'effort budgétaire est constant malgré un contexte contraint. Parmi les points positifs, je note l'accent mis sur les manuels scolaires et sur les bourses, ainsi que la création de 2 000 postes d'AESH. La revalorisation du métier d'AESH, grâce aux travaux du Sénat et notamment à la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, est une bonne nouvelle, de même que l'extension des « territoires éducatifs ruraux » et le soutien aux internats thématiques.

Toutefois, ce budget acte la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Le gouvernement invoque la baisse démographique. Mais ces suppressions risquent d'affaiblir les dynamiques éducatives locales. J'espère que nous parviendrons à les réduire de façon significative.

Par ailleurs, le métier d'AESH reste précaire, peu attractif. Les postes créés ne sont pas tous pourvus alors qu'il y a une augmentation de la demande. La prise en charge des enfants pendant la pause méridienne peine à se mettre en place en raison de contraintes organisationnelles et de lourdeurs administratives imposant des conventions tripartites.

Le Pacte enseignant demeure controversé. Certains syndicats dénoncent sa complexité et l'existence d'une pression hiérarchique. Il est plus utilisé dans l'enseignement privé sous contrat que dans les établissements publics. La formation continue des enseignants reste sous-financée et sous-utilisée. Enfin, nous partageons les remarques du rapporteur sur les expérimentations des PAS.

Ce budget est stable. Dans le contexte de recherche d'économies, le groupe UC le soutiendra, avec toutefois la volonté de revoir à la baisse le nombre de suppressions de postes. Quatre ministres de l'éducation nationale se sont succédé en un an. La stratégie est difficilement lisible alors que l'enseignement scolaire a besoin d'une vision.

Mme Catherine Belrhiti. - Il est à mon sens important de souligner que le budget de l'éducation nationale reste le principal poste de dépenses de l'État. Depuis 2017, ce poste a connu une augmentation significative de 30 %, passant de 48,8 milliards d'euros à 63 milliards d'euros. Cette hausse traduit notre volonté collective de miser sur l'enseignement qui est un investissement pour le futur. D'après les calculs du ministère, la baisse démographique, avec près de 100 000 élèves en moins, aurait justifié une réduction de 5 000 postes d'enseignants en 2025. Finalement, le projet de loi de finances prévoit la suppression de 4 000 postes, principalement dans le premier degré. Il va sans dire que nous sommes dans une situation financière sans précédent et que les efforts budgétaires doivent être partagés par tous les secteurs. Cependant les inquiétudes sont parfaitement légitimes, je les entends et je les partage.

Le budget pour l'école inclusive a doublé depuis 2017, atteignant 4,6 milliards d'euros en 2025. Cette augmentation permettra la création de 2 000 postes d'AESH, portant à 13 000 le nombre de postes créés depuis 2022. Il faut aussi saluer des augmentations de rémunérations dans certains secteurs comme l'enseignement professionnel ou encore l'augmentation d'un million d'euros en faveur des « territoires éducatifs ruraux ».

Je souhaite alerter sur l'impact des suppressions de postes sur les conditions d'enseignement. Nous savons que le personnel enseignant est déjà sous tension : quel message envoie-t-on aux futurs enseignants alors que l'attractivité de ce métier est déjà remise en cause ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaitais avant tout remercier notre rapporteur pour le travail et les auditions menées dans le cadre de ce rapport.

D'une année sur l'autre, nous pointons l'inadéquation de ce budget aux besoins de notre école. Un nouveau cap a été franchi. Le gouvernement nous propose un nombre de suppressions de postes inédit depuis 2012. L'éducation nationale est le principal budget mis à contribution, à hauteur de 90 %, s'agissant des coupes prévues par ce budget 2025 dans la fonction publique.

Rappelons que pour le second degré, les 181 ETP supprimés s'inscrivent à la suite de 7500 suppressions d'emplois effectuées de 2018 à 2021, alors même que les effectifs ont enregistré une hausse de 68 000 élèves sur la période.

L'éventualité de nouveaux postes créés dans le cadre de l'extension des groupes de besoins aux élèves de quatrième et troisième ne saurait être une perspective satisfaisante, étant donné notre opposition à la logique de tri des élèves qu'incarne cette politique publique qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucun bilan réel.

Exercice budgétaire après exercice budgétaire, les pertes sèches dans le second degré étaient jusqu'ici justifiées par une priorité allouée au premier degré : cette illusion s'estompe aujourd'hui, au regard des 3155 suppressions de postes prévues dans le premier degré. Nous connaissons l'argument de la baisse démographique. Ce dernier ne tient pas, dans un contexte où la France est l'un des pays de l'Union européenne dont les effectifs par classe sont les plus élevés. Dans le premier degré, en dépit des dédoublements de classes en éducation prioritaire, on compte toujours en moyenne 21,4 élèves par classe, contre 19 dans l'UE ; plus d'un quart des classes de maternelle et d'élémentaire dépassent encore les 25 élèves. Dans le second degré, les effectifs moyens par classe n'ont jamais été aussi élevés depuis 1980.

L'argument démographique ne tient pas non plus si nous sommes sincères dans notre volonté d'améliorer les conditions de travail de nos professeurs, alors que la crise d'attractivité est sans précédent : en 2024, ce sont, à nouveau, 3 000 postes qui n'ont pas été pourvus à l'issue des concours enseignants.

Sur le plan de la revalorisation salariale des professeurs, aucun nouvel effort significatif n'est prévu : avec un salaire médian de début de carrière de 30 935 euros bruts pour un enseignant du secondaire, la France reste en queue de peloton au sein des pays d'Europe de l'ouest. Nous sommes opposés à la logique du « travailler plus pour gagner plus » qu'incarne le Pacte enseignant, auquel ne peuvent souscrire des personnels qui travaillent déjà, pour plus de la moitié d'entre eux, plus de quarante-trois heures par semaine et dont le temps d'enseignement annuel est parmi les plus élevés des pays de l'UE. La mise en oeuvre du Pacte s'est accompagnée de dysfonctionnements notables. Je regrette que le gouvernement se soit borné dans son premier bilan à une approche purement quantitative et non qualitative. La surreprésentation des enseignants du privé sous contrat parmi les signataires du Pacte doit nous interroger, alors qu'un rapport de l'Assemblée nationale a alerté sur un potentiel détournement du dispositif.

Enfin, les lacunes de l'inclusion scolaire ont été pointées par un récent rapport de la Cour des comptes. Si nous saluons le recrutement de 2 000 AESH, la marche reste encore haute pour répondre à l'ensemble des notifications émises par les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH).

Les PAS, censurés par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif à l'issue du dernier projet de loi de finances, sont actuellement expérimentés dans quatre départements. Toute réorganisation profonde de l'école inclusive devra faire l'objet d'un débat parlementaire et ne saurait faire l'impasse sur une meilleure articulation avec le médico-social et une amélioration significative des conditions de travail des AESH.

Pour toutes ces raisons, le groupe SER se prononcera contre l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Pierre Ouzoulias. - Merci au rapporteur qui a bien mis en évidence les points de faiblesse de ce budget. Je souhaiterais insister sur l'extrême fragilité du corps enseignant et sur sa vulnérabilité, alors que la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires est remise en cause par un nombre croissant d'élèves, dans un climat communautariste. Je regrette les attaques dont sont victimes les enseignants ces derniers mois. Nous devons les soutenir beaucoup plus fortement. Je suis peiné de la baisse de l'attractivité de ce métier. Il y a une perte de sens. Jusqu'à présent, on devenait enseignant pour défendre la connaissance, le savoir et la République. Aujourd'hui, ce métier est considéré comme un parmi d'autres, avec une forte proportion de contractuels susceptibles de partir du jour au lendemain.

Dans les Hauts-de-Seine, je constate qu'il y a beaucoup d'établissements où il manque encore des enseignants, trois mois après la rentrée. La gestion des remplacements est catastrophique. Comment faire comprendre aux élèves et aux parents qu'il faut respecter les valeurs de la République si la République n'est pas exemplaire ? Je ne peux pas comprendre que l'on puisse envisager des suppressions de postes alors que le ministère de l'éducation nationale est dans l'incapacité d'assurer les remplacements.

Sur la réforme du lycée, on accumule les incohérences. Je comprends qu'une épreuve anticipée de mathématiques pourrait être organisée en classe de première. La classe de terminale risque d'être vidée de son sens. Seul le contrôle continu comptera pour Parcoursup et encore, pour le premier trimestre seulement. Cette impasse montre l'incapacité du gouvernement à penser le continuum bac-3 à bac+3. Si le baccalauréat n'a plus d'intérêt, il faut nous dire par quel dispositif on le remplace. Au lieu de cela, on nous propose tous les ans une réforme qui ajoute de la complexité. Sur Parcoursup, la ministre Sylvie Retailleau était favorable à l'anonymisation du lycée d'origine, mais l'éducation nationale est incapable de définir une cohérence des notes en première et en terminale.

Je regrette que vous n'évoquiez pas suffisamment l'enseignement privé : combien coûte-t-il à l'État ? On parle de 8 à 15 milliards d'euros. La diminution du nombre d'enseignants est-elle appliquée à l'enseignement privé avec la même rigueur que dans l'enseignement public ?

En conclusion, le groupe CRCE-K salue le travail du rapporteur mais ne votera pas ce budget.

Mme Monique de Marco. - Merci, Monsieur le rapporteur. En quatre ans, nous avons eu six ministres de l'éducation nationale... Les crédits proposés sont stables. Mais la médecine scolaire régresse. Les formations ne correspondent pas aux attentes des enseignants. Pour rappel, le budget de l'Éducation nationale a subi une baisse de 700 millions d'euros par décret en février dernier.

Ce budget reste très largement insuffisant. Il n'y a aucune nouvelle mesure salariale, alors que c'est la question qui pèse le plus sur l'attractivité. Cette année encore, 3 000 enseignants manquaient à l'appel des concours de recrutement pour la rentrée 2024. Si l'OCDE indique que cette pénurie ne touche pas que la France, particulièrement en mathématiques et en sciences, elle pointe une solution dans la revalorisation des salaires et des allocations ainsi que dans l'amélioration des conditions de travail. Fait nouveau, une forte hausse des démissions en cours de carrière conduit à une déperdition du savoir-faire.

Surtout, ce budget est malheureusement marqué par la suppression historique de 4 000 postes d'enseignants, justifiée par l'évolution démographique, alors que le taux d'encadrement des élèves français est l'un des plus mauvais de l'OCDE.

La ministre de l'éducation nationale ne tient donc pas les promesses de sa prédécesseure, qui souhaitait sanctuariser le budget de l'éducation nationale et refuser toute suppression de postes. L'incohérence est flagrante avec le discours de Gabriel Attal, qui voulait faire de l'éducation la « mère des batailles ».

Si la création de 2 000 postes d'AESH est à saluer, elle ne permettra malheureusement pas un accompagnement satisfaisant de l'ensemble des élèves en situation de handicap, dont le nombre ne cesse d'augmenter chaque année. Le métier d'AESH est toujours extrêmement précaire. Le séparatisme scolaire demeure. Les écoles privées continuent d'être sous perfusion publique sans aucune contrepartie en termes de mixité sociale et scolaire. Le « choc des savoirs » semble être remis en cause. Le Conseil d'État tient une audience aujourd'hui au sujet des groupes de besoins. La ministre a une position prudente, s'agissant du prolongement des groupes de besoins en quatrième et en troisième. Le brevet obligatoire, la création de classes préparatoires à la seconde et l'orientation vers des filières professionnelles en fonction des résultats et non des appétences constituent un tri social indigne des jeunes dès l'âge de 16 ans.

Le Premier ministre a affirmé que l'école resterait sa priorité. Ce budget n'en est pas l'illustration. C'est pourquoi le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne le votera pas.

Mme Béatrice Gosselin. - Je souhaite également féliciter le rapporteur pour son travail. Je tiens toutefois à souligner, à la suite de l'intervention de mon collègue que le budget de l'enseignement privé sous contrat est en diminution de 1,07 %. C'est le seul budget en baisse. Par ailleurs, lors de son audition, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique nous a confirmé être favorable aux contrôles des établissements catholiques.

En ce qui concerne l'école inclusive, je me félicite de la création de nouveaux postes. Toutefois, la complexité des contrats pour la prise en charge des élèves en situation de handicap sur la pause méridienne rend le processus difficile à mettre en oeuvre. C'est un point de vigilance que nous devons avoir.

La formation doit se moderniser pour l'enseignement professionnel, notamment par un renforcement des partenariats entre les établissements et les entreprises : les élèves rencontrent de nombreuses difficultés pour trouver des stages.

Enfin, le PLF prévoit 4 035 suppressions de postes. Cela m'inquiète, notamment pour les territoires ruraux. Certes les services de l'éducation nationale nous indiquent qu'il y a une baisse démographique. Mais les chiffres qui nous sont transmis sont des moyennes. Celles-ci ne reflètent pas la réalité des territoires ni les conditions de travail des enseignants : pour pouvoir garder des postes dans une école, les classes seront surchargées dans une autre avec des doubles voire des triples niveaux.

Par ailleurs, certains de nos enseignants sont en grande difficulté : la formation initiale doit être changée. Je suis favorable à une formation à bac+3 complétée par deux ans de formation sur le terrain afin qu'ils s'approprient le métier.

Mme Colombe Brossel. - Je félicite le rapporteur pour son travail et sa présentation tout en subtilité. Nous souhaiterions pouvoir vous accompagner sur votre position ; toutefois nous ne pourrons pas voter ce budget.

Nous avons voté l'année dernière un budget qui a été ensuite détricoté avec des annonces sur le choc des savoirs postérieures à l'examen du PLF par le Parlement. Cela m'interroge sur notre rôle vis-à-vis du premier budget de la Nation. Cette année, la situation n'est pas malheureusement pas si différente.

Ce budget n'est pas construit pour le temps long : d'ailleurs il est accueilli par les personnes que nous avons auditionnées avec tristesse ou colère.

Il justifie la diminution du nombre d'enseignants par la démographie. Cet argument est utilisé uniquement lorsque cela va dans le sens du gouvernement. Je note d'ailleurs un manque de cohérence car les ETP baissent également pour l'enseignement privé sous contrat alors que ses effectifs augmentent.

Par ailleurs, lorsque l'on évoque la démographie scolaire, une donnée est systématiquement oubliée : en 2030, 320 000 enseignants seront partis à la retraite. Peut-être est-il temps que le ministère s'empare de ce sujet, à moins qu'il attende le budget 2030 pour s'en préoccuper ?

La détresse et le sentiment de dénigrement des enseignants, notamment du fait de l'absence totale de revalorisation salariale, a déjà été évoqués. J'ajoute que cela touche également les personnels administratifs, qui sont eux aussi pas assez nombreux et en souffrance.

Je ne comprends pas la baisse des fonds sociaux collégiens et lycéens. On ne peut pas dans le même temps s'inquiéter du niveau de paupérisation de certaines familles et baisser les fonds sociaux. L'année dernière, ce sont les crédits alloués aux bourses qui ont été baissés, sans aucune explication de la part du ministère ; au final, ils ont dû être réévalués a posteriori.

Enfin on ne peut pas avoir un premier ministre qui annonce comme grande cause nationale pour 2025 la santé mentale et avoir une baisse des financements au sein du premier budget de la Nation sur la médecine scolaire.

Les politiques publiques ne peuvent pas être que des annonces.

Enfin, Monsieur le rapporteur, vous nous avez annoncé un amendement pour limiter la baisse du nombre de postes dans le premier degré. Nous serons ravis de le soutenir. Toutefois, j'ai entendu la ministre dire faire confiance aux débats parlementaires pour accompagner l'étape II du choc des savoirs. Or, il me semble que votre amendement porte uniquement sur le premier degré. Il ne faudrait pas que ces ETP préservés soient au final basculés sur le second degré. Dans le cas contraire, la raison même du débat parlementaire serait remise en question.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Je souhaite remercier l'ensemble des collègues qui ont participé aux auditions.

Concernant mon amendement, j'aurai besoin de la mobilisation de l'ensemble de la commission pour le défendre en séance. À ce jour, la position du Gouvernement n'est pas tranchée. Nous avons besoin de l'unanimité pour envoyer un signal clair afin d'essayer de faire infléchir les positions actuelles. Nous montrons également notre sérieux car nous ne revenons pas sur l'intégralité des suppressions - nous prenons en compte la démographie.

Nos enseignants ont besoin du soutien de la Nation. Je crois que les propos d'un ancien Président de la République sont maladroits. Les enseignants travaillent bien plus de 24 heures par semaine - celle-ci dure plutôt 38, 40 voire 43 heures -, ils travaillent pendant leurs vacances ; par ailleurs, les années de maternelle sont fondamentales pour la suite du développement de l'enfant. Il me parait important de le souligner : nous avons besoin d'unité dans notre pays fracturé.

La question de la rémunération a été évoquée. Certes, la désaffection vis-à-vis des concours est due aux salaires, mais aussi à la déconsidération du métier.

En ce qui concerne l'inclusion scolaire, la ministre est consciente des difficultés dans la mise en oeuvre de la loi Vial. Celles-ci sont dues dans certains territoires à des pratiques d'accompagnement antérieures sur la pause méridienne qui allaient au-delà de la notification des MDPH alors que l'éducation nationale se limite strictement à celles-ci. Enfin, en cas de manque d'AESH, le ministère fait parfois des arbitrages entre accompagnement sur le temps scolaire et hors temps scolaire. La loi Vial est une première étape. Le combat n'est pas encore gagné à ce jour.

La vulnérabilité du corps enseignant est une réalité, tristement mise en lumière au moment où se déroule le procès de l'attentat contre Samuel Paty. En 2015, j'étais rapporteur de la commission d'enquête pour faire revenir la République à l'école - vous étiez plusieurs à avoir participé à ses travaux. Nous avions déjà dénoncé certaines pratiques qui sont toujours d'actualité.

J'avais été rapporteur de la loi mettant en place de Parcoursup. Celui-ci devait créer un continuum entre le bac-3 et le bac+3. Malheureusement ce n'est toujours pas le cas.

En ce qui concerne l'enseignement privé sous contrat, permettez-moi d'apporter une précision : si les effectifs de l'enseignement privé sous contrat augmentent dans certains territoires, comme à Paris, à l'échelle nationale, ils sont en diminution. Le programme 139 « enseignement privé du premier et du second degrés » diminue de 1,07 %. Ceux pour l'enseignement scolaire public - premier et second degrés - augmentent de plus de 2 %. Le projet de budget prévoit une suppression de 700 postes dans l'enseignement privé sous contrat privé, pour 12 000 élèves de moins. Dans le public, il y a 3 155 postes en moins dans le premier degré pour 74 000 élèves de moins. Comme vous le voyez, l'enseignement privé sous contrat n'est pas avantagé dans ce projet de loi de finances.

La médecine scolaire ne connait pas une baisse de crédits. Toutefois, la prime accordée l'année dernière n'a pas été reconduite cette année. Nous sommes dans un contexte budgétaire difficile. Je rappelle que le budget prévoit malgré tout 98 millions d'euros de plus.

Il est nécessaire de revoir la formation initiale des enseignants. La formation purement universitaire est parfois déconnectée du terrain. Ce rapprochement avec l'université a permis la masterisation mais désormais la pratique pédagogique doit être renforcée.

Avant de vous présenter mon amendement, j'insiste sur la nécessité d'avoir votre appui, car la partie est loin d'être gagnée. La position de notre commission sera un signal fort pour tous nos territoires.

Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, je vous propose de revenir partiellement sur la suppression des postes dans le premier degré public. Actuellement, la suppression de 3 155 postes est prévue. Je vous propose de réduire cette suppression de 2 000 ETP.

Le nombre d'ETP supprimés dans le premier degré public s'établirait ainsi à 1 155.

Pour respecter les règles de recevabilité financière, cet amendement doit être gagé, mais nous demanderons au gouvernement de lever le gage.

Mme Marie-Pierre Monier. - Le groupe socialiste votera cet amendement. Toutefois, il s'agit pour nous d'un amendement de repli. Nous déposerons en séance des amendements pour revenir sur l'ensemble des suppressions d'ETP.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement scolaire au sein de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2025.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 21 octobre 2024

- Direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) : Mme Caroline PASCAL, directrice générale, et M. Christophe GEHIN, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales.

- Secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC) : MM. Philippe DELORME, secrétaire général, et Stéphane GOURAUD, adjoint au secrétaire général.

- Table ronde des syndicats enseignants du 1er degré :

MM. David LELONG, référent national Collège également en charge du dossier Moyens et rémunérations pour le SE-Unsa, Matthieu DROUHIN, conseiller national en charge du dossier Moyens et rémunérations pour le SE-Unsa, Xavier PERINET-MARQUET, membre du bureau national, Snalc, et Christophe LALANDE, secrétaire fédéral de la fédération FNEC FP-FO.

Mardi 5 novembre 2024

- Audition commune des syndicats des chefs d'établissement : Mmes Agnès ANDERSEN, secrétaire générale d'iD-FO, Karile RICHARD, membre du secrétariat national d'iD-FO, et Carole ZERBIB, membre de l'exécutif syndical national du SNPDEN.

- Table ronde des syndicats enseignants du 2nd degré :

M. David LELONG, référent national Collège également en charge du dossier Moyens et rémunérations pour le SE-Unsa, Mme Cécile SUEL, secrétaire nationale en charge du dossier Parcours professionnels, SE-Unsa, M. Sébastien VIEILLE, secrétaire national du SNALC, M. Daniel LE CAM, secrétaire national de la FSU, et Mme Séverine BRELOT, co-secrétaire générale du SNUEP-FSU.

Mercredi 13 novembre 2024

MM. Charles-Henry GLAISE, inspecteur des finances, et Henri RIBIERAS, inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, auteurs du rapport de l'IGÉSR n° 23-24-122B, d'avril 2024 « Revue de dépenses. Dispositifs en faveur de la jeunesse », accompagnés de Mme Alexandra BESLY, inspectrice des finances, et M. Mouad EL ISSAMI, data scientist, inspection générale des finances.

ANNEXE

Audition de Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale

MARDI 22 OCTOBRE 2024

___________

M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission dans vos nouvelles fonctions de ministre de l'éducation nationale.

Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous féliciter pour cette nomination et à vous souhaiter un plein succès dans cette mission, dont nous mesurons toute la complexité.

Vous trouverez au sein de cette commission des interlocuteurs attentifs et exigeants, mais constructifs et soucieux, à l'image de notre rapporteur pour avis du budget de l'éducation nationale, Jacques Grosperrin, d'entretenir le dialogue avec vous et vos services sur les sujets essentiels pour le bien-être des élèves et l'ensemble de la communauté éducative.

Comme vous le savez sans doute, notre commission a été très active sur les sujets relevant désormais de votre compétence au cours des mois écoulés.

Nos collègues Max Brisson et Annick Billon ont ainsi formulé, en juin dernier, des propositions sur la réforme de la formation initiale des enseignants qui s'inscrivent pleinement dans les évolutions envisagées par le précédent gouvernement. Notre collègue Cédric Vial, s'est, de son côté, emparé du dossier des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), et c'est à son initiative que l'État assure désormais leur prise en charge sur le temps méridien. Enfin, nos collègues Laure Darcos et Béatrice Gosselin ont dressé, il y a quelques semaines à peine, un bilan plus que mitigé concernant la mise en oeuvre des trente minutes d'activité physique quotidienne à l'école.

Mes collègues ne manqueront sans doute pas de vous interroger sur l'ensemble de ces thématiques afin de connaître vos intentions à leur égard et les suites que vous entendez réserver à leurs propositions.

Avant de vous laisser la parole pour nous présenter les axes d'action de votre ministère, je souhaite, pour ma part, vous interroger sur deux sujets en particulier.

De nombreuses réformes ont été lancées par vos prédécesseurs dont certaines ont été mises en oeuvre à la rentrée 2024. Je pense en particulier au choc des savoirs qui se traduit notamment par la mise en place de groupes de besoins au collège. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de cette mesure ? Tous les collèges l'ont-ils mis en place ? Quelles sont les difficultés rencontrées lors de cette mise en oeuvre ?

Par ailleurs, lors de la passation des pouvoirs avec votre prédécesseure, vous avez déclaré : « J'ai vu au cours du temps s'installer une forme de solitude à l'école, solitude des enseignants face à la remise en cause de leur légitimité ou de leur autorité. »

Avec mon ex-collègue François-Noël Buffet, nous avons publié en mars dernier un rapport d'information sur les menaces perpétuées à l'égard des enseignants et les atteintes auxquelles l'école doit désormais faire face.

Les chiffres sont édifiants : 900 enseignants sont victimes chaque année de violences avec arme. À l'occasion de nos travaux, l'extrême solitude des enseignants nous avait également sauté aux yeux.

Nous avions abouti à trente-huit recommandations, dont plus de la moitié concerne directement votre ministère. Alors que je prépare une proposition de loi à ce sujet, pourriez-vous m'indiquer quelles suites vous entendez réserver aux mesures notamment de nature réglementaire qui n'ont pas encore été mises en oeuvre par vos services ?

Je rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale. - Monsieur le président, je vous remercie pour cet accueil dans cette salle que j'ai fréquentée en tant que membre de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) de 2017 à 2022.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à exprimer tout l'honneur d'être devant vous et à souligner l'importance que j'accorde à nos échanges. À l'évidence, votre travail au Sénat contribue activement à la réflexion collective sur l'éducation nationale, comme l'illustre une série de travaux. Parmi eux, le rapport remis par Jacques Grosperrin intitulé Faire revenir la République à l'École ; le rapport d'information d'Annick Billon et de Max Brisson sur la formation initiale ; celui de Catherine Morin-Desailly intitulé #PasDeVague : la détresse des enseignants face à la violence scolaire ; celui de Cédric Vial sur les modalités de gestion des AESH et l'école inclusive, en particulier sur le sujet de la pause méridienne ; le rapport d'Olivier Paccaud consacré aux personnels administratifs de l'éducation nationale ; le rapport d'information remis par Laure Darcos et Béatrice Gosselin sur l'activité physique quotidienne à l'école ; sans oublier, le rapport d'information sur les menaces et agressions dont sont victimes les enseignants que vous avez cosigné avec François-Noël Buffet.

La méthode que j'entends mettre en place est fondée sur la cohérence des politiques publiques, le dialogue permanent sur le temps long et le refus de toute précipitation, un état d'esprit que le Sénat partage, me semble-t-il. Je considère en effet que le temps de ce ministère, avant d'être le temps politique, est d'abord celui de nos élèves. Tout comme vous, je suis convaincue que cette approche de temps long nous permettra de déployer un agenda de réformes vitales pour l'avenir de notre école et donc pour l'avenir de notre pays.

Ma priorité est en réalité assez simple, même si sa mise en oeuvre sera probablement complexe. Elle se résume en un mot : « élever ». Élever, tout d'abord, le niveau scolaire de nos élèves, en poursuivant et en amplifiant l'agenda des réformes qui ont été entamées par mes prédécesseurs ; élever, ensuite, le niveau social de notre jeunesse en tentant de réparer le plus possible l'ascenseur scolaire et en tenant la promesse républicaine que doit incarner notre école ; élever, enfin, notre exigence en matière de respect des valeurs de la République, de respect de la laïcité - celui-ci doit être absolu -, de respect dû à nos professeurs et de respect entre élèves.

Je tiens d'ailleurs à saluer la mémoire de deux professeurs, Samuel Paty et Dominique Bernard, deux professeurs lâchement assassinés par des terroristes islamistes et auxquels nous avons récemment rendu un hommage solennel. Leur mémoire nous oblige : ils ont été assassinés au simple motif qu'ils étaient professeurs, alors que ce métier ne devrait pas être un métier dangereux. Cela nous rappelle qu'être professeur, c'est transmettre, protéger et agir.

Je ne céderai absolument rien sur le respect de nos règles et de nos valeurs et ne laisserai rien passer : à chaque fois que l'autorité ou que l'enseignement d'un professeur sera contesté, je lui apporterai mon soutien, sans exception. Dès lors que des faits de ce type se produisent, aucun soutien à nos professeurs ne doit manquer à l'appel, non seulement de la part de l'institution et de leurs collègues, mais également de la part de tous les citoyens français, qui ont tous fréquenté les bancs de nos écoles. Nous devons à nos professeurs ce soutien indéfectible si leur autorité vient à être remise en cause, s'ils sont victimes d'une menace ou agression quelconque ou encore si leur enseignement même est contesté.

Quelques jours après ma nomination, je me suis rendue à Tourcoing, justement pour soutenir la communauté éducative après l'agression - inadmissible et intolérable - d'une professeure, qui elle aussi n'accomplissait que son devoir. Les enseignants me trouveront donc toujours à leurs côtés pour les défendre et pour faire respecter les règles de notre école, qui doit à la fois être un bastion républicain et un lieu d'épanouissement, car elle n'a pas vocation à se fermer.

La lutte contre le harcèlement à l'école, comme le développement d'une culture du bien-être pour l'ensemble de la communauté éducative, comptera parmi mes priorités. Je rappelle une évidence : on ne peut pas apprendre correctement à l'école si on y est malheureux ou si on y va la boule au ventre, constat qui vaut tant pour les élèves que pour les professeurs. Comme nous l'enseignent la recherche comme la pratique, le bien-être est l'une des conditions de la transmission des savoirs.

Face à une indéniable diminution des performances scolaires, je poursuivrai les efforts déjà engagés par mes prédécesseurs afin de renforcer la maîtrise des savoirs fondamentaux à chaque étape du parcours scolaire. Élever le niveau de tous nos élèves suppose avant tout d'élever notre exigence à leur égard et passe également par une élévation du niveau de la formation que nous offrons à nos enseignants.

Actuellement, les groupes de besoins commencent à être mis en place sur l'ensemble du territoire pour les cours de français et de mathématiques, en sixième et en cinquième. Certains enseignants ont choisi de mettre sur pied ces groupes à la rentrée des congés de la Toussaint, d'autres les ont déjà constitués selon des modalités qui varient d'un établissement à l'autre. L'autonomie qui a prévalu dans la mise en oeuvre de ce dispositif me semble essentielle, les chefs d'établissement et groupes d'enseignants connaissant mieux que quiconque les élèves et l'établissement et étant ainsi les mieux placés pour adapter ce principe du groupe de besoins à l'environnement local.

Certains enseignants ont choisi de construire des groupes en fonction de la vitesse d'apprentissage des élèves, d'autres ont choisi de conserver une forme d'hétérogénéité tout en profitant d'avoir un groupe de plus petite taille pour mener un travail approfondi avec ceux qui en avaient le plus besoin. Les modalités sont donc différentes, mais avec le même objectif, à savoir faire progresser tous nos élèves dans les disciplines fondamentales que sont les mathématiques et le français. À l'instar de toutes les réformes, les résultats de ces groupes de besoins doivent s'observer dans la durée.

Il en va de même avec le dispositif « devoirs faits », lancé à l'été 2017 et qui permet aujourd'hui à un collégien sur deux d'avoir accès à un véritable service public d'aide aux devoirs à l'école, à raison d'une à deux heures par semaine. De la même manière, les résultats du dispositif des remplacements des absences de courte et de longue durée, ou encore des vacances apprenantes, devront être appréciés dans la durée.

Ma récente visite dans l'académie de Limoges m'a permis de constater les effets bénéfiques de ces dispositifs dans les départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne. Je suis convaincue que l'élévation de notre niveau d'exigence permet à nos élèves d'apprendre mieux, d'être plus heureux et de trouver du sens dans leurs apprentissages, ce qui est l'un des fondamentaux d'un apprentissage efficace. Les professeurs que j'ai pu rencontrer sont tout à fait satisfaits de ces dispositifs, même si, une fois encore, nous devrons en apprécier les résultats sur le temps long. C'est pourquoi j'ai décidé de maintenir ces groupes de besoins pour les classes de cinquième et de sixième pour la rentrée 2025, que nous devons préparer dès à présent. Ma méthode consiste en effet à donner le plus de visibilité et de lisibilité possible à nos enseignants, ce temps d'anticipation devant permettre de s'assurer de l'efficacité de la mise en place du dispositif.

Après de longues concertations avec les syndicats et dans le prolongement des discussions que je mènerai cette semaine avec les professeurs et principaux de collèges, je présenterai des adaptations des groupes de besoins aux classes de quatrième et de troisième, l'objectif étant d'avoir un parcours cohérent et de s'appuyer sur les retours d'expérience de cette mesure en sixième et en cinquième. Il s'agit en fait de déployer une mécanique d'accompagnement de nos élèves vers la réussite, qui pourrait être nommée « Ambition lycées », avec l'idée de regrouper, d'ici à la rentrée 2025, plusieurs dispositifs, les groupes de besoins n'étant que l'une des hypothèses de travail au sein de cet ensemble. L'ambition reste bien d'élever le niveau de la cohorte qui va de la sixième à la troisième.

Cette marque - si je puis dire - « Ambition lycées » s'appuierait tout d'abord sur une meilleure préparation au brevet, qui pourrait s'inspirer des dispositifs très encourageants déployés dans un collège d'éducation prioritaire de Creil : ceux-ci ont déjà permis de faire progresser le taux d'admis au brevet, avec des élèves enthousiastes à l'idée de s'améliorer. Ensuite, « Ambition lycées » porterait l'ambition d'élever le niveau tout au long du collège - avant tout dans les matières fondamentales -, ce qui pourrait déboucher sur une réforme du brevet à partir de la session de 2026. Celle-ci viserait à rétablir la valeur de ce diplôme, notamment en garantissant la vérité des notes. Certains établissements ont commencé à supprimer le correctif académique, et il conviendra de généraliser ce mouvement.

En cette rentrée, nous achevons également le dédoublement des classes en éducation prioritaire. Les résultats semblent plutôt bons : pour la première génération qui en a bénéficié et qui rentre au collège depuis 2022, le niveau des élèves s'est d'ores et déjà amélioré de dix points, se rapprochant du niveau des élèves qui ne sont pas issus de ces collèges. Nous avons donc réduit l'écart entre ces deux populations, dans une logique de nivellement par le haut qu'il conviendra de poursuivre.

Ces réformes, dans le premier comme dans le second degré, sont la clé de voûte de notre projet éducatif, et je les poursuivrai.

Pour autant, je suis lucide quant à l'urgence de remettre notre ascenseur scolaire en marche, la France restant hélas l'un des pays où le milieu social des élèves détermine le plus fortement le niveau scolaire : nous ne pouvons pas nous résigner face à cette situation. De la même façon, nous devons refuser que les inégalités territoriales deviennent des inégalités de destin, car un élève d'un milieu rural doit avoir les mêmes opportunités qu'un élève en milieu urbain ou périurbain. L'école doit tous les faire grandir et les accompagner dans leur découverte du monde, quelle que soit leur localisation territoriale ou géographique.

Je suis intimement convaincue que l'élévation de l'école est la condition même de l'élévation sociale, morale et intellectuelle de toute notre société. Je ne céderai donc rien - vous pouvez compter sur moi - sur les moyens déployés pour élever le niveau scolaire de nos élèves, tout en ayant conscience que ce travail se déploiera dans la durée et ne portera ses fruits qu'ultérieurement.

Je ne céderai rien non plus sur la défense de nos professeurs et des principes républicains. Dans certains établissements, l'élévation du niveau passe en effet par le rétablissement de l'ordre et de l'autorité de nos professeurs. Il s'agit de rétablir un climat scolaire apaisé, serein et propice aux apprentissages, ce qui n'est pas le cas partout. Nous devrons donc lutter contre toutes les violences, toutes les atteintes à l'autorité des professeurs et aux valeurs de la République.

Mes prédécesseurs ont engagé en ce sens un plan de sécurisation de 400 écoles, collèges et lycées, que je poursuivrai en coopération avec les collectivités compétentes en matière de bâti scolaire. Une centaine d'établissements doivent encore être sécurisés d'ici la fin de l'année 2024.

Je lutterai également contre toutes les formes de solitude et de harcèlement. J'agirai donc en faveur d'un soutien psychologique aux élèves comme aux personnels, ainsi qu'en direction d'un renforcement de la médecine scolaire et de tous les dispositifs de santé que j'intègre dans une démarche de bien-être à l'école. Il s'agit pour moi d'une priorité absolue, en tant que ministre, mais aussi en tant que médecin, afin de cultiver le bien-être des élèves, des professeurs et tous les agents de notre institution.

En outre, ma feuille de route consistera à parachever la mise en oeuvre d'une école inclusive à l'approche des vingt ans de la loi du 11 février 2005, sans rien ignorer du défi que constitue l'augmentation significative du nombre d'élèves en situation de handicap accueillis dans nos écoles. De nombreuses marches ont été gravies dans ce domaine, mais il reste beaucoup à faire et je ne dévierai pas de cette ambition portée par la loi de 2005, malgré les difficultés que nous pouvons rencontrer : l'accès à l'école doit être possible pour chaque élève, quelle que soit sa situation personnelle.

Je continuerai à soutenir cette politique de bien-être de l'ensemble de nos élèves, y compris de ceux qui sont en situation de handicap, par des moyens d'accompagnement qui seront plus nombreux, tant pendant le temps scolaire que pendant la pause méridienne. Sur ce dernier point, je salue le rôle important joué par Cédric Vial dans la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne. Nous avons beaucoup progressé sur ce point, mais il reste du chemin à parcourir, et je reconnais que l'application de la loi que vous avez portée reste très imparfaite.

Il s'agit de l'un de mes chantiers prioritaires, soyez-en certain. J'attends des services de mon ministère et des rectorats qu'ils mettent en oeuvre la loi dans les meilleures conditions, en lien avec les établissements et les collectivités concernées.

Ce projet d'élévation de notre société par son école ne pourra se concrétiser que par un dialogue constant entre l'État et les collectivités locales, dont nous mesurons tous le rôle crucial. À l'issue de mes rencontres avec les principales associations d'élus locaux, je relancerai les travaux du comité des élus locaux afin de rassembler autour d'une même table les maires, les présidents d'intercommunalités, de départements et de régions. J'entends maintenir un lien étroit avec les élus, lien qui nous permettra d'avancer beaucoup plus rapidement dans le domaine du bâti scolaire, de la rénovation et de la sécurisation de nos établissements, et d'agir au bénéfice de l'innovation pédagogique et de l'orientation de nos élèves. Je mesure bien le rôle déterminant des collectivités, qui portent chaque année 40 milliards d'euros au titre de l'effort d'investissement global que notre pays dédie à l'éducation de nos enfants.

De la même manière, rien ne saurait être accompli sans un dialogue social constant. J'ai reçu hier les organisations syndicales au sujet de la rentrée de septembre 2025, car je souhaite la préparer dès le mois d'octobre et non pas en décembre, comme il est d'usage.

D'autres sujets seront débattus en décembre, une fois les arbitrages budgétaires effectués. J'ai avancé de premières propositions afin de relancer l'agenda social de l'éducation nationale, et rappelle que d'immenses progrès ont été accomplis depuis 2022 afin de mieux rémunérer et de mieux reconnaître l'engagement des professeurs. Même si l'effort consenti peut toujours être jugé insuffisant, il est considérable : plus aucun professeur débutant titulaire ne démarre sa carrière au-dessous de 2 120 euros nets par mois pour un temps plein, contre environ 1 700 euros nets auparavant, ce montant atteignant environ 2 500 euros nets en réseaux d'éducation prioritaire (REP). Les infirmières scolaires et les assistants sociaux ont, quant à eux, été augmentés d'environ 200 euros nets par mois au printemps dernier, et les AESH d'environ 100 euros nets par mois l'an passé. Nous devrons également engager le chantier de la revalorisation des personnels de direction et des médecins scolaires.

En parallèle des débuts de carrière, nous devrons également accélérer sur les milieux de carrière et briser tous les plafonds de verre auxquels se heurtent encore de trop nombreux personnels engagés pour notre institution et donc pour notre pays. Je mesure le chemin qui nous reste à parcourir, mais je tiens à souligner les progrès déjà accomplis.

S'agissant de la préparation de la rentrée 2025, je présenterai mes arbitrages dès le mois de novembre, après les vacances de la Toussaint, toujours pour offrir de la lisibilité, de la sérénité et de la visibilité à l'ensemble de la communauté éducative.

Enfin, nous sommes en plein rendez-vous budgétaire. Les débats sur les moyens sont bien évidemment légitimes et je me réjouis de les avoir très prochainement avec vous. Dans un contexte difficile, l'éducation nationale restera malgré tout le premier budget de la Nation, après avoir progressé de 14 milliards d'euros depuis 2017.

Il nous appartiendra d'être dignes de l'espérance que chaque famille française place en nous pour contribuer à la réussite de nos enfants. Voilà donc la méthode, la vision et les chantiers que je porte pour notre école : élever le niveau, offrir les mêmes chances à tous, mieux reconnaître le rôle fondamental des professeurs, oeuvrer pour le bien-être de tous à l'école et garantir le respect des valeurs de la République. Je n'en dévierai pas et me tiens à votre disposition.

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, je vous rappelle que cette audition ne porte pas sur le projet de loi de finances pour 2025, mais sur les grandes orientations pour l'éducation nationale.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement scolaire. - Madame la ministre, je veux tout d'abord vous dire que nous pensons nécessaire d'inscrire les réformes dans la durée. De ce point de vue, certaines orientations doivent être préservées.

Je suis très heureux d'entendre votre fermeté sur la laïcité. Dès 2015, le Sénat avait créé une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession, dont j'étais rapporteur. Je ne crois pas qu'il existe une laïcité qui serait bienveillante ; il n'y a qu'une laïcité !

Ma première question portera sur la suppression des postes d'enseignants prévue dans le projet de budget pour 2025 et plus généralement sur l'évolution démographique scolaire. Les prévisions pour les années à venir sont pessimistes : il y avait environ 6,2 millions d'élèves dans le premier degré à la rentrée 2024 et, selon les estimations de vos services, ils seraient moins de 6 millions à la rentrée 2028. À la rentrée 2025 il y aura 75 000 élèves en moins dans le primaire par rapport à cette rentrée. Cette baisse démographique atteint désormais le collège : 7 700 élèves en moins cette rentrée ; 26 900 à la rentrée 2025.

Un récent rapport des inspections générales propose trois scénarios de fermeture de classe : une répartition des moyens au sein des écoles et établissements ; un relèvement des seuils de dédoublement des classes en éducation prioritaire ; une recomposition du maillage territorial avec, comme principe, un établissement distant de moins de 20 minutes en voiture.

L'un des scénarios est-il privilégié par votre ministère ? De manière plus générale, réfléchissez-vous à une prévisibilité pluriannuelle, qui est demandée à la fois par les acteurs locaux, y compris dans les territoires urbains, et les enseignants dont les classes sont supprimées ? Vous connaissez tout l'attachement que le Sénat porte aux territoires ruraux.

Par ailleurs, à l'issue de la réunion du 16 octobre avec les syndicats, le ministère a indiqué sa volonté de relancer l'agenda social - vous venez de le confirmer. Il semblerait pourtant que ce point n'ait pas fait l'objet d'un développement approfondi lors de cette réunion. Aussi, pouvez-vous nous indiquer les chantiers que vous souhaitez relancer en la matière, ainsi que leurs calendriers ?

Mme Anne Genetet, ministre. - Permettez-moi, auparavant, de répondre à l'une des questions posées par le président Lafon concernant la solitude des enseignants, la remise en cause de leur légitimité et les actes de violence qu'ils subissent.

Mon principe d'action sera de les défendre de manière indéfectible. Je relève tout d'abord que, lors des récents hommages à Samuel Paty et Dominique Bernard, le nombre de comportements inadaptés a clairement baissé par rapport à l'année dernière, ce qui montre l'effet des mesures mises en place.

Néanmoins, il reste des situations difficiles. La consigne est pourtant claire : lorsqu'un enseignant est menacé, il doit obtenir la protection fonctionnelle tout de suite. Celle-ci est systématiquement attribuée, mais parfois après un certain délai - on a récemment porté un exemple à ma connaissance. Par ailleurs, je travaille avec Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, à ce que les établissements puissent eux-mêmes déposer une plainte en tant que personne morale. Cette réflexion dépasse le cadre scolaire car concerne par exemple également les hôpitaux. Il sera certainement nécessaire de changer la loi pour cela ; nous y réfléchissons.

Enfin, je prépare déjà l'hommage qui sera rendu en 2025 : pour ce moment de recueillement, les enseignants pourront utiliser, avec une certaine autonomie, des ressources écrites qui seront renouvelées.

J'en viens aux questions de M. Grosperrin.

En ce qui concerne la suppression de 4 000 postes et le rapport des inspections, voyons d'abord ce que donnera le débat budgétaire ! Mais je peux vous dire que j'écarte l'un des scénarios de ce rapport : relever le seuil de dédoublement des classes. On constate en effet que le seuil actuel est parfois dépassé avec des classes à 13 ou 14 élèves. Surtout, on voit déjà les résultats bénéfiques de cette politique ; ce n'est donc pas le moment de la mettre à terre.

Pour les deux autres scénarios, je n'ai pas l'intention de fixer un schéma unique depuis Paris. Nous devrons regarder dans chaque académie avec les élus et les acteurs locaux. Je souhaite d'ailleurs que nous utilisions autant que possible les travaux des observatoires des dynamiques rurales. Nous devons mettre tout le monde autour de la table et avoir une réflexion collective. Nous devons par exemple travailler sur le temps de trajet des élèves et voir comment l'école peut venir à tel ou tel, si ce temps devient trop important.

J'ai inauguré la semaine dernière une école maternelle qui était le fruit du regroupement de deux écoles. Au début, les choses étaient difficiles, mais finalement, les enseignants, les parents d'élèves, les élus, etc. sont très satisfaits du projet. Nous avons apporté cette réponse particulière à un territoire en train de se dépeupler, mais la réponse peut être différente ailleurs.

En tout cas, nous devons penser à plus long terme. La démographie baisse : 80 000 élèves en moins à cette rentrée, pratiquement 100 000 l'an prochain, et cela va se poursuivre ainsi. Dans ce contexte, à quoi doit ressembler l'école de demain, notamment dans les territoires qui se dépeuplent ? Nous ne devons pas attendre de toucher le mur des difficultés. Je suis moi-même élue municipale dans un petit village de 200 habitants où il n'y a plus d'école depuis un moment : les élèves ont un trajet de treize kilomètres à faire pour aller à l'école. Je comprends donc bien les difficultés.

Dans l'immédiat, la main doit être laissée aux collectivités locales pour pouvoir trouver la meilleure solution, la solution la plus adaptée.

En ce qui concerne l'agenda social, il sera rouvert et ses priorités doivent être dégagées avec les syndicats. Nous proposerons d'ouvrir une réflexion sur les milieux de carrière. La question des conditions de travail est également souvent évoquée par les enseignants et cela touche notamment à la question de l'attractivité du métier. Nous devons recruter des candidats motivés, passionnés même, et en nombre suffisant.

M. Max Brisson. - Madame la ministre, je veux d'abord dire l'attachement du groupe Les Républicains au choc des savoirs et aux groupes de besoins que certains d'entre nous continueront d'appeler groupes de niveau... Nous souhaitons donc de la continuité dans l'action et une grande liberté accordée aux établissements dans la mise en application de ces mesures.

Ce matin, le président Larcher a dit au Premier ministre que le Sénat avait adopté nombre de rapports et de propositions qui pouvaient permettre, comme le dit le chef du Gouvernement lui-même, de relever la ligne d'horizon.

Dans le champ de l'éducation, il y a d'abord la formation des professeurs. Annick Billon et moi-même avons présenté en juin dernier un rapport d'information sur la formation initiale et continue. Nous proposions notamment un concours d'admission au niveau licence, l'organisation d'un référentiel de formation post-concours sur cinq ans, incluant par conséquent la formation continue, une régionalisation des concours du second degré à l'instar de ceux du premier degré pour assurer une unité de lieu dans la formation post-concours ou encore l'établissement d'une gouvernance donnant la main au ministère de l'éducation nationale pour les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé). Comment comptez-vous vous positionner sur ces propositions ?

L'attractivité des métiers est un autre sujet important. Ce qui nous préoccupe notamment en la matière, c'est l'accompagnement des jeunes professeurs : les procédures d'affectation, de mutation ou de formation doivent être largement revues. Comment en finir avec le bizutage institutionnel des jeunes professeurs ? Comment faire en sorte qu'ils ne soient plus affectés dans les établissements les plus difficiles, où nous avons besoin au contraire des professeurs les plus chevronnés ?

Concernant le partenariat avec les collectivités locales, notre assemblée est très attachée à la pluriannualité de la carte scolaire. Aujourd'hui, la question de la carte scolaire abîme les relations entre l'État et les collectivités et ce bras de fer annuel mine la confiance, pourtant nécessaire. Comment comptez-vous avancer sur cette question ?

Concernant la liberté d'enseignement, on voit apparaître des attaques qu'on imaginait pourtant d'une autre époque... Comme nous pouvions le craindre, le quatrième motif d'autorisation de l'instruction en famille (IEF), à savoir « l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif », laisse la part belle à l'interprétation d'une administration de plus en plus tatillonne : ainsi, 35 % des demandes effectuées pour ce motif en 2023 ont été refusées. Quel engagement prenez-vous pour garantir la pérennité du recours à l'IEF et, d'une manière plus générale, la liberté d'enseignement et du libre choix des parents ?

Dans mon département, deux langues régionales sont enseignées - c'est le seul dans ce cas. Or nous attendons depuis le mois de juin une réunion interministérielle pour fixer le positionnement et les modalités de financement de l'Office public de la langue basque. Est-ce que cette réunion pourra se tenir ?

Plus généralement, quel bilan faites-vous de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac, adoptée il y a un peu plus de trois ans ?

Je veux évoquer un dernier point au nom d'Agnès Evren qui a dû s'absenter. Elle a déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoire le dépôt des téléphones portables à l'entrée des écoles et collèges et à renforcer la prévention concernant l'abus d'écrans chez les jeunes. Nicole Belloubet avait annoncé l'expérimentation de l'interdiction des téléphones portables pour la rentrée 2024 avec un objectif de généralisation dès janvier 2025. Vos récents propos, madame la ministre, ne semblent pas aller dans ce sens. Pouvez-vous rassurer Agnès Evren ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Madame la ministre, je vais repartir de vos propos : faire progresser tous les élèves. On ne peut qu'être d'accord. Alors, ne supprimez pas 4 000 postes et ne dégradez pas le taux d'encadrement ! Dans le premier degré, nous avons 21,4 élèves par classe en France, contre 19 dans l'Union européenne. Un peu plus d'un quart des classes maternelles et élémentaires compte plus de 25 élèves et les effectifs moyens en collège et en lycée n'ont jamais été aussi élevés depuis les années 1980. Saisissons donc l'opportunité de la baisse des effectifs pour améliorer les taux d'encadrement ! J'ai été enseignante pendant trente-cinq ans et je vous garantis qu'on travaille nettement mieux quand l'effectif n'est pas pléthorique.

Le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances prévoit que la limitation des effectifs à 24 élèves - hors éducation prioritaire - en grande section de maternelle, cours primaire et cours élémentaire est encore en cours de déploiement. Or il me semble que cela avait été annoncé en 2019 par le Président de la République. Quand ce processus a-t-il vocation à être enfin finalisé ?

J'en viens à l'école inclusive. L'accès à l'école doit être possible pour chaque élève, en particulier celles et ceux qui sont victimes de handicap - ce sont vos propos, madame la ministre. Or nous alertons depuis plusieurs années sur la précarité des AESH, qui sont rémunérés en dessous du seuil de pauvreté et dont les conditions de travail se sont fortement dégradées à la suite à la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial).

Certes, il y a eu des progrès, notamment par l'octroi de contrats à durée déterminée (CDD) de trois ans et pour la prise en charge sur le temps de pause méridienne - grâce à la loi Vial -, mais il faut aller plus loin. C'est très important : d'une part, les AESH représentent désormais la deuxième catégorie de personnels de l'éducation nationale ; d'autre part, ces élèves ont des besoins particuliers. Quelle prochaine étape entendez-vous mener pour améliorer les conditions de travail des AESH ?

J'ai été alertée par un maire sur le cas d'un élève atteint de troubles autistiques et qui bénéficie de l'aide d'une AESH, mais celle-ci est en arrêt de travail depuis le début de l'année civile et n'a pas été remplacée. En cette rentrée, 24 000 élèves en situation de handicap ont été accueillis dans des établissements ordinaires faute de places dans des établissements sociaux et médicosociaux. Comment allez-vous remédier à cette situation ?

Dans le budget de 2024, 10 millions d'euros étaient prévus pour le fonds d'innovation pédagogique créé dans le cadre du dispositif « Notre école, faisons-la ensemble ». Nous avons pointé du doigt à plusieurs reprises la logique de mise en concurrence des établissements induite par ce type d'appel à projets. Combien de projets ont pu être financés dans le cadre de ce fonds ? Quelle est la qualité des projets financés ? S'agit-il uniquement d'achat de matériel, par exemple, ou représentent-ils réellement des projets d'innovation pédagogique ? L'enveloppe initiale du fonds s'élevait à 500 millions d'euros sur cinq ans. Où en est sa consommation ?

Enfin, un rapport de la Cour des comptes de 2021 indiquait que moins de 15 % des élèves bénéficiaient de trois séances par an d'éducation à la vie affective et sexuelle. Trois ans après, les programmes ont été revus. Disposez-vous de statistiques sur la tenue réelle de ces séances dans l'ensemble des établissements ?

Mme Annick Billon. - Je voulais vous interroger sur le devenir des recommandations du rapport que j'ai présenté avec Max Brisson sur la formation initiale et continue des enseignants, ainsi que sur l'éducation à la vie affective et sexuelle, mais Max Brisson et Marie-Pierre Monier m'ont devancée.

Sur ce dernier sujet, tous vos prédécesseurs répondaient à nos questions, en nous disant qu'un référentiel était en voie d'élaboration... Nous constatons maintenant que, malgré cet outil, ces cours ne sont pas une réalité dans tous les établissements. Que comptez-vous faire pour que cela change ? La loi doit être respectée, madame la ministre.

Ensuite, sur les AESH, la loi Vial nous a permis d'avancer en ce qui concerne la pause méridienne et des créations de postes sont annoncées. Quels moyens et quelles ressources humaines y sont consacrés ? Là aussi, il serait bien que la loi soit appliquée.

S'agissant du pacte enseignant, trois enseignants sur dix y étaient engagés dans le second degré à la rentrée 2023 : 23 % seulement des enseignants dans le public, 48 % dans le privé sous contrat. Des difficultés semblent persister à la fois dans la mise en oeuvre du pacte et dans son contrôle. Selon certains témoignages recueillis dans mon département, la Vendée, la rémunération liée au pacte peut être perçue sans que les heures aient été réalisées. Pouvez-vous nous rassurer, madame la ministre ?

Je voudrais terminer sur le financement de l'enseignement privé sous contrat. Des inégalités persistent, en particulier pour la restauration ou la médecine scolaires, même si un élève ainsi scolarisé fait faire des économies à l'État. On entend de plus en plus une petite musique contre l'enseignement privé sous contrat, même si globalement il fait figure de bon élève, par exemple pour la mise en oeuvre du pacte enseignant - je le disais à l'instant. Face à ces attaques qui tendent à opposer l'école publique et l'école privée sous contrat, entendez-vous réaffirmer les principes de la loi Debré ?

Mme Monique de Marco. - En 1975, le Parlement a fait un choix clair en faveur du socle commun et je veux vous rappeler les mots du rapporteur de ce texte, Jacques Legendre : « En optant finalement pour le tronc commun dans le premier cycle secondaire, le projet de loi met un terme à une controverse qui dure depuis plus d'un quart de siècle. [...] Un système qui croyait logique de réserver les meilleurs élèves aux meilleurs enseignants définis comme les plus diplômés courait un jour le risque d'être abandonné pour cause d'inégalité. [...] Ne va-t-on pas, dans ces conditions, sacrifier les meilleurs aux plus faibles et aboutir à un abaissement considérable de la qualité de l'enseignement ? [...] Le projet s'efforce d'y répondre en son article 7 qui prévoit, dans les écoles et les collèges, des aménagements particuliers et des actions de soutien. Cette notion nouvelle de soutien est nécessaire dès lors que l'on recourt au tronc commun. »

Madame la ministre, pensez-vous que la politique des groupes de besoins que vous mettez en oeuvre soit compatible avec l'équilibre défini en 1975 par le législateur entre socle commun et actions de soutien ? N'avez-vous pas l'impression d'aller à l'encontre de l'esprit de cette loi et d'appliquer au contraire une politique de filière ?

Devant nous, le 10 octobre, vous avez déclaré : « La mixité est au coeur de la promesse d'émancipation et d'égalité des chances de l'école de la République. Et pour que cette promesse soit tenue, il faut nous attaquer au poids de l'origine sociale des élèves dans leur réussite. » Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer en quoi votre réforme des groupes de besoins participe à renforcer cette mixité ? Nous fournirez-vous prochainement des données sur l'indice de position sociale (IPS) moyen des établissements qui mettent en oeuvre ce dispositif ? Quels moyens seront affectés aux groupes de moyens, en particulier en termes de ressources humaines ?

M. Gérard Lahellec. - Madame la ministre, l'avenir des différents dispositifs voulus par votre prédécesseur dans le cadre de la réforme du choc des savoirs semble rester d'actualité. Une partie des mesures annoncées a été mise en place en cette rentrée 2024, notamment en ce qui concerne les groupes de besoins. Vous avez d'ores et déjà déclaré vouloir maintenir cette politique, peut-être en l'adaptant, si j'en crois ce que révèle la presse de ce jour.

Dans la perspective de l'examen du projet de loi de finances, nous avons besoin de précisions. Dans le cadre du choc des savoirs, le PLF prévoit des crédits pour des manuels scolaires en collège. Nous ne disposons toutefois d'aucune donnée sur le coût global de cette politique. Quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour la déployer ?

M. Ahmed Laouedj. - Depuis janvier 2024, quatre ministres de l'éducation nationale se sont succédé, avec autant de visions différentes et de priorités à faire valoir. Le climat d'instabilité et d'incertitude qui en découle se répercute sur les enseignants et, surtout, sur les élèves. La Seine-Saint-Denis semble agréger toutes les difficultés qui existent dans l'Hexagone : manque de moyens, remplacements insuffisants, bâtiments insalubres... De nombreux rapports ont récemment rendu compte de cela, chiffres à l'appui.

Dans ce département, qui est le plus jeune et le plus pauvre de France, l'école ne se contente pas de reproduire les inégalités de naissance, mais elle les aggrave et elle les creuse, notamment dans l'éducation. En effet, l'État investit 2 000 euros de moins par élève en Seine-Saint-Denis que dans le reste de la France. Depuis la fin du mois de février dernier, les parents d'élèves, les syndicats d'enseignants et les municipalités du 93 réclament un plan d'urgence face au manque de personnel et à la dégradation des bâtiments.

Cette année, nous avons constaté une amélioration dans le remplacement des professeurs absents, mais le manque de personnel éducatif est un problème qui persiste. Ainsi, de nombreux élèves n'ont pas eu d'affectation à la rentrée dernière - plus précisément entre 800 et 1 500 élèves. Certains d'entre eux ont été dirigés vers une voie de professionnalisation sans l'avoir choisie.

Les infrastructures dégradées et les accidents qui s'ensuivent, comme les dégâts des eaux ou les plafonds qui s'effondrent, symbolisent la négligence dont souffre notre département. Ainsi, le 17 octobre dernier, le plafond d'une salle de classe s'est effondré dans un collège de Seine-Saint-Denis. Aucun élève n'a été blessé, grâce à l'intervention du professeur qui a évacué sa classe quelques minutes avant l'accident, évitant un drame.

Nos écoles ne sont pas que des bâtiments ; elles sont le reflet de notre engagement pour l'éducation et pour nos enfants. En Seine-Saint-Denis, certains élèves peuvent perdre jusqu'à quinze mois de scolarité entre la maternelle et le lycée à cause du manque de personnel. À ce jour, des centaines de postes d'AESH restent vacants, de sorte que la prise en charge d'élèves aux besoins plus importants reste, paradoxalement, insuffisante.

En outre, de nombreux AESH ne bénéficient pas d'une formation adéquate pour exercer leurs fonctions. Cette absence de soutien et d'accompagnement approprié crée des situations difficiles pour les enseignants, qui se retrouvent seuls et désemparés face à des classes dont le bon fonctionnement est ainsi perturbé.

Depuis la rentrée 2023, le déploiement du pacte enseignant a facilité les remplacements de courte durée. Néanmoins, depuis septembre, de nombreux directeurs d'établissement font remonter une baisse des dotations associées à ce dispositif.

Madame la ministre, nous devons réagir. Dans les instances académiques, les représentants des parents d'élèves et du personnel éducatif ont réclamé un bilan du déploiement du pacte enseignant. Il n'existe à ce jour aucune évaluation qualitative des mesures mises en place. Quels sont les effets observés ? Quelles sont les demandes des établissements ? Quelles pistes d'amélioration ou de développement envisagez-vous ? Face à l'annonce de la suppression de 4 000 postes de professeurs, dont 3 155 postes dans le premier degré public et 180 dans le second degré, comment pallierez-vous le manque de professeurs dans nos établissements ?

Enfin, alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2025 doit bientôt se tenir au Sénat, quelles mesures concrètes envisagez-vous de proposer pour améliorer les conditions d'apprentissages des élèves en Seine-Saint-Denis ?

Mme Laure Darcos. - Nous avions été plusieurs à cosigner un courrier adressé à votre prédécesseur pour lui demander de mettre fin au projet de labellisation des manuels scolaires. Il représente en effet un énorme danger, notamment dans l'hypothèse où un parti extrême arriverait un jour au pouvoir. Les éditeurs scolaires sont assez sérieux pour veiller à appliquer correctement les programmes du bulletin officiel.

De plus, cela témoigne de la diversité culturelle de notre pays que quatre ou cinq maisons d'édition différentes acceptent que leurs manuels respectifs, qui respectent tous le cadre du programme, soient mis en concurrence. En imposant cette labellisation, vous risqueriez de provoquer une réaction contre-productive de la part de certains professeurs qui, pour protester, feraient exprès de choisir des manuels non labellisés.

Nous avons déjà sollicité les deux ministres précédents sur ce sujet. Comment expliquer que, en France, on en soit à labelliser des manuels ! L'idée - chacun le sait - est venue de la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco). Depuis, la personne responsable a quitté ses fonctions...

Quant au numéro d'alerte 3018 pour lutter contre le harcèlement scolaire, il a été mis en place en septembre 2023. Les débuts n'ont pas été sans difficulté puisque, dans certains cas, on s'est contenté de renvoyer ceux qui appelaient vers l'adresse mail des personnes référentes au rectorat : ce n'est pas la meilleure manière de faire face à une situation de désarroi. Au Sénat, nous avons proposé des mesures visant à ce que, dans la mesure du possible, le harceleur se voit imposer l'obligation de quitter l'établissement scolaire.

Madame la ministre, j'espère que vous continuerez à mener ce combat. L'enjeu est important pour toutes les victimes, qui sont malheureusement de plus en plus nombreuses. De belles initiatives se développent, comme les « bancs de l'amitié » dans les cours de récréation où les élèves vulnérables peuvent venir en parler avec des responsables désignés. Mais il faut aller plus loin.

Enfin, au moment où le fonctionnement du pass Culture semble remis en cause pour des raisons budgétaires, comment envisagez-vous de maintenir le développement de l'éducation artistique et culturelle, dont nos enfants ont tous besoin, surtout ceux qui n'ont pas accès à la culture dans un cadre familial ?

Mme Anne Genetet, ministre. - Les groupes de besoins sont en train de se mettre en place en classes de sixième et de cinquième. Nous avons prévu pour cela 2 300 postes lors de cette rentrée scolaire, dont 1 500 par redéploiement et 800 par création nette d'emplois. Ce dispositif sera maintenu pour la rentrée 2025, avec les mêmes moyens. Je précise que les équipes pédagogiques veillent à l'adapter localement en fonction des besoins, de sorte qu'il n'y a aucune atteinte à la loi du 11 juillet 1975 que vous avez citée.

Certes, l'hétérogénéité dans une classe peut être un facteur de progression. Mais tous les enseignants s'accordent à dire que « si l'on tire un peu trop sur l'élastique, il y a un moment où cela ne passe plus ». Grâce aux groupes de besoins, l'hétérogénéité se réduit et la dynamique de classe devient sans doute plus conforme à ce que prévoyait la loi de 1975.

Pour ce qui est de l'extension du dispositif aux classes de quatrième et de troisième, il faudra en débattre, en tenant compte non seulement des moyens dont nous disposerons, mais aussi de la manière dont le dispositif pourra faire progresser les élèves.

Monsieur Brisson, la réforme de la formation initiale des professeurs est une excellente réforme. Avec mon collègue de l'enseignement supérieur, M. Hetzel, nous veillerons à la faire avancer. Toutefois, il faut un certain délai pour mettre en place un nouveau concours, de sorte que cela ne pourra se faire qu'en 2026.

J'ai demandé à M. Hetzel d'étudier la possibilité d'ouvrir des passerelles d'entrée et de sortie, dans le cursus initial de trois ans, afin que les jeunes qui s'engagent dans ces études supérieures puissent adapter leur parcours, en choisissant soit de devenir enseignants, soit une formation plus disciplinaire.

Cette réforme - j'y insiste - a pour objectif de répondre à la demande de formation formulée par la majorité des néo-titulaires. Les trois quarts d'entre eux disaient, en effet, ne pas avoir été formés à la gestion de classe. Ils pourront désormais bénéficier d'une formation de qualité et de haut niveau.

Monsieur le sénateur, j'ai bien compris que vous souhaitiez que l'éducation nationale chapeaute cette formation initiale, mais il me paraît nécessaire, au contraire, de l'inscrire dans un environnement universitaire, qui garantira le plus haut niveau, y compris dans des filières de recherche sur les sciences de l'éducation. Cela ne nous dispense pas de revoir certains éléments de gouvernance - j'en ai bien conscience.

Nous disposons des éléments démographiques qui nous permettront d'envisager un schéma pluriannuel pour la carte scolaire. Toutefois, pour l'instant, nous sommes dans la préparation de la rentrée de 2025, de sorte que nous menons surtout un travail à l'échelon local, en collaboration avec les recteurs et les directeurs académiques, qui devront rétablir un dialogue de grande proximité et de confiance avec les élus locaux.

En ce qui concerne l'instruction en famille, nous sommes en effet passés d'un régime déclaratoire à un régime d'autorisation, mais certainement pas à un régime d'interdiction. Toutefois, le projet particulier de l'élève a donné lieu, il est vrai, à des différences d'appréciation selon les régions. La baisse du nombre d'élèves en enseignement dit IEF justifie le passage à un régime d'autorisation. L'instruction en famille qui garantit l'accès à l'instruction - je rappelle que c'est l'instruction qui est obligatoire et pas la scolarisation - est indispensable pour un certain nombre d'enfants, qu'ils soient malades, artistes ou sportifs. C'est un dispositif que nous devons conserver. Néanmoins, pour réduire les écarts territoriaux, j'envisagerai de travailler sur le quatrième critère pris en compte pour l'attribution de cette autorisation.

La ruralité est un enjeu important, car l'on recense un million d'élèves dans les 15 000 écoles publiques de zone rurale soit 18 % des élèves. Le nombre d'élèves par classe y est généralement plus faible, mais cela dépend aussi de la taille des communes. Il faudra prendre en compte dans notre politique la baisse démographique forte que l'on constate dans les zones rurales et qui est un enjeu relevant de l'aménagement du territoire. Notre objectif est que les élus aient de la visibilité et je veux éviter toute décision empreinte de brutalité. Au contraire, il faut pouvoir anticiper, et la pluriannualité de la carte scolaire est sans doute un moyen de le faire. Je suis prête à y travailler.

En revanche, je n'ai pas de réponse à vous apporter au sujet de l'Office public de langue basque. Je me renseignerai pour savoir quand la réunion interministérielle aura lieu.

Pardonnez-moi de ne pas avoir été assez claire au sujet des téléphones mobiles. Je défends l'interdiction de l'usage du téléphone mobile dans les écoles primaires et dans les collèges, telle que la prévoit la loi. Il est hors de question d'y revenir. Cependant, son application peut être difficile dans certains établissements, comme le montrent les expérimentations qui ont été mises en oeuvre. Le chef d'établissement n'aura parfois aucun mal à faire passer l'interdiction auprès des élèves, alors que dans d'autres cas, il devra prendre des mesures coercitives et utiliser un dispositif de casiers ou d'enveloppes dans lesquels les élèves devront déposer leur téléphone. Quoi qu'il en soit, il est indispensable de sensibiliser les élèves au fait qu'ils ne peuvent pas utiliser leur portable pendant le temps scolaire, depuis l'entrée dans l'établissement jusqu'à la sortie. Je n'ai aucun état d'âme à défendre cette mesure.

D'ailleurs, je souscris aux conclusions du rapport d'experts sur l'utilisation des écrans commandé par l'exécutif et remis au Président de la République, le 30 avril dernier : il faut retarder le plus longtemps possible le contact des enfants avec les écrans. Que dire, dès lors, de ces jouets qui imitent des téléphones mobiles !

Madame Monnier, nous avons progressé dans l'amélioration de la situation des AESH, mais la route est longue, et loin de moi l'idée de dire que tout est parfait. En ce qui concerne plus précisément l'application de la loi Vial, nous veillons à nous assurer que la pause méridienne est bien prise en compte dans le cadre des contrats que le rectorat passe avec des personnes qualifiées comme AESH. Il faut en effet pouvoir leur offrir une amplitude horaire plus importante que les vingt-quatre heures auxquelles elles sont astreintes pour le moment.

Nous célébrerons, l'an prochain, les vingt ans de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire. Les 24 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire qui relèvent de structures spécialisées posent d'énormes difficultés à nos enseignants, j'en suis bien consciente. Il faudrait trouver le moyen d'associer le plus possible les enseignants à la prescription de la scolarité en milieu ordinaire pour un certain nombre d'élèves. Nous devons également renforcer le plus possible les liens entre les écoles et les établissements spécialisés de manière que tous les élèves, quelle que soit leur situation, puissent se croiser et interagir.

Quelque 300 000 élèves ont été signalés comme ayant besoin d'un accompagnement humain. La progression est constante, avec un taux d'augmentation de 8 % sur un an. On recense, en tout, plus de 500 000 élèves en situation de handicap. Le nombre d'élèves qui sont en attente d'AESH a légèrement diminué, même si j'entends bien qu'il y a un manque réel d'AESH. Croyez bien que nous déployons tous les efforts nécessaires pour y faire face, puisque nous prévoyons 2 000 postes supplémentaires d'AESH dans le prochain budget. Les AESH constituent désormais le deuxième métier de notre ministère.

J'ai bien conscience que certains projets financés par le fonds d'innovation pédagogique sont à la marge du champ couvert ou bien relèvent de l'innovation créative. Il s'agit de dispositifs récents, qui font l'objet d'un suivi et d'une évaluation rigoureuse, afin de garantir qu'il s'agit bien d'innovations pédagogiques de nature inspirante à plus large échelle.

Quant au programme d'éducation à la sexualité, il fait partie du code de l'éducation. J'ai pris le temps de le relire avec attention. Prévu pour être décliné auprès d'élèves âgés de 4 ans jusqu'à d'autres en fin de la scolarité, il est très complet. Dispenser le contenu total de ce programme en y consacrant trois heures par an n'a rien d'évident, même si les enseignants disposeront de ressources pour en accompagner la diffusion. Peut-être faudrait-il également envisager la manière dont les élèves pourront se saisir de cet enseignement, sachant que le sujet peut susciter des réserves chez certains d'entre eux, qui ne poseront pas forcément leurs questions pendant les heures consacrées au programme. Cela reste toutefois un programme important, que je défendrai.

Il vise, par exemple, à enseigner aux élèves la compréhension ou la lecture des émotions chez leurs camarades de classe ou chez les adultes, ainsi que la gestion de leurs propres émotions, sujets que je considère comme très importants. En effet, certains élèves, m'a-t-on dit, voient une forme de violence ou de menace dans une phrase aussi simple que : « Sortez vos affaires ! », lorsque l'enseignant la prononce sans affect au début du cours.

Je souhaite que les enseignants soient formés spécifiquement pour dispenser ce programme. Il sera publié le plus tôt possible pour qu'ils aient le temps de s'en saisir. Certains pourront le dispenser dès cette année, s'ils sont prêts pour cela. Ils le feront tous, au plus tard, à la rentrée 2025.

Environ un tiers des enseignants s'est saisi du pacte enseignant et je les en remercie. Ils auront en moyenne touché 2 500 euros bruts de supplément sur l'année. Plus de 2 millions d'heures de remplacement de courte durée ont été assurées via ce dispositif, ainsi que 1,8 million d'heures pour le dispositif « Devoirs faits » et 1,2 million d'heures pour les stages de réussite. Entre 2022-2023 et 2024-2025, les crédits consacrés au dispositif évolueront de 705 millions d'euros à 803 millions d'euros.

L'avenir du pacte enseignant est tout à fait prometteur. Certains professeurs ne souhaitent pas y adhérer et il faut le respecter. La démarche se fait sur le mode du volontariat et les enseignants qui y ont participé se sont dits plutôt satisfaits. La hausse de crédits à hauteur de 98 millions d'euros pour l'année à venir permettra de doubler le nombre d'heures de remplacement de courte durée à assurer. Cela est essentiel, notamment dans le second degré, pour garantir la continuité des enseignements.

Toutefois, comme vous l'avez mentionné, il faut s'assurer que le service est bien fait. J'ai donné une instruction en ce sens, car j'ai moi aussi été informée de situations où la rémunération avait été donnée sans que le service soit fait, ce qui n'est pas acceptable. Il faudrait donc conditionner la reconduction d'un pacte au fait que les heures précédemment dues ont bien été faites.

Je n'ai pas encore pris de décision sur la labellisation des manuels. J'entends votre remarque, madame Darcos. Toutefois, la notion de label existe dans d'autres secteurs de notre vie quotidienne où elle constitue un repère extrêmement utile. Il ne s'agirait donc que de créer un repère sans rien enlever de la liberté qu'ont les enseignants de choisir leur manuel.

Mme Laure Darcos. - Tous les manuels scolaires appliquent les programmes, tels qu'ils sont définis dans le Bulletin officiel de l'éducation nationale.

Mme Anne Genetet, ministre. - Certains manuels de mathématiques, par exemple, respectent le programme, mais proposent des exercices genrés où les filles sont systématiquement associées à un rôle et les garçons à un autre. Il me semble que cela n'est pas conforme à l'ambition que porte l'école républicaine. Dans ces conditions, un manuel labellisé permettrait de résoudre le problème.

Le harcèlement est un combat de longue haleine qu'il ne faut pas abandonner. Il nécessite de transformer en profondeur les comportements dans notre société, et cela ne pourra se faire que sur le très long terme. Certains dispositifs, comme celui du référent harcèlement, commencent à porter leurs fruits et il faut les pérenniser. Le 7 novembre prochain, nous reconduirons celui du questionnaire de dépistage des faits de harcèlement qui avait été mis en place l'an dernier. Il sera assorti d'un événement destiné à encourager la libération de la parole auprès des jeunes. Il faut aussi veiller à ce que les adultes responsables soient attentifs à cette parole des jeunes et ne la balaient pas d'un revers de main en considérant qu'il ne s'agit que d'une « chamaillerie entre enfants ».

Le harcèlement doit être pris très au sérieux, car c'est non seulement un délit, mais aussi une infinie souffrance. Pour ces deux raisons, la lutte contre le harcèlement ne devra jamais reculer. Il faudra sans doute mener un travail sur plusieurs générations pour en venir à bout.

Sur l'éducation artistique et culturelle, avec ma collègue Rachida Dati, nous avons engagé un travail visant à pérenniser le dispositif du pass Culture. Je ne vous cacherai pas que le budget prévu n'est pas forcément à la hauteur des ambitions que nous portions. Nous avons lancé une réflexion sur le sujet.

La Seine-Saint-Denis est un département jeune, peuplé et dynamique. Il a bénéficié des jeux Olympiques, ce qui est une bonne chose. Plus de 300 000 élèves y sont scolarisés et la démographie y reste assez stable. On y trouve la plus forte concentration de réseaux d'éducation prioritaire, ainsi que la plus forte homogénéité sociale : c'est sans doute le département où la mixité sociale est la moins prégnante en France.

Depuis 2017, quelque 1 500 ETP supplémentaires ont été créés pour des enseignants. Le département a ainsi pu grandement bénéficier des dédoublements de classes en grande section, CP et CE1. Des sections internationales y ont été créées, et je crois beaucoup à ces dispositifs d'éducation particuliers dans les établissements plus difficiles. Le système des internats a également été revitalisé. Nous avons ainsi dégagé 200 millions d'euros par an pour mettre en place ces mesures dans le département de Seine-Saint-Denis.

Quelque 26 000 agents ont bénéficié de la prime de fidélisation des enseignants, qui sera maintenue. En effet, je considère que ceux qui enseignent dans un département de ce type gagnent une expertise supplémentaire qu'il faut valoriser. J'aimerais d'ailleurs lancer un chantier plus large sur la valorisation des acquis de l'expérience, car il s'agit d'un enjeu important dans une carrière d'enseignant.

L'État est présent aux côtés du département de Seine-Saint-Denis et ne le lâche pas. Les élèves de Seine-Saint-Denis bénéficient d'un taux d'encadrement qui ferait pâlir d'envie bien des établissements ailleurs en France.

M. Ahmed Laouedj. - Donc tout va bien ?

Mme Anne Genetet, ministre. - Je n'ai pas dit que tout allait bien, mais que l'on avait fait beaucoup de chemin, qu'il en restait à parcourir et qu'il ne fallait pas lâcher l'effort. Soyez certain que l'État continuera d'être à vos côtés pour soutenir ce département, dans les années qui viennent et dès la rentrée de 2025.

M. Cédric Vial. - Je serai ravi de vous rencontrer pour parler de l'école inclusive, à la suite du rapport d'information que j'ai fait au nom de la commission sur les modalités de gestion des AESH pour une école inclusive. Parmi les vingt recommandations qui y figurent, l'une a été traduite de manière législative, dans le cadre de la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap, dite « loi Vial ». C'était l'une des mesures les plus simples, puisqu'il s'agissait de revenir à la situation antérieure : en effet, depuis la loi de 2005, l'État prenait en charge les AESH sur le temps méridien. Mais une jurisprudence du Conseil d'État de novembre 2020 est venue contredire la volonté du législateur. Le législateur a souhaité rappeler que, dans une démocratie, c'est lui qui fait la loi. Nous avons donc fait une loi très simple, qui tient en une phrase et deux articles.

Or depuis la rentrée dernière, on constate que son application reste difficile. Madame la ministre, vous avez dit qu'il s'agissait d'un problème « territorial », mais pas du tout ! Le problème vient de la Degesco. En effet, ce service a tout fait pour que cette loi ne puisse pas s'appliquer.

Pour une phrase dans la loi, il a fallu huit pages de circulaire d'application, plus précisément quatre pages de circulaire et quatre pages d'annexes, prévoyant l'obligation de mettre en oeuvre toute une série de conventions. L'on n'aurait pas fait mieux si l'on avait voulu que la loi ne s'applique pas... La circulaire a été publiée le 24 juillet dernier, en pleine période estivale, alors que cela faisait six mois que l'on savait que la loi allait s'appliquer. Le coût de la mesure a été estimé à environ 10 millions d'euros, pas plus que ce que le Dgesco inscrit régulièrement dans les différents budgets opérationnels de programme (BOP) du ministère.

Madame la ministre, j'aimerais que vous vous engagiez à abroger cette circulaire et à en reprendre une autre rapidement, pour que l'on puisse - enfin ! - mettre en oeuvre, de manière simple, une mesure très attendue par les parents et les enseignants. Le Premier ministre rappelait encore ce matin, devant certains d'entre nous, que lorsque l'administration prend le pouvoir, c'est que les politiques l'ont abandonné. Nous aimerions que vous repreniez le pouvoir.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Madame la ministre, en réponse à Mme Darcos sur le pass Culture, vous avez dit que le budget prévu serait insuffisant. N'est-ce pas là une raison de plus pour que les dispositifs d'éducation artistique et culturelle antérieurs au pass Culture ne disparaissent pas ?

Ainsi, le dispositif Ma classe au cinéma, qui s'applique de la maternelle jusqu'au lycée a fait ses preuves depuis des décennies. Les collectivités territoriales se sont très fortement engagées, finançant non seulement les cinémas qui accueillent les enfants, mais également les transports scolaires pour amener les élèves jusqu'à la salle de cinéma. Or ce dispositif est gravement remis en cause par la réforme du remplacement de courte durée. Je conviens qu'il faut absolument résoudre en premier lieu le problème du remplacement des enseignants, mais les conséquences de cette réforme sur d'autres dispositifs n'ont pas été anticipées.

Pas moins de 2 millions d'élèves sont concernés. Dans certaines régions comme la Normandie, près de 40 % des enseignants de collège ont déjà abandonné la prise en charge de ce dispositif. L'on se prive ainsi des moyens apportés par les collectivités territoriales. Mais c'est surtout un paradoxe, alors que les états généraux de l'information ont montré à quel point l'éducation aux images et aux médias était importante.

En 2019, notre commission a amendé le projet de loi pour une école de la confiance, porté par Jean-Michel Blanquer, afin de mieux organiser la formation des formateurs à l'éducation numérique. En effet, celle-ci est essentielle pour prévenir les dangers des écrans, qu'il s'agisse de cyberharcèlement, de cyberpornographie, de hameçonnage et plus largement de tous les mésusages qui mettent en danger la santé des enfants. Or je me demande si cette loi est bien appliquée. En effet, j'interroge en vain les ministres les uns après les autres - madame la ministre, peut-être me répondrez-vous ? - pour savoir quels budgets sont prévus pour cette formation des formateurs qui s'organise dans les institutions de formation des maîtres, combien d'heures et de modules lui sont consacrés, et si tout ce que nous avions pris soin de mettre dans la loi est bien pris en compte.

J'ai été très heureuse de vous entendre vous ériger avec vigueur contre la surexposition des enfants aux écrans à un âge précoce. En 2023, le Sénat avait voté à l'unanimité la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, sans avoir le soutien total de la ministre de la santé de l'époque, Mme Buzyn. Or ce texte attend toujours de poursuivre son chemin législatif. Avec mon homologue d'alors, Mme Janvier, qui n'a pas été réélue députée, nous n'avons donc pas pu faire aboutir ce texte, qui est très important. Madame la ministre, nous attendons beaucoup de vous.

Mme Colombe Brossel. - Dans votre propos introductif, vous avez cité, rapidement, l'alerte sociale. Or il n'est pas anecdotique que l'ensemble des organisations syndicales de votre ministère lance une alerte sociale sur la proposition de supprimer 4 000 postes d'enseignants, dans le projet de loi de finances, principalement dans le premier degré.

Si nous débattions sur le sujet, les élus de mon groupe vous diraient qu'ils s'opposeront à cette mesure. Vous nous répondriez en alléguant la baisse démographique. Nous vous rétorquerions que si le nombre de postes avait toujours été aligné sur les variations démographiques, on aurait augmenté les moyens dans d'autres périodes, alors que l'on atteindra bientôt les 10 000 suppressions de postes depuis 2017. L'alerte sociale signifie sans doute que les enseignants ne vont pas bien et que cette goutte d'eau fait déborder le vase. En réalité, la baisse démographique devrait être une chance et permettre de réduire radicalement les effectifs par classe.

Vous souhaitez que l'examen du budget au Parlement aboutisse. Un député, issu du groupe Horizons et Indépendants, membre de la coalition gouvernementale, a déposé un amendement pour revenir sur cette suppression de 4 000 postes d'enseignants. Comme il s'agit d'un parlementaire de la majorité, je me dis qu'il a des chances d'être adopté. La presse agite l'hypothèse que le Gouvernement pourrait faire adopter le budget en recourant au 49.3. Madame la ministre, si cet amendement est adopté, vous engagez-vous à le maintenir après le 49.3 ?

Mme Anne Ventalon. - Au sujet de la carte scolaire et de la fermeture de certaines écoles rurales, vous avez souligné à juste titre l'importance de la concertation et du dialogue de proximité avec les élus locaux. Nos communes rurales sont trop souvent pénalisées par une politique de regroupement forcé qui les oblige à adapter leur organisation, notamment pour le ramassage scolaire, la cantine ou le périscolaire, tout en diminuant leur attractivité.

À cela s'ajoute le problème des absences non remplacées des professeurs des écoles. En milieu rural, les parents travaillent souvent loin de leur commune de résidence de sorte qu'ils ne sont pas toujours disponibles en cas d'imprévu. Il est donc essentiel que les remplacements d'enseignants soient gérés au plus près des besoins. La solution des équipes volantes reste malheureusement une initiative isolée. Comment entendez-vous concilier cette situation avec les suppressions de postes que vous prévoyez, compte tenu du fait que chaque enfant doit avoir un enseignant tout au long de l'année ?

De plus, j'ai été interpellée par une élue ardéchoise, adjointe au maire d'une commune rurale et enseignante. Pour un élu local, une affectation ou une mutation professionnelle loin de son lieu d'élection rend très difficile l'exercice de son mandat. Dans le cadre des travaux que nous avons menés au Sénat sur le statut de l'élu local, nous avons proposé d'ajouter aux critères pris en compte pour l'affectation et la mutation des agents de la fonction publique, notamment les enseignants, celui de l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint au maire. Madame la ministre, à l'heure où de nombreux élus hésitent à poursuivre leur mandat local, votre ministère ne pourrait-il pas publier une circulaire visant à sensibiliser les rectorats à ce problème lié aux affectations ou aux mutations ?

M. Aymeric Durox. - Nous avons rendu hommage il y a quelques jours à Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie assassiné par un terroriste islamiste pour avoir fait son métier. Vos services ont indiqué que 119 incidents ont été constatés lors de cet hommage. Tous les incidents n'ont peut-être pas été signalés.

Le 16 octobre de 2024, quatre ans jour pour jour après les faits, est paru le livre de Mickaëlle Paty intitulé Le Cours de Monsieur Paty, véritable enquête détaillant l'engrenage morbide qui a conduit à la mort du professeur. Il y est relaté que quinze jours après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, l'éducation nationale a rendu un rapport intitulé Enquête sur les événements survenus au Collège du Bois d'Aulne. Non seulement cette enquête n'a été menée qu'en quinze jours, alors qu'il a fallu deux ans à l'assurance de Samuel Paty pour retracer méticuleusement le cours précis des événements, mais seulement trois enseignants du collège sur cinquante et un, ainsi que quatre parents d'élèves, ont été sollicités.

Sur le fond, le document évoque la gestion d'un trouble dont le cours de Samuel Paty serait à l'origine alors même que les contenus utilisés venaient du site Eduscol du ministère. De plus, l'enquête fait complètement abstraction de la notion de péril grave et imminent, alors que Samuel Paty était menacé par un islamiste fiché S.

En réalité, ce rapport dédouane l'institution de toute responsabilité.

Madame la ministre, vous avez indiqué qu'aucun soutien ne devait manquer aux professeurs. Au vu de cette enquête bâclée, considérez-vous que Samuel Paty a été soutenu par l'éducation nationale après sa mort ?

Avant sa disparition, lorsqu'il a demandé une protection fonctionnelle qui lui a été refusée, considérez-vous qu'il a été soutenu par l'éducation nationale ? Quand il a appris à la principale du collège, qui l'ignorait, que l'élève qui l'accusait n'était pas présente lors de son cours, et alors que cette information cruciale n'a jamais été diffusée par la suite, ce qui aurait pu tout changer, pensez-vous qu'il a été soutenu par l'institution ? Quand le référent laïcité dépêché sur place dit que Samuel Paty aurait « froissé » le père de l'élève en question et qu'il lui interdit de s'exprimer lors de diverses réunions pour se défendre, a-t-il été soutenu ?

Les manquements de l'éducation nationale ont été nombreux, si bien que Samuel Paty a eu l'impression de ne jamais être soutenu, mais au contraire abandonné.

Depuis, le nombre de demandes de protection fonctionnelle a explosé, de même que celui des démissions, preuve que les professeurs ne se sentent toujours pas soutenus.

Il y a un an, un autre professeur, Dominique Bernard, a été assassiné par un terroriste islamiste, tué simplement, car il était professeur d'histoire-géographie, comme Samuel Paty.

Vous avez indiqué que le nombre d'atteintes à la laïcité avait baissé, madame la ministre. Le ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel a pourtant déclaré ce dimanche que la situation en matière de laïcité n'est pas satisfaisante et qu'elle se dégrade sur le long terme.

Quel est le véritable niveau des atteintes à la laïcité au sein des établissements scolaires de la République ? Qu'est-ce qui a vraiment changé depuis Samuel Paty ? Quelle réponse comptez-vous apporter aux 119 provocations survenues lors de l'hommage à Samuel Paty ?

M. Pierre Ouzoulias. - Je souhaite revenir sur la protection fonctionnelle de droit, qui était une des recommandations du rapport d'information de Laurent Lafon et de François-Noël Buffet sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes.

Les demandes de protection fonctionnelle ont augmenté de 29 %, quand le taux d'octroi a, lui, baissé, passant de 76 % en 2022 à 72 % en 2023. Comme vous l'avez dit, nous devons aux professeurs une protection absolue. Il faut qu'ils sachent que la République est derrière eux quand ils défendent ses principes. J'estime que l'inscription de la protection fonctionnelle dans la loi constituerait une façon très forte de leur dire.

Je crois comprendre que M. Portier y est plutôt favorable, quand vous entendez plutôt passer par une circulaire. J'estime pour ma part qu'il faut faire un geste ; c'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi en ce sens. Dans quel cadre pourriez-vous envisager que la protection fonctionnelle soit inscrite dans la loi ?

Vous avez par ailleurs évoqué la laïcité, à laquelle je suis extraordinairement favorable, sans faire de distinction entre l'école privée et l'école publique. Dois-je comprendre que la laïcité doit s'appliquer dans les mêmes formes pour le privé et pour le public ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je souhaite attirer votre attention sur le choix de l'un des quatorze romans sélectionnés pour le prix Goncourt des lycéens, qui a provoqué un tollé chez de nombreux élèves et parents d'élèves et qui a suscité également beaucoup de stupéfaction, voire de consternation de ma part. Je rappelle que ce concours est organisé par le ministère de l'éducation nationale, sous le haut patronage de l'académie Goncourt. Il a pour objectif de faire découvrir la littérature contemporaine et de susciter l'envie de lire.

Or l'ouvrage sélectionné par votre ministère, et donné par les enseignants aux élèves, contient des passages pornographiques et fait clairement l'apologie de l'inceste et du suicide. En tant que coauteur du rapport d'information intitulé Porno : l'enfer du décor et alors que nous parvenons enfin à interdire aux mineurs l'accès aux sites pornographiques, je m'interroge sur ce choix et je souhaiterais connaître votre motivation et les modalités de sélection de cet ouvrage proposé aux adolescents. Cette polémique a-t-elle suscité une réflexion au sein de votre ministère ?

Si je chéris la liberté d'expression, j'estime que s'agissant d'un ouvrage recommandé par l'éducation nationale à des élèves de 14 ans, des limites doivent être posées.

Mme Karine Daniel. - Ma première question porte sur les AESH et le temps de pause méridienne. Vos services présentent la note du 24 juillet 2024 comme encourageant chaque mairie à contractualiser avec les services des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les départements. Il y a plus de 200 communes dans mon département. Je rejoins les propos de Cédric Vial, il est temps de montrer que la simplification que tout le monde appelle de ses voeux dans le Gouvernement s'applique aussi sur ce sujet. Il faut agir, car nous constatons de fortes tensions sur le terrain.

Ma deuxième question concerne le classement des écoles et des établissements en REP et REP+. Avez-vous des éléments nouveaux à nous communiquer, notamment sur le calendrier de révision de la carte des écoles en REP et en REP+ ? Dans mon département, 14 écoles sont en attente d'un passage en REP+. Les parents de l'école Nelson-Mandela de Saint-Herblain, dont l'indice de position sociale est de 75, demandent ce classement en REP depuis de nombreuses années. Parents et enseignants ont le sentiment de ne pas être écoutés par le rectorat et par votre ministère. Quel est donc le calendrier, madame la ministre ? Peut-on envisager une action spécifique pour les cas les plus urgents ?

M. Claude Kern. - J'estime que les 30 minutes de sport par jour contribuent non seulement à la santé, mais aussi à la transmission de valeurs. Dans votre circulaire de rentrée, vous avez promis de dynamiser l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques. Pouvez-vous développer concrètement la politique sportive qui sera appliquée dans les établissements ?

En tant qu'élus locaux, nous sommes fortement sollicités sur le nombre important de familles qui se voient refuser l'IEF par les rectorats. Où en sommes-nous en cette rentrée 2024 ? Quelles sont les instructions ministérielles relatives aux dispositions de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme ?

Mme Béatrice Gosselin. - Ma collègue Laure Darcos et moi-même avons récemment rendu un rapport d'information intitulé Redonner du souffle aux « 30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école » pour améliorer la santé des élèves. Si le dispositif des 30 minutes d'activité physique quotidienne (APQ) paraît intéressant, sa mise en place a été chaotique, avec un écart entre la médiatisation dont il a fait l'objet et le degré d'information des enseignants, qui ne savent pas très bien comment faire coexister ce dispositif avec les cours d'éducation physique et sportive (EPS). Par ailleurs, des kits ont été distribués par le ministère des sports, sans concertation avec le ministère de l'éducation nationale. De nombreuses écoles ne les ont toujours pas reçus. Où en sommes-nous ? Les enseignants seront-ils formés ? Un partage des pratiques est-il envisagé ?

Ma seconde question porte sur les enseignants qui sont nommés en région parisienne et qui, après quinze ans d'ancienneté, ont beaucoup de difficultés à revenir dans leur territoire d'origine. Certains enseignants chevronnés démissionnent, alors que, dans le même temps, on embauche des contractuels dans les territoires ruraux où ces enseignants souhaitent revenir. Il faudrait donc vraiment assouplir ce dispositif, en particulier pour les enseignants qui n'étant pas en couple et n'ayant pas d'enfants, ont un nombre de points insuffisant pour obtenir l'affectation de leur choix.

M. Jean-Gérard Paumier. - Comment puis-je expliquer à mes concitoyens d'Indre-et-Loire que la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, ayant force de loi depuis le 27 mai 2024, ne soit pas encore appliquée sur le terrain ? La loi est pourtant claire : L'État doit prendre en charge le recrutement et la rémunération du personnel affecté à l'accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps scolaire et la pause méridienne. Interpellé par des parents d'enfants en situation de handicap et les services académiques, j'ai interrogé la direction académique d'Indre-et-Loire, qui m'a indiqué n'avoir reçu aucune directive quant à la mise en oeuvre de cette loi et ne disposer d'aucune ligne budgétaire fléchée à cet effet. Elle m'a en outre précisé que cette prise en charge du recrutement et de la rémunération pourrait ne pas être obligatoire. J'avoue en être étonné, pour ne pas dire choqué, tant la loi que nous avons adoptée me paraissait explicite sur ce sujet sensible.

Pouvez-vous donc nous préciser l'état d'avancée de la mise en oeuvre de cette loi qui a pris effet depuis la rentrée de 2024, madame la ministre ? Quelles directives comptez-vous donner aux rectorats et aux services académiques en vue d'une application rapide ?

Mme Mathilde Ollivier. - Vous avez rappelé, madame la ministre, que la France est l'un des pays où le niveau social des élèves détermine le plus le niveau scolaire des élèves, et vous vous êtes par ailleurs félicitée de l'impact du dédoublement des classes en éducation prioritaire sur le niveau scolaire.

La suppression de 4 000 postes d'enseignants, que vous justifiez par la baisse du nombre d'élèves, entraînera une augmentation du nombre d'élèves par classe, ce qui aura un impact sur votre objectif d'élévation du niveau, mais aussi sur l'attractivité du métier d'enseignant. Comment réduire le nombre d'élèves par classe avec moins de professeurs ? Assumez-vous d'abandonner l'objectif de réduction du nombre d'élèves par classe affiché depuis 2017 par Emmanuel Macron, et qui était du reste le seul objectif allant dans le bon sens ?

Je souhaite par ailleurs revenir sur le dispositif du bornage, qui limite à six ans les détachements d'enseignants à l'étranger. Ma collègue Samantha Cazebonne vous a déjà interpellée sur ce sujet. Malgré les nombreuses alertes des conseillers, des parlementaires, des syndicats, du groupe écologiste et des Françaises et des Français de l'étranger eux-mêmes, les ministres macronistes de l'éducation nationale et chargés des Français de l'étranger sont restés sourds à nos arguments.

Aujourd'hui, force est pourtant de constater l'échec cuisant de ce dispositif. Face aux difficultés croissantes de recrutement, notamment dans des zones parfois considérées comme moins attractives et dans un contexte où les demandes de détachement sont difficilement acceptées par les rectorats, face aussi à la perte d'attractivité du réseau pour les enseignants qui doivent abandonner un poste en France qu'ils ont souvent durement acquis sans garantie de retrouver l'équivalent à leur retour, face à la mobilité qui est en berne dans le réseau alors que le bornage a produit l'effet contraire à son objectif, et alors que des enseignants seront contraints à la disponibilité, notamment à partir de 2025, pour rester dans leur pays d'accueil et perdront donc, de fait, leurs droits à l'avancement et à la retraite, ne pensez-vous pas qu'il est temps, non pas d'aménager ce dispositif, mais de l'abroger ? Au-delà du guide et du groupe de travail que vous avez évoqués en réponse à Samantha Cazebonne, quelles solutions concrètes envisagez-vous pour remédier rapidement à cette situation qui affaiblit notre réseau d'enseignement à l'étranger et fragilise professionnellement et moralement nos personnels enseignant à l'étranger ?

M. Pierre-Antoine Levi. - En tant que corapporteur, avec mon collègue Bernard Fialaire, de la mission d'information sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, je suis particulièrement préoccupé par les chiffres que votre ministère a communiqués le 3 octobre dernier concernant l'enseignement primaire et secondaire. Selon les données communiquées, les actes antisémites dans nos écoles, collèges et lycées ont été multipliés par plus de quatre sur l'année scolaire 2023-2024, passant de 400 à 1 670 signalements, quand les actes racistes sont passés de 870 à 1 960.

Je viens de déposer une proposition de loi visant à apporter des réponses concrètes dans l'enseignement supérieur. Pouvez-vous nous préciser quelles mesures spécifiques vous envisagez pour l'enseignement primaire et secondaire ? Au vu de la gravité de la situation, pensez-vous qu'il serait pertinent d'étendre certaines dispositions de notre proposition de loi à l'enseignement secondaire, notamment en matière de sanctions disciplinaires et de formation des personnels éducatifs ? Je vous remercie de bien vouloir nous éclairer sur votre stratégie face à cette situation particulièrement préoccupante.

M. Bernard Fialaire. - Vous avez rappelé à juste titre le rôle déterminant des collectivités territoriales. Pour élever des enfants, il ne faut pas simplement tout un village, il faut toute une société. Vous avez également rappelé la pertinence des initiatives locales. Envisagez-vous de travailler dans ce sens avec les collectivités ?

Le médico-social et le suivi social des familles, par exemple, ne devraient-ils pas être partagés avec les départements ? Pour ce qui est de l'orientation et des stages, les régions ont une compétence. Ne pourrait-on pas travailler en ce sens, sur le modèle des cités éducatives, voire des territoires éducatifs ruraux, qui fonctionnent bien, afin de permettre à l'éducation nationale de se concentrer sur ses vraies missions, tout en valorisant les compétences des collectivités ?

Par ailleurs, comment former nos enfants à l'intelligence artificielle (IA) et prévenir les risques ? Comment appréhendez-vous le rôle de cet outil pour les enseignants et pour les élèves ?

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Ma question porte sur le fonds de soutien aux activités périscolaires, qui était menacé de suppression dans le projet de loi de finances pour 2024. Les crédits ont finalement été rétablis, avec la promesse d'une concertation approfondie avec les élus à laquelle la dissolution du mois de juin dernier a mis un terme de manière prématurée.

Les élus des communes qui ont conservé le rythme scolaire de droit commun de quatre jours et demi sont aujourd'hui dans l'attente du budget qui leur sera alloué pour l'année en cours ainsi qu'à la rentrée prochaine. Ces incertitudes sont inconciliables non seulement avec l'élaboration du budget municipal, mais également avec les exigences de votre ministère, qui leur demande de bâtir des projets sur trois ans pour ces activités périscolaires. Vous avez indiqué être en attente d'arbitrages budgétaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Vous évoquiez récemment dans La Tribune les fermetures de classe en milieu rural. Afin de préserver l'attractivité de nos territoires ruraux, il est essentiel d'adopter une vision prospective en tenant compte des distances à parcourir, des investissements engagés par les communes, des perspectives d'implantation de nouvelles familles, de la dynamique territoriale, mais aussi des conditions d'enseignement. Ne faudrait-il pas réfléchir à mettre en place, comme cela a été fait pour les zones de montagne et les réseaux d'éducation prioritaire, un dispositif tenant compte des spécificités du monde rural et de la nécessité d'y maintenir un service public et de l'éducation de qualité ? En effet, vivre en ruralité ne doit pas emporter une perte de chance éducative.

M. Michel Savin. - Je m'associe aux propos de mes collègues Aymeric Durox, Pierre Ouzoulias et Pierre-Antoine Levi sur les agressions physiques ou verbales subies par les enseignants et sur les atteintes à la laïcité dans les écoles.

La mission d'intérêt général d'enseignement qui lui est confiée impose au ministère de l'éducation nationale l'obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites au programme d'enseignement. Or depuis la rentrée scolaire de septembre, certains élèves des collèges de mon département n'ont eu de professeur ni de français ni de mathématiques, et je n'évoque même pas les autres matières. Que comptez-vous faire pour remédier à ces absences ?

Lors de la réunion de rentrée, le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) nous a expliqué qu'il y avait un problème de recrutement et qu'il fallait former des professeurs. Il nous a même demandé si nous connaissions des personnes titulaires d'une licence... C'est dire si la situation est catastrophique !

Mme Anne Genetet, ministre. - En ce qui concerne la pause méridienne, je ne manquerai pas d'étudier les simplifications qu'il conviendrait d'apporter à la note que vous évoquez.

Notre objectif est d'évaluer les besoins des élèves, puis de proposer aux personnels qui sont sous contrat avec nos rectorats d'effectuer en sus la pause méridienne, celle-ci étant rémunérée en tant que telle.

La mise en place d'un tel dispositif suppose de réaliser au préalable une analyse locale très fine, car je n'ai aucune intention de cautionner une usine à gaz. Pour autant, les consignes que j'ai données visent à assurer les besoins d'accompagnement qui sont exprimés.

Il faut protéger nos enfants d'un usage abusif des écrans, en particulier en famille. Si l'école est en la matière très prudente, il nous faut élaborer des dispositifs adéquats pour former nos élèves à l'usage du numérique et à une forme d'hygiène. Cela suppose de disposer de formateurs. À ce stade, je ne suis pas en mesure d'évaluer le coût d'un tel dispositif.

Je souhaite que le dispositif Ma classe au cinéma, qui va de la maternelle au lycée, puisse se prolonger. Je reconnais que certains chefs d'établissement n'ont pas envoyé d'enseignants en formation dans ce cadre. Un groupe de travail a été mis en place pour accompagner les enseignants et leur permettre de déployer au mieux ce dispositif que j'estime utile.

En ce qui concerne l'éducation aux médias dans nos programmes scolaires, je nommerai très prochainement un parlementaire en mission.

Je prends l'alerte sociale très au sérieux, madame Brossel, c'est du reste pourquoi les partenaires sociaux ont été reçus dans les 72 heures, comme ils le souhaitaient. Le dialogue est amorcé.

En ce qui concerne les postes, vous avez bien rendu compte des échanges que nous pourrions avoir. Mais au-delà du nombre de postes, je souhaite que le dialogue social nous permette de trouver un accord. Nous pourrions, par exemple, mais ceci est à confirmer avec les organisations syndicales, permettre davantage de promotions, notamment au second grade, afin d'accélérer les carrières de nos enseignants.

En revanche, le recours à un éventuel 49.3 n'est pas de mon ressort.

À la rentrée, la proportion de postes pourvus était de 99,9 % pour le premier degré et de 99,5 % pour le second degré, madame Ventalon. Loin d'être insignifiants, les dixièmes manquants représentent des centaines d'enseignants. J'entends ce que vous a répondu votre directeur académique. La difficulté est que nous avons un écart substantiel entre le nombre de postes ouverts au concours et le nombre d'admis. Rien que dans quatre académies, 1 400 postes dans le premier degré n'ont pas été pourvus. Nous avons déployé tous les moyens nécessaires pour trouver les enseignants manquants, mais nous ne sommes parvenus qu'à ces résultats insatisfaisants. Les efforts continuent. Des recrutements et des formations sont en cours, car il ne suffit pas de recruter. J'estime en effet qu'il faut prendre le temps de former les personnels que nous recrutons, même si cela prend quelques semaines.

À moyen terme, il nous faut renforcer l'attractivité du métier. La réforme de la formation initiale et une meilleure valorisation des acquis de l'expérience y contribueront.

Je n'ai pas de baguette magique pour résoudre toutes les difficultés dans l'instant, mais la volonté du ministère est que tous les postes soient pourvus de manière satisfaisante, avec le bon niveau de formation et le bon volume horaire.

Le taux d'efficacité des remplacements de courte durée a quasiment triplé en un an. La situation n'est pas encore satisfaisante, mais nous progressons.

Je ne reviendrai pas sur les suites de l'assassinat de Samuel Paty, car un procès va s'ouvrir. En revanche, je tiens à affirmer avec force que les atteintes à la laïcité sont absolument inacceptables. Les dispositifs que nous avons mis en place commencent à porter leurs fruits. Les atteintes à la laïcité, en particulier relatives au port de signes religieux ostensibles, ont considérablement diminué entre septembre 2023 et septembre 2024. Dans les données qui m'ont été communiquées, j'observe toutefois une progression sensible des contestations de l'enseignement et des provocations verbales. De tels faits sont totalement inacceptables, et j'encourage tous les enseignants à remonter tous les cas, dont je reçois la synthèse chaque jour.

Le racisme et l'antisémitisme sont non pas des opinions, mais des délits. Les faits de harcèlement et les contestations de l'enseignement dont peuvent faire l'objet nos professeurs sont également des délits. Les référents laïcité et les référents valeurs de la République peuvent intervenir très rapidement pour former nos professeurs. Ces derniers m'ont toutefois fait part de leur souhait d'un renforcement du contenu et de la dimension pédagogique de ces formations - nous y travaillons.

J'ai également demandé que la formation à ces enjeux des AESH et des assistants d'éducation que nous recrutons intervienne dans le mois qui suit leur embauche ; c'est vous dire tout le sérieux que j'accorde à ces questions.

J'observe par ailleurs que le soutien apporté à nos enseignants par la communauté éducative et les sanctions prises contre les élèves sont beaucoup plus systématiques. Les propos faisant l'apologie du terrorisme ou à caractère antisémite qui ont été tenus pendant le moment de recueillement pour nos deux professeurs assassinés ont systématiquement fait l'objet d'un signalement procureur, et il en ira de même à l'avenir. De tels propos doivent immédiatement être sanctionnés.

En ce qui concerne la protection fonctionnelle, j'exige des recteurs que celle-ci soit immédiatement accordée sans délai en cas de menace. J'ai demandé aux recteurs de s'assurer que nos enseignants ou personnels qui peuvent avoir besoin de cette protection fonctionnelle soient avertis de la procédure à suivre, ce qui n'est pas toujours le cas. La hiérarchie doit accompagner ces demandes avec diligence.

Nos enseignants accomplissent un travail remarquable, notamment les professeurs d'histoire-géographie. Je sais que les professeurs de mathématiques peuvent aussi être mis en difficulté dans l'exercice de leurs missions. Nous refusons que leur enseignement soit contesté et nous devons assurer qu'il soit délivré partout. Je les remercie tous et les encourage à continuer.

Vous m'avez interrogée au sujet de l'enseignement privé. Pour ma part, je tiens absolument à ce que le libre choix de l'enseignement soit laissé aux parents. En aucun cas je n'entrerai dans une quelconque forme de guerre scolaire.

Aujourd'hui, 90 % des écoles privées ont un caractère confessionnel. Ce sont à ces établissements de décider comment ils exécutent le contrat qui les lie à l'État, sans oublier pour autant d'enseigner la laïcité à la française. Je tiens à ce que les professeurs amenés à exercer à l'étranger y soient entièrement formés.

Madame Borchio Fontimp, j'entends votre émoi au sujet d'un des ouvrages en lice pour le prix Goncourt des lycéens 2024. Sachez toutefois que les lycéens ne seront pas obligés de le lire, d'autant qu'il n'a pas vocation à être inscrit au programme du bac de français.

Du reste, je me tiendrai toujours auprès des enseignants pour protéger nos enfants contre tout propos à caractère raciste ou antisémite, ou qui inciterait à la haine, à la violence ou à la discrimination. De même, je ne tolérerai aucun comportement dégradant à l'égard des femmes.

Certains ouvrages mis à la lecture des élèves de première sont entrés dans les classiques de la littérature - c'est le cas des Faux-monnayeurs -, sans que cela ait posé de problèmes pour l'éveil de nos enfants.

Concernant le livre précité, une mise en garde en début d'ouvrage permettrait d'alerter les lecteurs sur le caractère potentiellement offensant de certains passages. Toutefois, j'y insiste, les élèves ne seront nullement contraints de le lire.

Autre sujet : nous sommes en train de préparer une méthodologie pour revoir la carte scolaire en éducation prioritaire. Toutefois, ce n'est pas nous qui déciderons seuls de ce qui sera fait. Il nous faudra aussi dialoguer avec les élus.

M. Kern et Mme Gosselin m'ont interrogée sur la politique sportive à l'école. Je les informe que, le 6 novembre prochain, une journée consacrée à l'activité physique quotidienne, héritée des jeux Olympiques, sera organisée par mon ministère dans toutes les salles de classe. J'espère que les enseignants sauront se saisir de cette occasion.

Je regrette que les kits n'aient pu être déployés partout ; plusieurs personnes m'ont saisie de ce problème et je procéderai aux vérifications qui s'imposent.

Au-delà des kits, nous offrons les moyens aux enseignants de développer l'activité physique sans matériel ni équipements. D'ailleurs, des vidéos consultables sur YouTube donnent des idées pour s'assurer d'une activité physique quotidienne à domicile, sans équipement.

J'en viens à l'IEF. Il ne doit pas y avoir d'inégalités territoriales quant au quatrième critère ni discriminations selon les rectorats et académies. Telles sont les instructions que j'ai données. Vu le nombre de refus signifiés aux demandeurs d'autorisation préalable, je pense que nous répondons aux enjeux que nous avions identifiés au travers de la loi confortant le respect des principes de la République. Nous assurons ainsi une meilleure protection de nos enfants.

J'ai bien conscience de l'inégalité territoriale profonde qui existe s'agissant de la taille des classes. Le taux d'encadrement ne cesse de baisser, malgré les suppressions de postes ces dernières années. Notre objectif est de l'abaisser davantage.

La suppression de 4 000 postes d'enseignants est d'une grande complexité - et le mot est faible. Toutefois, même avec cette suppression, nous poursuivons la démarche engagée de réduction du nombre d'élèves par classe.

Par ailleurs, je connais très bien, et depuis fort longtemps, le cas particulier des professeurs détachés, qui sont au nombre de 8 000 dans notre pays. Le dispositif en place apporte une forme d'ouverture aux enseignants titulaires qui exercent sur le territoire national.

Le séjour prolongé des professeurs dits résidents dans nos établissements scolaires à l'étranger prive d'opportunités les enseignants qui exercent sur le territoire national. Il apparaît donc nécessaire d'assurer la rotation des professeurs. Je vous renvoie à la réforme qui consistait à limiter à deux fois trois ans le séjour des enseignants détachés à l'étranger. Certains, ici, l'avaient d'ailleurs soutenue.

Les conditions ont changé dans un certain nombre de pays, mais pas partout. Les enjeux de sécurité et d'attractivité ne sont pas identiques entre les États européens et certains pays d'Afrique ou d'Asie. Je pense notamment à la Birmanie.

Il existe, à la marge, quelques situations personnelles extrêmement difficiles et des cas de séparation familiale complexifiant le départ d'un enseignant de son pays d'affectation. Tout cela doit être étudié très précisément.

N'oublions pas que la loi votée à l'époque avait pour contrepartie un travail sur la validation des acquis de l'expérience (VAE). Or il n'a jamais été conduit. C'est pourquoi j'ai demandé qu'un groupe de travail soit mis en place très rapidement. Ses conclusions, qui sont attendues dès le mois de décembre, nous permettront de réfléchir aux mesures nécessaires avant la rentrée 2025.

Je sais que le mouvement a eu lieu chaque année entre mars et mai et qu'il faut aller vite. D'où la réflexion que je vais mener pour répondre aux enjeux que je viens de décrire.

J'ai déjà répondu aux questions qui m'ont été posées sur la lutte contre les actes antisémites. Je le répète, la montée en puissance de tels actes dans la période récente est effrayante et absolument inacceptable.

J'en viens à la santé scolaire. Je connais bien le sujet, ayant moi-même exercé comme médecin au sein d'un service de protection maternelle et infantile (PMI). La médecine scolaire est peu attrayante, pour tout un tas de raisons. Les médecins, pendant leurs premières années d'études, sont formés à être des prescripteurs, c'est-à-dire à prendre en charge et à soigner les patients. Or de nombreuses filières, comme la santé publique, la médecine scolaire et la médecine du travail, privent les médecins de ce pour quoi ils ont été intrinsèquement formés.

J'ai échangé avec la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur la possibilité de s'appuyer sur les médecins de ville, bien qu'ils soient parfois rares ou absents dans certains territoires. La diversité des pratiques permettrait de répondre aux projets professionnels dont sont chargés bon nombre d'acteurs de la santé.

Nous devons aussi étudier des pistes pour les infirmiers scolaires, dans la continuité du dispositif d'infirmiers en pratique avancée (IPA) que nous avons créé.

Malgré les manques d'effectifs, nous devons répondre aux besoins. Tout ce qui peut aider à améliorer la prise en charge de la santé scolaire de nos jeunes et de nos enseignants est essentiel. En ce domaine, je m'efforcerai d'être créative. Au-delà des psychologues, des infirmiers et des médecins, nous pourrions sans doute faire appel à d'autres professions pour assurer le bien-être des jeunes.

Vous m'avez interrogé sur le fonds de soutien aux activités périscolaires : il est maintenu pour l'année en cours. Toutefois, la loi a prévu qu'il s'éteigne à la prochaine rentrée scolaire. Aucun dispositif de substitution n'étant envisagé, c'est la loi qui s'appliquera.

Je dirai quelques mots sur l'intelligence artificielle. C'est un sujet que j'aime beaucoup et dont je m'étais emparée à l'Assemblée nationale dans mes précédentes fonctions.

Pour ma part, j'utilise l'intelligence artificielle comme on se sert d'un marteau ou d'une voiture. Il s'agit en effet d'un outil pratique, mais encore faut-il le manipuler correctement. C'est pourquoi la formation des enseignants, comme des élèves, est extrêmement importante.

Dans un courrier envoyé à son chef d'établissement, un lycéen s'inquiétait de l'usage de l'intelligence artificielle générative par bon nombre de ses camarades, donnant lieu, selon lui, à des évaluations injustes. La formation de nos enseignants est déterminante pour dépister des cas d'utilisation abusive de l'intelligence artificielle comme celui-là. Par ailleurs, il faut sans doute revoir la conception des évaluations.

La formation à l'intelligence artificielle concerne aussi les élèves, car ils auront à s'en servir dans leur futur métier. Nous devons toutefois définir les limites à ne pas franchir, car il s'agit d'un outil potentiellement dangereux. En tout état de cause, c'est un sujet qu'il faut continuer d'explorer.

M. Bernard Fialaire. - À cet égard, la délégation à la prospective du Sénat a, cette année, pour thème l'intelligence artificielle et l'avenir du service public.

Mme Anne Genetet, ministre. - Du reste, les territoires éducatifs ruraux constituent un dispositif intéressant, en miroir des cités éducatives. Les retours sur leur mise en place et leur efficacité sont plutôt positifs.

Aujourd'hui, nous disposons de 203 territoires éducatifs ruraux ; il en existe au moins un par territoire rural. Pour autant, nos territoires ruraux sont tous très différents : nous ne saurions donc les superposer.

L'idée est de travailler sur la persévérance scolaire, de développer des stratégies d'orientation et de prendre en compte d'autres aspects périphériques, comme le sport, les arts, la culture et l'orientation.

Pour chaque territoire éducatif rural, les académies bénéficient d'un soutien de l'État à hauteur de 30 000 euros par an sur trois ans. C'est une somme inférieure à celle qui est allouée aux cités éducatives. Il faut donc aller plus loin, en travaillant avec les acteurs locaux.

Les territoires éducatifs ruraux doivent garantir à tous les jeunes, où qu'ils résident, un égal accès à l'éducation.

Je conclurai en évoquant le sujet des absences de professeurs. Commençons par les remplacements de longue durée, c'est-à-dire ceux de plus de quinze jours. Dans l'enseignement du premier degré, le taux de remplacements est de 78 %. Ce n'est pas si mal, mais cela ne suffit pas. Ainsi, nous travaillons actuellement pour améliorer l'efficacité des brigades de remplacement.

Dans le second degré, nous avons encore progressé, le taux de remplacements de longue durée atteignant 95 %. Pour aller plus loin, nous devons oeuvrer au recrutement de titulaires sur zone de remplacement (TZR).

Quant aux remplacements de courte durée, la situation est beaucoup plus complexe. Je le disais tout à l'heure, grâce au pacte enseignant, nous avons pu remplacer 2 millions d'heures dans le second degré. Le taux d'efficacité des remplacements de courte durée a pratiquement triplé un an. Cette dynamique est satisfaisante, mais nous sommes encore loin du compte.

Nous devrons donc travailler sur le positionnement des heures de formation continue en dehors du temps de présence devant les élèves : 70 % des formations étaient concernées l'an dernier ; notre objectif est d'atteindre 100 % des formations pour la période 2024-2025.

J'ai conscience des difficultés que rencontrent certains enseignants à placer leurs heures de formation en dehors du temps de classe, mais c'est ainsi que nous assurerons la présence d'un professeur devant chaque classe.

Depuis la rentrée 2024, l'objectif est de doubler les missions de remplacement de courte durée via les postes adaptés de courte durée (PACD).

Vous avez raison de vous émouvoir, il n'est en effet pas normal que les élèves n'aient pas de professeur dans des matières aussi fondamentales que le français ou les mathématiques. Si je faisais partie des parents d'élèves, je serais terriblement en colère et appellerais tous les jours l'académie.

Je sais que les directeurs d'académie s'efforcent d'assurer un recrutement de qualité et de compenser au plus vite le temps perdu.

Telles sont les réponses que je pouvais vous apporter. Je reste bien sûr disponible pour répondre à vos sollicitations. Je vous remercie pour vos questions riches et stimulantes. Je vous assure de mon soutien à notre belle institution qu'est l'éducation nationale. Elle regorge de trésors, d'ingéniosité, et exerce ses missions dans des conditions parfois difficiles.

Encore une fois, je tiens à saluer tous nos enseignants, qui déploient des efforts extraordinaires ; ils font preuve d'innovation, de créativité, d'originalité, et ont toujours le souci de faire progresser leurs élèves. Je remercie également les personnels de direction qui les encadrent. Ils pilotent un certain nombre de dispositifs et le font avec beaucoup d'efficacité.

Enfin, je veux assurer aux parents d'élèves que mon objectif ultime est de porter nos élèves vers la réussite.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie, madame la ministre. Ce temps d'échange était important. Il nous a permis de mieux comprendre les orientations que vous souhaitez donner à l'éducation nationale et de poursuivre notre travail dans l'intérêt des écoles, de l'ensemble des personnels éducatifs et des enfants.


* 1 Le programme 143 « Enseignement technique agricole » fait l'objet d'un avis budgétaire dédié.

* 2 Mission Territoires et Réussite, rapport d'Ariane Azéma et Pierre Mathiot remis à J.-M. Blanquer, novembre 2019.

* 3 Sondage réalisé par la FSU en octobre 2024.

Partager cette page