TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de Mme Valérie Létard, ministre du logement
et de la rénovation urbaine
(Mercredi 13 novembre 2024)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est avec un plaisir tout particulier que nous accueillons Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine ; elle retrouve ici une commission où elle a siégé et travaillé pendant tant d'années, en particulier sur les sujets qui concernent le secteur du logement, avec nos collègues Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, ou bien encore avec Marie-Noëlle Lienemann au moment où le groupe Action Logement était directement menacé.

Mais cette satisfaction n'est pas seulement celle d'accueillir une ancienne collègue : elle résulte aussi du fait que le Premier ministre Michel Barnier a clairement pris conscience des conséquences politiques, sociales et économiques de la crise du logement dans notre pays. C'est la raison pour laquelle, pour la première fois depuis 2017, il a nommé un ministre de plein exercice chargé du logement et de la rénovation urbaine. Valérie Létard s'est battue pour cela et en a fait une condition non négociable pour accepter de rejoindre le Gouvernement. Nous nous félicitons de ce ministère de plein exercice, car jusqu'alors le secteur du logement était traité comme un marché qui devait se réguler naturellement, les investisseurs étant considérés comme des rentiers plutôt que comme des entrepreneurs jouant un rôle dans la vie économique et sociale de notre pays. Désormais, le logement apparaît comme un bien essentiel à la vie de chacun d'entre nous.

Le Premier ministre a choisi une femme aux convictions connues. Chacun le sait, Valérie Létard est engagée en faveur de la rénovation urbaine, dont elle est une actrice historique, à l'échelon national comme dans sa région des Hauts-de-France. Elle s'est aussi engagée pour l'implication des entreprises dans le logement des salariés, au travers d'Action Logement, ou encore contre la réduction de loyer de solidarité, la fameuse RLS, dont nous constatons les dégâts dans les offices publics de l'habitat (OPH) comme dans les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) dans tous nos départements, et à laquelle nous nous sommes pour la plupart opposés.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a placé le logement en haut de la pile des priorités, conscient qu'il représente la première dépense des ménages. Il a pris un certain nombre d'engagements : la relance de l'accession à la propriété, avec le prêt à taux zéro (PTZ), la relance de l'investissement locatif, ou encore la mise en oeuvre de mesures de simplification et d'assouplissement pour la construction et la rénovation.

C'est donc un vrai tournant par rapport à la politique suivie depuis 2017 qu'il vous revient de concrétiser, madame la ministre. Les prises de parole du Premier ministre qui forment votre feuille de route ont fait naître un réel espoir, celui d'un gouvernement qui prendrait enfin des mesures contre la crise du logement plutôt que des mesures qui aggravent la situation, comme nous l'avions dénoncé dans le rapport d'information que nous avons présenté au mois d'avril dernier, avec Amel Gacquerre et Viviane Artigalas.

Ce tournant est absolument nécessaire, il ne faut laisser personne en douter. Certains voient dans la baisse des taux d'intérêt la fin de la crise du marché immobilier ou la baguette magique pour redonner des subsides à bon compte aux bailleurs sociaux. D'autres continuent d'imaginer des martingales pour ne pas construire, comme récemment l'idée selon laquelle le départ des personnes âgées de leurs logements résoudrait le problème - ignorant qu'un grand nombre de retraités habitent en zone non tendue.

Si ce changement de politique reste urgent, c'est parce que les conséquences de la crise sont toujours là : le secteur de la construction est en danger, le parcours résidentiel est bloqué, le mal-logement est prégnant et la rénovation énergétique reste le grand défi à relever. Nombre de nos concitoyens sont frustrés parce que leur projet de vie est empêché. Le développement économique est lui-même entravé, puisque là où l'on pourrait embaucher, il n'y a pas de logements, ou du moins pas assez.

Alors que la crise et l'urgence sont là, le cadrage budgétaire dont vous héritez, madame la ministre, est celui dessiné à l'été 2024, quand de nombreux problèmes ont été laissés en suspens. Si, pour des raisons techniques de changement de périmètre, les chiffres globaux sont flatteurs, il n'en va pas de même dès lors que l'on considère la situation dans le détail.

Ainsi, la rénovation urbaine a été laissée sans financement de l'État en 2024 et le sera peut-être aussi en 2025. De même, le financement du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) serait laissé à la charge des bailleurs sociaux, si l'on n'apportait pas de correction. La RLS pourrait également être indexée et non plafonnée, et je pourrais encore citer bien d'autres sujets.

Je voudrais donc, madame la ministre, que vous nous présentiez votre budget en même temps que la manière dont vous envisagez de dénouer le noeud gordien du logement.

Sachez que vous pourrez compter sur notre commission et sur le Sénat, dans sa large majorité, pour vous y aider.

Avant de vous laisser la parole, je rappelle que notre réunion est diffusée en direct sur le site internet et les réseaux sociaux du Sénat.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. - Cette audition revêt forcément pour moi une importance particulière. J'ai quitté votre commission en 2023, avec de la peine au coeur et en pensant ne pas y revenir. Le travail que vous y menez, d'une manière collégiale et au-delà des sensibilités particulières, est d'une qualité incroyable et donne le sentiment de faire avancer les choses. C'est donc pour moi un plaisir et un honneur que de revenir participer à vos travaux en tant que ministre de plein exercice, afin de vous éclairer sur l'état d'avancement de la préparation du budget de mon ministère - dont je précise qu'il n'est pas figé ni arrêté. J'accorde d'autant plus d'importance à cette audition que je connais votre expertise, de sorte qu'il me faudra être la plus précise possible sur les éléments que je vous livrerai. Votre travail est essentiel et je m'en inspire !

Je vais donc vous présenter le budget de mon ministère, ainsi que la feuille de route que je souhaite mettre en place, six semaines après la nomination du Gouvernement.

Je commencerai par rappeler deux éléments de contexte.

Tout d'abord, d'un point de vue politique, le contexte parlementaire a changé, ce qui amène à développer une approche et un travail différents. Vous connaissez mieux que personne la richesse et la complexité de la réalité parlementaire.

Ensuite, le contexte économique et budgétaire dans lequel se trouve le secteur a été décrit à plusieurs reprises par les acteurs. Le président d'Action Logement, lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), a exposé de façon assez crue et avec sincérité les menaces qui pèsent aujourd'hui sur des centaines de milliers d'emplois.

Ces circonstances rendent d'autant plus difficile l'exercice auquel je me prête devant vous. Je reste toutefois convaincue que sur le logement, nous pouvons au moins aboutir à un constat commun, et une conjonction des bonnes volontés. C'est pourquoi ce que je vous présenterai prendra la forme d'une feuille de route - ou du moins son état d'avancement, car les choses cheminent et s'améliorent vers un plan d'action à moyen terme.

Mais, parce que la situation que je viens de décrire demande des réponses rapides, je souhaite aussi prendre certaines mesures qui relèvent de l'urgence, ou du bon sens, dans le cadre de l'examen budgétaire.

J'achève à peine mon deuxième mois à la tête de ce ministère et les résultats n'ont rien d'instantané. J'aimerais toutefois que vous reteniez un symbole. En effet, comme madame la présidente vient de le rappeler, cela faisait très longtemps qu'il n'y avait pas eu de ministère du logement de plein exercice. J'avais exigé qu'il en soit ainsi avant d'accepter le poste, et cette exigence a été satisfaite. Au-delà du symbole, il nous faut désormais prendre la mesure de l'importance politique et budgétaire de ce ministère.

J'en viens donc au budget que le Gouvernement a préparé et que vos collègues de la commission des finances ont examiné cet après-midi. Au sein de la mission « Cohésion des territoires », le ministère du logement met en oeuvre la stratégie du Gouvernement à travers plusieurs politiques : la production et la rénovation de logements, dans le cadre du programme 135 ; l'hébergement et l'insertion des personnes vulnérables, au sein du programme 177 ; enfin, la politique de la ville (c'est le programme 147). Mon ministère représente donc 98 % des crédits de la mission. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit actuellement plus de 23 milliards d'euros de crédits pour cette mission, dont le budget est réparti en quatre axes.

Le premier de ces axes est le soutien à la production de logements et à l'accession à la propriété. Comme je l'ai annoncé, conformément à la déclaration de politique générale du Premier ministre, le prêt à taux zéro sera élargi à tout le territoire pour le logement neuf, et maintenu pour l'ancien en zone détendue. Cette mesure, très attendue par la chambre haute, devrait favoriser le retour des ménages vers l'accession à la propriété. Cette extension à tout le territoire concernera aussi bien les appartements que les maisons individuelles. Même si cela relève du domaine réglementaire, je souhaite que nous puissions débattre des quotités de prêt, qui sont fondamentales pour assurer le succès du PTZ.

En complément, il faudra soutenir l'investissement locatif, compte tenu notamment de la fin programmée du dispositif Pinel. La défiscalisation des donations pour les enfants et petits-enfants est un sujet qu'il faudra traiter. L'objectif est en réalité d'utiliser ces capitaux dormants. Plusieurs propositions en la matière ont été faites à l'Assemblée nationale. Je soutiendrai bien évidemment les initiatives du Sénat qui permettraient d'aboutir à un dispositif consensuel avec l'Assemblée nationale.

La production de logements sociaux doit être un autre moteur de la reprise. Le taux du livret A baissera au 1er février 2025 - Antoine Armand et Éric Lombard me l'ont assuré. Viviane Artigalas connaît bien ces sujets. Nous travaillerons ensemble pour calibrer au mieux cette baisse, qui doit être importante.

Je suis convaincue que nous devons aller plus loin pour redonner des marges de manoeuvre aux bailleurs, sans aucun tabou. Ainsi, le Gouvernement proposera une baisse de la RLS de 200 millions d'euros en contrepartie d'engagements précis de la part des bailleurs sociaux sur la production de logements.

Au-delà de la désindexation, nous ferons donc un effort important, inédit depuis 2017, en faveur des bailleurs sociaux. Je réunirai dans les prochains jours leurs représentants de manière à aboutir, avant la mi-décembre, à un ensemble d'engagements réciproques. En échange de cet ajustement budgétaire, il y aura des exigences, les objectifs déterminants qui seront fixés dans le cadre des engagements que prendront les bailleurs sociaux au sein du dispositif seront évalués. Il faudra en effet que les résultats soient au rendez-vous, pour pouvoir continuer dans cette voie dans les années à venir.

Le deuxième axe consistera à assurer l'hébergement et l'accès au logement des plus démunis. Les capacités d'accueil du parc d'hébergement d'urgence seront maintenues à 203 000 places durant l'année 2025, comme en 2024. Le Gouvernement a en effet débloqué 250 millions d'euros afin d'assurer le financement complet de l'année 2024 et de sécuriser un nombre de places conforme au niveau d'exigence attendue. Ces crédits intègrent le coût du Ségur de la santé, ce qui devrait apaiser les inquiétudes du secteur.

Le plan Logement permet, depuis 2018, d'orienter le plus rapidement possible vers le logement les personnes sans abri ou mal-logées tout en assurant un accompagnement social adapté aux besoins. Il bénéficiera de 29 millions d'euros supplémentaires en 2025 pour pouvoir tenir l'objectif fixé, soit 30 000 créations de places en intermédiation locative et 10 000 créations de places en pension de famille entre 2023 et 2027. Depuis 2017, quelque 550 000 personnes sans domicile ont pu être ainsi relogées.

Le troisième axe vise à assurer la stabilité et la visibilité des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des logements. Dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov', le système d'aide articulé autour du parcours accompagné pour les rénovations d'ampleur et du parcours par gestes pour le remplacement des systèmes de chauffage fossile et les travaux d'isolation sera maintenu en 2025. La stabilité des modalités de financement sera une priorité de mon action en matière de rénovation énergétique. C'est là une demande forte des usagers et des fédérations professionnelles, dont vous connaissez les inquiétudes. Le passage du geste de rénovation globale aux monogestes avait généré un stop-and-go dont une partie des filières subissent encore les conséquences. Je m'engage donc à ce que le monogeste et la rénovation globale ne soient pas opposés, mais maintenus l'un comme l'autre, car ils sont complémentaires. Je veux ainsi prendre en compte les recommandations de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la Fédération française du bâtiment (FFB) quant à la nécessité de ne pas revenir à la disposition de janvier 2024.

Certes, il faudra des ajustements, notamment pour ce qui concerne les chaudières à gaz qui consomment de l'énergie fossile, ce qui ne correspond pas aux orientations du plan Climat. Malgré les points de crispation qui subsistent, je veillerai à conserver la trajectoire qui a été choisie, car même si la rénovation globale est l'idéal, pour certains usagers, le monogeste reste un moyen d'entrer dans un parcours accompagné.

Pour mettre en oeuvre cet accompagnement, nous disposons de 600 points de conseil France Rénov' ouverts ou en cours de réalisation. C'est aussi grâce à l'action de proximité que nous pourrons mieux accompagner les usagers dans la rénovation énergétique de leur logement.

Le quatrième axe consiste à poursuivre la mise en oeuvre des contrats de ville et de la politique de rénovation urbaine. Les crédits du programme 147 permettront de financer de nouveaux contrats de ville « Engagements quartiers 2030 » pour la période 2024-2030. Le financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sera bien entendu assuré en 2025 ; le Gouvernement déposera un amendement en ce sens au Sénat. Hors contribution financière de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), les crédits de la politique de la ville seront ramenés au niveau des dépenses constatées en 2023 sur ce programme.

Si je souhaite agir vite pour ce qui relève presque de l'évidence, je veux aussi vous donner une perspective de moyen terme.

Loger mieux, cela passe d'abord par la production de logements. Nous devons nous atteler à diminuer les coûts de production, par des simplifications en matière d'urbanisme et de normes de construction. Je pense surtout aux territoires urbains, ultramarins et insulaires, pour lesquels ces problématiques sont particulièrement sensibles. Je veillerai à ce que les orientations prises à l'échelle européenne intègrent ces enjeux et à ce que les textes européens ne soient pas surtransposés, pour maîtriser les coûts. Je reprendrai toutes les mesures de simplification qui faisaient consensus dans les débats passés, en exploitant les véhicules législatifs qui me permettront de les faire adopter le plus vite possible.

Pour produire plus de logements, il faut développer l'industrie de la transformation urbaine. Un premier travail a été engagé dans le cadre de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. Je sais que votre chambre est particulièrement investie sur ce texte. Le Gouvernement le soutient et je veux croire qu'il achèvera rapidement son parcours législatif. En tout cas, je m'y emploie.

Je suis convaincue que nous devons être plus incitatifs en matière de réhabilitation. Je souhaite travailler avec le Parlement sur le sujet spécifique des friches commerciales et je serai attentive à toutes vos propositions en la matière.

Les bailleurs sociaux sont les principaux producteurs de logements. La compression de l'échelle des salaires rend le logement social de plus en plus important dans les parcours résidentiels. Je connais la situation difficile des bailleurs, largement soulignée par la Caisse des dépôts et consignations, et je crois que nous ne pourrons sortir des difficultés que par des engagements conjoints garantissant l'investissement de tous les bailleurs pour aller au-delà des 82 000 logements agréés en 2023, comme je l'ai expliqué : c'est le sens de la baisse du taux du livret A et de la RLS.

Nous ne produirons pas non plus de logements sans les élus locaux. Il faut notamment, par un travail de simplification, faciliter la délivrance des autorisations d'urbanisme et le recours aux dérogations des plans locaux d'urbanisme (PLU).

Loger mieux implique aussi que les logements produits répondent aux besoins. La solidarité nationale doit apporter son concours à certains publics ; c'est l'un des piliers de notre pacte républicain. Cela concerne tout d'abord les personnes sans abri. Alors que nous entrons dans l'hiver, les besoins sont monstrueux ; je suis extrêmement attentive à cette réalité. Les élus sont en première ligne dans les territoires pour y faire face.

Il faut maintenir la dynamique lancée dans le cadre du plan Logement d'abord, voulu par le Président de la République en 2018. Nous devons améliorer la fluidité du parc, grâce à un partenariat renforcé avec mon collègue ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau. Je l'ai déjà rencontré sur ce sujet et nous travaillerons main dans la main. Je travaillerai également avec ma collègue ministre du travail sur un accompagnement vers l'accès à l'emploi. En effet, un plan sur les métiers en tension permettrait de faire sortir de nombreuses personnes de l'hébergement d'urgence, ce qui libérerait des places. Nous devons nous emparer de ce sujet, et je m'y emploierai.

Je serai attentive au développement de la prise en charge de l'hébergement des femmes victimes de violences. Certes, j'ai choisi de mener mon combat de manière plus globale, en finançant 203 000 places d'hébergement d'urgence en 2025 tout en intégrant le coût du Ségur. Toutefois, je serai particulièrement attentive à la situation des femmes victimes de violences et des femmes avec enfants, dans le cadre des échanges que je pourrai avoir avec les préfets. Il s'agit en effet d'un public particulièrement vulnérable, sur lequel nous devons porter un regard attentif. Sur ce sujet, il nous faut améliorer la mobilisation interministérielle, qu'il s'agisse de l'emploi, de la santé, de la solidarité ou de l'éducation. Vos collègues de la délégation sénatoriale aux droits des femmes me remettront prochainement leur rapport d'information Femmes sans abri, la face cachée de la rue, sur lequel je souhaite m'appuyer. Encore une fois, de manière générale, je regarderai avec bienveillance et attention les travaux du Sénat, qui m'aideront à cheminer dans la bonne direction.

L'État est aussi responsable du logement étudiant. Nous devons en assurer la production avec les bailleurs sociaux, les gestionnaires privés et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous). Il faudra développer le logement étudiant intermédiaire pour les étudiants de classe moyenne. Plus globalement, nous devons simplifier les normes et accompagner les projets. Je mobiliserai les préfets en ce sens, en lien étroit avec mon collègue Patrick Hetzel. Nous nous appuierons sur tous les dispositifs qui sont à notre disposition. Je souhaite ainsi que la transformation des bureaux en logements puisse contribuer à accélérer notre production de logements étudiants. Je m'assurerai également du concours de la Caisse des dépôts et consignations et je mobiliserai les services de mon ministère pour que les progrès soient concrets.

Je souhaite par ailleurs favoriser le logement intergénérationnel et les nouvelles formes d'habitat collectif permettant aux personnes âgées de continuer à vivre à domicile le plus longtemps possible. Je compte lancer une mission sur ce sujet, qui rendra ses conclusions avant la fin du premier trimestre 2025. Il faut aussi veiller au renforcement et à l'accessibilité du dispositif MaPrimeAdapt'.

Loger mieux implique également de mobiliser le parc existant, d'abord en favorisant la location de longue durée dans le parc privé. Un premier jalon a été franchi pour la régulation des meublés de tourisme. Nous devons maintenant mener un travail d'ampleur sur la rentabilité et la sécurité de l'activité de location résidentielle. Il faut trouver les moyens de rassurer les propriétaires comme les locataires et de simplifier l'accès au logement, par exemple en révisant les dispositions contractuelles et en prévenant les impayés de loyer de manière plus efficace. Il faut aussi se pencher sur chaque poste de rentabilité, des charges aux travaux et aux loyers. À ce titre, je souhaite que votre commission se mobilise pour une évaluation de l'encadrement des loyers dès le milieu de l'année prochaine.

Pour mieux exploiter le parc existant, il faut aussi s'appuyer sur tout le parc social. Les bailleurs sociaux font déjà un travail fin de gestion locative et cherchent à s'améliorer, comme en témoigne le thème du prochain congrès HLM.

Nous devons également aboutir à des mesures utiles d'accompagnement de la mobilité des locataires. Il faudra donner des marges aux bailleurs, pour qu'ils puissent baisser les loyers d'un logement neuf susceptible d'accueillir, par exemple, une personne âgée quittant un grand logement en étage, sans ascenseur, qui ne lui est plus adapté, tout en ajustant les loyers d'autres logements pour compenser cet effort.

Mieux exploiter le parc existant implique aussi d'assurer sa rénovation énergétique. Je travaille sur ces questions de concert avec Agnès Pannier-Runacher, dont le champ de compétences est complémentaire du mien. Cet effort englobe tant le logement que les bâtiments tertiaires. L'État investit massivement dans la rénovation du parc privé, via MaPrimeRénov' ; les crédits prévus à ce titre permettront 350 000 rénovations l'année prochaine. Je me suis engagée à maintenir les aides à leur niveau actuel. De plus, nous continuerons d'accompagner la filière, de simplifier l'accès au label RGE (« reconnu garant de l'environnement »), de déployer le service public de la rénovation, avec les collectivités, et de faciliter les financements : pour ce dernier point, Mmes Gacquerre et Margaté, qui ont déjà travaillé sur ce sujet au sein de votre commission, intégreront un groupe de travail sur la création d'une banque de la rénovation, chargé d'apporter à ce projet les ajustements nécessaires pour le respect des objectifs et des jalons.

Nous nous appuierons aussi sur les bailleurs sociaux. J'ai obtenu le report de 200 millions d'euros de crédits pour financer ces rénovations l'année prochaine et ainsi prolonger la mobilisation des bailleurs.

Enfin, je continuerai de lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Je pense aux victimes des effondrements de la rue d'Aubagne, à Marseille, et à celles de toutes les situations de mal-logement. Nous mettrons tout en oeuvre pour lutter contre ce fléau, en nous appuyant sur la loi du 9 avril 2024 sur les copropriétés dégradées.

Concernant l'aménagement du territoire, en tant qu'élue d'un bassin minier, je connais la désindustrialisation, l'habitat indigne et les centres-villes qui se vident ; je suis convaincue du besoin de planifier, de soutenir et de financer. Il faut une vision tant locale que nationale de l'aménagement du territoire ; mon action sera guidée par le souci d'un développement territorial équilibré. L'État s'engage à conduire, aux côtés des collectivités, des opérations stratégiques de production de logements par l'action des établissements publics d'aménagement (EPA) et des établissements publics fonciers (EPF), ainsi que par des démarches partenariales telles que les projets partenariaux d'aménagement (PPA) et, plus récemment, les « territoires engagés pour le logement » ; les dernières conventions de ces territoires seront très prochainement signées grâce au dégel et au report de crédits que j'ai obtenus.

En cohérence avec nos objectifs de sobriété foncière et de protection des espaces agricoles, naturels et forestiers, je contribuerai au travail sur l'adaptation du cadre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) que conduira ma collègue Catherine Vautrin, cheffe de file sur ce sujet, en coordination avec Agnès Pannier-Runacher et moi-même. Ce travail devra permettre une mise en oeuvre plus facile et plus souple du ZAN ; je veillerai à ce que les enjeux de logement soient pris en compte à leur juste place. Les sénateurs Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, dont je salue l'engagement sur ce sujet, seront associés à ce travail.

L'État a un rôle à jouer dans la réflexion sur les liens entre emploi et logement. Je salue le travail accompli en la matière par Action Logement. Certaines dynamiques locales nécessitent sans doute d'être amplifiées, par des expérimentations et la mobilisation des leviers de l'État.

J'en viens à un sujet qui me tient particulièrement à coeur au vu de mon parcours professionnel et politique, celui de la politique de la ville. Je sais l'inquiétude qui s'exprime et je veux redire que je serai pleinement mobilisée sur ces sujets. Certes, je ne gagnerai pas tous les combats. Une contribution financière à la nécessaire maîtrise budgétaire est attendue de ce département comme de tous les ministères. Néanmoins, je me mobiliserai pour l'amélioration de cette politique.

Je porterai une politique territoriale forte en priorisant fermement le recours au droit commun. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont besoin d'une mobilisation durable ; ce doit être un réflexe dans chaque strate de politique publique, et ce sera l'un des principaux objectifs du comité interministériel des villes que je veux réunir, sous l'autorité du Premier ministre, au début de 2025. Je souhaite une réelle coordination entre les collectivités territoriales, les agences et opérateurs de l'État - agences régionales de santé (ARS), caisses d'allocations familiales (CAF), caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Caisse des dépôts... -, les entreprises et les associations.

Je serai enfin très attentive à la mise en oeuvre des programmes de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Tous les crédits ont été répartis et tous les quartiers sont en chantier, avec 3 460 opérations livrées, 12 000 en cours et 2,4 milliards d'euros de subventions versées. Je serai attentive à poursuivre cet effort ; l'État y prendra sa part en 2025.

Voilà les trajectoires que j'entends donner à mon action. La crise que subit le secteur nécessitait aussi des réponses de court terme, en deçà de cette feuille de route qui embrasse une période plus large. Il m'a fallu les apporter, pour redonner confiance aux acteurs du logement. Vous aurez un rôle important à jouer pour conforter cette dynamique attendue, je sais pouvoir compter sur vous et vos nombreux travaux. Pour ma part, je continuerai à porter mes convictions autant que je le peux, avec la loyauté qui s'impose à moi comme membre du Gouvernement, mais avec aussi beaucoup d'exigence.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous ne doutons nullement de vos convictions, madame la ministre : comme membre de notre commission déjà, vous étiez extrêmement rompue à tous les sujets du logement et de la politique de la ville, et pleine de détermination. Je sais combien votre nomination à ce poste a été favorablement accueillie par l'écrasante majorité des acteurs du secteur.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - J'ai quelques questions à vous poser, madame la ministre, sur la relance de la construction et de l'accession à la propriété, sur le financement du logement social, sur le traitement des copropriétés en difficulté et sur l'hébergement d'urgence.

Concernant la relance de la construction dans le parc privé, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement pourrait soutenir un dispositif qui serait un mix du dispositif dit « Balladur » de 1994 et de la « donation Sarkozy » de 2004, en permettant une donation défiscalisée afin d'acquérir un premier logement neuf en résidence principale ? Si tel est bien le cas, sera-t-il possible d'aller jusqu'à 150 000 euros, somme avec laquelle on peut vraiment accéder à la propriété en province ?

Concernant le logement social, les bailleurs sociaux appellent de leurs voeux, depuis six ans, une réduction de la RLS. Je vous félicite de l'annonce que vous venez de faire d'une baisse de 200 millions d'euros de cette dernière. Avec la baisse du taux d'intérêt du livret A, cette mesure donnera un peu d'air pour la production de logement social.

Sur 750 000 copropriétés immobilières, 150 000 seraient en difficulté. Marianne Margaté et moi-même avons présenté en juillet dernier les conclusions d'une commission d'enquête sur cette paupérisation grandissante. Des immeubles se dégradent, des propriétaires restent sans moyens, et des marchands de sommeil en font leur fonds de commerce. Les petites copropriétés, parfois sans syndic, sont les plus touchées, sans qu'aucune politique publique ne les cible aujourd'hui. Nous avons émis 25 propositions concrètes, que nous serions heureuses de vous présenter prochainement. Un travail est-il prévu sur ce sujet ?

Enfin, les besoins de l'hébergement d'urgence sont criants. Je sais combien vous êtes sensible à ce sujet. Le programme 177 est structurellement sous-doté de 250 millions d'euros. Chaque soir, plusieurs milliers de familles avec enfants ne trouvent pas de réponse au 115. La délégation aux droits des femmes du Sénat s'est penchée sur le sort des femmes à la rue et a demandé la création de 10 000 places. Vous avez annoncé le maintien de 203 000 places pour 2025, mais tous les acteurs nous disent que ce ne sera pas suffisant. La situation devrait s'aggraver l'année prochaine avec la suppression de plusieurs milliers de places dans le dispositif national d'asile (DNA). Comment cette situation sera-t-elle traitée ?

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Il me revient de vous interroger sur la politique de la ville ; je voudrais vous poser trois questions sur les moyens de l'Anru, les contrats de ville et les adultes relais.

Concernant l'Anru, j'alerte depuis de nombreuses années : l'État ne paye pas sa part de l'effort. Aujourd'hui, ne faisons pas en sorte qu'il ne soit pas du tout au rendez-vous ! Les 50 millions d'euros destinés à financer le NPNRU en 2024 ont été annulés et la ligne du budget 2025 est vierge. Vous venez toutefois d'annoncer vouloir y remédier, à hauteur de 50 millions d'euros ; je m'en félicite. Les annonces initiales étaient graves, parce que le NPNRU est un vrai succès, nous nous le constatons à chaque déplacement.

L'Anru doit maintenant décaisser environ 1 milliard d'euros par an ; elle ne pourra pas le faire sans l'appui de l'État. Certains espèrent que les difficultés financières des collectivités les conduiront à renoncer à leurs projets et éviteront à l'État de payer ! Je refuse absolument cette politique du « chien crevé qui suit le fil de l'eau », qui serait aussi une double peine pour les communes les plus pauvres, et je sais que vous ne la souhaitez pas non plus. Alors dans le contexte financier que nous connaissons, comment faire ? Est-il envisageable de repousser la fin du programme ? Est-il envisagé de reporter certains projets à un troisième programme national de renouvellement urbain ? Enfin, ne faut-il pas lancer une revue de programme et prioriser les actions plutôt que d'attendre les échecs, les renoncements et les impasses ?

Le budget 2025 est difficile, en décroissance. Pour autant, pouvez-vous nous garantir que les moyens déconcentrés des contrats de ville, qui correspondent au budget d'un très grand nombre d'associations des quartiers, seront préservés ?

Enfin, concernant les adultes relais, je peux comprendre la contrainte budgétaire, mais pas son application comptable consistant à ne pas renouveler les contrats arrivant à échéance en 2025. On doit remettre de la politique dans les choix et arbitrer en fonction des besoins. Il faut aussi prendre garde à ne pas laisser l'ardoise aux collectivités qui, par la suite, refuseraient alors de participer à la politique de la ville, sachant qu'au bout d'un ou deux ans l'État se désengage et les laisse seules pour payer des agents que l'État les avait incitées et aidées à embaucher.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Le programme 177 est un filet de sécurité de la solidarité nationale, c'est ce qui reste en dernier lieu ; il faudrait absolument éviter qu'il ne craque. Ses crédits sont pérennisés à hauteur de 2,9 milliards d'euros, ce qui est remarquable dans le contexte que l'on connaît. Vous vous êtes battue pour que le Gouvernement ne fasse pas d'économies sur les personnes sans domicile.

Je veux néanmoins soulever quelques points d'alerte. Si les crédits sont globalement maintenus, on relève des transferts à l'intérieur de cette ligne budgétaire. Quelque 70 millions d'euros de crédits auparavant destinés, au sein de l'hébergement d'urgence, aux nuitées les moins chères, aux nuits d'hôtel qui ne règlent rien, sont réaffectés à des places d'hébergement en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de meilleure qualité et avec de l'accompagnement social. Mais ces places coûtent environ deux fois plus cher ; on ne peut donc pas, à contour budgétaire constant, conserver l'objectif de 203 000 places, il manquerait 70 millions d'euros pour le faire tout en améliorant la qualité d'un certain nombre de places d'hébergement.

Le deuxième sujet inquiétant est l'hébergement des Ukrainiens. Aucune ligne budgétaire n'est prévue à cette fin en 2025. Les plus vulnérables d'entre eux, ceux qui n'ont pas réussi à devenir autonomes, soit quelque 45 000 personnes, sont menacés d'expulsion de l'hébergement, parfois dès janvier 2025 ; des alertes nous sont déjà remontées. Le manque de financement est estimé à environ 27,5 millions d'euros. Si rien n'est fait pour le combler, il y aura bien des personnes à la rue. Cela fait aussi courir un risque diplomatique. En outre, le bruit court déjà dans la communauté ukrainienne que, pour échapper à ce danger, mieux vaut demander l'asile, ce qui risque d'emboliser davantage encore notre système d'asile.

Le troisième point d'inquiétude concerne le fonctionnement du programme 177, comme Amel Gacquerre l'a déjà bien souligné. Ce programme est chroniquement déficitaire : quand on commence l'année, on sait déjà qu'il faudra, avant la fin de l'exercice, le compléter à hauteur de 250 millions d'euros. Je vous remercie d'avoir fait le nécessaire pour 2024, mais si l'on part sur les mêmes bases pour 2025, là encore, avant la fin de l'année, il manquera 250 millions. Ce n'est pas un glissement budgétaire, mais bien une dette ancienne que l'on traîne d'année en année. Cette situation fragilise profondément les associations, qui manquent de visibilité et ne savent pas si elles pourront être payées pour les services qu'elles rendent. La moitié d'entre elles risque de mettre la clé sous la porte en 2025, ce qui aurait un impact gravissime sur l'accompagnement de ceux qui sont dans la rue. Elles nous alertent : ce stop-and-go ne peut plus durer ! Ajoutons que ces associations, en particulier dans des territoires ruraux comme le mien, remplissent aussi d'autres missions : handicap, aide alimentaire, accompagnement de diverses populations fragiles ou de personnes hébergées en Ehpad. Si nous les perdons, nous allons nous trouver en grande difficulté.

Mme Valérie Létard, ministre. - Concernant le premier sujet d'interrogation de Mme Gacquerre, le dispositif proposé par amendement à l'Assemblée nationale, et regardé avec bienveillance par le Gouvernement, ne correspond pas exactement au dispositif dit « Balladur ». En effet, il s'agit d'une exonération de frais de succession pendant une durée limitée à un an. Le calibrage du dispositif n'est pour l'instant pas à la hauteur des attentes du Sénat ; le dispositif pourra être amélioré au fil de la navette parlementaire, le Gouvernement y sera attentif. Par ailleurs, un atterrissage souple du Pinel est également attendu - dont on sait depuis longtemps qu'il prendra fin au 31 décembre 2024 -, afin de permettre la conclusion des dernières opérations.

Il faudra ensuite travailler à un système plus durable pour les bailleurs privés ; nous nous y attellerons en 2025, avec mon collègue chargé du budget Laurent Saint-Martin, mais aussi avec le Parlement. Cette dynamique permettra aussi, peut-être, de mettre à contribution du capital ou du patrimoine dormant, en incitant leurs détenteurs à aider leurs enfants ou leurs petits-enfants à investir dans une résidence principale à construire. Le prêt à taux zéro (PTZ) existe déjà, pour les ménages modestes, mais il faut actionner tous les leviers, avec pragmatisme, impliquer tous les acteurs pour dégripper autant de verrous que possible. Cela implique de se projeter au-delà de 2025 et de la fin du Pinel. À l'Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a ouvert la voie à une discussion pour une sortie « en sifflet » ; le travail doit maintenant continuer avec le Sénat.

Pour ce qui est du logement social, on est passé d'une indexation de la RLS à une désindexation, avec un amendement qui tend à la plafonner à 1,1 milliard d'euros au lieu de 1,3 milliard, mais il nous faut maintenant, en retour, convenir avec les bailleurs des exigences qui s'imposeront à eux, par lesquelles ils montreront qu'ils contribuent à l'effort de production et de rénovation. Il leur faudra être au rendez-vous de ce combat collectif, s'ils veulent défendre la cause du logement social. Quoi qu'il en soit, notre volonté politique est forte, en dépit des obstacles.

Tant Mme Gacquerre que Mme Sollogoub ont évoqué le programme 177. J'ai essayé dans mon propos liminaire d'expliquer jusqu'où j'avais réussi à cheminer. Au sein des 250 millions d'euros que j'ai pu débloquer pour la fin de 2024, 29 millions sont fléchés pour l'accueil des Ukrainiens : nous gardons bien ce sujet en tête. Pour l'exercice 2025, tout n'est pas encore satisfaisant, mais j'ai au moins obtenu l'engagement de rester à 203 000 places d'accueil. Tout ce que nous pourrons améliorer, nous l'améliorerons.

Si tout le monde se mobilise pour plus de fluidité autour des métiers en tension, certains des publics accueillis en hébergement d'urgence, s'ils sont en situation régulière et reçoivent une bonne formation et une orientation, pourraient obtenir un emploi et des perspectives de logement de droit commun ; pour ce faire, leur accompagnement sera crucial. On pourrait ainsi libérer jusqu'à 10 000 places. Certes, ce sera un long travail, mais ce sont de premières pistes d'amélioration. Il faudra aussi travailler sur les droits incomplets, ou encore sur une meilleure délivrance des titres de séjour : un renouvellement accompli dans les délais par la préfecture évite parfois de verser dans l'hébergement d'urgence. Je vois là d'importantes marges d'amélioration. Si je le pouvais, j'irais encore plus loin, car je suis extrêmement sensible à la situation de ces personnes. J'essaie de cheminer dans ce sens, et je crois que le Sénat aura aussi un rôle à jouer pour poser ses choix et ses priorités dans ses discussions avec le Gouvernement.

Pour vous répondre sur l'Anru, madame Artigalas, j'ai bien conscience du contexte dans lequel opère cette agence. Oui, je soutiendrai l'amendement tendant à abonder son budget, de 50 millions d'euros dans un premier temps. Certes, cela ne règle pas le problème des contributions en retard de l'État, mais c'est une première étape avant le travail qui devra être mené en 2025 autour de la trajectoire de sortie du NPNRU. Il faudra procéder à une évaluation fine et précise de ce programme avant de déterminer comment l'État et ses partenaires continueront de cheminer. L'État devra alors définir clairement ses choix et ses stratégies. C'est l'un des chantiers que j'aurai à traiter, l'un des nombreux sujets pour lesquels je dois assumer la réalité dont j'ai hérité.

Sur le contrat de ville, sur les adultes relais, sur les cités éducatives, je sais quelles sont les attentes. Le travail va se poursuivre d'ici au débat budgétaire en séance publique. Je sais que vous déposerez des amendements sur ces sujets, que je regarderai avec attention, car ils me tiennent également à coeur. Il est indispensable que les moyens déconcentrés de l'État arrivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : si le droit commun trouvait une application concrète dans les QPV, le contrat de ville ne serait plus aussi essentiel. C'est tout le travail que je mène, avec mon cabinet, auprès des autres ministères : identifier tous les points, quantifiables et mesurables, qui pourraient faire l'objet d'un travail de mobilisation concrète du droit commun dans ces quartiers, avec un vrai suivi. C'est évidemment un travail de fourmi ; mais s'il porte ses fruits, il fournira un socle solide aux crédits de la politique de la ville, qui sont évidemment insuffisants à ce stade, mais dont j'espère qu'ils pourront progresser au cours du débat budgétaire. Je connais de nombreux élus qui sont mobilisés pour accompagner cette dynamique.

M. Jean-Claude Tissot. - La crise du logement s'accélère de manière inquiétante. Un chiffre en témoigne : plus de 2,5 millions de ménages sont en attente d'un logement social d'après l'USH. Les raisons de la crise traversée par le secteur sont multifactorielles, mais la responsabilité des gouvernements successifs est entière. Au-delà du manque de logements, le parc social français est aujourd'hui vieillissant et souvent inadapté, notamment au regard des enjeux de transition énergétique.

À la lumière de ces éléments, mes questions porteront sur les projets de rénovation, qu'il s'agisse de démolition-reconstruction ou de réhabilitation. Les programmes de rénovation financés par l'Anru entraînent en moyenne une perte de 10 % de logements sociaux, la démolition étant souvent privilégiée. Or de nombreuses études montrent que les réhabilitations restent moins onéreuses que le neuf ou les opérations de démolition-reconstruction, ces dernières étant également plus intéressantes du point de vue environnemental.

Par ailleurs, la politique de rénovation urbaine pilotée par l'Anru incite indirectement les bailleurs à ne pas entretenir régulièrement leur patrimoine, afin de bénéficier des potentielles subventions de l'agence. Envisagez-vous de changer les règles de l'Anru pour que celle-ci ne finance plus de projets de rénovation lorsque les bâtiments n'ont pas été correctement entretenus par les bailleurs ? Plus généralement, ne pensez-vous pas qu'un moratoire sur tous les projets de rénovation urbaine dans le logement social permettrait de mieux expertiser les besoins via un organisme indépendant et, in fine, de favoriser soit les réhabilitations, soit les démolitions ?

M. Éric Dumoulin. - Si l'objectif de 25 % de logements sociaux fixé par les lois Duflot et Solidarité et renouvellement urbain (SRU) est très largement partagé par les maires, de nombreuses villes peinent à l'atteindre dans les délais impartis, pour des raisons très variables : coût du foncier, contraintes territoriales, villes urbanistiquement achevées, complexité croissante des opérations, etc. Envisagez-vous des pistes d'assouplissement de cette réglementation dans une logique qui ne serait pas uniforme sur l'ensemble du territoire, mais qui prendrait en compte les spécificités de certaines villes pour mieux les accompagner dans le travail de rattrapage des logements sociaux ?

Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin de la triennale. Plusieurs villes souffrent des immenses difficultés du marché immobilier. Les programmes sont en panne. De nombreux opérateurs, aménageurs ou promoteurs abandonnent les permis de construire accordés. La plupart des villes concernées par la loi SRU ont besoin, au regard du coût du foncier, de pouvoir équilibrer les opérations entre accession et logement social. Ces villes se retrouveront dans un an et demi face à une énorme difficulté, malgré la bonne volonté des maires, car elles ne pourront pas atteindre les objectifs de la loi Duflot.

M. Christian Redon-Sarrazy. - La réduction de la consommation d'espace et de l'artificialisation passe indiscutablement par la reconquête de l'ancien. Les communes sont en première ligne ; la plupart d'entre elles sont prêtes à s'engager. Mais la rénovation, notamment celle du gros oeuvre et la rénovation énergétique, est quasiment impossible à équilibrer, pour les communes comme pour les propriétaires privés. Que comptez-vous faire pour inciter les communes, voire les propriétaires, à engager ce chantier si nécessaire au regard de l'impératif de sobriété foncière ?

Mme Valérie Létard, ministre. - Monsieur Tissot, vous avez évoqué les difficultés liées aux projets de rénovation. Les annonces que je viens de faire, sur le livret A ou la RLS notamment, donneront aux bailleurs sociaux la possibilité de s'embarquer un peu plus aisément dans l'aventure. En ce qui concerne les démolitions-reconstructions, il importe que l'Anru booste la reconstitution de l'offre. Elle traîne parfois, ce qui fait perdre des logements en attente. Force est de reconnaître qu'il s'agit de volumes non négligeables. Nous allons également très rapidement publier le décret « Seconde vie », qui est attendu.

M. Dumoulin m'a interrogée sur les villes carencées. Un tiers d'entre elles n'ont pas saisi l'occasion des contrats de mixité sociale pour diminuer la charge et pouvoir aller plus loin. Ce n'est certes pas l'alpha et l'oméga, mais là où ces contrats ont été mis en oeuvre, ils ont permis un ajustement. Je n'aurais pas défendu l'idée du contrat de mixité sociale (CMS) ou de l'assouplissement si je n'étais pas convaincue des limites de l'article 55 de la loi SRU - qui est un totem et un tabou. On a changé de mandature, le Parlement n'est pas le même qu'avant la dissolution. L'Assemblée et le Sénat doivent travailler ensemble pour construire un chemin. Quoi qu'il en soit, sans article 55, il sera difficile d'atteindre les objectifs de production de logements sociaux. Aujourd'hui, en raison de la compression de l'échelle des salaires, la part de la population qui relève du logement social est de plus en plus importante. Il importe donc de maintenir un objectif de production. J'entends les difficultés que vous évoquez, je n'ai pas de réponse à vous donner aujourd'hui, il faut que les deux chambres réfléchissent à tracer un chemin afin que nous puissions aboutir.

M. Redon-Sarrazy m'a interrogée sur l'artificialisation, la rénovation énergétique, la sobriété foncière et le ZAN. Tous ces sujets devront être examinés avec Catherine Vautrin. La question du logement est essentielle. Quid des souplesses données sur la consommation foncière et sur les enveloppes disponibles ? Un travail a été mené par le Sénat : le Gouvernement l'examine et il doit inspirer sa réflexion. Je ne sais pas encore quel sera le résultat de cette réflexion. Quoi qu'il en soit, je suis consciente de l'importance de libérer du foncier en faveur du logement, comme cela a été le cas pour le foncier économique d'intérêt national. Comment procéder ? Sous quelle forme ? Nous y réfléchirons évidemment avec vous.

M. Yannick Jadot. - Merci de votre engagement. Vous aurez compris que la moitié de cette salle est vent debout contre une remise en question de la loi SRU en faveur du logement locatif intermédiaire (LLI). Les débats avec votre prédécesseur sur le sujet ont d'ailleurs été assez toniques.

Vous avez obtenu une baisse de 200 millions d'euros de la réduction de loyer de solidarité (RLS), sur une ponction d'environ 8 milliards, mais je suis inquiet des conditions que vous allez poser en échange de cette baisse ; elles me semblent extrêmement contraignantes. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Quid de la TVA à 5,5 % pour le logement social ou la rénovation ?

Mme Valérie Létard, ministre. - La TVA est à 5,5 % dans les zones Anru et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

M. Yannick Jadot. - Et pour la rénovation ?

Mme Valérie Létard, ministre. - Le débat est ouvert, monsieur le sénateur.

M. Yannick Jadot. - Enfin, l'instabilité sur MaPrimeRénov' a conduit à une sous-utilisation des budgets. Ces derniers sont faibles au regard des besoins : 2,3 milliards d'euros, alors qu'il faudrait plutôt prévoir 8 milliards. Ne craignez-vous pas qu'une telle enveloppe ne suffise pas à relancer la machine de la rénovation ? Mme Estrosi Sassone et M. Gontard ont remis un rapport sur le sujet. Un certain nombre de seuils doivent être améliorés pour les familles les plus en difficulté. Êtes-vous prête à en discuter lors des débats budgétaires ?

Mme Marianne Margaté. - J'axerai également mon propos sur la question du logement social. Vous le savez, 70 % de la population y est éligible. Cette conception généraliste du logement est un atout pour nos concitoyens, mais cet acquis a été fortement remis en cause par les désengagements de l'État, qu'il s'agisse du fonds national d'aide à la pierre ou de la mise en place de la RLS. La conception généraliste française doit-elle selon vous être défendue, ou prenons-nous petit à petit le chemin d'une conception plus résiduelle, à l'image de ce qui se pratique dans d'autres pays d'Europe ?

J'aborderai également la question des locataires, qui subissent depuis plusieurs années une hausse importante des loyers et des charges liées à l'énergie. Les associations plaident en faveur d'un gel des loyers qui serait compensé auprès des bailleurs. La situation des locataires dans le logement social est à prendre en compte.

Vous annoncez une baisse de la RLS. Cette baisse de la RLS sera-t-elle neutre pour les locataires ? L'État assumera-t-il le différentiel ?

Mme Antoinette Guhl. - Vous souhaitez relancer le logement intermédiaire pour les étudiants. Seuls 7 % des étudiants peuvent se loger dans un logement social ou un Crous. Or la proportion des étudiants boursiers s'élève aujourd'hui à près de 30 %. C'est dire combien nous sommes loin de couvrir les besoins ! Ce n'est pas de logement intermédiaire dont nous avons besoin, mais de logement social. Que comptez-vous faire ? Ce sujet concerne certes une petite partie de la population, mais ces quelque 3 millions d'étudiants rencontrent bien des difficultés pour se loger compte tenu de l'augmentation du prix des logements. Ces hausses sont en partie dues aux niches fiscales : je pense au dispositif Censi-Bouvard qui permet certes de produire du logement étudiant, mais avec des loyers relativement chers, puisqu'il n'est pas conditionné à un certain niveau de loyer.

Quid enfin de l'encadrement des loyers ? Vous souhaitez mettre en place une mission d'évaluation. Pensez-vous pouvoir contenir à terme l'augmentation du prix des loyers par la généralisation d'une telle mesure ?

Mme Valérie Létard, ministre. - M. Jadot m'a interrogée sur la baisse de 200 millions d'euros de la RLS : vous voyez le verre à moitié vide, monsieur le sénateur, et non le verre à moitié plein ! Pour information, c'est la première fois depuis 2017 que la RLS va baisser. Plus que le montant, ce qui importe, c'est le symbole et la direction prise. Certes, des conditionnalités sont prévues, mais j'ai toujours soutenu les bailleurs. Il s'agira ni plus ni moins pour eux que de réinvestir les fonds. Un budget étant annuel, nous devons chaque année rappeler clairement le cap. Je suis convaincue que le monde du logement social a sa part à prendre dans ce dispositif, sinon je ne l'aurais pas défendu.

On a besoin des bailleurs privés et des investisseurs privés, on a besoin du monde du logement social, on a besoin de l'accession à la propriété. Le chantier est tellement énorme qu'on a besoin de tous les acteurs pour participer à cette relance de la construction. J'entends vos remarques, monsieur le sénateur, mais s'il y a bien quelqu'un qui n'est pas négatif vis-à-vis des bailleurs sociaux, c'est certainement moi !

J'ai également été interrogée sur les locataires, les charges et le gel des loyers. La baisse de la RLS sera neutre et n'aura pas d'impact. En ce qui concerne le gel des loyers compensé pour les bailleurs, j'examine les points un par un. Je n'ai pas choisi le moment le plus facile pour entrer au Gouvernement... Je sais combien le chemin à parcourir est long. Pour autant, je défends, avec le soutien du Premier ministre, un certain nombre de dossiers. On ne réglera pas tous les problèmes en même temps, mais nous portons à chaque sujet une attention particulière. Pour l'instant, la question que vous évoquez ne fait l'objet d'aucune disposition, même si nous avons commencé à avancer sur une partie du chemin, comme vous l'avez bien compris.

Mme Guhl a abordé la question du logement étudiant. J'ai bien conscience que le logement des jeunes est une difficulté. Je souhaite que tous les acteurs travaillent conjointement à la réalisation d'une bonne photographie afin de déterminer comment avancer en nous servant de tous les outils disponibles, notamment pour ceux qui disposent des plus faibles revenus. Je n'ai pas de réponse à vous apporter pour l'instant, madame la sénatrice, mais j'ai bien identifié le problème pour 2025. Nous allons nous accrocher.

Sur la question de l'encadrement des loyers, je ne saurai pas non plus vous répondre avant d'avoir réalisé cette photographie. Je peux néanmoins d'ores et déjà vous annoncer que 2024 ne sera pas une mauvaise année pour le logement étudiant puisque 8 000 logements sociaux sont attendus.

M. Daniel Gremillet. - Madame la ministre, je vous félicite de votre engagement. L'attente est grande : celle d'une véritable politique du logement dans nos territoires.

Vous avez évoqué la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. Le travail de rénovation des anciens commerces est gigantesque ; dans les petites villes, le potentiel est énorme. Idem pour la transformation d'anciens corps de fermes qui n'ont plus de vocation agricole. Cela fait partie des points-clés à mettre en avant et à développer.

Le deuxième élément de mon intervention concerne la tentation de remettre en cause le chauffage au bois, notamment aux granulés de bois. Une telle initiative perturberait ceux qui ont investi en faveur de la décarbonation et pour utiliser une ressource locale. Ce serait une erreur. Organisons plutôt le gisement de la filière bois de manière à pouvoir satisfaire tout le monde.

Mme Marie-Lise Housseau. - Je souhaite vous interroger sur les logements saisonniers touristiques. Le droit en vigueur permet au propriétaire bailleur non professionnel d'un bien meublé d'alléger ses impôts en déduisant de ses recettes l'amortissement de son bien - en général, calculé entre quinze et trente ans.

L'article 24 du projet de loi de finances pour 2025 prévoit de tenir compte de ces amortissements dans le calcul de la plus-value en cas de vente du bien immobilier. L'Assemblée nationale a voté des amendements visant à en exclure les locations de longue durée et les biens mis en location avant le 1er octobre 2024, afin d'éviter les effets d'aubaine, mais le rejet de la première partie du PLF par l'Assemblée nationale risque de rendre ces votes sans effet, le Sénat examinant le texte initial. Quelle est votre position sur ces dispositions qui devraient s'appliquer à compter du 1er janvier 2025 ? Cette échéance serait problématique dans la mesure où les propriétaires bailleurs qui ont accumulé un certain nombre d'amortissements en sachant que ces montants n'étaient pas en pris en compte dans la plus-value seraient à l'avenir imposés sur des investissements qu'ils ont engagés et pour lesquels ils ont fait des emprunts. Leur modèle économique serait complètement remis en question. Ce serait pour eux une double peine.

Je regrette en outre que ce nouveau mécanisme s'applique indistinctement. Autant je comprends qu'on veuille le mettre en place en zone tendue, comme à Paris ou à Biarritz, car cela permettrait de dégager des logements en location nue, autant ce serait assez catastrophique dans des zones rurales où la location de meublés saisonniers est souvent la seule offre accessible aux touristes, et n'entre en concurrence ni avec une offre hôtelière classique - qui y est inexistante - ni avec la location longue durée, car ces meublés sont souvent aménagés dans des propriétés habitées ou situées dans des lieux isolés. Serait-il possible de prévoir une clause du grand-père consistant à appliquer cette réforme fiscale aux seuls biens acquis à partir de l'année 2025, comme le suggère d'ailleurs le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), qui avait recommandé la mise en oeuvre de cette réforme fiscale, mais en la conditionnant à cette clause. A minima, il conviendrait de ne pas tenir compte des amortissements générés avant le 31 décembre 2024 dans le calcul de la plus-value.

Mme Sylviane Noël. - Madame la ministre, je rebondis sur le propos de mon collègue Éric Dumoulin afin d'attirer votre attention sur un autre irritant, à savoir la loi SRU, qu'il me semblerait utile de corriger si l'on souhaite éviter de décourager les élus locaux, afin de relever l'enjeu de la production de logement social. Plus précisément, les modifications du seuil de tension de la demande de logements sociaux décidées par décret impliquent une évolution brutale de la production de logements sociaux de 20 % à 25 %, en infligeant des pénalités immédiates aux communes concernées, par une forme d'application rétroactive de la sanction, ce qui me semble très discutable et préjudiciable.

Dans mon département, une commune qui avait quasiment atteint son objectif de 20 % a été concernée par ce décret et a vu sa pénalité passer de 40 000 euros à 85 000 euros, à payer immédiatement. Au-delà de l'aspect financier et des assouplissements proposés par le contrat de mixité sociale, je me fais le relais du désarroi des élus locaux concernés par ce type de mesures, car ils voient leurs efforts méprisés. Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de corriger ce type de sanctions, qui ne font qu'accroître l'exaspération et la colère des élus locaux ?

Mme Valérie Létard, ministre. - S'agissant de la reconquête des logements et de la transformation des anciens corps de ferme, il est très difficile de faire intervenir des opérateurs sur des chantiers de cette taille. En lien avec Françoise Gatel, il conviendra sans doute de réfléchir à la ruralité de manière plus large et de repenser les outils qui pourraient être déployés.

Pour ce qui est du bois, il existe bien un enjeu que nous creuserons avec le délégué interministériel. Le sujet est sensible et nous devrons oeuvrer à la poursuite de la trajectoire prévue en matière de chauffage et d'utilisation de cette ressource. J'entends vos propositions et je les relaierai.

Concernant les meublés de tourisme, l'abattement pour durée de détention est maintenu. Les députés ont voté cet article dans le cadre de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme ; des réflexions sont en cours quant aux moyens de l'améliorer, la discussion sera probablement rouverte au Sénat.

Quant au sujet très sensible des pénalités liées à la loi SRU, il est possible d'envisager toutes les hypothèses dès lors qu'elles ne risquent pas d'entraîner une diminution de la production de logements sociaux à un moment où nous en avons cruellement besoin. Il s'agit sans doute du sujet le plus épineux et le plus complexe qui soit, tous les territoires concernés par la loi SRU n'étant pas forcément dotés des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs, ou ne pouvant y parvenir que dans des conditions insatisfaisantes, en étant parfois pénalisés même s'ils sont vertueux. Le sujet est un irritant pour les maires, qui sont pour la plupart de bonne foi. J'ai bien conscience des problématiques soulevées par cette loi, et nous chercherons des voies de passage permettant de tenir l'objectif de production.

Mme Anne-Catherine Loisier. - La révision du barème de MaPrimRénov' risque de réduire l'aide apportée au bois de chauffage pour privilégier les usages industriels. Pourtant, plus de 7 millions de ménages se chauffent au bois - la première des énergies renouvelables - et, pour beaucoup de nos concitoyens résidant dans les territoires ruraux, il n'existe pas d'alternative. Par ailleurs, les usages industriels ne portent pas du tout sur les mêmes volumes, d'où un risque d'effet domino sur le chauffage et les logements en milieu rural, avec une incidence potentiellement catastrophique sur le plan social.

Vous avez également évoqué la relance de la construction. Je voudrais attirer votre attention sur la mise en place par la France d'une responsabilité élargie du producteur (REP) pour tous les produits et matériaux de construction, alors qu'aucun autre pays européen n'a fait de même. Par conséquent, construire deviendra de plus en plus onéreux : à l'heure où nous avons tous conscience de l'urgence de la construction de logements, il serait plus pertinent d'éviter ce type de surcoûts.

M. Yves Bleunven. - Merci, madame la ministre, pour votre engagement. La crise du logement est à la fois grave et durable. Je suis surpris de ne pas vous avoir entendu davantage parler de simplification, afin que nous ne revivions pas le phénomène observé au cours de la décennie écoulée, à savoir un doublement du temps moyen écoulé entre la décision de produire le logement et sa livraison effective. Nous ne pouvons plus supporter cette inertie et il faut absolument retrouver un cycle normal de construction.

Face à cette crise, nous devons faire preuve d'imagination et d'innovation, en pensant des logements pour chaque étape de la vie, en fonction des moyens et des besoins : que pensez-vous, à ce titre, de l'habitat léger et de l'habitat réversible ? Le sujet fait parfois sourire, mais il existe une véritable appétence pour ce type de logement, qui répond à une attente. Dans la commune dont j'étais maire, nous avions mis en place une trentaine d'habitats légers et reçu plus d'une centaine de demandes, qui continuent à affluer.

Cependant, ce type d'habitat rencontre diverses difficultés, dont un financement à la consommation, qui est complètement aberrant, et des règles d'urbanisme totalement inadaptées. Êtes-vous prête à avancer sur ce sujet ?

Mme Martine Berthet. - Madame la ministre, je vous remercie d'avoir confirmé que le texte visant à faciliter la transformation des bureaux en logements pourra poursuivre son chemin. Le Sénat a élargi son champ et il suscite une forte attente, de la part des élus comme des constructeurs ; par ailleurs, il apporte des solutions pour le logement étudiant.

Je souhaite évoquer l'article 55 de la loi SRU, qui pénalise doublement les communes touristiques. Tout d'abord, elles ne peuvent pas comptabiliser les logements destinés aux saisonniers comme des logements sociaux, alors qu'elles sont obligées de réserver une partie de leurs logements sociaux pour ces travailleurs. Par ailleurs, nous avions validé ici sur proposition de Sophie Primas, qui était alors rapporteure sur le projet de loi « Logement abordable », le concept de bail mobilité pour les saisonniers, qui est selon moi une bonne idée, qu'il conviendrait de remettre sur la table.

Les communes touristiques sont aussi pénalisées par des obligations découlant de la loi Littoral ou de la loi Montagne, ainsi que par leur topographie. Il faudrait pouvoir multiplier les possibilités d'exemption pour ces communes, compte tenu de ces nombreuses contraintes, qui les exposent à des pénalités financières.

Mme Valérie Létard, ministre. - Madame Loisier, nous avons bien entendu les interrogations relatives au bois de chauffage et aux modifications du barème de MaPrimRénov', les inquiétudes étant liées à la trajectoire de la ressource en bois. Le sujet doit être abordé de manière transversale en lien avec le délégué interministériel, afin de déterminer une trajectoire. J'ai bien pris note, en outre, de votre remarque relative à la REP.

Quant à la simplification, monsieur Bleunven, il s'agit bien de l'un des objectifs que nous poursuivons et nous travaillerons en lien avec le Parlement à ce sujet, l'Assemblée nationale formulant la même demande. De nombreuses pistes sont déjà identifiées.

Pour ce qui est de l'habitat léger, il représente en effet une solution utile pour un certain public et il faudra voir comment consolider ce type de logement, qui ne doit pas apparaître comme un « sous-produit ».

S'agissant de l'article 55 de la loi SRU, je ne peux que rappeler le caractère délicat du sujet. Après la dissolution et ses conséquences sur l'Assemblée nationale, il faut construire des solutions qui puissent recueillir l'assentiment des deux chambres.

M. Philippe Grosvalet. - Madame la ministre, je mets à votre crédit votre enthousiasme débordant, votre énergie et votre sincérité, mais j'ai bien peur que ceux qui ont contribué à piller les bailleurs sociaux ne vous fournissent qu'une petite cuillère pour remplir une grande piscine.

Dans un contexte marqué par un manque cruel de logements sociaux, la mobilité résidentielle est un facteur essentiel pour en libérer une partie. Le bail réel solidaire (BRS), qui est un dispositif tout à fait nouveau, fonctionne remarquablement dans des zones très tendues telles que les métropoles ou le littoral.

Disposez-vous d'une baguette magique pour dynamiser ce dispositif tout à fait original, qui permettrait à des jeunes ou des personnes modestes d'accéder à la propriété dans des conditions favorables et de recréer de la mobilité dans le parc social ?

M. Rémi Cardon. - Madame la ministre, la Journée contre la précarité énergétique se tient en ce 12 novembre ; le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a déposé une proposition de loi visant à combattre ce phénomène. Aujourd'hui, 12 millions de Français sont touchés par la précarité énergétique, un chiffre tout à fait alarmant. Face à cette situation, le Gouvernement procède pourtant à des choix budgétaires douloureux, dont l'amputation de MaPrimRénov' à hauteur de 1 milliard d'euros alors qu'il s'agit d'un dispositif essentiel pour la rénovation énergétique.

De la même manière, le chèque énergie ne sera plus envoyé automatiquement aux Français. De surcroît, le plan lancé par le précédent gouvernement, visant à installer un million de pompes à chaleur d'ici 2027, dont 30 000 dès 2024, n'a été réalisé qu'à moitié pour cette année. Quel est donc le cap du Gouvernement pour résorber cette précarité énergétique, au bénéfice de celles et de ceux qui vivent dans le froid ?

M. Daniel Salmon. - Madame le ministre, nous connaissons la profondeur de vos convictions, mais le cadre qui vous est imposé est pour le moins très contraint : je ne peux donc que vous souhaiter bonne chance !

Vous avez évoqué le monogeste et la rénovation globale : vous savez aussi bien que moi que le premier ne permettra pas d'atteindre les objectifs et qu'il faut privilégier la seconde, plus pertinente. Nous pouvons nous orienter vers une programmation par étapes, mais en s'assurant que chacune d'entre elles sera franchie, avec un reste à charge qui doit être minimal.

La ressource en bois est effectivement limitée, mais la mise en oeuvre de ces mêmes rénovations globales permettra de diviser la consommation par trois : les différents enjeux sont liés.

Depuis des années, de nombreux efforts sont consentis pour les investisseurs et les héritiers, mais où est la valeur travail ? Aujourd'hui, un ouvrier ou un employé ne parviendra jamais à devenir propriétaire, alors qu'il pouvait réussir à se construire une maison par le passé. Le BRS peut être un moyen de réduire l'investissement nécessaire, mais les collectivités locales sont elles-mêmes sous pression et risquent de ne pas pouvoir acquérir davantage de foncier. Les crispations risquent d'aller crescendo sur ce BRS, qui était pourtant une solution très porteuse.

Mme Valérie Létard, ministre. - Monsieur Grosvalet, nous avons remonté les plafonds de ressources permettant d'accéder au BRS et nous travaillerons avec Marie-Noëlle Lienemann à une simplification des dispositifs pour les locataires du parc social. En juin, votre commission a voté un dispositif de sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété (SCI-APP), justement pour faciliter cet accès, dispositif que nous voulons reprendre. Nous sommes extrêmement sensibles à tout ce qui a trait à l'accession des ménages modestes à la propriété, car nous devons agir à tous les niveaux, en travaillant dans le même temps à la mise en place d'un véritable statut du bailleur privé.

Pour ce qui concerne la précarité énergétique, la rénovation globale est certes préférable, mais les difficultés de la filière des pompes à chaleur s'expliquent aussi par le changement de règles qui a consisté à retirer les monogestes en janvier avant de les réintégrer en mai : ce stop-and-go a mis un coup d'arrêt dont nous subissons les conséquences aujourd'hui.

Il ne faut donc pas opposer les monogestes et la rénovation globale, mais mettre en place un accompagnement qui permette de ne pas en rester à un monogeste. L'objectif consiste bien à ce que chaque usager, en fonction de sa situation, puisse accéder à un parcours de rénovation, en levant peu à peu les difficultés.

L'enjeu de la rénovation a été porté à une échelle de masse en peu de temps, ce qui m'amène à saluer le travail de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). La situation reste certes très perfectible, mais le processus prend une ampleur considérable.

M. Henri Cabanel. - Madame la ministre, je ne doute ni de vos compétences ni de votre énergie, tout en étant conscient des difficultés que vous aurez à affronter.

Les petits villages qui ne rentrent pas dans le cadre des actions Coeur de ville et Petites villes de demain sont confrontés à de sérieuses difficultés lorsqu'ils souhaitent reconquérir les centres anciens, comme l'étroitesse des rues et un type de construction difficilement compatible avec le style plus contemporain que peuvent souhaiter nos concitoyens. De plus, les moyens font défaut : que peut-on faire pour aider les maires concernés ?

Par ailleurs, quelles solutions pourrait-on proposer aux agriculteurs résidant dans des territoires soumis à la loi Littoral afin qu'ils puissent construire des logements saisonniers ?

Mme Micheline Jacques. - Madame la ministre, je vous remercie de votre engagement en faveur de la défense, au niveau européen, du marquage régions ultrapériphériques (RUP), qui permettra d'aider nos territoires à s'approvisionner en matériaux de construction dans leur environnement proche. Par ailleurs, les Assises de la construction durable en outre-mer ont abouti à la rédaction d'un livre blanc proposant des mesures concrètes et pragmatiques : comptez-vous le mettre en oeuvre ?

Sur un autre point, de nombreux acteurs du logement - pour ne pas dire la totalité d'entre eux - s'alarment du projet de décret d'application du crédit d'impôt pour la réhabilitation des logements sociaux en outre-mer. En l'état, ce projet illustre bien la problématique de l'inadaptation des normes hexagonales aux réalités ultramarines. Là où le comité interministériel des outre-mer (CIOM) du 18 juillet 2023 avait acté l'extension du crédit d'impôt pour les logements sociaux situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville et où la loi de finances pour 2024 avait opportunément matérialisé cet engagement, nous nous dirigeons finalement vers une année blanche en termes de rénovation. En effet, l'ensemble des opérations - dans les QPV et en dehors - est désormais tributaire de la publication de ce décret d'application qui, en l'état, imposerait des critères de performance énergétique totalement inadaptés aux climats ultramarins. Or l'adaptation de ces critères est aussi un engagement du CIOM.

Au total, d'une bonne disposition votée pour 2024, nous en arrivons à une situation de blocage et à de sérieux risques pour le maintien des investissements dans la rénovation des logements outre-mer. Je rappelle pourtant que la rénovation faisait partie des messages forts envoyés par le Sénat à l'occasion du vote de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Érom. Pouvez-vous donc nous dire si ce texte est appelé à être publié en l'état ?

M. Fabien Gay. - Madame la ministre, je connais votre énergie et votre détermination et vous souhaite sincèrement de réussir votre mission. Nous avons ici souvent lutté - parfois ensemble - contre la baisse des crédits destinés au logement, notamment pour soutenir la construction de nouveaux logements, les diminutions de crédits ayant eu de forts impacts sur la filière du bâtiment et travaux publics (BTP). Votre gouvernement va réduire le budget des collectivités locales, qui sont les premiers investisseurs dans la rénovation thermique des bâtiments publics.

J'étais à Montreuil la semaine dernière, commune qui verra ses moyens amputés de 7 millions d'euros, soit l'équivalent de l'ensemble des subventions versées aux associations, ou encore du double du montant des investissements prévus pour la rénovation des écoles et des bâtiments publics. Comment peut-on afficher une ambition élevée pour le logement et envoyer un signal à ce point contraire à la filière du BTP ? Avez-vous des débats avec ces professionnels ? C'est avec eux que nous réussirons ou non la rénovation et la construction.

Par ailleurs, vous connaissez notre combat contre la pauvreté et la grande précarité. J'ignore s'il faut les ériger en causes nationales - un bien grand mot qui n'est le plus souvent pas accompagné d'efforts supplémentaires -, mais il nous faut nous pencher sur les marchands de sommeil, qui sont un vrai fléau en Île-de-France. Dans ma commune du Blanc-Mesnil, il existe ainsi un certain nombre de pavillons subdivisés en trois, quatre, cinq, voire dix boîtes aux lettres, le tout pour des loyers assez astronomiques. Pensez-vous que nous pourrions lutter contre ce phénomène via un permis de louer ? Selon moi, il faudra repasser par la loi.

Enfin, l'encadrement des loyers reste une réelle problématique, car actuellement, en Ile-de-France par exemple, il n'est pas possible de trouver un logement décent en étant payé au Smic. Avec 1 426 euros nets par mois, il est littéralement impossible de se loger en étant célibataire. Cela ne fait que renforcer les marchands de sommeil ! L'encadrement des loyers sera-t-il suffisant ? Nous pensons en tout cas que c'est une bonne mesure. En outre, nous ne pourrons pas régler cette situation en continuant à comprimer les salaires. Je pense que la précarité du logement recoupe tous les aspects de la vie, à commencer par le travail : c'est ça le réel.

Si le budget reste en l'état, nous allons encore faire peser une nouvelle fiscalité sur les factures d'électricité, alors que les gens n'arrivent plus à les payer depuis trois ans. Ils peuvent subir une coupure ou une réduction de puissance qui ne leur permet plus que d'allumer la lumière, alors qu'ils habitent dans des passoires thermiques qui les obligent à pousser le chauffage. Seriez-vous favorable à ce que l'on étende l'interdiction de couper l'approvisionnement en énergie aux gens, au-delà de la seule trêve hivernale ? Il s'agit d'une question de dignité.

Mme Valérie Létard, ministre. - Monsieur Cabanel, la reconquête des centres anciens devra être examinée avec Françoise Gatel. Un certain nombre de dispositions ont été prises en matière d'habitat rural : depuis le 1er avril 2024, il existe ainsi une prime de sortie de la vacance qui incite à la mise en location de logements vacants en milieu rural. Nous essayons de construire des solutions avec la ruralité, même s'il faudra poursuivre cet effort.

L'Anah, quant à elle, soutient le déploiement de France Rénov' et les opérations programmées de rénovation en zone rurale, ainsi que le recrutement de chefs de projets par les collectivités. De surcroît, le BRS pourrait être développé en milieu rural. Pour autant, il nous reste à définir un modèle qui permettrait d'accompagner des opérations de taille modeste tout en étant viable sur le plan économique. J'aborderai là aussi ce sujet avec Françoise Gatel, qui sera la référente pour tous les enjeux liés à la ruralité.

Micheline Jacques m'a interrogée sur le fameux décret d'application du crédit d'impôt pour rénovation de logements sociaux. Nous travaillons à la simplification pour tenir compte des contraintes évoquées, en lien avec François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer.

Fabien Gay a abordé plusieurs sujets, notamment la baisse des crédits budgétaires consacrés à la construction. Dans un contexte général de réduction, nous parvenons néanmoins à progresser sur la question du logement. Il importe de continuer à travailler ensemble pour améliorer nos outils et envisager des perspectives sur un certain nombre de chantiers.

Les observations sur les collectivités dépassent le champ de mes compétences, mais j'entends et je comprends le message.

Vous avez également parlé des pavillons subdivisés, des marchands de sommeil et du permis de louer. Ce dernier est aujourd'hui à la main des élus, qui peuvent le mobiliser s'ils le souhaitent. Une disposition récente créée par cette commission dans le cadre de la loi sur les copropriétés dégradées permet aux maires de piloter directement les permis de louer et d'en récupérer les amendes.

Enfin, je suis à l'écoute sur la question de l'encadrement des loyers, mais il s'agit de bien en mesurer l'impact réel. Tout est urgent, mais ne mettons pas non plus la charrue devant les boeufs. Ce travail fera l'objet d'une évaluation, que nous confierons au Sénat.

J'ai également entendu votre message sur les coupures durant la trêve hivernale, mais je ne suis pas en mesure d'y apporter une réponse à ce stade.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous souhaite bon courage, madame la ministre. Vous trouverez toujours au Sénat, et plus particulièrement au sein de sa commission des affaires économiques, une écoute, un accompagnement et un soutien. Nous vous retrouverons avec plaisir dans la cadre de l'examen du projet de loi de finances et des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Examen en commission
(Mercredi 20 novembre 2024)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous avons un ordre de jour extrêmement, extrêmement chargé. Je vais tout de suite laisser la parole à nos deux rapporteures, Amel Gacquerre pour les crédits logement et Viviane Artigalas pour les crédits politique de la ville, sur la mission cohésion des territoires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Mesdames, je vous laisse la parole.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Merci Madame la présidente, mes chers collègues, j'ai donc le plaisir de vous présenter ce matin pour la première fois le rapport pour avis sur les crédits dédiés au logement. Je vais dans un premier temps m'attacher aux crédits puis souligner la volonté de changement de cap qui marque ce budget. J'aborderai ensuite la question de la rénovation énergétique du parc social et du parc privé, sujet sur lequel j'ai effectué un déplacement vendredi dernier auprès de l'office public HLM Pas-de-Calais Habitat et de la communauté urbaine d'Arras.

Je débute donc par la présentation des crédits 2025. Les trois programmes consacrés au logement sont les programmes 109, 135 et 177. Ils représentent 22,9 milliards d'euros sur les 23,8 milliards de la mission cohésion des territoires. Ils augmenteront globalement de 26,3 % en 2025.

Cette augmentation particulièrement marquée est en réalité largement technique et ne recouvre pas de nouvelles dépenses.

Le programme 109 pour l'aide à l'accès au logement finance les aides personnelles au logement, les APL. Il représente l'essentiel des dépenses avec plus de 17 milliards d'euros. Il représente également l'essentiel de la hausse du budget puisqu'il connaîtra une augmentation de plus de 3,3 milliards d'euros en 2025. Il ne s'agira pourtant pas d'augmenter les APL, mais juste de modifier le circuit de financement du Fonds national des aides au logement, le FNAL, qui assure le paiement des APL. En application de l'article 2 de la LOLF qui pose le principe de non-affectation des ressources, les cotisations employeurs et une part de la taxe sur les bureaux ne seront plus affectés directement au FNAL, mais au budget de l'État qui, en conséquence, contribuera seul au FNAL. L'augmentation du programme 109 résulte donc d'un « jeu de tuyauterie ».

J'en viens au programme 177 qui assure le financement de l'hébergement et du parcours vers le logement et l'insertion des personnes vulnérables. Il pèse désormais plus de 2,9 milliards d'euros et sera stable par rapport à 2024.

Malgré ce niveau élevé de dépenses et les 203 000 places d'hébergement d'urgence maintenues au plus haut depuis la Covid, le budget est structurellement sous-doté d'au moins 250 millions d'euros. C'est ce qui a été constaté dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2024 où ce montant a été versé et correspond à la prise en charge des 203 000 places, ce qui s'explique par le fait qu'un nombre inférieur de places est budgété en début d'année et par le fait que les primes du Ségur s'étendent maintenant aux personnels du programme 177 - vous vous souviendrez en effet, Madame la présidente, que vous aviez proposé des amendements en ce sens. Le coût de l'accueil des réfugiés ukrainiens est intégré dans ce qui a été versé fin 2024. En 2025, ce montant ne figure pour l'instant pas au budget. Il conviendrait même d'y ajouter 29 millions d'euros afin de poursuivre l'amplification du plan « logement d'abord » qui a permis de reloger près de 550 000 personnes depuis 2018. Les tensions sur le programme devraient d'ailleurs s'aggraver car plus de 9 000 places vont être supprimées dans le dispositif national d'accueil géré par le ministère de l'intérieur et destiné à héberger les demandeurs d'asile qui ne sont a priori pas moins nombreux.

Ainsi, au moins 280 millions d'euros manquent à l'appel dès le 1er janvier. Cette situation fragilise tout le tissu associatif et les professionnels qui prennent en charge des personnes en grande détresse alors même que, chaque soir, le 115 ne peut proposer de solution d'hébergement à plus de 2 000 enfants selon les données de l'Unicef.

En réalité, ce sous-financement structurel est la réponse du ministère des finances à l'impossibilité dans laquelle il se trouve de geler 8 % des crédits inscrits en LFI en début d'année comme c'est le cas dans les autres ministères en raison du caractère des dépenses. Ainsi, Bercy passe outre les recommandations de la Cour des comptes qui, dans son rapport d'octobre 2024, demande un gel maximum de 0,5 % et une trajectoire garantie de paiement de subvention annuelle et pluriannuelle aux gestionnaires de centres d'hébergement.

À titre personnel, je trouve cette situation choquante et même cynique. Je maintiens ce terme. C'est pourquoi, malgré la situation budgétaire, je vous proposerai un amendement de principe et de contestation pour abonder les crédits.

Enfin, j'en viens au troisième programme, le 135. Il est consacré à l'urbanisme, aux territoires et à l'amélioration de l'habitat et connaît une augmentation de plus de1,4 milliards d'euros, soit + 89 % pour atteindre presque 3 milliards d'euros.

Mais comme précédemment pour le programme 109, cette augmentation n'est que de façade. Elle s'explique par le fait que les crédits de l'Anah, précédemment inscrits au programme 174 (énergie, climat et après-mines), sont désormais versés sur le programme 135. En réalité, les crédits baissent par rapport à la loi de finances pour 2024 d'environ un milliard, ce même milliard qui a été supprimé en gestion en début d'année.

Par ailleurs, le gouvernement n'inscrira pas comme en 2024 une deuxième tranche de 400 millions d'euros pour la rénovation des HLM. 1,2 milliard d'euros avaient pourtant été promis sur trois ans l'an passé. Seule la moitié des crédits inscrits l'an passé, soit 200 millions environ qui ont été gelés, pourront être reportés en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros sont inscrits en crédits de paiement.

Cette présentation budgétaire étant faite, je voudrais maintenant m'attacher à deux points : le changement de cap impulsé par le Gouvernement et la question de la rénovation énergétique.

Vous le savez, la crise du logement n'est pas en régression. Les chiffres de la construction sont les plus mauvais depuis 20 ans. Plus de 30 000 emplois ont été supprimés dans le secteur du bâtiment l'an passé. La construction de nouveaux logements sociaux, très liée à la promotion privée, est, elle aussi, en berne avec 80 000 engagements environ cette année, loin de répondre aux 2,7 millions de demandes de logements sociaux enregistrées. Tout cela n'avait pas suffi à ce que les gouvernements précédents prennent conscience de la gravité de la situation et de son impact politique que nous avions souligné avec la présidente et Viviane Artigalas dans notre rapport du printemps.

Or, le rapport sur l'état de la France du Conseil économique et social, qui vient d'être publié et qui s'intitule Sortir de la crise démocratique, le confirme de manière éloquente. 58 % des Français ont des difficultés à accéder au logement, c'est même 84 % dans les DROM ! Alors que le logement représente maintenant 26,7 % de leur budget contre 19,7 % il y a cinq ans, la difficulté d'accès au logement est devenue la première de leur préoccupation devant l'emploi, la santé, la justice et la sécurité. Au final, le CESE écrit très justement : « L'absence de perspective, le sentiment de subir davantage d'inégalités que la moyenne, et les difficultés d'accès à certains services publics peuvent alimenter un sentiment d'injustice et d'exclusion. En résulte un moindre attachement au système démocratique. »

Face à la gravité de la situation, je veux saluer le changement de cap impulsé par le Premier ministre et la nouvelle ministre du logement. Dans sa déclaration de politique générale, Michel Barnier a placé le logement parmi ses priorités, indiquant justement sa volonté de prendre des mesures de relance de la construction et de l'accession. Valérie Létard a fait plusieurs annonces importantes devant notre commission : l'extension du PTZ pour le neuf sur tout le territoire en individuel comme en collectif, la création d'une mesure exceptionnelle de donation exonérée en faveur de la primo-accession dans le neuf, la baisse de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, de 200 millions d'euros et l'obtention du report de 200 millions d'euros de crédits de rénovations HLM gelés en 2024. Certains n'y ont vu que quelques cuillères dans l'océan. J'y vois, moi, la volonté de changer de braquet. Dans une commission qui s'oppose depuis sept ans à la RLS, nous savons parfaitement que la ministre vient, en tout cas nous l'espérons, de mettre fin à une époque où le logement était synonyme de rente sans impact économique et de « dodus dormants ». Pour ma part en tout cas, je m'en félicite !

Je voudrais, enfin, aborder la question de la poursuite de l'effort de rénovation énergétique.

Dans le parc HLM où les bailleurs gèrent leur patrimoine de manière proactive et disposent des savoir-faire techniques, c'est essentiellement une question de moyens financiers. Au niveau national, le rapport de la Banque des territoires sur les Perspectives du secteur fait référence. L'édition 2024 indique qu'à l'horizon 2030 le secteur serait à même de produire 72 000 logements neufs et d'en rénover 90 000 par an, soit bien loin des objectifs. Il est donc crucial, comme vient de le faire la ministre, de redonner des fonds propres aux bailleurs.

C'est tout à fait ce que j'ai constaté lors de ma visite à Arras où Pas-de-Calais Habitat m'a fait découvrir la rénovation de la Tour Cézanne haute de 54 mètres, datant de 1961 et comportant 17 étages et 102 logements. Des travaux en site occupé ont permis de passer de la classe E à la classe B du DPE et de créer des loggias dans les appartements, soit un gain de surface d'environ 12 m², par des déports des façades d'1,20 mètre. Le coût global est de 9,2 millions d'euros. C'est véritablement une seconde vie qui a été offerte à cet immeuble emblématique. D'autres immeubles alentour vont également bénéficier de rénovations d'ampleur, avec notamment l'adjonction de balcons. La démarche est tout à fait exemplaire. On redonne de la qualité de vie aux habitants et de l'attractivité à ce parc ancien et défraichi voire dégradé.

Concernant l'habitat privé, la réduction des moyens de l'Anah est certainement regrettable, mais, en fait, l'Anah n'a jamais réellement disposé du milliard supplémentaire qui a été immédiatement gelé puis annulé alors que les crédits délégués ont été préservés. Les crédits de l'Anah ont, en outre, souffert d'une forte sous-consommation en raison des modifications des conditions des aides et notamment début 2024 à l'égard des mono-gestes de rénovation. Aujourd'hui, ce qui est essentiel, c'est la stabilité et j'espère que c'est ce qui prévaudra selon la volonté de la ministre du logement lorsque le budget de l'Anah sera fixé début 2025. Il est également très important de maintenir la priorité aux rénovations globales, telle que voulue par la réforme de 2024, pour densifier les rénovations et être prêt à monter en charge le moment venu.

Car, en effet, dans le parc privé, la question des moyens financiers est importante, mais elle n'est pas toujours suffisante : les particuliers et les entreprises ont besoin d'être accompagnés.

C'est ce que m'a confirmé ma visite à la Communauté urbaine d'Arras qui est volontaire sur ce sujet depuis 20 ans et dispose d'une large délégation des aides à la pierre. Une « Maison de l'habitat durable » y a été créé pour recevoir, informer et guider les usagers. Elle dispose également d'un dispositif mobile pour être notamment présente sur les marchés et les salons. Pour sensibiliser le public et agir, la communauté urbaine a fait réaliser une carte thermographique et un cadastre solaire qui permet à chaque propriétaire d'évaluer la situation de son logement. Sur le terrain, les équipes constatent une augmentation du nombre des projets et des montants demandés pour des rénovations globales. C'est très positif.

En revanche, elles m'ont fait remonter, ainsi qu'à la directrice générale de l'Anah qui m'accompagnait, le retard pris à cause des atermoiements du premier semestre 2024 ainsi que de nouveaux cas de fraudes opérées par des MAR, les accompagnateurs Rénov', qui sont en fait des margoulins. Souvent basés loin du territoire et travaillant avec des entreprises complices, ils abusent de la crédulité de victimes de bonne foi, parfois même en promettant une rénovation sans reste à charge contre des commentaires flatteurs sur les réseaux sociaux... Cela n'empêche pas, grâce à l'accompagnement et aux aides, la réalisation de rénovations efficaces soit par des bailleurs dans le cadre de Loc'Avantages (avantage fiscal et aides à la rénovation contre loyer réduit) ou par des propriétaires occupants comme j'ai pu le constater et cela est très encourageant. Cela montre aussi combien il est important que le réseau des entreprises et des accompagnateurs soient animés et contrôlés localement.

D'ailleurs, que ce soit sur le parc privé ou sur le parc social, mes observations confirment le bien-fondé des préconisations de la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique des logements.

En conclusion, Madame la Présidente, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis favorable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires » afin d'encourager et conforter ce changement de cap en matière de politique du logement que nous attendions tous.

Je vous remercie.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci Madame la rapporteure. Sans plus tarder, je cède la parole à notre rapporteure sur les crédits politique de la ville, Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Merci Madame la présidente. Mes chers collègues, à la suite d'Amel Gacquerre, je vais vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits de la politique de la ville au sein de la mission « Cohésion des territoires ».

Pour préparer ce rapport et selon la méthode que j'ai adoptée il y a désormais quatre ans, j'ai souhaité croiser les réflexions de responsables nationaux entendus au Sénat avec des visites de terrain. Cette année, je me suis concentrée sur deux thèmes qui sont l'action et le financement de l'ANRU, l'agence nationale de rénovation urbaine, et l'enseignement de la musique classique comme exemple d'action de la politique de la ville.

Ainsi, je me suis d'abord rendue à La Courneuve avec Anne-Claire Mialot, directrice générale de l'ANRU, pour y rencontrer le maire Gilles Poux et voir la restructuration de l'emblématique Cité des 4 000 et de la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis. Je me suis aussi rendue à Saint-Nazaire, où j'ai été accueillie par notre collègue Philippe Grosvalet et le maire David Samzun, ainsi que Philippe Hui, chef d'orchestre et fondateur de la Philharmonie des quartiers. Mon rapport est le donc fruit de ces visites de terrain.

Je commencerai mon propos par une présentation des principaux éléments du budget avant d'évoquer, comme annoncé, le financement de l'ANRU et le rôle de l'enseignement de la musique classique dans la politique de la ville.

Ces dernières années, il ne faut pas l'oublier, des efforts réels ont été faits pour la politique de la ville et l'année 2024 a marqué une nouvelle étape grâce à l'actualisation de la géographie prioritaire et la signature des nouveaux contrats de ville. Mais, d'un point de vue budgétaire, 2024 et vraisemblablement 2025 marquent une régression.

Le PLF 2025 prévoit que les crédits de la politique de la ville s'élèveront à 550 millions d'euros, soit une diminution de 14 % et de 90 millions d'euros par rapport à la loi de finance pour 2024.

Mais, en réalité, ces crédits 2024 ont fait l'objet de deux annulations respectivement de 49 millions d'euros, fin février, puis de 50 millions d'euros, dévolus à l'ANRU dans le PLF de fin de gestion il y a quelques jours. Les crédits 2025 ont donc été programmés comme ceux exécutés en 2024 et du fait des annulations un peu en deçà de ceux de 2023.

Dans le projet de budget pour 2025, en dehors de l'ANRU, le principal poste touché est celui des cités éducatives. Le Président de la République avait annoncé en juin 2023 la généralisation des cités éducatives à tous les QPV. Ainsi, elles avaient été dotées de 29 millions d'euros supplémentaires en 2024. Mais, aujourd'hui, le PLF pour 2025 prévoit une réduction de 20 millions d'euros et l'objectif de généralisation a été abandonné. Préférer une logique de projet au cas par cas ne me choque pas, vous vous souvenez de mes doutes l'an passé sur cette généralisation et sur sa soutenabilité sans s'appuyer sur le ministère de l'éducation nationale. Mais comme pour les bataillons de la prévention et les cités de l'emploi, dispositifs arrêtés, je ne peux que regretter cet énième stop and go dont la politique de la ville est trop souvent victime.

En ce qui concerne l'ANRU maintenant, le PLF ne prévoit pour l'instant aucune contribution de l'État, mais Valérie Létard nous a confirmé la semaine dernière que le Gouvernement allait proposer un amendement pour verser à l'ANRU une somme de 50 millions d'euros et je vous proposerai également un amendement en ce sens.

Toutefois, comme l'a aussi indiqué la ministre, cette somme ne suffira pas pour répondre aux besoins de l'ANRU et reste en deçà des engagements de l'État. En effet, la dotation du nouveau programme national de renouvellement urbain s'élève à 12 milliards. Sur ces 12 milliards, l'État s'est engagé à hauteur de 1,2 milliards d'euros d'ici 2033. Sur le quinquennal 2023-2027, l'État ne s'est engagé à verser que 300 millions d'euros, repoussant la charge financière au-delà de 2027.

Or, au 31 décembre 2024, l'État n'aura versé que 107 millions d'euros, soit à peine 9 % du montant prévu d'ici 2033. En comparaison, Action Logement et les bailleurs sociaux ont respectivement versé 24 et 31 % de leur contribution totale. Cette situation devient très problématique, à deux titres.

D'abord, le refus par l'État d'honorer ses engagements n'est pas acceptable sur le plan des principes alors que les autres partenaires sont au rendez-vous.

Ensuite, la carence de l'État risque de provoquer de réelles difficultés de trésorerie. Le NPNRU se trouve aujourd'hui en phase opérationnelle, ce qui implique des dépenses importantes. L'ANRU a engagé 1,8 milliard d'euros de dépenses en 2023. Ce montant devrait atteindre 2,3 milliards en 2024. Sur le triennal 2024-2026, l'ANRU doit, pour continuer la mise en oeuvre des opérations au rythme prévu, décaisser environ 1 milliard d'euros par an.

Mais, sans contribution suffisante de l'État, ce ne sera pas soutenable à moyen terme. L'ANRU pourrait être contrainte de ralentir la cadence, voire être en déficit en 2027, la mettant dans l'impossibilité d'honorer ses engagements.

Maintenant que le diagnostic est posé, quelles sont les solutions ?

Je voudrais vous en proposer trois qui pourraient être associées.

La première est de décaler la date de fin d'engagement des crédits du NPNRU, actuellement prévue en 2026, afin de permettre le lissage de la charge pour l'État. Le risque serait toutefois de reculer le problème.

La deuxième est de prévoir le report de certains programmes à un programme de renouvellement urbain de troisième génération, comme cela avait été fait entre le PNRU et le NPNRU. Mais ce troisième PNRU n'est ni défini, ni acté, ni financé pour le moment.

La troisième piste est de réaliser une évaluation du NPNRU pour prioriser et, en fait, identifier les programmes qui peuvent attendre dans le cadre du NPNRU et ceux qui doivent être renvoyer à un troisième PNRU.

Évidemment, j'aurais souhaité que d'autres arbitrages soient faits. Car ce que je veux souligner ce matin, c'est que la politique de rénovation urbaine est utile. J'ai pu le constater à La Courneuve avec la restructuration des 4 000. C'est vraiment spectaculaire. Les grandes barres emblématiques de la construction le long du chemin de grue ont laissé la place à de petits immeubles et des rues arborées. Aux Francs-Moisins, des démolitions et reconstructions de grande ampleur sont également en cours pour remplacer des immeubles dégradés inaugurés en 1974 et construits à la hâte pour faire disparaître un des plus grands bidonvilles de France. J'ai vu également de très belles réalisations à Saint-Nazaire avec des QPV rénovés, bien reliés et dotés de services publics. Pour autant, nous le savons, ces rénovations nécessaires ne règlent pas tous les problèmes. Le maire m'a ainsi fait part de sa grande inquiétude quant au développement du trafic de cocaïne et la circulation d'armes de guerre dans plusieurs zones qui sont des plaques tournantes pour la métropole nantaise, bien au-delà des QPV eux-mêmes.

Je viens de parler longuement les bâtiments, je voudrais aborder maintenant les politiques à l'égard des habitants car vous m'avez toujours entendu dire qu'il fallait que la politique de la ville marche sur deux jambes : les bâtiments et les habitants. Plus spécifiquement, c'est l'enseignement de la musique classique que je voudrais aborder. Cela vous paraît peut-être anecdotique au regard des trafics, mais cela peut-être un outil puissant et structurant pour les jeunes et les parents.

C'est tout d'abord sortir ces populations de leur ghetto culturel et leur donner le droit et la possibilité d'accéder à la musique d'un répertoire dont ils se sentent exclus. Ensuite, un orchestre est une sorte de société idéale avec ses règles strictes qu'il faut respecter. Ce sont énormément de savoir et de savoir-être qui peuvent être transposés, de la discipline à la confiance et la fierté du chemin accompli. Je vais me fonder sur deux exemples, le projet Démos, qui est national, et la Philharmonie des quartiers, qui est local.

Le projet Démos, piloté par la Philharmonie de Paris, vise à faciliter l'apprentissage de la musique classique à des enfants de sept à douze ans habitant dans des quartiers prioritaires ou dans des zones de revitalisation rurale, les ZRR. Le projet compte 45 orchestres répartis sur l'ensemble de l'Hexagone et en Outre-mer et a accompagné plus de 10 000 enfants. Très concrètement, chaque enfant se voit confier un instrument de musique pour trois ans. Les enfants, réunis par groupes d'une quinzaine, suivent trois à quatre heures d'ateliers hebdomadaires, encadrés par deux intervenants artistiques et un professionnel du champ social. Vous le voyez, un tel programme suppose des moyens humains, et donc financiers, importants. Financé par des crédits du ministère de la culture essentiellement, mais aussi par crédits de l'éducation nationale, des Outre-mer et de la ville, le coût annuel est d'environ 4 millions d'euros pour l'État. C'est loin d'être négligeable, mais les résultats sont là, au-delà de l'apprentissage de la musique classique. D'abord, sur le plan scolaire, des évaluations font ressortir le fait que les enfants des quartiers participant au programme Démos connaissent une progression remarquable. À Strasbourg, les résultats scolaires des enfants des quartiers étaient, après 3 ans de participation au projet, meilleurs que la moyenne des autres enfants scolarisés dans la ville. À Marseille, le même phénomène de progression a pu être observé sur des enfants qui connaissent de très grandes difficultés scolaires. C'est aussi le lien social et associatif qui en sortent renforcés. À Clermont par exemple, un orchestre Démos avait été institué pour trois ans. À la fin du programme, des mères de famille se sont associées pour créer leur propre orchestre car les familles sont de plus en plus parties prenantes.

À Saint-Nazaire, grâce à la belle initiative qu'est la Philharmonie des quartiers qui constituent des orchestres d'une trentaine d'élèves, la pratique est moins intensive que dans Démos, mais des résultats sont également là. Un instrument à corde est confié aux enfants et cela vous étonnera peut-être, mais ils en prennent soin et il n'est jamais rendu abimé ! Un autre aspect positif est le travail avec l'école et les maisons de quartier dans le cadre des cités éducatives. Ce travail interdisciplinaire paye. Ces projets font coopérer des acteurs au service des enfants et des familles alors que, sinon, ils ne coopèrent pas naturellement.

Quand on voit de telles réussites, on ne peut que se dire que la politique de la ville peut être efficace et être un tremplin pour les habitants, comme nous le soulignions dans notre rapport avec la Présidente et Valérie Létard.

Pour conclure, Madame la présidente, mes chers collègues, je ne peux que regretter que l'effort budgétaire frappe aussi fortement les crédits de la politique de la ville et de la rénovation urbaine. Cela ne me paraît ni juste au regard des résultats obtenus, ni équitable au regard des besoins des zones les plus pauvres de notre pays. Bien entendu, je reconnais les efforts de Valérie Létard pour dégager des moyens nouveaux pour l'ANRU comme nous le réclamons depuis plusieurs années, mais cela n'est pas suffisant. Mais c'est bien entendu sur l'ensemble de crédits de la mission que la commission va se prononcer.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci beaucoup pour cette présentation du rapport sur le programme politique de la ville. Vous avez relaté ce que vous avez pu voir à Saint-Nazaire, mais aussi ce qui se passe dans bon nombre d'autres grandes villes. Rappelez-vous, quand nous avions fait notre rapport sur la politique de la ville avec Valérie Létard, nous sommes allées à Allonnes, où le maire est engagé depuis très longtemps dans les actions en lien avec la musique. Il nous parlait de cette cheffe d'orchestre que j'ai l'ambition de faire venir à Nice, au niveau de la mission locale dont je suis la présidente. Il s'agit de Zahia Ziouani, qui est née de parents algériens, a grandi dans la banlieue parisienne et, avec sa soeur, a formé et mis en place ce formidable orchestre qui est Divertimento. Il y a d'ailleurs un film là-dessus et c'est extrêmement enthousiasmant.

J'ouvre maintenant le débat. La parole est à Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. - J'entends le propos du changement de cap et je pense qu'en effet personne ne doute des convictions de la ministre. Mais cela n'en fait pas une politique.

Le changement de cap, je ne le vois pas dans ce projet de loi de finances. Je ne le vois pas à plusieurs titres.

Pour l'hébergement d'urgence, cela a été bien présenté par Amel Gacquerre, le budget est en deçà des besoins. Pour les demandeurs d'asile, cela sera beaucoup plus compliqué alors que les demandeurs d'asile sont en augmentation et qu'il faut bien accompagner dignement ceux qui recherchent protection dans notre pays avant de pouvoir, ou pas, être déclaré réfugié.

J'entendais le propos de la ministre sur la fluidification de l'hébergement d'urgence, ce qui me pose beaucoup de questions. La fluidification de l'hébergement d'urgence, mais pour aller où ? Le logement social est bloqué. L'hébergement d'urgence ne pourra être fluidifié que lorsque chacun des maillons de la chaîne sera effectivement efficace pour pouvoir accueillir et accompagner la sortie de l'hébergement d'urgence, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Sinon, on risque de donner un public captif à des marchands de sommeil qui s'en font les choux gras.

Sur la question du logement social, cela a été dit, on est à 80 000 logements agrées, ce qui est bien loin de l'objectif des 120 000 et bien loin des besoins qui sont entre 200 000 et 300 000 logements selon diverses organisations. On est donc bien loin d'un choc de financement, bien loin d'un choc politique pour le logement social. Il suffit de voir qu'il n'y a pas de mesure sur la TVA, que le fonds d'aide à la pierre n'est pas alimenté par l'État et qu'il le sera d'autant moins qu'Action Logement va arrêter son financement et qu'on va vivre en 2025 sur les réserves de la FNAP. La RLS, certes il y a eu un geste, mais qui est en bien deçà de la capacité de financement qu'il faudrait redonner aux bailleurs.

Je voudrais aussi faire le lien avec l'austérité imposée aux communes et aux collectivités qui sont des acteurs essentiels pour accompagner la création de logements, qu'il s'agisse des départements, parfois via leurs opérateurs départementaux, ou des communes en apportant des financements sur les questions de foncier et tous les équipements publics. Cette austérité contribue à assécher la création de logements et l'aide aux bailleurs.

Sur la question du logement privé, le PTZ est une bonne chose, nous en sommes d'accord, mais il reste des vraies questions sur l'encadrement des loyers dont on a parlé. J'entends en tout cas en perspective la question de la simplification, pourquoi pas, mais au service de quels objectifs ? Parce que la simplification n'est pas un mantra en soi, cela dépend des objectifs qu'elle sert. Et là-dessus, il faudrait en effet que cela soit plus clair.

Également, sur la question du logement des salariés du privé, dans le cadre d'une politique de réindustrialisation, il faut bien placer des logements auprès des entreprises qui vont se créer. Aujourd'hui, il n'y a pas de perspective, comme il n'y a pas de perspective pour ces agents essentiels que sont les agents des services publics. Un rapport a été commis sur cette question. Il faudra passer à l'acte, sinon, on va contribuer à abîmer nos services publics si on n'est pas capable d'assurer le logement de ses agents.

Je voudrais finir par une note plus positive. Je partage ce qu'a dit Viviane Artigalas. Ma commune a pu bénéficier du projet Démos et je peux vous dire la grande fierté que cela donne à une commune, à ses enfants, à sa population, que d'accéder à la musique classique, que d'aller faire un concert à la Philharmonie. C'est une fierté pour toute une ville, pour toute une population. Et rien n'est trop beau pour nos habitants.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci. Je salue Nadia Sollogoub, qui est rapporteure pour avis au titre de la commission des affaires sociales sur les crédits 177, sur l'hébergement, à qui je laisse la parole.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteure pour avis. - Merci pour l'invitation à participer à votre réunion. C'est très constructif, très intéressant pour moi.

Mes auditions et mon analyse vont dans le même sens, bien évidemment, que celle d'Amel Gacquerre.

Première chose à constater : un budget qui est maintenu et un nombre de places qui est maintenu. C'est à souligner, au moment où on voit que tous les budgets ont subi des coups de rabot. C'est le signe de la volonté du gouvernement sur ce sujet. Après, je voudrais faire trois observations, car la situation est bancale et on va faire de la casse.

La première des choses, et Amel Gacquerre l'a très bien dit, le budget est chroniquement sous-doté. Mais ce n'est pas de cette année. Depuis deux exercices déjà, on commence l'année budgétaire en sachant qu'il va manquer 250 millions et on voit en fin d'année si on les trouve. Et on annonce aux opérateurs du sans-abrisme, en décembre à peu près, qu'ils vont toucher les 250 millions pour boucher le trou.

La plupart des personnes auditionnées nous parle de situations de trésorerie complètement délirantes. Une association me disait qu'il leur manquait 9 millions d'euros. Elle ne peut plus fonctionner comme ça. L'année prochaine, il manquera la moitié des opérateurs parce qu'on les met dans une telle situation d'incertitude et de danger.

En réalité, ce n'est pas un glissement budgétaire. C'est une dette antérieure qu'on trimballe d'année en année. Donc soit une année, on remet les pendules à zéro et on démarre avec des comptes qui sont assainis, soit on va continuer pareil et on verra en décembre 2025 si on trouve les 250 millions d'euros.

Je le vois sur mon territoire, on va se priver d'opérateurs qui sont absolument essentiels parce qu'ils sont le dernier filet de sécurité. Et après, les gens sont dans la rue. Ces 250 millions, je le souligne, ce n'est pas un glissement budgétaire. Il faut rétablir la situation.

Deuxième chose, sur les 203 000 places qu'on veut maintenir à budget constant, il y a quelque chose qui cloche dans le programme que nous propose le gouvernement. Ce programme est très vertueux : on souhaite une montée en qualité de l'offre. Des chambres d'hôtel à 19 euros, ce n'est pas satisfaisant. On le sait très bien. Il y a des gens qui ne mangent pas à leur faim. Ce sont des conditions d'accueil qui sont complètement épouvantables. C'est juste un toit sur la tête. On ne règle absolument rien de cette manière. Donc, un certain nombre de places doivent basculer en ce qu'on appelle les CHRS, c'est-à-dire avec un accompagnement social, etc.

Sauf que c'est très simple : à budget constant, maintenir 203 000 places alors qu'il y en a certaines qui vont coûter deux fois plus cher, ce n'est pas possible. Donc là, pour réaliser cette augmentation de la qualité de l'hébergement, il manque 70 millions d'euros, il faut bien se le dire, car il est vrai que ce serait vraiment l'idéal de pouvoir aller vers des places plus qualitatives.

Et dernier sujet, je ne peux pas m'empêcher d'en parler : c'est l'accueil des Ukrainiens. C'est vrai que parmi les Ukrainiens qui ont été accueillis grâce au système de l'intermédiation locative, un grand nombre d'entre eux a pu trouver leur autonomie, travailler, etc.

Mais on sait très bien qu'on a accueilli aussi des personnes âgées, des personnes handicapées, des gens qui n'ont pas pu retourner à l'emploi. On démarre avec zéro sur ce budget-là. La communauté ukrainienne le sait très bien. Ils sont tous en train de demander l'asile.

Juste un chiffre, ils sont 45 000 à ne pas avoir trouvé leur autonomie en France. Et en moyenne, ils ont l'asile à 85 %, de telle sorte qu'on va faire exploser les demandes d'asile et qu'on ne va rien régler à la situation de leur hébergement.

M. Yannick Jadot. - Merci, Madame la présidente. Et merci aux deux rapporteures. Ce qui vient d'être dit sur l'hébergement d'urgence est un signal d'alerte extrêmement fort pour des personnes et parfois des femmes avec enfants qui ne trouvent pas d'hébergement et qui dorment dans la rue, cela a été dit.

De manière générale, on attendait un sursaut au regard du diagnostic qui a été posé sur le parcours résidentiel, sur le logement social, sur les difficultés de logement de beaucoup de nos compatriotes. En fait, la fin de la dégringolade ne constitue pas en soi-même un sursaut.

Cela a été dit, on a une ministre engagée incontestablement qui arrache des décisions ici ou là. 200 millions sur la RLS, c'est une rupture par rapport à ce qui se faisait avant. Cela ne constitue pas non plus une politique proactive car cela ne permettra pas de relancer le logement social dans notre pays.

C'est-à-dire qu'on peut faire de la méthode Coué en disant « j'ai arraché 200 millions ». Et donc tout le monde se met maintenant à refaire du logement social. Malheureusement, cela ne va pas être suffisant.

Madame la présidente, vous avez pris l'initiative l'année dernière de réunir tous les acteurs du logement. Ils avaient aussi dit, et c'est tant mieux, que le Pinel n'est pas parfait, que le PTZ n'est pas parfait, mais que les supprimer serait une catastrophe.

Donc on retrouve ces outils-là. Là aussi, tant mieux. Mais au regard encore une fois du diagnostic qui est posé, on ne peut pas s'en satisfaire.

On ne peut pas considérer que c'est la première préoccupation des Françaises et des Français, que trop de gens, aujourd'hui, sont en réelle difficulté matin, midi et soir du fait de leur logement, du fait des difficultés de pouvoir d'achat, pour se satisfaire de ce volet-là.

Quant aux collectivités, cela a été dit aussi, si on prend à la fois la politique de la ville et tous les budgets qui leurs sont dévolus et qui sont en réduction, on voit bien que les capacités d'investissement des collectivités sont sacrément reniées. Là aussi, on ne peut pas être satisfait de ce qui est proposé. Il y a là une forme de cynisme sur la politique de la ville qui n'est pas à la hauteur des difficultés de nos compatriotes et du sursaut nécessaire. Donc pour nous, ce sera un vote contre les deux volets des crédits de la mission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je rappelle tout de même le temps extrêmement court qu'a eu la ministre du logement pour faire ces quelques avancées, entre le moment de sa nomination et le moment où nous discutons dans le cadre du PLF, et où nous présentons ces rapports sur les différentes missions.

M. Jean-Marc Boyer. - Merci, Madame la présidente. La loi de rénovation urbaine impacte aujourd'hui fortement certaines communes et, en particulier des communes touristiques et thermales, en leur imposant un nombre important de réalisations de logements sociaux, qu'elles ne peuvent pas réaliser financièrement parce que le différentiel est beaucoup trop important.

Je prends un exemple : jusqu'à 300 000 euros par an de pénalités ! Alors, avec la meilleure volonté du monde, ils n'y arriveront pas. Donc quelles solutions ?

Premièrement, la possibilité d'étaler dans le temps. C'est la première chose. Et la deuxième chose, est-ce qu'il ne serait pas plus judicieux de consacrer ces sommes à de la rénovation de logements sociaux plutôt qu'à des pénalités ?

M. Philippe Grosvalet. - Merci madame la présidente. Dans la même veine de ce que disait notre collègue Yannick Jadot, entre l'océan à vider ou remplir à la petite cuillère, et le verre à moitié vide ou à moitié plein dont on pourrait se contenter sur une politique aussi nécessaire pour nos concitoyens, quand on voit aujourd'hui l'ampleur de la tâche, qui avait été maintes fois soulignée dans cette commission et dans cette assemblée sur le nombre de logements à construire, des dizaines de milliers de demandes de logements, dans mon département par exemple, qui s'accumulent et qui ne trouvent pas de réponse, quand on voit le parc de logements, Amel Gacquerre évoquait la réhabilitation d'une tour sans doute exemplaire, mais il y a des centaines de milliers de logements à réhabiliter, l'enjeu est tel qu'effectivement, les mesures annoncées, aussi positives soient-elles, aussi attendues qu'elles étaient, ne sont absolument pas à la hauteur du défi que nous avons, tous ici, soulevés.

Je suis inquiet parce que, effectivement, c'est compliqué de construire des politiques de très long terme sur des sujets qui nous engagent et sur des investissements qui vont évidemment bien au-delà de l'immédiat.

Alors, on souligne tous évidemment à la fois la bonne foi et surtout la détermination de notre ministre et elle a, de ce fait, reçu un crédit de la part de tous les acteurs, les parlementaires mais aussi des acteurs du logement. Mais je crains alors le paradoxe qui serait qu'elle cache au fond, par ses engagements, la difficulté à répondre à l'ampleur de la tâche.

Sur la politique que nous a présentée Viviane Artigalas, je voudrais d'abord la remercier de sa visite. C'est toujours important pour nos élus locaux, je vous le dis Madame la présidente, quand nous recevons des parlementaires en mission, à la fois de faire la démonstration de ce qu'ils font et de souligner les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Après avoir ramené Viviane Artiglas, qui parlait de narcotrafic, à la gare, j'ai discuté avec deux policiers qui venaient d'assister à une fusillade à l'arme lourde dans une ville somme toute moyenne et à quelques centaines de mètres de la gare. Donc, on a effectivement des difficultés.

Je voudrais aussi souligner la difficulté dans laquelle nous allons nous retrouver sur les questions de politique de la ville pour financer l'ensemble des actions qu'elle évoquait, par exemple en matière de musique classique, en raison du désengagement de nos collectivités locales. Nous aurons sans doute l'occasion de parler beaucoup des finances des départements, mais, ce matin dans la presse régionale, la présidente de la région des Pays de la Loire, qui n'est pas de ma famille politique, annonce des suppressions colossales. Je rappelle que c'est la région que Bruno Retailleau a présidée. Mais ces suppressions de subventions dans le domaine culturel, puisque c'était l'objet de ce rapport, sont bien au-delà, je le dis, bien au-delà des difficultés financières.

Alors si on ajoute l'État, les régions, les départements et demain nos communes elles-mêmes, je suis très inquiet pour toutes les politiques d'accompagnement social et culturel dans nos quartiers qui, au-delà des aspects qui étaient évoqués, permettent de tenir. C'est la trame du tissu social qui se construit et qui risque d'être mise à mal. Et si la trame cède, nous allons au-devant de difficultés importantes dans nos villes et dans nos quartiers.

Ainsi, nous nous abstiendrons pour tenir compte des progrès, mais aussi pour dire combien le chemin est encore long.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Je vais commencer par aborder trois points sur lesquels nous sommes d'accord.

Le premier, c'est la gravité de la crise du logement. Marianne Margaté l'a rappelé, en évoquant aujourd'hui tous les sujets qui font cette crise. C'est un constat unanimement partagé sur tous les bancs de cet hémicycle et à l'Assemblée nationale également d'ailleurs. On a vraiment aujourd'hui un consensus là-dessus.

Deuxième point sur lequel on peut être d'accord, c'est le déni du gouvernement pendant des années sur cette crise qui s'est aggravée.

Et puis le troisième, c'est l'unanimité dans l'accueil des premières mesures aujourd'hui portées par le gouvernement, notamment par le Premier ministre, mais également par la ministre Létard. Pourquoi est-ce important de rappeler tous ces points-là ? Parce que ça permet aussi de mesurer à quel point ce qui est en train de se passer aujourd'hui est quelque chose d'assez inattendu.

Sur la RLS, je vais prendre ce point-là parce que c'est un sujet sur lequel on a eu l'occasion de débattre à plusieurs reprises. Pendant six ans, on a été tous unanimes pour dire qu'il fallait absolument faire quelque chose. S'il y a trois mois ou six mois, on nous avait dit qu'on allait réussir à bouger sur ce point-là, je pense qu'on l'aurait difficilement cru et pourtant, la ministre Létard a réussi à le faire.

Ce que j'essaye de dire là maintenant, c'est que oui, vous avez raison, le chantier est énorme, il va demander des mesures structurelles, mais il y a aussi des mesures d'urgence à prendre. Aujourd'hui, force est de constater que quelques mesures sont portées de façon assez unanime par la plupart des acteurs que nous rencontrons très régulièrement. Il n'y en a pas cinquante. Tous les acteurs aussi ont bien compris qu'ils ne pouvaient pas tout demander. Et ça, c'est quelque chose aussi d'exceptionnel, de formidable et qu'on peut reconnaître à tous les acteurs. C'est d'avoir été capable aujourd'hui de dire écoutez, on comprend. Il y a un contexte budgétaire et politique compliqué. Et donc, dans ce contexte-là, voilà nous ce qui nous paraît extrêmement important ce sont ces mesures essentielles.

Il y avait, je le redis, la RLS, avec donc la possibilité de dégager des fonds propres pour les bailleurs sociaux. Il y avait le PTZ, sur tout le territoire, sur le neuf, notamment sur du collectif mais aussi sur l'individuel. Et, il y a aussi la fin du Pinel, sur laquelle on avait tous des discussions compte tenu de son importance pour la construction. Pour remédier en partie à son arrêt, il y a aujourd'hui sur la table cette exonération des donations, notamment sur de l'achat en primo-accession. Or, nous avons eu, sur tous ces points un engagement de la ministre et donc du gouvernement sur ces points-là.

Et donc, ce que je dis au travers de ce rapport, c'est oui, bien sûr, encore une fois, on a un travail et des chantiers énormes. Mais je pense sincèrement qu'il faut saluer ce changement de cap que nous attendions tous et auquel nous avions encore du mal à croire il y a encore quelques temps.

Merci beaucoup en tout cas, j'ai entendu l'abstention et je pense que c'est judicieux et c'est intéressant d'avoir cette position-là.

Je comprends tout à fait aussi votre position qui veut dire que ce n'est pas suffisant. Mais je pense qu'il faut encore une fois reconnaître qu'il y a un vrai pas qui a été fait.

Je ne vais pas rebondir sur ce qu'a très bien dit Nadia Sollogoub avec des éléments très précis sur l'hébergement d'urgence. Son propos est clair et je le partage. On a pu avoir des auditions et des rencontres aussi sur le terrain, puisqu'on vit sur le terrain, extrêmement préoccupantes. Je ne vais pas revenir là-dessus. Un amendement, de toute façon, va dans le sens évoqué par Nadia Sollogoub.

Je pense qu'aujourd'hui qu'on est tous d'accord pour arrêter cette situation où il n'est pas possible de donner à nos acteurs associatifs bénévoles d'avoir de la lisibilité et de visibilité sur un travail ô combien aujourd'hui essentiel, parce qu'humain.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je voudrais également signaler que la ministre du Logement a aussi obtenu, avant la baisse des 200 millions d'euros sur la RLS, la non-indexation de la RLS. Ce n'est pas neutre non plus.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Merci Madame la présidente. Pour répondre à Philippe Grosvalet sur la question des collectivités locales et les programmes culturels, je voulais rappeler que le programme Démos est aussi implanté dans les zones rurales et qu'on voit bien aussi que cet accompagnement des collectivités est important pour tout ce qui concerne la culture. On voit bien que cet accompagnement risque de manquer au développement de la culture sur tous nos territoires, quels qu'ils soient, quartiers politiques de la ville certes, comme les territoires ruraux et les villes moyennes.

Philippe Grosvalet l'a dit, on a bien vu, lors des émeutes, que les difficultés se sont aussi portées sur des villes moyennes qui n'ont pas de quartier politique de la ville. Il y a là vraiment un souci et une attention particulière à avoir.

On voit comment, dans les quartiers, la politique de la ville progresse quand même et améliore la vie des habitants. Mais des problèmes sont encore à résoudre.

Madame la présidente, je vais dire un mot pour mon groupe, et non pas en tant que rapporteure. Je reconnais aussi les efforts qui sont faits par la ministre en peu de temps pour obtenir des résultats. Mais ce budget est aussi la concrétisation d'années de désengagement de l'État sur ce sujet du logement comme de la politique de la ville et de la rénovation urbaine.

Donc, mon groupe et moi, nous voterons contre les crédits de cette mission cohésion des territoires. Je rappelle bien que ce sont des crédits groupés. Nous votons sur la mission, donc sur les deux rapports, de telle sorte que notre groupe votera contre ces crédits.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Concernant la loi SRU, c'est un sujet qui ne relève pas aujourd'hui, bien évidemment, du PLF, ni de la question de la crise du logement en tant que telle.

Pour autant, la ministre du logement en a bien conscience. Elle a commis avec moi un rapport qui nous a permis d'avancer un petit peu sur ce sujet, de trouver plus d'assouplissement, plus de différenciation entre les collectivités. Nous verrons comment elle entend cheminer sur ce sujet, dont on sait qu'il reste, pour un grand nombre d'élus dans un certain nombre de territoires, une grosse difficulté et qui, bien évidemment, n'est pas neutre pour les finances locales.

Nous passons à la présentation des amendements.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Cet amendement vise, je viens de l'aborder, à augmenter de 280 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 12 « Hébergement et logement adapté » du programme 177. Nous l'avons dit et redit, ce programme est sous-doté d'au moins 250 millions d'euros, ce qui avait été constaté dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2024, où ce montant a été ajouté.

Cela recoupe la prise en charge des 203 000 places pour 130 millions d'euros ; les primes du Ségur qui s'étendent maintenant au personnel du programme 177 pour un montant de 88 millions d'euros, comme l'avait demandé la commission des affaires économiques les années passées, et le coût de l'accueil des réfugiés ukrainiens pour un montant de 30 millions d'euros.

Je vous le redis, au moins 280 millions d'euros manquent à l'appel dès le 1er janvier 2025, fragilisant tout le tissu associatif. Donc, logiquement et de manière très documentée, je rejoins encore une fois les propos Nadia Sollogoub, la commission propose aujourd'hui d'y remédier en procédant au rebasage des crédits du programme 177, pour un montant de 280 millions d'euros.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis. - Comme dit dans ma présentation, je vous propose d'augmenter de 50 millions d'euros les crédits de paiement de l'action 4 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » du programme 147 pour la politique de la ville.

L'État s'était engagé d'ici à 2023 à verser 10 % des montants affectés au nouveau programme national de renouvellement urbain, soit 1,2 milliard d'euros sur 12 milliards au total. Or, à ce jour, seuls 107 millions d'euros ont été versés à l'ANRU par l'État. Ce financement insuffisant du NPNRU par l'État va, à moyen terme, perturber la mise en oeuvre du programme. Cela ne suffira pas mais cet amendement est aussi symbolique, pour montrer qu'il faut accompagner l'ANRU dans l'objectif de finir le NPNRU.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

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