B. UN BUDGET ILLISIBLE, QUI NE PERMET PAS AU PARLEMENT D'APPRÉCIER LA POLITIQUE INDUSTRIELLE DU GOUVERNEMENT

1. Un budget de politique industrielle éclaté

Comme les années précédentes, la commission des affaires économiques remarque que la mission « Économie » ne représente que la portion congrue de la politique industrielle de la France. À l'exclusion de la compensation carbone, la plupart des aides directes ou indirectes à l'industrie passent par le plan France 2030, dont les montants (5,8 Md€ en CP prévus dans le PLF 2025) sont sans commune mesure avec les crédits de la mission « Économie ». Le programme Territoires d'industrie est quant à lui financé sur la mission « Cohésion des territoires »6(*), via les crédits versés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

La commission des affaires économiques déplore l'éclatement de ces moyens, qui n'offre pas une visibilité satisfaisante sur la conduite de la politique industrielle française, alors même que la réindustrialisation a été érigée en priorité nationale par le Président de la République et les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2017. Elle s'interroge en outre sur cette répartition, qui pourrait laisser à penser que la seule industrie digne d'intérêt serait celle des grandes entreprises, vertes et innovantes, à même de répondre aux appels d'offres France 2030, alors même que 70 % des capacités de réindustrialisation se trouvent au sein de l'industrie déjà implantée sur le territoire français7(*).

2. Doubler les crédits de la politique industrielle d'un coup de baguette magique ?

Dans le PLF 2025 soumis à l'examen du Parlement, la seule nouvelle ligne dédiée à l'industrie de la mission « Économie » concerne la décarbonation de l'industrie. Ayant vocation à prendre le relais d'appels à projets auparavant financés via France 2030, elle n'est cependant dotée que de 50 M€ (en AE=CP), bien loin des 50 à 70 Mds€ d'investissements nécessaires et surcoûts estimés par le ministère en charge de l'industrie pour la période 2023-2030 pour financer la décarbonation de l'industrie française8(*).

Cependant, un amendement déposé9(*) à l'Assemblée nationale par le Gouvernement - et déposé à l'identique par M. Roland Lescure, ancien ministre de l'industrie - vise à abonder cette enveloppe à hauteur de 1,55 Md€ afin de « donner de la visibilité aux porteurs de projet dès à présent pour sécuriser la mise en service de projets à moyen terme »10(*). Le détail des mesures qui pourraient être ainsi financées, qui visent à soutenir la décarbonation de l'industrie existante, n'est à ce stade pas connu, ce qui ne permet pas une évaluation fine de leur opportunité.

Si l'objectif de soutien à la décarbonation de l'industrie est partagé par la commission des affaires économiques, la méthode, qui fait plus que doubler, par amendement, le montant total des crédits de la mission consacrés aux politiques industrielles, a de quoi interroger.

Dans le contexte budgétaire actuel, et au vu de l'ampleur des annulations de crédit en 2024, la crédibilité de cette enveloppe - dotée pour 2025 uniquement en AE - et, partant, son effet incitatif pour les entreprises, peuvent également être mis en doute.


* 6 Programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ».

* 7 Bpifrance, « Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile », mai 2024.

* 8 Le plan France 2030 comprend également des crédits consacrés à la décarbonation de l'industrie, à hauteur de 4,5 Mds€ au total depuis sa création.

* 9 Non examiné en séance publique, du fait du rejet par l'Assemblée nationale de la première partie du PLF.

* 10 Exposés des motifs des deux amendements.

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