N° 145 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
TOME I AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES |
Par MM. Laurent DUPLOMB, Franck MENONVILLE Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Dans un contexte budgétaire exceptionnel et suivant l'avis majoritaire des rapporteurs pour avis Laurent Duplomb (Les Républicains - Haute-Loire), Franck Menonville (Union centriste - Meuse) et Jean-Claude Tissot (Socialiste, écologiste et républicain - Loire), la commission des affaires économiques propose l'adoption des crédits du Casdar et de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (Maafar), malgré une baisse des moyens de cette dernière de 6,5 % en crédits de paiement (CP) et de 13,5 % en autorisations d'engagement (AE).
Face à la forte augmentation ces dernières années des dépenses liées aux crises agricoles, au sein de la Maafar comme d'autres véhicules, sans bien sûr remettre en cause la nécessité de réagir aux crises « en pompier » pour éteindre l'incendie lorsqu'il est déclaré, les rapporteurs proposent de concevoir davantage les dépenses de la Maafar « en architecte », afin de prévenir, en amont, autant que faire se peut, l'impact des crises. À cette fin, les rapporteurs défendent 15 pistes pour améliorer l'efficience de la dépense et 7 amendements, dans trois domaines :
- les leviers pour améliorer la résilience de la ferme France face aux aléas économiques,
- la gouvernance de la prévention et la gestion des crises sanitaires dans l'élevage,
- et le besoin de continuité dans le financement du plan de renouvellement forestier.
Chiffres clés
I. BUDGET 2025 : UN PAS EN ARRIÈRE, APRÈS TROIS PAS EN AVANT EN 2024 ET UN SOLDE LARGEMENT POSITIF PAR RAPPORT À 2023
A. UN BUDGET DE CONSOLIDATION QUI SE TRADUIT PAR UNE PAUSE DANS LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE, APRÈS UNE FORTE HAUSSE EN 2024
Avec 4,4 Md€ en CP et 4,6 Md€ en AE, la Maafar est en baisse d'environ 6,5 % en CP (- 0,3 Md€) et 13,5 % en AE (- 0,7 Md€). Dans le détail, le programme 149 (compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, 2,5 Md€) diminue de près de 11 % en CP (- 0,3 Md€) et 21 % en AE (- 0,7 Md€), tandis que le programme 206 (sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, 0,9 Md€) diminue de 5 % en CP et 11 % en AE (- 0,1 Md€).
Pour impressionnante qu'elle soit en apparence, cette évolution est à replacer dans le contexte de la forte hausse des moyens de la mission en 2024, de 23 % en CP, soit + 0,9 Md€, et de 38 % en AE, soit + 1,5 Md€, dont la presque totalité était attribuable à l'ajout de financements dédiés à la planification écologique. Au total, le ministère communique à raison sur une hausse de 12 % en CP (+ 0,7 Md€), et de 15 % en AE (+ 0,9 Md€), par rapport à 2023.
En 2025, la majeure partie de la baisse s'explique en miroir par la non-reconduction de crédits de la planification écologique, en baisse de 64 % en AE et de 50 % en CP. Répartis entre les programmes 149 et 206, ces crédits recouvraient des politiques telles que le fonds souveraineté alimentaire et transitions, la décarbonation en agriculture ou encore le plan haies.
Les rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville jugent logique cette diminution au regard des fortes contraintes de rigueur qui pèsent sur l'élaboration de ce budget et devant la nécessité d'honorer les engagements pris en urgence pour répondre à la contestation. Le rapporteur Jean-Claude Tissot estime, quant à lui, que cette baisse est peu compréhensible au regard des enjeux environnementaux, climatiques et sanitaires actuels.
Une méthode à l'envers qui pose un problème de contrôle démocratique (bis repetita...)
Comme ont eu à le déplorer les députés de tous bords ainsi que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat, le Parlement n'a pas disposé de toute l'information nécessaire pour contrôler l'action du Gouvernement, s'agissant en particulier des crédits de la planification écologique, en raison de la construction en urgence du budget.
Alors que déjà l'an dernier les rapporteurs avaient critiqué la « méthode shadokienne de la planification écologique » (des crédits engagés avant de connaître les objectifs précis des sous-actions financées), cette année les objectifs des sous-actions sont connus, mais les crédits qui leur seraient affectés ne le sont toujours pas, au moment où la commission des affaires économiques doit rendre son avis. La ministre de l'agriculture Annie Genevard a seulement déclaré le 6 novembre, devant la commission, que la répartition avait « vocation à être affinée » et serait communiquée « dans les prochains jours ». Il semble que le Gouvernement se contenterait finalement d'une simple information du Parlement sans modifier la répartition entre sous-actions, qui peut en effet être réalisée en cours de gestion.
Par ailleurs, les rapporteurs n'ont pu disposer à temps du détail des mesures supplémentaires d'économies transversales que le Gouvernement avait annoncé prendre par amendement. Certaines sources indiquaient que la mission pourrait être amputée de 98 M€, dont 74 M€ sur le programme 149 et 14 M€ sur le programme 206, sans plus de précision. Les rapporteurs prennent acte de ce que les ministères couverts par une loi de programmation sont épargnés, mais pas l'agriculture, alors qu'un projet de loi d'orientation est en cours d'examen.